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    Pauvres

    La misère n'épargne pas la région. En catimini, elle s'étend.
     
    Elle profite des préjugés pour se propager. Ses victimes osent peu la dénoncer.

    Au cours des dernières semaines, des responsables d'organismes de bienfaisance du territoire ont indiqué au journal voir plusieurs nouveaux visages. Des familles dont les deux parents travaillent mais qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts.

    Le prix de l'essence a explosé, le panier d'épicerie aussi mais les salaires ne suivent pas, ont déploré des bénévoles.

    Malgré la gravité de la situation - quand une famille n'arrive pas à se nourrir convenablement c'est dramatique  -, personne n'est descendu dans la rue ou n'a bloqué un pont pour revendiquer des conditions de vie décentes. C'est à dire : pouvoir payer ses affaires sans avoir à demander la charité.

    Plusieurs personnes m'ont parlé de leurs difficultés ces derniers temps mais aucune n'est prête à témoigner publiquement. Comme cet homme qui s'est résolu à frapper à la porte d'une banque alimentaire. Il a pilé sur son orgueil. Parmi les produits donnés, quelques-uns étaient «passés date». Bien sûr que les aliments étaient parfaitement comestibles. Meilleur avant le 12 octobre ne signifie pas pourri le 13. Mais cet homme nous pose la question : vous aimeriez offrir des yogourts périmés à vos enfants ?

    De son côté, une mère a déploré l'augmentation fulgurante du prix des aliments. L'épicerie qui lui coûtait 585 $ par mois il n'y a pas longtemps ampute maintenant son budget de 675 $. Ça représente 15 % de plus. Vous devinez que le revenu de la famille n'a pas augmenté de 15 %. «On n'a plus de marge de manœuvre», a dit la dame. «Je fais tout ce que je peux pour économiser. On ne peut plus réduire les dépenses. On avait pensé couper internet mais, avec les enfants qui vont à l'école, c'est devenu un service essentiel.»

    On aurait aimé que cette femme manifestement vaillante et bien organisée témoigne de sa situation difficile. Une situation qui n'est pas unique. Bien des familles dans mon entourage n'en peuvent plus d'en donner toujours plus aux pétrolières, aux gouvernements et à l'épicerie.

    Elle a décliné. Peur que ses enfants se fassent achaler à l'école si elle apparaissait dans le journal. Crainte d'être jugée. Des préjugés. Comme si c'était de leur faute s'il manquait d'argent. Même s'ils suent autant à l'ouvrage qu'un joueur de hockey pour une infime fraction de son salaire. Même s'ils gèrent mieux leur budget que le gouvernement. Si le Québec tenait ses finances aussi serrées que cette mère de famille discrète, il ne trainerait pas une dette de 200 milliards.

    Paru dans le Soleil de Châteauguay, Québec, Canada, le 24 mars 2012.

    Michel Thibault


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    Pour la plupart des gens, la perte d'un enfant représente la pire des tragédies.

    Comment un parent peut-il en arriver à tuer ses propres filles de sang-froid ? Apparemment, si dès sa naissance ses propres parents lui enseignent que l'honneur de la famille l'emporte sur tout. Que les filles doivent se soumettre à la volonté de leur père, sans quoi elles le déshonorent. Si ce même message est martelé partout autour de vous. C'est ce qu'on appelle la culture.

    Bien sûr le cas des Shafia en est l'expression extrême. Les paroles qu'on inscrit sur le disque dur vierge d'un enfant forgent son esprit. Elles peuvent l'ouvrir sur d'infinis horizons ou l'enfermer dans un Alcatraz sordide.


    En ce mois de février qui est celui de l'Histoire des Noirs, l'esclavagisme illustre bien à quel point les humains sont enchainés aux idées reçues, aux âneries qu'on leur inculque.

    En effet, si nous étions nés aux États-Unis en 1820, nous serions pour la plupart racistes. Naïvement, je pensais que les habitants du nord, à l'époque, croyaient en l'égalité des êtres humains. Qu'Abraham Lincoln s'était battu pour ça. La lecture d'une biographie du célèbre président m'a désillusionné. Lincoln désapprouvait l'esclavage mais «il n'était pas partisan de l'égalité des Noirs». Il estimait que «les Noirs n'étaient pas les égaux des Blancs moralement et intellectuellement». Une idée dominante dans la population blanche dans tous les Etats-Unis au XIXe siècle. D'ailleurs, pour éviter de déplaire aux nordistes qui redoutaient une invasion en cas d'abolition de l'esclavage, Lincoln a d'abord souhaité que les «gens de couleur» libérés quittent le pays. Qu'ils aillent s'installer au Libéria !

     

     

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    La conscience de Lincoln et de ses contemporains était modelée par les enseignements du temps. Nos âmes n'échappent pas au même principe aujourd'hui. Nos croyances dépendent des informations que nous lèguent, au premier chef nos parents, puis les enseignants et la société entière.


    Pour se libérer, il faut douter, remettre en question, forger ses propres opinions, ses propres convictions.

    Si des croyances débiles sont en voie d'extinction, c'est grâce à quelques-uns qui ont pu se libérer des idées dominantes. Mais se libérer ne suffit pas. Il faut le courage de défendre ses idées à contre-courant. Ces pensées exprimées peuvent alors se propager d'un crâne à l'autre et contribuer, un jour, à changer le monde.


    A cet égard, j'approuve l'approche de Lincoln militant pour l'émancipation des Noirs. Le président désapprouve les abolitionnistes violents. «Si on attaque, les gens ripostent», considère-t-il. «On gagne les gens à sa cause par la persuasion, par la persuasion douce et discrète.» Une autre façon de dire qu'on n'attrape pas les mouches avec du fiel.


     

    Michel Thibault  (clic) 

     

     

     

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     Illustrations (et recherches de Lenaïg, dans le prolongement du billet de Michel) :

    • Toussaint Louverture, www.badassoftheweek.com
      (page très intéressante, quand on peut lire en anglais)
      Infos Wikipedia :

      Toussaint Louverture (né François-Dominique Toussaint de Bréda le 20 mai 1743 près de Cap-Français, en Haïti, mort le 7 avril 1803 au Fort de Joux, à La Cluse-et-Mijoux en France) est le principal dirigeant de la Révolution haïtienne, devenu par la suite gouverneur de Saint-Domingue (le nom d'Haïti à l'époque). Il fut l'un des premiers généraux noirs de l'armée Française dans la lignée du Général Dumas. Il est connu pour avoir été le premier dirigeant noir à avoir vaincu militairement les forces armées d'un empire colonial européen (Espagne) sur le continent américain, à l'inverse de Dumas qui a fait sa carrière sur le continent européen. Né esclave, il s'est démarqué par ses capacités de commandement en menant victorieusement la lutte pour la libération des esclaves haïtiens. Il est ainsi devenu une figure historique d'importance dans le mouvement d'émancipation des noirs en Amérique.
    • Abraham Lincoln, www.americanswhotellthetruth.com
      Infos Wikipedia :
      Abraham Lincoln (12 février 180915 avril 1865 à Washington) est le seizième président des États-Unis. Il est élu pour deux mandats de quatre ans en 1860 et 1864 sans terminer ce dernier. Il est le premier président républicain de l'histoire du pays. Son nom est associé à la guerre de Sécession et à l’abolition de l'esclavage. Il meurt assassiné à la suite d'un complot émanant de partisans confédérés au début de son second mandat.
    • Le chevalier de Saint-Georges, www.grioo.com
      qui a donné son nom à une rue de Paris. Un exemple parmi d'autres.
      Mais diable ! me disais-je, comment « … l’homme le plus accompli d’Europe pour l’équitation, la course, le tir, l’escrime, la danse et la musique » (John Adams, futur Président des Etats-Unis) est-il aujourd’hui inconnu des Français alors que le Chevalier d’Eon qui jouait les travestis a pris place dans la mémoire de ses compatriotes ? Comment ce métisse français qui devint à 23 ans premier violon puis à 28 ans chef d’orchestre de la très prestigieuse société du « Concert des Amateurs », comment celui qui fut le préféré de Louis XVI pour diriger l’orchestre de l’opéra de Paris (L’Académie Royale de musique) – poste qu’il n’obtint finalement pas pour ne pas mécontenter certaines dames de la cour - passa-t-il inaperçu pendant tant de temps et reste aujourd’hui encore inconnu dans l’histoire de la France ?
      Extrait de l'article de Raphaël Adjobi (clic).

     

    En préparant la présentation de l'article, j'avais un oeil et une oreille sur l'émission Thé au café de Catherine Ceylac sur France 2, et les propos de l'invité Yvan Attal recoupaient parfois le sujet de ce billet, notamment le titre. J'ai trouvé une vidéo qui présente la pièce de théâtre Race, qu'il joue en ce moment. Au cours de l'émission, un autre extrait que ce qu'on voit dans la vidéo nous a été montré, où le personnage interprété par Yvan Attal tient des propos très profonds sur le thème.

    Lenaïg

     

     

     

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     Le ballon de sept heures
      
    Le temps qu'il fera demain ne laisse personne de glace. Les prévisions météos sont devenues aussi indispensables que le pain quotidien. Un pain high-tech auquel communie toute la planète.

    Si les Colette de ce monde peuvent nous révéler à l'avance température, précipitations et force du vent c'est grâce à une grande collaboration internationale.

    Chaque matin, à sept heures tapantes, des ballons-sondes sont lâchés au Québec. Ils entraînent vers le ciel des instruments qui mesurent la température, la vitesse du vent et l'humidité. Le même geste est posé au même moment un peu partout sur la planète. «C'est fait partout dans le monde. La très grande majorité des pays participent et ça se fait aussi en mer avec des bateaux», explique André Cantin, météorologue à Environnement Canada. Cette envolée de ballons s'effectuent en fait deux fois par jour, aux douze heures.

    Le but de cet exercice : «Obtenir une image de l'atmosphère sur l'ensemble du globe à des moments précis.»

    Les données recueillies par les sondes durant leur ascension sont transmises en temps réel à l'Organisation météorologique mondiale, liée à l'Organisation des nations unies. «Elles servent à faire des cartes d'analyse et elles alimentent des modèles de simulation», indique M. Cantin. Des informations provenant de satellites entrent aussi dans les équations.
    À partir de l'ensemble des données pertinentes, un super ordinateur au centre de météo canadien à Dorval simule des systèmes météorologiques pour produire des prévisions locales.

    15 km d'altitude
    Il existe cinq stations d'aérologie au Québec, situées en dehors des grands centres urbains, Maniwaki, Sept-Iles, Kujuaaq et Kuujjuarapik. Les ballons lâchés montent jusqu'à 10 ou 15 km dans l'atmosphère. La pression de l'air sur leur paroi diminuant, ils enflent et finissent par éclater. Les instruments chutent alors. Les chances de les recevoir sur la tête sont minimes. «L'appareillage est très léger. Très souvent, il tombe en forêt ou en mer», précise André Cantin.

    Contrôler un jour la météo ?
    Au lieu de prévoir la météo l'être humain pourra-t-il un jour la maîtriser ? «Si vous pensez pouvoir rivaliser avec l'énergie solaire oui, mais j'en doute», répond à cette question le météorologue. «Le soleil est la source du moteur climatique. L'ensemble du globe est touché. En voulant contrôler, on peut causer plus de tort que de bien.»
    Michel Thibault (clic)

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    C'est toi cancer ?

     

    J'ai un tatouage bien caché. Ça prend des rayons X pour le voir. Il décore mon poumon gauche.

     
    Après l'avoir aperçu sur une radio en février dernier, le Dr Louis Gravel a prescrit un scan. L'examen a révélé un nodule spiculé de 9 mm «hautement suspect de néoplasie». Néoplasie est un terme poli pour cancer. Ça donne un choc quand on fait beaucoup d'exercice et qu'on mange du brocoli tous les jours. Mais je me rappelle avoir fumé de l'âge de 20 à 35 ans.
     
    Pendant un moment, ce bidule a occupé toute la place dans mon esprit normalement plus large que 9 mm. J'ai pu observer de visu que discerner le rien du mal représente un grand défi pour la médecine. L'équation n'est pas simple. Ce n'est pas «tache au contour mal défini» égale cancer. Pour en avoir le cœur net, il faut enquêter.
     
    Encore là, rendez-vous rapide à l'hôpital Anna-Laberge avec le pneumologue Smith. Il m'a rassuré. «Si c'est un cancer, il est tout petit. On va l'enlever et vous pourrez courir le marathon si vous voulez mais un peu moins vite.»
     
    Question d'identifier le suspect, on a commandé une biopsie. Alors que j'étais résigné à me faire enfoncer une longue aiguille dans le dos, à plat ventre sur le tomodensitomètre, la spécialiste en la matière a conclu qu'elle ne pouvait pas procéder. Le fameux nodule avait un peu fondu. À moins que je puisse arrêter de respirer pendant cinq minutes pour que cette petite cible reste immobile, elle serait trop difficile à atteindre. «Je suggère de faire un scan dans trois mois pour voir si ça grossit.»
     
    Et c'est là tout le dilemme de la détection précoce. On ne veut pas se faire amputer un morceau d'appareil respiratoire pour rien si le truc est bénin, et, d'un autre côté, on ne souhaite pas laisser croitre une tumeur maligne assassine. Dans mon cas, le fait que j'avais zéro symptôme a milité pour l'attente. Pas de sang craché, pas perdu de poids et même pas essoufflé.
     
    Sur internet, j'ai trouvé un site médical qui fournit les probabilités qu'un nodule soit malin en fonction de l'âge, de la taille, du caractère spiculé ou non, et du tabac. Selon ses calculs, mes chances de cancer s'élevaient à 5 %. Rien pour écrire à sa mère.
     
    Le scan de contrôle s'est passé à la mi-septembre. Le Dr Gravel m'a annoncé le résultat le 27 octobre. Il était fier de me dire que M. Spiculé, comme je l'appelle, n'a pas grossi. Ce qui signifie qu'il ne s'agit très probablement pas du célèbre tueur.
     
    Je suis quand même bien sensibilisé à la cause et c'est sans hésiter que j'ai arrêté de me raser sous le nez le 1er du mois à la santé de Movember.

     

     

    Michel Thibault

     

     

    Illustration :

    Pierre Desproges

    www.linternaute.com

     

     


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  •   Pour page Profiter de la misère, Michel Thibault - Cuba - www.offrevoyages.com
    Assis derrière des plaques d'autos gravées à la main, le vieil homme s'est plaint : «Toute la nourriture est pour les touristes !»
      
    La misère a encore noirci à Cuba où je suis retourné cet été. Le gouvernement a congédié des dizaines de milliers de travailleurs. Comme il est à peu près le seul employeur, le taux de chômage a explosé. La nourriture coûte une fortune et, en dehors des hôtels, ça se résume à du riz, des fèves noires et des fruits. «Un repas pour la famille revient à 10 $ alors que je gagne 25 $ par mois», m'a confié un médecin cubain. Mais même avec de l'argent, c'est difficile de se procurer de la viande. Et pas n'importe laquelle. Du poulet ou du porc. Le bœuf est réservé aux touristes; il est interdit aux Cubains d'en posséder sous peine de prison.
    Quand ils découvrent l'enfer derrière les plages paradisiaques, beaucoup de visiteurs compatissent avec leurs hôtes et aident comme ils le peuvent. Il existe malheureusement une engeance qui profite sans vergogne du malheur d'autrui. À Cuba, j'ai déjà entendu un touriste se vanter que ses vacances ne lui avaient rien coûté. «Je trouve des cochonneries dans les ruelles et je les vends aux Cubains. Ils achètent tout !» Mais il y a pire.
    Tandis que j'attendais de me faire servir un verre, en vacances, un compatriote est venu allonger la queue au bar. «Ha ! Des Québécois !», il a lancé. Le gars s'est mis à raconter qu'il avait tout vendu au Québec et qu'il vivait sur place depuis quelques semaines. «Ça coûte rien vivre icitte. J'fais la belle vie», il a assuré. «Je bois, je mange et je f… toute la journée.» Remplacez les petits points par un terme vulgaire qui rime avec four. «Hé, en un mois j'ai piqué 25 p… !» À ces petits points-là il faut substituer un mot de la famille de pelotonner très méprisant à l'égard des femmes.
    Le parleur n'était pas un Brad Pitt sous le lit duquel bien des demoiselles rêvent de glisser leurs babouches. Il a avoué sans gêne qu'il achetait les faveurs des filles. «En général, j'paye 20 piastres. Des fois dix. Il y en a une qui m'a coûté six piastres; une bouteille de rhum. J'ai 42 ans pi je pique des (mot de la famille de pelotonner) de 19, 20 ans ! Je me gâte.»
    C'est le plus dégueulasse que j'ai entendu mais on en voit de plus en plus qui «se gâtent» au royaume de Castro. Avec la pauvreté qui s'accentue, le tourisme sexuel prend de l'ampleur. Et se pratique ouvertement. On peut les voir sur la plage, quadragénaires défraichis en couple pendant trois, quatre jours avec une nymphette locale. Je me suis laissé dire que c'est même la vocation d'un certain hôtel. «Quand les touristes arrivent, les filles les attendent à l'entrée», m'a affirmé un compatriote. Faites l'amour, pas la guerre, qu'y disent. Ouais, ça peut être pareil.

    Michel Thibault
    http://monteregieweb.com/Le_Soleil_De_Chateauguay

    Photo : Cuba, www.offrevoyages.com 

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