-
Par lenaig boudig le 28 Mars 2011 à 20:31
L’histoire se répète
Mon plus beau voyage
Avril 2009
Avril frileux au Québec s’éternise après un hiver froid à fendre l’âme, hiver si long à mourir d’envie de soleil sur sa peau et sur son museau. Ici, même l’ours hiberne pour dormir sur cette exécrable condition de vie.
Ce cinq avril crache à ma fenêtre sa neige à gros flocons qui viennent me narguer en abusant de mon impatience. C’en est assez ! Je décampe.
Vite sur Google, à la pie du monde, je demande un forfait voyage pour deux, dans les Caraïbes, quinze jours. La pie bavarde me chante les mérites du Brisas Trinidad Del Mar à Cuba. Cette offre est acceptée illico.
Je grimpe à l’étage, sors les valises, les passeports, et y engouffre tout le nécessaire en deux temps, trois mouvements.
Au retour de mon Grand-Loup, deux valises attendent prêtes à être empoignées pour fuir avec elles ce temps polaire qui n’a pas l’air du tout d’en finir.
Grand-Loup ne part jamais sans sa bicyclette. Ma rivale en quelque sorte.
Débarquement Cienfuegos à Cuba. Fous comme des balais sortis d’une armoire à glace, on s’enivre de chaudes sensations de soleil qui nous tombent de partout dessus. Un choc, pas culturel, dehors il fait 36 degrés Celsius, il y a quatre heures, chez nous, dix degrés sous zéro.
Arrivés à l’hôtel, c’est la course à la mer. Tant d’émerveillement face à cette eau d’émeraude scintillante qui danse dans la lumière du soleil. On y plonge, on roule avec comme des larrons en foire. Rafraîchi, Grand-Loup ne peut résister à l’appel du désir d’enfourcher ma rivale comme j’ai dévoilé plus haut. Un vrai cycliste qui n’a pas touché à sa monture depuis des mois d’un hiver en neige et en glace, succombe à la première occasion comme un héroïnomane. Ma rivale est partie avec lui plus heureux qu’un poisson dans l’eau.
Grand-Loup s’est vautré dans son plaisir retrouvé jusqu’à l’heure du souper. Une douche vite fait, il me rejoint au bord de la piscine. Un Pina Colada à la main, je déguste ce paradis puis je lève la tête pour faire la bise à Grand-Loup qui semble vidé de son sang par sa pâleur. Inquiète, il me rassure. Il a poussé fort pour se refaire les jambes.
Quand minuit sonne, je dors bercée par le rythme des vagues resté marqué dans mon corps. Des plaintes me réveillent. Mon amour agonise presque. Panique. Je sors de notre chambre en robe de nuit. Je ne parle pas espagnol. Un employé m’aperçoit, à mon expression de détresse, il a vite compris mon S.O.S. En moins d’une minute, une infirmière arrive au chevet du grand malade étendu, inconscient sur le sol de la salle de bains. Elle prend les signes vitaux, je vois bien à sa mine qu’elle aussi s’inquiète. Rapidement, elle demande une ambulance et le médecin. Tant bien que mal, je finis par comprendre qu’il faut quinze minutes avant l’arrivée de ces derniers. Autour de lui, elle rôde comme un ange en alerte. Elle tente plusieurs manœuvres pour le ranimer. En vain. Elle me regarde, me fait signe de négation avec la tête, sors en courant de la chambre, reviens aussi vite que possible, une énorme seringue entre ses doigts et, sans perdre un instant, la plante dans la veine du bras de mon Grand-Loup. Peu à peu les convulsions cessent et il reprend conscience. Je respire enfin et vois l’immense soulagement de l’infirmière réjouie par le résultat. Ce soir-là, elle a sauvé la vie de mon Grand-Loup. Un ange sur notre route au bon moment. Sa longue expérience et sa volonté d’agir avant l’arrivée du médecin, a fait la différence. Elle a pris un risque, le bon. Sans son intervention et sa juste décision, le cœur aurait lâché comme le médecin nous l’a appris plus tard. Victime de déshydratation.
Depuis, j’ai une nouvelle sœur dans ma vie. C’est Gladys, l’infirmière-ange sur mon chemin. Je retourne trois ou quatre fois par année à Cuba pour visiter ma sœur de cœur et sa famille. Je lui dois tout le bonheur d’avoir auprès de moi mon Grand-Loup qui roule encore comme un fou avec ma rivale. À mon tour, je rôde et je veille au meilleur sort pour ma nouvelle famille cubaine.
Encore quelques jours, et nous serons elle et moi, à marcher dans les rues de Trinidad pour fêter nos retrouvailles. Pour le Grand-Loup, il roulera dans les alentours et nous rejoindra à l’heure des victuailles. Comment un voyage peut-il être plus beau que celui qui m’a donné la vie sauvée de mon Loup, une sœur-ange et le plaisir d’y retourner.
***
Aujourd’hui, 28 mars 2011, il neige encore dehors, le thermomètre oscille entre moins dix et moins cinq, sans compter le facteur éolien qui refroidit tout avec ses vents du nord. Les ourses québécoises nous ont dit que c’était le printemps. Elles sont comme les marmottes. Elles parlent à travers leur chapeau.
Je suis clouée au lit depuis une semaine par une méchante labyrinthite, mais au diable la Sibérie québécoise, je prends mes pilules et je m’enfuis à Trinidad. Je resterai couchée sur une chaise de plage, au chaud devant la mer, un bon livre entre les mains. Départ le 7 avril prochain. De l’hiver, j’en ai plein le pompon !
Pour plus de sécurité, je laisse le Grand Loup à la maison en espérant que son vélo restera sur la glace pendant mon absence. N’y voyez pas de méchanceté de ma part, mais plutôt une mesure de prudence envers lui si je veux le retrouver à mon retour, en un seul morceau.
Marie-Louve
6 commentaires -
Par lenaig boudig le 25 Mars 2011 à 18:00
Envoyées à un agent ou agente de la Commission de la santé et de la sécurité au travail pour les travailleurs québécois.
***
Abayrationtown, Qc. Vendredi le 16 février 2010
Madame, Monsieur, de la CSST, La malle a pas dû marcher. Les fils dehors ont gelé raides ou bedon c'est vous à l'autre bout de la toile des touches électriques du Net qui ne pognez pas mon courrielle sur vote bureau. Ça ne peut pas être les écureuils qui auraient grugé les câbles, je les ai empoisonnés.
Tout ça pour vous dire que j’ai attendu sur un pied de grue mes tchèques toute la journée du jeudi dernier. Pis y'en avaient pas. Je tiens à un fil de la vie moi madame. Attendez-vous que je me meure abandonnée ici à attendre! Je me réiterre de ma demande et vous rappelle que je me suis blessée sciemment en pensant à me devoir trouver une job pour me survivre.
En me penchant pour ramasser le gros livre des pages jaunes, tous les narfs de ma colmbe vertérable se sont coincés. Après, plus capable d'ouvrir le feuilleton des modes d'emplois sur le marché du travail. Qu'est-ce ça vous prend de plus pour être invalide?
Je vous fais le serrement de ma maladie devant le juge s'il le faut. Si la malle passe pas, vous pouvez venir me porter mes tcèques avec vous-même. Je vous signerai un papier pour votre millage remboursable par la CSST. Je connais mes droits, vous madame !
Je refuse que vous m’évoquiez le décollage horaire pour vous excuser du retard. Ayez donc l'obéissance de recevoir mes salutaires distinctions et je demeure à votre attention en attendant mes tchèques.
Géraldine Sansoucy, votre dévouée prestaterre.
P.S : Marquez mon nom sur mes tchèques.
***
Abayrationtown, Qc. Mardi le 20 février 2010
Madame, Monsieur, CSST, Étais-tu là, elle? C’est la deuxième fois que je me réiterre ma demande. Je vous envoie mon nom pour être su la liste des gros tchèques. Si vous avez besoin d'un portrait de ma maladie, j'en ai plusieurs. Dites-moi lequel vous désirez. J’ai des radiographies de fractures de tout genre, des photos de moi dans un corset ou en chaise roulante.
C’est pas compliqué, juste me le dire et vous classerez ma photo dans votre dossier qui est ma preuve. Mallez mon tchèque le lundi, je reçois ma malle le jeudi. Les autres jours, je ne suis pas là. Je livre des pizzas sous la table. Je peux vous donner d'autres adresses si c'est pas la bonne journée pour vous autres à CSST.
Vous voyez-vous-tu, je reçois mon tchèque de B.S. juste une fois par mois et je vous le dis, eux-autres, ils sont des gros sans cœur les ceuses qui travaillent là. Avec mon assurance chômage, j'ai pas de problème. Ça rentre régulier. Quand une adresse fucke, je donne une des autres sans aucun problème. Mes prestations de la SAAQ achèvent ! Les écœurants, après trois ans, y m’disent que chu pus dans leur programme de victimes.
Comme je me suis blessée en pensant me trouver une job, je suis sur vos plans d'accidenté au travail. Comme ça, je perdrai pas trop de mes salaires que j'ai beaucoup besoin pour me survivre. Surtout depuis que mon dernier mari est parti avec la bonne, la celle que j'avais moi-même achetée pis payée avec mon argent du B.S. Je l'avais choisie d'assez loin qu'on pouvait pas la voir en-dessous de ses grandes robes avec des voiles dans face, juste une petite moustiquaire pour ses yeux. Ben, mon sale mâle, y'a levé les feutres avec elle.
Alors là, vous comprendrez qu'en plus d'être malade, je suis blessée au cœur meurtri et j’ai le male au ventre sans cesse. Je pense que je pourrais être couverte par les crimes contre le racisme. Si vous avez des documents pour ça mallez-moi les avec mes tchèques. Je reste seule avec moi-même maintenant et j'attends mes tchèques que vous aurez l'obéissance de m'envoyer.
Au plaisir d'ouvrir ma boîte aux lettres pour vous recevoir.
Géraldine Sansoucy
***
CSST : Commission de la santé et de la sécurité au travail. Québec. B.S. Aide sociale au Québec déjà connue sous le terme péjoratif de B.S.. Bien-être social.
SAAQ : Régime public d’assurances automobiles pour les victimes accidentées au Québec.
Malle : anglicisme issu du mot « mail » service postal. Mail-man : facteur.
Tchèque : chèque bancaire.
* Ces textes sont des élucubrations. Cependant, ils traitent avec ironie du problème des abuseurs des systèmes de protection sociale mis en place pour venir en aide aux réelles victimes qui ont droit au soutien de notre société.
Ces abuseurs sont un fléau dans notre système et coûtent des centaines de millions aux payeurs de taxes qui souhaitent soutenir socialement les Québécois en difficulté, mais pas les abuseurs.
***
Marie-Louve
14 commentaires -
Par lenaig boudig le 24 Mars 2011 à 07:00
www.delucq.com/.../2008118233954.jpg
Note de Lenaïg : d'abord, petit article et mémo d'Histoire québécoise, cueilli dans un commentaire de Marie-Louve sur la page de Margoton et son Conseil mnémotechnique en chti pour savoir si nous avançons ou reculons les aiguilles en ce jour de changement d'heure.
Ensuite, Marie-Louve a planché sur le nouveau jeu de Marc Varin sur Plumes au vent, elle aussi, et nous fait cadeau de son texte pour le blog. Je suis fière qu'il y figure également.
***
On peut croire que les Québécois arrivés de France pour coloniser la Nouvelle-France au début du 17 e siècle arrivaient soit du Nord de la France ou des autres régions, Saint-Malo, la Normandie etc.
Après la conquête de l'Angleterre,"La bataille des plaines d'Abraham, ou première bataille de Québec, se déroula le 13 septembre 1759, durant la guerre de Sept Ans, à Québec.
Elle opposa les Français défendant la ville assiégée à l’armée britannique attaquante et se solda par la victoire de cette dernière et la mort des deux généraux commandant la bataille, Montcalm et Wolfe. Elle marque le début de la conquête britannique et la fin du régime français en Nouvelle-France." (Source Google).
Les Québécois de langue française sont restés isolés de la France et se sont transmis oralement la culture de leurs ancêtres. Ce n'est qu'après 1950 que l'Instruction publique fut obligatoire au Québec pour tous les citoyens. Quand j'écoute le créole des Haïtiens qui eux aussi, parlent le français, je demeure toujours étonnée. C'est une belle musique le français peu importe ses régions et ses distinctions.
Marie-Louve
***
Être ou paraître ?
Si l'habit ne fait pas le moine, et que les apparences sont trompeuses, comment savoir qui est qui ? Le cheval de Troie en cavale, il court, il court encore le furet : a beau mentir qui vient de loin !
Le paraître et ses apparences ont joué des rôles majeurs pour l’homme et cela de tout temps. Les mythes nous le racontent ainsi que l’observation des comportements humains sur la ligne du temps.
Les Grecs s’en souviennent encore. Ils ont l'idée d'une ruse pour prendre Troie. Épéios construit un cheval géant en bois creux. Là, se cachent les soldats menés par Ulysse. Un visage double, ce cadeau grec, Simon possiblement coiffé de nos jours par le chapeau de relationniste internationale ou d’ambassadeur, réussit à convaincre les Troyens d'accepter ce cadeau grec. Ainsi la belle Hélène changea d’habit et de mari. Pâris gagna ce pari. On pourrait croire que ce célèbre cheval n’était tout compte fait qu’un beau bateau pour dire que l’intelligence de la ruse, pas la triche qui serait un délit ou un crime puisque la ruse est un trait valorisé, permis par les règles de l’usage du jeu ou de l’art dans la société, voire même des accords internationaux.
La littérature nous en offre plein la vue. Le Chat Botté, Belle et la Bête, Cendrillon, Frère Tuck dans Robin des Bois, la vilaine sorcière séductrice qui offre la pomme empoisonnée à la Belle au Bois Dormant. Les exemples pleuvent.
Les visages souvent sont de doux imposteurs. Que de défauts d’esprit se couvrent de leur grâce ! Et que de beaux semblants cachent des âmes basses … écrivait Corneille dans ses Entretiens. Et Confucius d’en remettre : « Je n’ai pas encore vu un homme qui aimât autant qu’on aime une belle apparence. »
« Le plus souvent l’apparence déçoit. Il ne faut pas toujours juger sur ce qu'on voit. » Molière avait’ il raison d’écrire ainsi ?
Que vient faire le « moine-et-son-habit » dans ce proverbe ?
Ironie ? Possiblement.
Après avoir consulté une pie bavarde, celle-ci me raconte qu’en 1297, pour réussir à s’emparer par ruse d’une forteresse bâtie sur un rocher monégasque, François Grimaldi et ses compagnons d’armes, tous déguisés en moines franciscains arrivent à leur fin. Fait rappelé par les armoiries de Monaco. Il faut savoir aussi qu’à l’époque, aujourd’hui, je ne sais, je ne les fréquente pas, mais en ces temps, les moines étaient loin de suivre leurs préceptes. Ils s’appropriaient les biens des pauvres et des riches, n’hésitaient à ripailler, à courir les gueuses ou à trucider à tout-va. L’habit ne fait pas le moine !
Un artifice de séduction ?« L'on m'a dit aussi que vous vous fardiez. Fort bien! Dieu vous a donné un visage, et vous vous en fabriquez un autre. » Extrait des Maximes. J’ignore le nom de l’auteur, mais je la trouve suave.
Les apparences suffisent largement à faire un monde. Le souci de sa propre image, voilà l’incorrigible immaturité de l’homme. Deux citations : Jean Anouilh et Milan Kundera.
Qui porte les habits de l’Empereur ? J)) Je veux voir !Je vous promets que je fermerai les yeux. Peut-être ! J))))
Marie Louve
15 commentaires -
Par lenaig boudig le 22 Mars 2011 à 20:35
Et si nous prenions des nouvelles de nos sémillantes dames d'un certain âge, Cunégonde et Josette ?
Laissons-nous emporter à nouveau par leur vie mouvementée ...
Allons d'abord chez Cunégonde, nous nous rendrons chez Josette juste après !
Pour l'heure, c'est chaud, chaud ! Une fougueuse nuit d'amour commence ...
Plume de Marie-Louve sur cette page, donc pour la première partie du chapitre 7 ...
Un petit jeu, accessoirement :
Dans le défilé d'élégantes mules qui pourront se faire admirer au fil de la lecture, il s'agira :
- de deviner lesquelles sont à Cunégonde,
- de discerner les intruses !
Marie-Louve propose un lien vers une vidéo musicale qu'il n'est pas possible de faire apparaître en direct sur la page.
On est donc invité à cliquer sur ce lien, ou le copier-coller sur son moteur de recherche.
***
Avertissement: Ces textes sont politically incorrects et ne reflètent pas les opinions des auteures.
http://www.dailymotion.com/video/x54z4y_shirley-theroux-un-homme_music
No 7. La grande séduction chez Cunégonde(par Marie-Louve)
Contrairement au vieux proverbe qui disait que l’habit ne faisait pas le moine, Cunégonde toujours au parfum, ne laissait jamais au hasard ses choix de vêtements ni de ses gestes. Pas de Rolex «bling-bling», mais un kimono de fine soie retenu par un ruban doré glisserait avec autant de facilité qu’un patin sur la glace. L’homme de sa vie sorti d’un coup de foudre ou d’un double gros gin, n’avait encore rien vu de sa félinité dans sa belle guêpière accentuant ses charmes féminins. Juchée sur ses mules à talons hauts, elle se pavanait devant son idyllique Poulet en balançant discrètement ses hanches étroites afin d’en faire apparaître l’existence. Tournant comme une hirondelle autour de sa table de cuisine, elle mit en place son argenterie et sa vaisselle du dimanche ainsi que ses coupes de cristal d’Arches importées des vieux pays, mais probablement fabriquées en Chine. Elle jeta les yeux sur son magnum de Baby Duck tout en constatant qu’il était vide. Elle fit demi tour et empoigna d’une main de maîtresse, son gallon de vin Saint-Georges qu’elle regretta avoir choisi au détriment du capiteux Nuits Saint-Georges de Bourgogne. Ne pouvant autrement, elle fera la bombe avec son Saint-Georges et son Poulet. Trop tard pour les regrets.
Pendant ce temps, debout devant la fenêtre ouverte sur la ruelle, l’inspecteur sans devoir, furetait du regard, par déformation professionnelle et il aperçut une grosse dame jouant du balai sur son balcon. Elle lui paraissait louche dans son costume de jogging à l’effigie de Mickey Mouse. Il aurait parié qu’elle faisait le guet de la ruelle. Vendait’ elle de la drogue aux habitués de ces lieux ? Il chassa cette idée, se souvenant qu’il n’était plus au travail, mais bien avec le sosie de sa Lulu si la vie ne lui avait pas ravie pendant sa lune de miel. Il pivota sur lui-même et fut ébloui par la transformation fabuleuse de son hôtesse revêtue d’un chatoyant kimono. Par politesse de gentilhomme, il censura sa pensée, mais tous ses membres se dressèrent pour lui venir en aide de manière courtoise. En toussotant, pour se donner contenance, il ouvrit la conversation :
-Pardonnez-moi, chère madame Cunégonde ! Je suis là à rêver et j’en oublie de vous aider. Laissez-moi nous servir de ce délicieux vin rouge avant de célébrer par un tchin-tchin conventionnel ce merveilleux moment de notre rencontre. Je vois que votre rôle de femme parfaite, vous savez tenir puisque par votre sagesse, vous nous aviez déjà mis les mets chinois à réchauffer. Nous parlons, nous parlons et la patience ne se mange pas froide comme disait ma Lulu.
- Elle avait bien raison votre Lulu. La patience échauffant l’esprit, le corps en tire profit. Ceci dit, pouvons-nous nous tutoyer ? Cela me paraîtrait plus simple et plus intime entre nous, n’est-ce pas ?
Sur ces mots, Paul Poulet s’approcha galamment d’elle en lui tendant une coupe de vin qu’elle accepta en lui roulant des yeux coquins. Enhardi par ce regard invitant, il fit glisser ses doigts sur la peau de soie de son kimono voluptueux à la hauteur de ses fesses. Un frisson parcourut l’échine de Cunégonde qui recula d’un pas avant de se diriger vers sa fenêtre et de tirer les rideaux pour fermer les yeux aux curieux de sa ruelle qui assurément étaient aux premières loges derrière leurs fenêtres pour écornifler chez elle. Elle revint près de lui, approcha son frêle cou de son visage en lui demandant s’il aimait l’odeur de son nouveau parfum. Poulet s’approcha de son corps pour y plonger la tête entre ses deux petits seins. Il apprécia,
-Vous entendez les battements de mon cœur ? Il devient fou de votre odeur de miel et de rosée, celle de ma Lulu. Donnez-moi un double gros gin avant que je ne fasse des folies.Satisfaite de son effet sur son beau Poulet, elle gloussa entre ses bras avant de s’en extirper pour lui préparer un généreux triple gros gin sur glace qu’elle lui tendit en roucoulant,
- Tu as faim Paul ? Laisse-moi te servir la soupe Wrong tong pendant qu’elle est chaude. Quand l’appétit va tout va ! La soirée est jeune, gardons-nous de la patience au chaud.
L’inspecteur, sans résistance se laissa choir sur la chaise capitaine et Cunégonde revint avec son bol de soupe qu’elle déposa devant lui. Sur ses genoux, elle prit place et le fit manger comme un oiseau au nid tout en lui susurrant à l’oreille qu’elle ne comprenait pas ce sans-gêne avec lequel elle se comportait avec lui. Jamais, dans sa vie, elle n’avait agi ainsi. C’était à cause de lui. C’était lui qui lui faisait cet effet. Elle lui chantonna, « Tu me fais tourner la tête, mon manège à moi…» Elle en était confuse, mais cela lui plaisait. Avec orgueil, Paul, mangeait les sons et les sens de Cunégonde pendant que sa main gauche caressait l’entre cuisse de sa nouvelle geisha. Le gros gin avait opéré. La table et les plats restèrent en plan et les deux jeunesses avancées finirent la nuit dans le grand lit blanc de la veuve. L’énergique Paul Poulet, honorablement, fit grimper Cunégonde au septième ciel plus d’une fois. Quand le petit matin les réveilla, ils étaient tous deux à bout d’énergie, mais calmes comme des bébés repus. Paul devait se rendre à son travail. Il hésitait. Il ne voulait plus quitter des bras aussi chauds que ceux de sa Lulu à Tahiti.
- Qu’est-ce que tu dirais si on restait au lit toute la journée ?
- Ce serait trop beau !
- C’est décidé. J’appelle au poste et je me déclare malade.
Cunégonde regardait sa chambre. Les couvertures en désordre, son beau kimono au sol, tous leurs vêtements éparpillés ici et là au hasard de la scène passionnée de leur première nuit d’amour imprévue et son cerveau vacilla. Ciel ! Les voisins ? Les poubelles ! C’était le jour du ramassage des ordures sur la rue Barré. Comme une flèche, elle se leva et elle mit sa robe de chambre en peluche rose bonbon avant de se précipiter dans la cuisine où elle retrouva l’homme de sa vie en train de préparer le café du matin. L’apercevant mettre dans un grand sac à ordures les restes des mets chinois, il lui lança :
-Mais non ma Poupée, laisse-moi faire. Je vais tout faire ça pour toi. Va dans ton lit, je t’apporte ton café et après je vais mettre les ordures dans ta poubelle dehors.
Cunégonde n’en croyait pas ses oreilles. Elle. Poupée. Jamais personne ne lui avait dit des mots aussi beaux. Encore sous le choc de cette tendresse adressée à elle, Cunégonde l’informa qu’elle devait descendre sa poubelle au bord de la rue.
-Je te le redis. Laisse-moi faire. J’ai fait mon appel au poste de police pour les informer de mon absence et en cause, la maladie. Maintenant, je vais prendre soin de toi. Mets-nous de la belle musique douce dans ta chambre. Je finis le café, je descends tes poubelles et je reviens nous préparer un petit déjeuner de roi.Il se tourna pour l’embrasser quand ils entendirent des cris venant de chez les Marsoin. C’était Josette. « Roger ! Roger ! J’te parle pis tu m’écoutes pas. Roger ! C’est les poubelles aujourd’hui. Vite avant qu’elles passent ! C’est toujours pareil avec toé. Chus tannée ! Ça fait trois semaines que tu les oublies. Y’a plus de place sur le balcon. Va me porter ça au chemin tout de suite ! Madame Labelle-Rathé n’aura pas assez de place pour passer nous voir. » - « J’suis pas sourd Josette ! Tu sauras Josette Marsoin que mes poubelles sont déjà au chemin. Celles qui traînent, c’est celles de la Brouillette-Légaré. Pis, Labelle-Rathé a l’a juste à maigrir si a veut passer !» - « Tais-toé Roger ! Si t’étais gros comme elle, tu ne dirais pas la même chose. C’est parce que c’est une femme qu’elle n’a pas le droit d’être grosse ? T’as vu la grande horloge à côté ! Viens pas me dire que ce paquet d’os en longueur, c’est du joli ! Pis à part de ça, je sais que tu as découché avant-hier. Prends-moi pas pour une dinde. Je dormais, mais je le sais que tu as découché. …»
Ahuri, Paul Poulet referma la porte du garde-manger pour faire taire cette conversation intime dans la vie du couple d’à côté. Il prit Cunégonde dans ses bras, lui tapota les fesses et lui dit :
-On ne va pas se gâcher notre belle journée en écoutant aux portes de telles folies. On a mieux à faire ma Poupée.
Cunégonde croyait rêver. Elle devait dormir, ne pas être réveillée. Pour en être certaine, elle toucha la poitrine gonflée de son Poulet, inspira profondément et lui annonça qu’elle allait prendre une douche. C’est ça. Une douche la réveillerait. Pourtant Boulette était bien là. Elle avait fait le tour des mets chinois pendant la nuit et ainsi gavée, elle dormait sur le tapis au bord de la porte. Elle la regarda et pour la première fois, elle vit que Boulette était plutôt jolie avec sa fourrure grise et blanche. Elle eut presqu’envie de la flatter du revers de sa main. Et là, elle prit peur. Elle se réfugia dans la salle de bain et devant son miroir, elle resta figée en s’observant comme devant une étrangère. Il lui revint en tête une phrase que son père disait en riant : « L’amour, c’est plus fort que la police ! » Non. Il lui fallait réagir. Non. Elle avait aimé ça. Que faire ? Comment faire ? Elle avait peur. Vivement, elle s’arracha de ce miroir, se dévêtit et fit couler abondamment l’eau chaude sur son corps gelé. Après, elle se sécha, brossa ses dents, s’aspergea de parfum et elle se maquilla pour cacher ses craintes en les effaçant de sa peau. Une serviette enroulée autour de son corps, elle traversa le corridor de son appartement pour aller vers sa chambre afin se vêtir convenablement. Elle enfila un jeans et un chemisier ajusté qui soulignait sa taille fine. Inquiète, elle revint dans la cuisine pour retrouver celui avec lequel sa vie risquait de basculer. En l’apercevant, Paul Poulet la complimenta sur sa beauté en ajoutant que sa Lulu avait les mêmes talents de bon goût vestimentaires. Puis, il ajouta en lui balançant la une du Petit Journal de Montréal sous les yeux :
-Tu as vu cette nouvelle Cunégonde ? Regarde ! Encore un autre incendie criminel au salon funéraire Guay sur la rue Desgelée. L’accusé est un membre de gang de rue, majeur et d’allégeance bleue, il est actif dans le domaine des stupéfiants. Il s’agit d’un de mes bums que j’avais sous enquête. Je le savais que ce Soundstone n’était pas clair. Notre Petite Bourgogne est devenue une poudrière avec ces bandits de rue en culottes courtes. Deux dégénérés de moins à traîner dans nos rues devenues le Far West des sinistres frères Dalton.Mal à l’aise, Cunégonde prit place devant son café déposé sur la table. Timidement, elle lâcha :
- Justement, je crois que j’y suis allée un peu fort avec le gars des Bloods hier chez Quiquine Couche Tard.
- Quoi ? Mais voyons ma Poupée ! Tu as fait exactement ce qu’il fallait pour sauver ta vie et celle de la propriétaire du dépanneur. Ces voyous se multiplient comme des punaises dans nos rues et nos maisons. Ce sont des agents de contamination dans notre société. Il faut leur faire une lutte féroce. Si tous les citoyens avaient ta trempe, nous n’en serions pas là dans nos rues devenues des champs dignes des Westerns avec les frères Dalton dedans. Je ne veux plus t’entendre dire de pareilles sornettes. Au contraire, grâce à toi, cette vermine ne coûtera pas cher en frais d’avocats pour sa défense et ses soins à dispenser en prison pour le garder. Il a eu ce qu’il méritait. Point à la ligne. Un rat de moins dans notre quartier !
Rassurée Cunégonde interrogea finement son nouvel ami :
-C’est pour moi ce petit déjeuner ?
- Pardi ! Ma belle, pour qui d’autre veux-tu que j’aie préparé ce délicieux repas du matin ? Mange pendant que c’est encore chaud. J’ai mis les poubelles sur la rue et les éboueurs sont déjà passés les prendre. Après, je t’emmène acheter un nouveau matelas. J’ai très mal dormi la nuit dernière. Y’a des bosses dans ton matelas.
Sur ces mots, Cunégonde rougit comme une pivoine. Elle lui raconta qu’elle plaçait une brique sous son matelas auquel cas elle serait attaquée en pleine nuit par un malfaiteur comme on le voit souvent dans les journaux qui racontent les invasions de domiciles particulièrement chez les gens âgés.
- Tu vois ce que je te disais ! Ces bandits pourrissent notre existence. Plus moyen de dormir en paix sur un matelas dans nos chambres. Voilà pourquoi je te réaffirme que tu as bien fait hier. Un cancrelat de moins dans notre vie de la Petite Bourgogne. D’ailleurs, je crois bien avoir repéré une vendeuse de drogues hier en observant ta ruelle. C’est qui la grosse femme de l’autre côté ?
Marie-Louve
À suivre …***
Dans la foulée (ou presque) : la nouvelle page de Di !
Shirley Théroux n'est pas (encore) disponible sur Deezer.
4 commentaires -
Par lenaig boudig le 22 Mars 2011 à 00:30
Nicole pencha la tête l’air sérieuse.
Ahurie, elle s’observe. Dehors, pieds nus dans la neige, une mince robe de nuit de dentelle translucide la laisse en proie au froid mordant qui lui lèche chacune de ses parcelles de peau blanchie par l’atmosphère glaciale de cette nuit embrasant sous ses yeux son univers.
Non ! Elle rêve. Aujourd’hui, jour de la Saint-Valentin, elle a revêtu avec grande excitation cette nuisette sexy dans l’espoir de voir sonner à sa porte son galant Fulgence, le notaire de la paroisse Sainte-Frigide-Sur-Mer.Vainement, elle a attendu autour d’une table dressée aux couleurs de l’amour. Des bougies parfumées d’odeurs aphrodisiaques embaument la maison, un Veuve Clicquot vintage 2002 posé sur la glace dans un seau d’argent et un appétissant Tiramisu aux framboises espérent entendre les bruits de son pas décidé sur le balcon de sa demeure victorienne rescapée des temps oubliés.
Nicole, la Coco Chanel de Sainte-Frigide, toujours éprise de lecture, de liberté, et de musique sur son piano triste secoue son corps engourdi pour retrouver ses esprits. Elle revoit la scène. Déçue, à 22 heures, seule, elle a bu toute la bouteille de Veuve Clicquot puis plus rien…
Lentement ce grand trou vide dans sa mémoire se remplit. Elle revoit son gros Bobtail japonais, Mucha, ce gros pacha Mi-ké écaille de tortue pure race qui lui saute sur le visage avec affolement. Il miaule à tout rompre les silences des morts aux portes du paradis. En elle, l’alarme ! Elle empoigne son ami, son chat porte-bonheur qui lui promettait d’écarter les malheurs et les maladies de son foyer, mais pas les incendies.
Déjà, au loin, elle entend les sirènes des pompiers.
Encore un peu et on sort la grande échelle.
Ce n’était pas la voix de Fulgence, mais dieu qu’il était beau ce pompier musclé qui l’enveloppa d’un chaud regard avant de l’emballer dans une torride couverture. Enfin, c’est ainsi qu’elle se sentait quand elle entendit :
« Allez, remuez-vous un peu ! »
Marie-Louve
Note de Lenaïg :
Texte composé pour un jeu proposé par Marc Varin sur son forum Plumes au vent.
Il s'agissait de composer un maximum d'une trentaine de lignes à placer entre deux phrases imposées.
11 commentaires
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique