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Escapade d'une journée hors de Paris - Lenaïg
Juillet 2008
Séverine m'a accueillie dans son bungalow un jour de la semaine dernière, et comme je suis la première des amis que nous avons en commun à venir la voir "là-bas", elle se demande certainement quels souvenirs, quelles sensations, en bien ou en mal j'ai recueillis de mon expérience. D'abord, cela n'a pas été vécu comme une expérience du tout, mais comme une délicieuse évasion de la routine journalière, dans un monde paisible, parfumé d'essences de pin et de toutes sortes de plantes, atteint après un trajet en train d'à peine plus d'une heure en partant de Paris.
Qu'on sache tout de suite que je ne me suis pas déshabillée ; je ne me rendais pas dans ce camp de naturistes pour le faire mais pour travailler avec Séverine. Je dois dire que, la prochaine fois que je m'y rendrais, j'hésiterai moins à le faire, peut-être protégée du Grand Inconnu sous un pareo jusqu'à mon arrivée à la piscine. Séverine ne s'est pas dévêtue non plus, son bungalow se situe près de l'entrée, ce qui rendait possible que je garde mes vêtements, sans provoquer de trouble ni de colère. Nous sommes allées déjeuner dans la partie "textile" du camp, donc pas de problème. No problemo, no casualties non plus, ni problème ni mort d'homme ! Nous avons décidé de transformer notre repas au restaurant en fête du palais : pour moi, le meilleur taboulé que j'aie mangé depuis belle lurette : deux morceaux de poulet rôtis à merveille, une salade composée très fraiche. Les contraintes alimentaires très spéciales de Séverine ne lui permettaient pas le même menu, mais nous pûmes déguster ensemble deux verres d'un vin rosé délicat pour célébrer notre rencontre.
Séverine a aperçu des voisins venus de la partie naturiste, entièrement habillés comme il se doit dans ce restaurant en plein air, dont le chef mérite plusieurs étoiles ! Nous avons pouffé quand Séverine m'a fait savoir qu'elle avait reconnu un couple âgé grâce à leur chien ! Je dois avouer que cela m'arrive aussi : reconnaître quelquefois le chien avant son maître, ou sa maîtresse !
Plus tard, Séverine a pris sa voiture pour que nous allions admirer une superbe église moyenâgeuse à la taille impressionnante, dominant curieusement un tout petit village : l'un des divers lieux de repos et de prière pour les pèlerins en chemin vers St Jacques de Compostelle.
Quand nous avons foulé l'allée vers son bungalow, nous avons rencontré un couple nu et des mots amicaux ont été échangés. Je n'ai pas ressenti de curiosité mal placée pour les détailler et voir comment ils étaient bâtis. Séverine m'a dit : si tu prononces ne serait-ce qu'un seul mot, bonjour, par exemple, tu regardes la personne dans les yeux et cela t'empêche de te sentir mal à l'aise ! Nous avons dépassé une grand-mère également en tenue d'Eve ("what else" ? - autrement dit, comment pouvait-ce en être autrement -, "what else" ? mais pourquoi, c'est l'heure du café ? non non, je dois continuer un peu), donc une grand-mère qui promenait dans sa poucette un enfant endormi, ce qui a été l'occasion de phrases paisibles et de sourires. Plusieurs hommes sont passés à bicyclette et le même scénario s'est déroulé à chaque fois. Séverine m'a prévenue que ma présence ne resterait pas inaperçue, qu'un village reste un village, tout étrange que je le perçoive ! Malgré cela, je ne me suis jamais sentie mal à l'aise de la journée. Séverine a exprimé le besoin d'une petite sieste, tiré promptement ses deux transats sur la pelouse devant le bungalow et s'est endormie sans plus de façon.
J'ai saisi mon calepin et j'ai commencé à cogiter sur mon prochain chapitre de science-fiction en jetant mes idées sur le papier. Alia, la chatte, avait fait son apparition avant que nous nous allongions. Je l'ai trouvée tout de suite sympathique et elle m'a octroyé le salut du bout de sa langue ! Je l'ai caressée et je lui ai parlé tout doucement. Séverine n'a pas tardé à rouvrir les yeux et m'a demandé ce que j'écrivais. J'avais à peine répondu qu'elle a sauté sur ses pieds en me disant : on va quelque part, vite, suis-moi ! Je devine que cela va t'intéresser ...
A ce moment-là, Séverine n'avait que son pareo sur elle, moi je portais toujours ma robe en lin et je me suis dépêchée à sa suite, très complexée, sachant que seul mon chapeau n'était pas incongru ! Heureusement, nous avons emprunté un chemin qui longeait un côté du camp, bordé de bosquets broussailleux, auquel de nombreux bungalows tournaient le dos. Nous nous sommes arrêtés net devant l'un d'entre eux, sous la véranda duquel nous pouvions discerner une dame occupée. Séverine m'a présentée à Typhaine, qui a entre cinquante-cinq et soixante ans, une artiste et aussi la préposée aux soins des chats du camp, dont deux spécimens de ces compères à fourrure prouvaient l'existence. J'ai appris qu'Alia n'a jamais accepté de venir chez Typhaine en l'absence de Séverine et qu'elle se fait livrer sa gamelle sur place ! Alia a toujours refusé aussi de pénétrer dans le bungalow de Séverine, de peur sans doute de se retrouvée piégée à l'intérieur !
Là, j'ai eu du mal à ne jamais regarder le corps de Typhaine l'artiste, lorsqu'une vraie conversation a commencé. Je suis parvenue à ne pas laisser mes yeux vagabonder parce que ce qu'elle a montré a été une merveilleuse découverte pour moi. Typhaine l'artiste est passionnée par l'histoire et le monde du Moyen-Age (12ème siècle précisément) et construit des villages miniatures, maisons typiques, fermes, meubles minutieux à l'intérieur aussi, églises, un couvent avec la chapelle, les cellules des soeurs, le réfectoire, le cloitre et le jardin intérieur, tout cela mis en vie par la présence de tout petits personnages et animaux, pas faits par elle mais obtenus sur commandes. Son matériau de prédilection est du basalte, mais elle se sert aussi de boîtes de camembert ! Un travail ahurissant et réussi, quelquefois guidé par l'utilisation d'une bonne grosse loupe. typhaine fait remonter sa passion à sa découverte des romans policiers d'Ellis Peters.Je me suis souvenue qu'Anaëlle m'avait prêté un des livres du romancier britannique une fois, puis que je m'en étais acheté un autre, qui se trouve toujours dans ma chambre de jeune fille à Brest ! Je me suis promis mentalement de relire les enquêtes policières de Frère Cadfael au 12ème siècle.
Séverine m'a désigné d'autres oeuvres, constituées de branchages et de racines, devenus terriers ou maisons pour ... le Peuple Invisible ... j'ai senti, peut-être en me trompant, comme une réticence émanant de la dame à révéler des détails sur cette partie de son travail artistique et je n'ai pas osé insister, bien que brûlant d'en savoir plus ! La prochaine fois ? Nous avons dit au revoir à cette dame plaisante et mystérieuse et sommes retournées au bungalow de Séverine, après que celle-ci m'ait précisé que le bungalow voisin était celui du compagnon de la dame artiste, un monsieur étudiant les araignées, surtout les mygales. Séverine m'a sentie presque frissonnante et m'a assurée que les mygales n'étaient pas acceptées dans le camp !
A notre retour, entre 4 h 30 et 5 h 00 de l'après-midi, Séverine a décidé : cela n'a plus aucune importance à cette heure de la journée si tu gardes ta robe ou pas, je veux que tu visites tout le camp. Allons boire un café italien près de la piscine. Nous avons vu les courts de tennis, des gens qui jouaient, d'autres qui se faisaient bronzer, nous avons cherché en vain les chèvres et la vache. Séverine a rencontré des gens qu'elles connaissait, expliquant chaque fois que j'étais là pour la première fois. Nous avons fait signe au couple âgé avec son chien rencontré à midi, maintenant décemment dévêtu, se reposant dans leur jardin. Je peux conclure que je n'aurais pas eu un gros effort à faire pour aller nager dans la piscine, si j'avais accepté auparavant de me déshabiller et de m'enrouler dans le pareo tendu sans insister par Séverine, avant notre départ pour le grand tour du camp. De toute façon, je me sentais comme nue, n'ayant pas pris mon sac à main ! Je suis marrante, non ? Oui, mais en fait pas prête !
Après cela, nous avons travaillé à l'abri du toit sur la terrasse en bois de cinq à huit. J'ai pensé que c'était comme cela que j'avais imaginé la maison de Luther Redtimber. J'en ai parlé à Séverine, en ajoutant qu'un rocking-chair serait super ! Le soleil a brillé presque toute la journée, tandis que les nuages ont traversé le ciel discrètement, déversant deux timides averses quand nous nous consacrions à notre travail, celui de Séverine d'abord, le mien pour finir.
Si tu étais heureuse de ma visite, Séverine, ce plaisir était partagé. Nous réussirons, toi comme moi, dans ce que nous avons prévu.
Ce jour-là, je n'ai vu ni top models, ni personnes anorexiques, j'ai entrevu des silhouettes ordinaires, grosses, dodues, minces, jeunes ou moins jeunes, vieilles et usées mais toutes belles car il n'en émanait qu'un naturel dénué de honte.
Lenaïg
Notes :
- Ce texte a la particularité que je l'ai initialement rédigé en anglais (un défi lancé par Séverine, en marge de notre journée). Je posterai mon texte anglais ultérieurement.
- Luther Redtimber est un personnage de mon invention. Voir, par exemple, le chapitre 8 de mon roman "Ils sont là !"
Tags : severine, avons, cela, bungalow, camp
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Commentaires
Quelle belle escapade en juillet ! D'ici, en pyjama, tu m'as fait rêver sans fermer les yeux. Bonne semaine chez vous. Ici, semaine de vacances scolaires qui commence avec de la grosse pluie verglaçante. Facile d'imaginer que le camp de Sévérine est bien tentant si on peut garder sa robe sur le dos. Bizs.
bonjour lenaig il me semble que tu avais déjà fait allusion à cette escapade mais j'ai pris plaisir à te suivre.........bisous
4DI leVendredi 6 Juillet 2012 à 08:47Ce doit être difficile de garder les yeux dans les yeux quand on sait que sous le menton il n'y a rien. Sauf que la nudité est naturelle pour les nudistes et ils se sentent bien avec leur peau nue. Sur la plage, jamais sans mon maillot. Mais dans le lac, dans la mer, cachée sous les flots ou plus loin sous l'eau, il tombe à l'occasion. Nue dans l'eau, c'est différent, ça donne un sentiment de liberté et de romantisme. Avec son compagnon de vie, du mois ou de l'année, à l'abris du regard des voisins, ça peut-être romantique. Mais il me semble que avec de vrais naturistes, ce doit être plus facile de laisser tout tomber. Après tout, eux aussi nous regardent dans les yeux. Donc, il ne devrait pas y avoir de gêne. Ce n'est que lorsqu'on est plus loin d'eux qu'on se fait regarder. Toutes façons, chacun ses goûts et si rien n'est interdit en ce sens et qu'on se sent bien dans sa peau, qu'elle soit de n'importe quel âge. Pourquoi pas ? Mais nue devant tant de gens, il faut tout de même avoir un peu de cran.
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Euh un coucou timide... Tu es nue ou voilée Belle description pudique d'un endroit... particulier. J'ai aimé te suivre mais toute habillée hein....Bisous Lenaïg