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Par lenaig boudig le 23 Septembre 2011 à 12:27
L'énoncé de la question qui sera débattue est dans le titre. Et moi, j'y ai réfléchi depuis que je le connais, comme toujours, mais je manque de temps (hé oui, et au fond je m'en réjouis) et peut-être de tonus suffisant (moins drôle) pour me lancer dans une de mes élucubrations débridées ! Mais ce soir, j'y serai, au Picardie, à Ivry !
Alors, je vais jeter quelques pistes toute simples, peut-être même en style télégraphique, à moins que tout d'un coup l'inspiration et la frénésie me prennent !
Tout petit :
On ne se pose pas de questions, on est trop occupé, bébé, à coordonner ses gestes, à apprendre à marcher, à communiquer à sa façon avec les êtres aimés qui nous entourent !
Adolescent :
Dur, dur, très souvent !
On se cherche, on ne se trouve pas, on peut même reprocher à ses parents de nous avoir mis au monde dans des moments d'intenses détresses. Je ne souhaite pas aux adolescents de passer par ces épreuves-là mais on sait que des tragédies ont lieu parfois, pour de jeunes humains en herbe qui ont cru que leur avenir était bouché (trop de difficulté à communiquer, timidité, cruauté des autres, harcèlement et racket ...), alors que leur vie ne faisait que commencer, que tant de choses leur restaient à découvrir !
Et ce qui peut les sauver, c'est un de mes secrets, de polichinelle, une de mes recettes infaillibles à moi, qui se contient en un mot : curiosité ! Que va-t-il se passer après ? Que vais-je apprendre de nouveau aujourd'hui ? Et si je me trouvais bien plus heureux dans six mois ?
J'ai en tête la chanson de Souchon, illustration appropriée sous-tendue par un autre moteur qui pousse à supporter l'existence quand on se la remet en question, l'humour ! Souchon chante en adulte, mais dans un esprit adolescent qui souffre.
Oh puis, tiens, on se poste toutes les paroles ici, pour les déguster à l'aise :
J' marche tout seul le long de la ligne de chemin de fer
Dans ma tête y a pas d' affaire
J' donne des coups d' pied dans une p'tite boite en fer
Dans ma tête y a rien à faire
J' suis mal en campagne et mal en ville
Peut-être un p' tit peu trop fragile
Refrain
Allo Maman bobo
Maman comment tu m' as fait j' suis pas beau
Allo Maman bobo
Allo Maman bobo
J' traine fumée, j' me retrouve avec mal au cœur
J' ai vomi tout mon quatre heure
Fêtes, nuits folles, avec les gens qu' ont du bol
Maintenant que j' fais du music hall
J' suis mal à la scène et mal en ville
Peut-être un p' tit peu trop fragile
Refrain
Allo Maman bobo
Maman comment tu m' as fait j' suis pas beau
Allo Maman bobo
Allo Maman bobo
Moi j' voulais les sorties de port à la voile
La nuit barrer les étoiles
Moi les chevaux, l' révolver et les chapeau de clown
La belle Peggy du saloon
J' suis mal en homme dur
Et mal en p' tit cœur
Peut-être un p' tit peu trop rêveur
Refrain
Allo Maman bobo
Maman comment tu m' as fait j' suis pas beau
Allo Maman bobo
Allo Maman bobo
J' marche tout seul le long de la ligne de chemin de fer
Dans ma tête y a pas d'affaire
J' donne des coups d' pied dans une p'tite boite en fer
Dans ma tête y a rien à faire
J' suis mal en campagne et mal en ville
Peut-être un p' tit peu trop fragileRefrain
Allo Maman bobo
Maman comment tu m' as fait j' suis pas beau
Allo Maman bobo
Allo Maman boboAdulte :
Donc, adulte, on se pose THE questions essentielles, existentielles !
L'existence précède l'essence, ou le contraire ?
Bien malin est celui qui peut trancher et prouver qu'il est dans le vrai ... Chacun sa conviction.
La phrase sartrienne met en avant le fait que nous sommes les créateurs de nos vies, que le divin n'est qu'une conception du cerveau humain, que nous avons la liberté d'agir à notre guise (sans oublier de ne pas gêner nos voisins car la liberté s'arrête là où commence celles des autres, il nous l'a bien rappelé aussi, Sartre !).
La grandeur de nos existences est là : nous sommes libres de créer, de parfaire le monde qui nous entoure (ou de le détruire, d'ailleurs). Le côté tragique de la chose, c'est que cette liberté individuelle est brusquement interrompue par la mort ; mais agir non seulement pour soi, mais pour les autres, qui viendront après, ne peut que grandir l'individu.
Notre raison de vivre peut être l'envie, ou le besoin (?) d'enfanter, de s'assurer une descendance, en espérant que nos enfants, s'ils ne sont pas notre propriété et prennent leur envol, continueront néanmoins à nous entourer de leur affection et nous réserverons bien des joies.
Mais, sans Dieu, ni dieux, il reste qu'on pourra se demander toute sa vie pourquoi on est là !
Les premiers hommes se posaient eux-mêmes cette question du pourquoi de leur existence, bien que très absorbés par la recherche de leur nourriture, car c'étaient les temps des chasseurs et des cueilleuses, point de frigo bien garni, interrogation chaque jour pour savoir si on mangerait ...
Mais ces premiers hommes cogitaient, aussi intensément que nous ('faudrait pas les prendre pour des demeurés, bien au contraire, tout était à faire et ils ... ont fait !).
Avant même de construire des villes et de s'y regrouper, ils élevaient des temples aux divinités !
Les dieux se manifestaient-ils vraiment, dans ces temps anciens ? Comment, sinon, les hommes en ont-ils eu l'idée, ou la révélation ? N'en déplaise aux athées affirmés, cette question me perturbera toujours ...
Raisons de vivre au négatif :
- la vengeance,
- l'appât du gain,
- la griserie du pouvoir ...
Hé oui, il y a des raisons comme celles-là aussi.
Je me rappelle ce grand-père, dont le petit-fils avait été torturé et tué par un déséquilibré, qui ne vivait plus après que pour venger l'être aimé brutalement enlevé, qui s'était procuré un pistolet pour tirer sur l'assassin en plein tribunal. Il ne parvint pas à ses fins et fut maîtrisé avant, mais, si mon souvenir est bon, la justice ne le poursuivit pas. Quel puissant mobile, l'esprit de vengeance, ou alors de revanche (pensons à nos relations avec notre voisin l'Allemagne et les guerres que nous dûmes subir, ne serait-ce qu'entre 1870 et 1945).
Moins intello, plus perso ?
En résumé, mes motivations, à moi ?
- la curiosité, donc : voir plus, en savoir plus ! Rencontrer mes amis, des gens, lire, explorer des sites inconnus, dans le réel comme le virtuel.
- l'amour et l'amitié.
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Me sentir utile, aider par mes modestes moyens. Participer à la bonne marche du monde car je
préfère qu'il tourne dans le bon sens, même si mes propres rayons d'action sont très limités !
Mais il y a de quoi avoir le tournis car le rythme de la vie semble s'être considérablement accéléré depuis plusieurs décennies, technologies et techniques font des bonds de géants mais nous nous devons passer par les diktats du marketing effréné. Notre civilisation humaine m'a l'air d'être à son apogée, ce qui est bien inquiétant car, dans ce cas, la chute n'est pas loin ! Justement, il faut y réfléchir, sonder les énormes zones d'ombre qui empêchent encore des millions de gens d'avoir des raisons de vivre (la faim dans le monde, honte à ceux qui l'ont maintenue, la finance toute puissante et l'argent artificiel au profit d'un petit nombre de nantis tandis que des peuples entiers s'appauvrissent au point de désespérer ; d'ailleurs, là, les révoltes de ceux qui n'auront plus rien à perdre risqueront d'être affreusement violentes et sanglantes ; tirera-t-on sur eux avec des armes de guerre pour les anéantir ?).
Bon, je dois m'arrêter là, je n'ai plus le temps de continuer, je cherche une sorte de conclusion, comme dans un devoir. La raison de vivre peut être la passion d'un art, d'un savoir, d'une collection de timbres ou de cochons roses ou autres choses, pourquoi pas ? Le tout c'est que ce soit épanouissant sans qu'on s'enferme dedans ! Que cela nous dynamise pour être présent dans le monde qui nous entoure. Je viens d'entendre à la radio qu'on a découvert des particules qui vont plus vite que la lumière ! Voilà qui me fait rêver, je vais suivre cela de près ! Et découvrir les raisons de vivre des participants au débat !
Pour illustrations, je vais choisir les joies de vivre de Delaunay et de Picasso, des couleurs, des couleurs ! Et une drôle de pyramide, dont je citerai la source plus tard*.
* Oui, PS du 24/09 : je voulais retrouver la source de cette réjouissante et instructive pyramide. Il s'agit du Miblog (suisse) de François Maret avec la collaboration de Pop !
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Par lenaig boudig le 29 Mai 2011 à 12:42
Après un bon repas composé d'une bonne part de quiche lorraine moelleuse, copieusement accompagnée de carottes râpées et de salade verte, que suivait une tarte tatin, un p'tit verre de Brouilly, fin prêts pour répondre à la question.
Edith a commencé son exposé en ces termes : pourquoi cette question ?
Elle a porté sa réflexion sur le fait que nous nous trouvons à un moment de bascul de civilisation, dans une époque où l'individu se croit auteur de son existence, tandis qu'autour de lui s'accumulent menaces et catastrophes.
Une époque où on peut éprouver la sensation, le sentiment que la pulsion de mort l'emporte sur celle de vie, que Thanatos triomphe d'Eros.
Et on entend s'échanger la phrase "prends soin de toi", à l'instar de la formule anglaise "take care (of yourself)".
Dans le verbe prendre est compris la décision d'agir, pour éviter les malaises et retrouver un plaisir de vivre. Serait-ce une maxime épicurienne ?
En revanche, dans le mot soin, il n'y a pas : soigner, mais, par exemple, se soucier de la beauté de son existence, voire en faire une oeuvre d'art (expression de Michel Foucault).
En revenant sur la formule anglaise "take care !" interprétée comme "fais attention à toi !", ou prends soin de toi, on se demande : pourquoi de toi ? Parce que "l'homme est un loup pour l'homme" (Hobbes) ? Ou alors, c'est une injonction égoïste, égocentrique ? Par désespoir, ou lucidité ?
Ensuite est impliqué le fait de prendre soin de l'autre, la relation d'interdépendance.
J'ai noté, au passage, cette citation : L'homme n'a pas d'histoire, il est une histoire (L'homme sauvage, de Jean-Jacques Rousseau), mais je suis obligée de la laisser, suspendue, ne me souvenant comment la glisser dans les rouages de la réflexion.
Le soin ne correspond pas à la pratique de la charité (amour désintéressé), ni à la générosité, ni à la solidarité.
C'est être attentif à l'autre, pas forcément vouloir la cohésion sociale. Faire attention à ce que les autres désirent.
Edith termine son exposé, le débat commence.
Le monsieur, grand habitué des Cafés et débats de philo, qui enregistre sur son appareil tout le débat, nous a indiqué un article de Sciences humaines (n° 117 en 2006) consacré à : la pratique du "care".
Anecdote perso : j'ai d'abord compris "la pratique du Caire" ! Très intriguée, j'ai dressé l'oreille pour me rendre compte vite qu'il ne s'agissait pas d'une découverte égyptienne, mais du care anglais, le soin !
Une nouvelle éthique, un enjeu de société.
Un chef de service qui fait attention aux horaires de son personnel en fonction de leurs vies personnelles, un médecin attentif à la personnalité de ses malades, au-delà de la charité, la solidarité, etc.
C'est l'introduction du respect de la liberté de l'Autre, qui n'existait pas auparavant.
Edith parle du livre : De l'état providence à l'état accompagnant, de Serge Guérin.
Une nouvelle politique ? La systématisation de la formation continue, l'accompagnement différencié des élèves, l'accompagnement du consommateur, celui de l'habitat et la prise en compte des risques. Etude de comment rémunérer cet accompagnement.
Gunther (je rappelle qu'il est, parmi ses nombreuses activités, à l'écoute bénévole des suicidaires), a indiqué beaucoup se méfier de cette pratique du "care", qu'il soupçonne d'avoir été suggérée, inventée pour détourner l'attention de la nécessité de changements plus radicaux dans la société (je lui demande pardon si je déforme sa pensée). Ah, je me souviens : il a comparé cela à la cigarette du condamné. Ouf ! là, je suis certaine de l'avoir entendu !
L'approche du soin peut se faire aussi en examinant son contraire : la négligence. D'où par réaction, la nécessité du soin (du "care").
Il a été rappelé les événements actuels en Espagne , les Indignés de la Puerta del Sol, qu'on peut rapprocher de ceux de la Place Tarhir, en Tunisie, que les gens au pouvoir n'ont pas vu venir.
Aussi : l'absence ou l'abdication des parents dans l'apprentissage social des enfants.
Dans l'article de Sciences humaines sus-cité, il a été souligné le fait que le soin des autres était majoritairement féminin.
On a parlé de voir son rapport personnel à la vulnérabilité. Avoir des parents vieillissants et se demander en quoi cela affecte sa propre liberté.
Prendre soin donc de la relation à l'autre.
Dans les hôpitaux et les cliniques, parmi le personnel soignant, un certain nombre est issu de la population la plus démunie, elle-même. Cela, c'est Edith qui l'a signalé, je crois en voulant signifier que, dans ce cas, les soignants, ceux qui aident, auraient, eux-mêmes, besoin de l'être (immigration, maîtrise incomplète de la langue ?).
Etant donné que beaucoup de postes sont supprimés, de plus, toujours pour l'objectif de rentabilité financière que le gouvernement actuel impose, même au domaine de la santé, le prendre soin est confié à des gens pressés (comme des citrons),
Mon amie présente, ancienne infirmière anesthésiste, en retraite, qui se tient toujours informée de ce qui touche au monde médical, qui fait par exemple des minis revues de presse pour les médecins ou infirmières toujours en exercice et qui dépense son temps sans compter pour accompagner, conduire, attendre, visiter les personnes de sa connaissance lors de leurs entrées à l'hôpital et les rechercher pour les réinstaller chez eux, ne prend pas la parole lors des Cafés philo, mais, plus tard, elle me disait que, tout en étant d'accord pour déplorer cette politique de rentabilité inhumaine qui supprime les emplois de la santé (ou dans l'Education nationale et ailleurs), elle mettait un bémol à cette idée d'un personnel "démuni", du moins pour le personnel hospitalier, qui est admis sur concours, dans les hôpitaux (dans les cliniques, à voir).
Je vais oser occuper un petit coin de ce compte-rendu que je vais rendre personnel. Voilà que je me suis mise à prendre la parole, moi aussi, ce que je n'avais toujours fait que brièvement, rarement, ne m'adaptant pas à la gymnastique des prises de parole où l'on doit attendre son tour et parler lorsque Gunter nous invite à le faire. Difficile lorsqu'une idée me vient, de me rappeler ce que je voulais dire lorsque des orientations différentes ont été données au débat lorsque son propre tour arrive ! J'ai gardé en mémoire une citation d'un roman policier de René Cambon, Le fou du labo 4 (que mon père avait jugé assez intéressant pour le relier joliment, au moment où il s'adonnait à la reliure de livres) : "Mon père me disait toujours : si tu as le trac, parle ! Dis des bêtises, mais parle !" Eh bien, je n'ai plus le trac lors de ces rencontres, beaucoup de visages m'étant familiers même si je ne mets pas un nom sur tous, alors j'ai parlé, un peu. Et je ris de moi-même, car je me rends compte que j'ai même parlé en faisant des gestes, ce dont je ne me croyais pas capable !
Alors je me suis sûrement exprimée de manière hâchée, ou décousue, mais je l'ai fait, encouragée en cela par mon voisin Raphaël, que je remercie au passage (un monsieur plein d'humour discret, qui a l'aisance de la parole alliée à une pensée claire quand il l'exprime).
Qu'ai-je dit ? J'ai pensé à inclure dans le mot soin l'importance de la dignité et du respect à manifester à tous les malades ou handicapés en plus des actes essentiels qu'implique le prendre soin d'eux. Ne pas les infantiliser, ni croire sans réfléchir que parce qu'ils n'ont plus l'élocution aisée, que leurs gestes sont devenus difficiles, etc, qu'ils n'ont forcément plus toute leur tête. Ne pas dire "Il va bien manger sa soupe, le petit monsieur !", mais l'appeler monsieur et lui donner son nom, ou l'appeler par son prénom, pour continuer à l'inscrire dans la personnalité qu'il a toujours eue en société.
Pour les malades d'Alzheimer, je n'ai pas développé mais mes deux tantes en ayant été atteintes, j'ai pu voir que je parvenais à les faire sourire en les regardant toujours dans les yeux en souriant, leur sourire venant automatiquement et en les rassurant dans leur quasi perpétuelle détresse, en les suivant autant que possible dans leurs préoccupations, leurs souvenirs parfois imparfaits, etc. Et pour mon parrain, parkinsonien à une époque où on était encore impuissant à freiner l'évolution de la maladie, attendre patiemment qu'il arrive à formuler son discours ou ses demandes, ce que nous faisions d'ailleurs tous (chez lui, l'humour est resté intact, jusqu'au bout).
Donc, j'ai indiqué ce que je voyais, de mon côté, dans le prendre soin.
Et avec la naïveté (pas la bêtise, j'espère), la propension à l'amalgame, l'optimisme indécrottable, que je n'ai pas toujours dans ma vie, mais qui me motive systématiquement lorsque je m'essaie à réfléchir en sortant de ma petite personne, je suis partie, puisque j'étais lancée, dans une envolée qui imaginait que, même si la pratique du care a été inventée par des gens cyniques, des manipulateurs des masses (?) au départ, il se trouvera peut-être parmi ceux qui exerceront cette pratique, des gens assez futés, rusés, intéressés par le sort de l'humanité, pour remuer tout cela suffisamment et en faire jaillir de vrais changements de société !
Il a été question du bénévolat, aussi. Quelque chose que j'aimerais bien faire (des idées me trottent dans la tête), mais je ne peux pas me le permettre, puisque je ne suis pas en retraite et que je dois continuer à gagner ma vie. De ce fait, d'ailleurs, je n'en aurais pas le temps.
Dans le fil d'une intervention de Pierre, nous avons parlé de l'envers du décor du prendre soin. Le problème de l'euthanasie, de l'acharnement thérapeutique et du suicide décidé au moment où on se sait gravement malade, où on peut en avoir ras le bol et de vivre et de se sentir un fardeau pour son entourage. Certains se sont indignés sur cette pratique bizarre, nécessitant beaucoup d'argent, d'aller mourir en Suisse dans les meilleures conditions possibles. D'autres intervenants ont exploré le monde japonais, où les vieillards se retiraient, s'exilaient pour mourir lentement, n'imposant pas leur charge à leur famille, ainsi que pouvaient le faire aussi les Amérindiens, les Inuits.
Pierre, lui, s'est souvenu de s'être trouvé entièrement à la merci du personnel hospitalier après un accident, que cette dépendance lui a été un épouvantable trauma, insupportable pour lui. J'ai parlé alors du livre Légume vert, de Philippe Vigand, cet homme atteint du syndrome d'enfermement (locked-in), où il se trouve entièrement paralysé, sauf les paupières qu'il peut encore cligner, mais qui trouve encore du goût et de l'intérêt à la vie et a réussi à dicter son ouvrage qui témoigne de son humour, et aussi de l'amour énorme et porteur de son entourage. D'autres ont rappelé Le scaphandre et le papillon, de Jean Dominique Bauby, rédacteur en chef au magazine Elle, qui traitait de la même situation d'enfermement épouvantable (hélas, M. Bauby, lui, n'a pas voulu s'accrocher à la vie ; hélas, ou pas, après tout décider de sa mort se conçoit).
Je me souviens, par ailleurs, de l'intervention de Magda, qui revenait de six mois passés au Brésil et qui a déclaré s'être étonnée, elle aussi (comme moi, la première fois qu'on m'a dit "take care !") de s'entendre dire de prendre soin d'elle, en portugais, contente qu'on fasse ainsi attention à ce qui pouvait lui arriver !
Je vais m'en tenir là pour le moment et, si je peux, je viendrai ajouter des précisions, sans garantie, car je vais être prise très vite par d'autres préoccupations, comme toujours. Mais nous aurons par email, ou sur papier, un super compte-rendu que le monsieur qui enregistre tout et dont je ne me souviens pas du nom, nous fournira !
Lenaïg
PS : pour distraire un peu les regards qui se poseraient par ici et n'auraient pas le courage de déchiffer mon verbiage, j'ai eu envie de proposer des photos prises par ma mère (auprès de qui je suis par téléphone et par la pensée aujourd'hui !), lors d'un de ses voyages, ici en Egypte, en jouant sur ma brève confusion de care et Caire ! N'est-elle pas belle, cette vue du Sphynx et de l'oiseau posé sur sa tête ?
3 commentaires -
Par lenaig boudig le 27 Mai 2011 à 00:59
C'est la question qui est proposée en débat au Café Restaurant Le Picardie d'Ivry sur Seine demain soir vendredi. Je n'ai pu assister au précédent café, donc je n'ai aucune autre indication ni écho qui s'attachent à cette question et me mettent sur une piste ... Ce soir, je n'irai pas fouiller sur internet, rechercher des éléments pour me construire un petit essai. Je vais en bâtir un, sans filet, si je puis dire ! Un peu de plaisanterie, un tout petit peu de réflexion, on n'ira peut-être pas très loin mais tant pis ! Juste un petit bout de chemin.
***
Adoncques : prendre soin ...
On peut ... prendre des tas de choses !
Des vacances !
Le bus, ou le train !
La fille de l'air !
La poudre d'escampette !
Ses jambes à son cou !
Mais aussi :
Ses responsabilités !
Une décision !
Son destin en main !
Ou encore :
Prendre pension !
Prendre racine !
***
Quand on prend, on agit, mais si on ajoute soin, on écarte ... des dangers. En effet, prendre débouche, si on n'y prend pas garde, sur la prédation (c'est le nom) et ... arrivent très vite les prédateurs, qui ne présagent rien de bon ...
Le soin rééquilibrerait-il la balance dans le bon sens ? Ouf, a priori, quand on prend soin, on penche du côté du bien ! Le bien versus le mal, cet essai (qui n'en est pas un, je le sens bien) sera donc manichéen ? Il commence comme ça, en tout cas. A voir, comment il finira ...
***
Assez tergiversé ! Occupons-nous du soin.
On ne peut juste prendre soin, ça ne ressemble à rien ! On prend soin de quelque chose, ou quelqu'un. Et ce quelque chose ou quelqu'un va être déterminant ... Non ?
Le soin, c'est du travail.
D'abord, prenons le raisonnement, tout simple qu'il soit (car je sens l'envie de dormir pointer), en commençant par soi-même. Oui, pour être à même de prendre soin, il faut prendre soin de sa personne, être propre sur soi, douché, correctement habillé, etc, pour pouvoir se regarder dans la glace et se dire qu'on a fait ce qu'on a pu pour être présentable aux yeux des autres, de même qu'à ses propres yeux.
Et derrière le physique se cache le mental : est-on propre à l'intérieur ? N'a-t-on pas commis de méfaits, s'est-on bien comporté envers sa famille, ses voisins, son chien, son chat et les autres autour de soi ? N'a-t-on pas réalisé des coups bas ?
Et c'est là qu'on sort de soi pour prendre soin des autres, à condition d'avoir pris soin de soi un minimum. Au pluriel "soins" est souvent relié au monde médical, quand tout est fait pour guérir, soulager blessures et maladies, noble tâche des médecins, chirurgiens, personnel des hôpitaux et des cliniques et les vétérinaires. Tout ce monde prend soin de nous et ne dit-on pas par ailleurs : les soigneurs, pour désigner ceux qui s'occupent des animaux dans les parcs animaliers ?
Et ... j'aurais bien une ouverture, permettant de voir plus loin (seulement, c'est mon lit que j'aperçois et il me tente bien ...).
Oui, voilà, un extrait du roman Les Chevaliers du Subjonctif, d'Erik Orsenna (page 43 de l'édition du Livre de poche) :
"- Si mon métier vous intéresse, je passe vous chercher demain.
- Pourquoi tant de gentillesse ?
- Parce que, d'après ce que je vois, nous souffrons, vous et moi, de la même maladie grave : la curiosité. Vous savez que le mot "curieux" vient du latin cura : le soin ? Soyons fiers de notre défaut : être curieux, c'est prendre soin. Soin du monde et de ses habitants. Je serai demain matin chez vous.
Le temps d'ouvrir la bouche, il avait disparu."
***
Ma foi, que pourrais-je bien ajouter, après cela ? Juste que je pense aussi à l'expression en anglais : Take care ! que se disent les gens quand ils se quittent, en vrai, au téléphone ou par écrit. Littéralement traduit : Prends (ou prenez) soin ! Je la comprends, cette expression coutumière, comme : porte-toi bien ! Ou encore : fais attention à toi !
Donc, une injonction à surveiller sa santé, par exemple, mais, par extension : se tenir sur ses gardes ! Cela peut sonner comme un avertissement, ou une menace ! D'ailleurs, j'avoue, la première fois qu'elle m'a été adressée, j'en suis restée perplexe et j'en suis encore maintenant à me demander si, cette fois-là, elle n'avait pas été formulée à double sens. Mais par quelqu'un qui ne me voulait pas de mal, bien au contraire.
Et la balance repenche du côté du mal ! Oui, car si prendre soin peut être faire attention à ses abattis, cela signifie que d'autres prennent un soin particulier à vous vouloir du mal ... Oh oui, les gangsters aussi prennent soin à préparer leurs mauvais coups, et ils prennent soin de bien effacer leurs traces ... J'en suis toute déconfite ! Le mot soin est capable de s'associer à prendre, d'en être complice à des fins louches, redoutables ou maléfiques !
***
Tout seul, pourtant, je ne lui trouve pas de défaut. Je soupèse maintenant tout l'intérêt de cette expression, à double tranchant ! D'ailleurs, il peut arriver qu'elle se vide de son sens, cette expression. Où ça ? Dans un discours électoral, entre autres ! "Mes chers concitoyens, soyez assurés que je prendrai soin de vous !" (oui, mais ensuite, on ne voit rien venir ; comme le fameux "Je m'en occupe !", dont il faut se méfier comme de la peste, hi hi !). Demain, je serai curieuse d'en savoir plus, je prendrai bien soin d'écouter les réflexions des participants, d'élargir mon champ de vision !
Lenaïg
***
Oh, mais voici Marie-Louve, qui nous propose sa réflexion, cela va donner du sérieux à cette page et lui conférer un authentique aspect philosophique. Qu'on juge plutôt !
J'évoquais les soigneurs, elle examine les soignants et les soignés ...
***
Coucou Léna,
j'ai glané quelques idées pour ton café philo.
Les aidants, ceux qui prennent soin....***
On présuppose que :
Une telle action exige une négociation affective, sinon on déshumanise l'action de prendre soin. Bien sûr, nous parlons de prendre soin ailleurs que prendre soin de son rosier ou de son tapis de Turquie :-)))
On peut aussi présumer ou affirmer que l'aidé doit possiblement ressentir la honte de se retrouver dans une position qui lui enlève une partie de son intégrité...
***
La personne ayant besoin d'aide ressent son estime de soi à la baisse donc, fragilisée de partout, physiquement et affectivement...Il ou elle éprouverait un sentiment semblable à celui-ci, une certaine honte consciente ou non.
Une honte posttraumatique qui provoque un effacement du blessé tant et si bien qu'elle finit par gêner le partenaire aidant. Un peu comme :
« Regardez qui je suis... comment voulez-vous que je reçoive ou mérite ce petit bout d'attention ou d'affection ... ?. Je vais tout lui donner pour mériter pour mériter son attention...»
Une telle négociation affective dépersonnalise l'aidé qui pour se faire aimer, se place lui-même sur le tapis roulant de la dépression d'épuisement. C'est pourquoi le burn-out est si fréquent dans les relations d'aide professionnelle. Trente % des infirmières en souffre. Les soignants qui ne sont pas protégés par la distance affective que permettent les machines s'épuisent encore plus. Extrait de Cyrulnik , page 33.
Prendre soin ??? C'est vaste comme champ d'exploration en réflexion. Une certitude: pour prendre soin, il faut en soi, une lucidité à toute épreuve ! C'est un peu comme sauter à l'eau pour sauver de la noyade une autre personne. Faut savoir nager et encore plus...
Cependant, je crois fermement que tous nous pouvons venir en aide ou prendre soin des autres. L'important, c'est de savoir se distinguer lucidement de l'autre, se distancer de la réalité de l'autre et pouvoir agir sainement pour l'autre et soi-même. Savoir respecter nos propres limites et ne pas prendre sur ses épaules le devoir de rendre l'autre heureux, ce que personne ne peut assumer sinon, l'individu lui-même.
Savoir que chaque petit geste compte et peut faire une différence, mais que cette différence appartient à toute une communauté engagée dans une volonté de prendre soin de ses membres et particulièrement, ceux parmi les plus fragiles.
On passe notre vie à prendre soin... on entre en relation avec une multitude de personnes. Avec certains, le lien est plus étroit. Prendre soin ne doit jamais virer au drame de culpabiliser, mais c'est souvent le cas. Hélas...Marie-Louve
***
Illustrations :
Un paysan qui prend soin de sa vache, www.01humourger.com
Un chaton qui prend soin d'un caneton ? www.01humours.com
5 commentaires -
Par lenaig boudig le 4 Mars 2011 à 09:33
J'ai envie de faire un petit point sur des règles de grammaire ou d'orthographe, d'abord pour ma gouverne, ensuite en pensant qu'il pourra être utile aussi à d'autres lecteurs ou écrivains qui hésitent sur l'écriture de certains mots ou sur certaines conjugaisons.
Je me suis même lancée dans un petit essai, posté sur Lgdm puis sur Plumes au vent, sur une écriture en ortograf simplifiée ! Uniquement basée sur les sons ! Je n'ai pas rencontré une grande compréhension, j'en rigole moi-même mais pourtant j'avais planché sérieusement sur le sujet !
Il arrive qu'on véhicule des fautes sans le savoir, jusqu'à ce qu'on rencontre le mot écrit correctement et alors, on est surpris ! Moi, c'est par exemple le mot "vis" que j'avais tendance à écrire : "visse", jusqu'à ce que je le rencontre un jour écrit comme il faut ! Eh oui : une vis, un clou, un écrou !
Et le mot aigu, au féminin ! A chaque fois, je me demande où placer le ¨ ! Sur le u, ou sur le e ?
Sur le e ! Aiguë !
Pour qu'il ne soit pas absorbé par le u, et qu'on ne prononce pas "aigue", comme ... bègue, par exemple !
Oh, au fait, le film Le Discours d'un roi est très réussi, je n'entends que des gens enthousiastes. Je vais peut-être me fendre de dix euros pour l'aller voir aussi ...
Le mot "flèche", je l'écrivais : "flêche" ! Mais ça y est, le correcteur automatique d'orthographe a cela de bon, maintenant je sais !
Et à propos d'accents circonflexes, on en rencontre fréquemment, à tort, dans la conjugaison du présent de l'indicatif !
On voit souvent écrit : "vous dîtes !"
Non ! L'accent circonflexe est réservé au passé simple !
Au présent :
Que dites-vous, belle amie ? Voudriez-vous répéter ? Je suis un peu dur de la feuille ...
Mais au passé simple :
Le repas que nous servit l'aubergiste n'était pas à la hauteur du pompeux menu qu'il nous avait présenté ; nous lui dîmes son fait !
L'accent circonflexe sur le i du verbe dire, pour ne prendre que celui-là donc, ne se présente que trois fois :
au passé simple dans : nous dîmes, vous dîtes,
à l'imparfait du subjonctif dans : qu'il dît !
Je joins le lien que j'ai utilisé pour vérifier mes dires :
http://www.la-conjugaison.fr/du/verbe/dire.php
Mais, pour conclure, on peut aussi contourner ces pièges ! Ecrire un récit, un conte au présent de l'indicatif peut, au fond, lui donner de l'originalité et plus de force (pourquoi se tenir à la convention de tout narrer au passé ?), à condition donc de ne pas y introduire des accents circonflexes dont on n'a point besoin ! (Plus de "vous dîtes" au présent de l'indicatif !).
Et si on écrit au passé, on est dispensé maintenant des fameux subjonctifs imparfaits !
Exemple : l'aubergiste s'attendait à ce que nous dissions que son mets était succulent !
Maintenant, on peut se contenter d'écrire : que nous disions.
Que ceci n'empêche pas les écrivains, poètes, romanciers d'écrire en toute liberté ! Les fautes pour eux sont secondaires et ils sont en droit de laisser des correcteurs, automatiques ou humains, faire ce qui ne sont que les finitions de leurs oeuvres ! Je comprends que cela puisse poser des difficultés, de la même façon que, moi de mon côté, je ne saisis pas bien les arcanes de l'informatique, ce qui, pour beaucoup de petits et grands, n'est qu'un jeu d'enfant !
Mais quand on s'emploie à enseigner le français, comme l'anglais, aux enfants (c'est mon cas actuellement), on se doit d'être rigoureux soi-même. En tout cas, c'est comme cela que je le conçois.
Lenaïg
7 commentaires -
Par lenaig boudig le 27 Février 2011 à 23:08
Juillet 2008
Séverine m'a accueillie dans son bungalow un jour de la semaine dernière, et comme je suis la première des amis que nous avons en commun à venir la voir "là-bas", elle se demande certainement quels souvenirs, quelles sensations, en bien ou en mal j'ai recueillis de mon expérience. D'abord, cela n'a pas été vécu comme une expérience du tout, mais comme une délicieuse évasion de la routine journalière, dans un monde paisible, parfumé d'essences de pin et de toutes sortes de plantes, atteint après un trajet en train d'à peine plus d'une heure en partant de Paris.
Qu'on sache tout de suite que je ne me suis pas déshabillée ; je ne me rendais pas dans ce camp de naturistes pour le faire mais pour travailler avec Séverine. Je dois dire que, la prochaine fois que je m'y rendrais, j'hésiterai moins à le faire, peut-être protégée du Grand Inconnu sous un pareo jusqu'à mon arrivée à la piscine. Séverine ne s'est pas dévêtue non plus, son bungalow se situe près de l'entrée, ce qui rendait possible que je garde mes vêtements, sans provoquer de trouble ni de colère. Nous sommes allées déjeuner dans la partie "textile" du camp, donc pas de problème. No problemo, no casualties non plus, ni problème ni mort d'homme ! Nous avons décidé de transformer notre repas au restaurant en fête du palais : pour moi, le meilleur taboulé que j'aie mangé depuis belle lurette : deux morceaux de poulet rôtis à merveille, une salade composée très fraiche. Les contraintes alimentaires très spéciales de Séverine ne lui permettaient pas le même menu, mais nous pûmes déguster ensemble deux verres d'un vin rosé délicat pour célébrer notre rencontre.
Séverine a aperçu des voisins venus de la partie naturiste, entièrement habillés comme il se doit dans ce restaurant en plein air, dont le chef mérite plusieurs étoiles ! Nous avons pouffé quand Séverine m'a fait savoir qu'elle avait reconnu un couple âgé grâce à leur chien ! Je dois avouer que cela m'arrive aussi : reconnaître quelquefois le chien avant son maître, ou sa maîtresse !
Plus tard, Séverine a pris sa voiture pour que nous allions admirer une superbe église moyenâgeuse à la taille impressionnante, dominant curieusement un tout petit village : l'un des divers lieux de repos et de prière pour les pèlerins en chemin vers St Jacques de Compostelle.
Quand nous avons foulé l'allée vers son bungalow, nous avons rencontré un couple nu et des mots amicaux ont été échangés. Je n'ai pas ressenti de curiosité mal placée pour les détailler et voir comment ils étaient bâtis. Séverine m'a dit : si tu prononces ne serait-ce qu'un seul mot, bonjour, par exemple, tu regardes la personne dans les yeux et cela t'empêche de te sentir mal à l'aise ! Nous avons dépassé une grand-mère également en tenue d'Eve ("what else" ? - autrement dit, comment pouvait-ce en être autrement -, "what else" ? mais pourquoi, c'est l'heure du café ? non non, je dois continuer un peu), donc une grand-mère qui promenait dans sa poucette un enfant endormi, ce qui a été l'occasion de phrases paisibles et de sourires. Plusieurs hommes sont passés à bicyclette et le même scénario s'est déroulé à chaque fois. Séverine m'a prévenue que ma présence ne resterait pas inaperçue, qu'un village reste un village, tout étrange que je le perçoive ! Malgré cela, je ne me suis jamais sentie mal à l'aise de la journée. Séverine a exprimé le besoin d'une petite sieste, tiré promptement ses deux transats sur la pelouse devant le bungalow et s'est endormie sans plus de façon.
J'ai saisi mon calepin et j'ai commencé à cogiter sur mon prochain chapitre de science-fiction en jetant mes idées sur le papier. Alia, la chatte, avait fait son apparition avant que nous nous allongions. Je l'ai trouvée tout de suite sympathique et elle m'a octroyé le salut du bout de sa langue ! Je l'ai caressée et je lui ai parlé tout doucement. Séverine n'a pas tardé à rouvrir les yeux et m'a demandé ce que j'écrivais. J'avais à peine répondu qu'elle a sauté sur ses pieds en me disant : on va quelque part, vite, suis-moi ! Je devine que cela va t'intéresser ...
A ce moment-là, Séverine n'avait que son pareo sur elle, moi je portais toujours ma robe en lin et je me suis dépêchée à sa suite, très complexée, sachant que seul mon chapeau n'était pas incongru ! Heureusement, nous avons emprunté un chemin qui longeait un côté du camp, bordé de bosquets broussailleux, auquel de nombreux bungalows tournaient le dos. Nous nous sommes arrêtés net devant l'un d'entre eux, sous la véranda duquel nous pouvions discerner une dame occupée. Séverine m'a présentée à Typhaine, qui a entre cinquante-cinq et soixante ans, une artiste et aussi la préposée aux soins des chats du camp, dont deux spécimens de ces compères à fourrure prouvaient l'existence. J'ai appris qu'Alia n'a jamais accepté de venir chez Typhaine en l'absence de Séverine et qu'elle se fait livrer sa gamelle sur place ! Alia a toujours refusé aussi de pénétrer dans le bungalow de Séverine, de peur sans doute de se retrouvée piégée à l'intérieur !
Là, j'ai eu du mal à ne jamais regarder le corps de Typhaine l'artiste, lorsqu'une vraie conversation a commencé. Je suis parvenue à ne pas laisser mes yeux vagabonder parce que ce qu'elle a montré a été une merveilleuse découverte pour moi. Typhaine l'artiste est passionnée par l'histoire et le monde du Moyen-Age (12ème siècle précisément) et construit des villages miniatures, maisons typiques, fermes, meubles minutieux à l'intérieur aussi, églises, un couvent avec la chapelle, les cellules des soeurs, le réfectoire, le cloitre et le jardin intérieur, tout cela mis en vie par la présence de tout petits personnages et animaux, pas faits par elle mais obtenus sur commandes. Son matériau de prédilection est du basalte, mais elle se sert aussi de boîtes de camembert ! Un travail ahurissant et réussi, quelquefois guidé par l'utilisation d'une bonne grosse loupe. typhaine fait remonter sa passion à sa découverte des romans policiers d'Ellis Peters.Je me suis souvenue qu'Anaëlle m'avait prêté un des livres du romancier britannique une fois, puis que je m'en étais acheté un autre, qui se trouve toujours dans ma chambre de jeune fille à Brest ! Je me suis promis mentalement de relire les enquêtes policières de Frère Cadfael au 12ème siècle.
Séverine m'a désigné d'autres oeuvres, constituées de branchages et de racines, devenus terriers ou maisons pour ... le Peuple Invisible ... j'ai senti, peut-être en me trompant, comme une réticence émanant de la dame à révéler des détails sur cette partie de son travail artistique et je n'ai pas osé insister, bien que brûlant d'en savoir plus ! La prochaine fois ? Nous avons dit au revoir à cette dame plaisante et mystérieuse et sommes retournées au bungalow de Séverine, après que celle-ci m'ait précisé que le bungalow voisin était celui du compagnon de la dame artiste, un monsieur étudiant les araignées, surtout les mygales. Séverine m'a sentie presque frissonnante et m'a assurée que les mygales n'étaient pas acceptées dans le camp !
A notre retour, entre 4 h 30 et 5 h 00 de l'après-midi, Séverine a décidé : cela n'a plus aucune importance à cette heure de la journée si tu gardes ta robe ou pas, je veux que tu visites tout le camp. Allons boire un café italien près de la piscine. Nous avons vu les courts de tennis, des gens qui jouaient, d'autres qui se faisaient bronzer, nous avons cherché en vain les chèvres et la vache. Séverine a rencontré des gens qu'elles connaissait, expliquant chaque fois que j'étais là pour la première fois. Nous avons fait signe au couple âgé avec son chien rencontré à midi, maintenant décemment dévêtu, se reposant dans leur jardin. Je peux conclure que je n'aurais pas eu un gros effort à faire pour aller nager dans la piscine, si j'avais accepté auparavant de me déshabiller et de m'enrouler dans le pareo tendu sans insister par Séverine, avant notre départ pour le grand tour du camp. De toute façon, je me sentais comme nue, n'ayant pas pris mon sac à main ! Je suis marrante, non ? Oui, mais en fait pas prête !
Après cela, nous avons travaillé à l'abri du toit sur la terrasse en bois de cinq à huit. J'ai pensé que c'était comme cela que j'avais imaginé la maison de Luther Redtimber. J'en ai parlé à Séverine, en ajoutant qu'un rocking-chair serait super ! Le soleil a brillé presque toute la journée, tandis que les nuages ont traversé le ciel discrètement, déversant deux timides averses quand nous nous consacrions à notre travail, celui de Séverine d'abord, le mien pour finir.
Si tu étais heureuse de ma visite, Séverine, ce plaisir était partagé. Nous réussirons, toi comme moi, dans ce que nous avons prévu.
Ce jour-là, je n'ai vu ni top models, ni personnes anorexiques, j'ai entrevu des silhouettes ordinaires, grosses, dodues, minces, jeunes ou moins jeunes, vieilles et usées mais toutes belles car il n'en émanait qu'un naturel dénué de honte.
Lenaïg
Notes :
- Ce texte a la particularité que je l'ai initialement rédigé en anglais (un défi lancé par Séverine, en marge de notre journée). Je posterai mon texte anglais ultérieurement.
- Luther Redtimber est un personnage de mon invention. Voir, par exemple, le chapitre 8 de mon roman "Ils sont là !"
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