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Pensée esclave - Michel Thibault
Pour la plupart des gens, la perte d'un enfant représente la pire des tragédies.
Comment un parent peut-il en arriver à tuer ses propres filles de sang-froid ? Apparemment, si dès sa naissance ses propres parents lui enseignent que l'honneur de la famille l'emporte sur tout. Que les filles doivent se soumettre à la volonté de leur père, sans quoi elles le déshonorent. Si ce même message est martelé partout autour de vous. C'est ce qu'on appelle la culture.
Bien sûr le cas des Shafia en est l'expression extrême. Les paroles qu'on inscrit sur le disque dur vierge d'un enfant forgent son esprit. Elles peuvent l'ouvrir sur d'infinis horizons ou l'enfermer dans un Alcatraz sordide.
En ce mois de février qui est celui de l'Histoire des Noirs, l'esclavagisme illustre bien à quel point les humains sont enchainés aux idées reçues, aux âneries qu'on leur inculque.
En effet, si nous étions nés aux États-Unis en 1820, nous serions pour la plupart racistes. Naïvement, je pensais que les habitants du nord, à l'époque, croyaient en l'égalité des êtres humains. Qu'Abraham Lincoln s'était battu pour ça. La lecture d'une biographie du célèbre président m'a désillusionné. Lincoln désapprouvait l'esclavage mais «il n'était pas partisan de l'égalité des Noirs». Il estimait que «les Noirs n'étaient pas les égaux des Blancs moralement et intellectuellement». Une idée dominante dans la population blanche dans tous les Etats-Unis au XIXe siècle. D'ailleurs, pour éviter de déplaire aux nordistes qui redoutaient une invasion en cas d'abolition de l'esclavage, Lincoln a d'abord souhaité que les «gens de couleur» libérés quittent le pays. Qu'ils aillent s'installer au Libéria !
La conscience de Lincoln et de ses contemporains était modelée par les enseignements du temps. Nos âmes n'échappent pas au même principe aujourd'hui. Nos croyances dépendent des informations que nous lèguent, au premier chef nos parents, puis les enseignants et la société entière.
Pour se libérer, il faut douter, remettre en question, forger ses propres opinions, ses propres convictions.
Si des croyances débiles sont en voie d'extinction, c'est grâce à quelques-uns qui ont pu se libérer des idées dominantes. Mais se libérer ne suffit pas. Il faut le courage de défendre ses idées à contre-courant. Ces pensées exprimées peuvent alors se propager d'un crâne à l'autre et contribuer, un jour, à changer le monde.
A cet égard, j'approuve l'approche de Lincoln militant pour l'émancipation des Noirs. Le président désapprouve les abolitionnistes violents. «Si on attaque, les gens ripostent», considère-t-il. «On gagne les gens à sa cause par la persuasion, par la persuasion douce et discrète.» Une autre façon de dire qu'on n'attrape pas les mouches avec du fiel.
Michel Thibault (clic)
Illustrations (et recherches de Lenaïg, dans le prolongement du billet de Michel) :
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Toussaint Louverture,
www.badassoftheweek.com
(page très intéressante, quand on peut lire en anglais)
Infos Wikipedia :
Toussaint Louverture (né François-Dominique Toussaint de Bréda le 20 mai 1743 près de Cap-Français, en Haïti, mort le 7 avril 1803 au Fort de Joux, à La Cluse-et-Mijoux en France) est le principal dirigeant de la Révolution haïtienne, devenu par la suite gouverneur de Saint-Domingue (le nom d'Haïti à l'époque). Il fut l'un des premiers généraux noirs de l'armée Française dans la lignée du Général Dumas. Il est connu pour avoir été le premier dirigeant noir à avoir vaincu militairement les forces armées d'un empire colonial européen (Espagne) sur le continent américain, à l'inverse de Dumas qui a fait sa carrière sur le continent européen. Né esclave, il s'est démarqué par ses capacités de commandement en menant victorieusement la lutte pour la libération des esclaves haïtiens. Il est ainsi devenu une figure historique d'importance dans le mouvement d'émancipation des noirs en Amérique.
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Abraham Lincoln,
www.americanswhotellthetruth.com
Infos Wikipedia :
Abraham Lincoln (12 février 1809 – 15 avril 1865 à Washington) est le seizième président des États-Unis. Il est élu pour deux mandats de quatre ans en 1860 et 1864 sans terminer ce dernier. Il est le premier président républicain de l'histoire du pays. Son nom est associé à la guerre de Sécession et à l’abolition de l'esclavage. Il meurt assassiné à la suite d'un complot émanant de partisans confédérés au début de son second mandat.
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Le chevalier de Saint-Georges, www.grioo.com
qui a donné son nom à une rue de Paris. Un exemple parmi d'autres.
Mais diable ! me disais-je, comment « … l’homme le plus accompli d’Europe pour l’équitation, la course, le tir, l’escrime, la danse et la musique » (John Adams, futur Président des Etats-Unis) est-il aujourd’hui inconnu des Français alors que le Chevalier d’Eon qui jouait les travestis a pris place dans la mémoire de ses compatriotes ? Comment ce métisse français qui devint à 23 ans premier violon puis à 28 ans chef d’orchestre de la très prestigieuse société du « Concert des Amateurs », comment celui qui fut le préféré de Louis XVI pour diriger l’orchestre de l’opéra de Paris (L’Académie Royale de musique) – poste qu’il n’obtint finalement pas pour ne pas mécontenter certaines dames de la cour - passa-t-il inaperçu pendant tant de temps et reste aujourd’hui encore inconnu dans l’histoire de la France ?
Extrait de l'article de Raphaël Adjobi (clic).
En préparant la présentation de l'article, j'avais un oeil et une oreille sur l'émission Thé au café de Catherine Ceylac sur France 2, et les propos de l'invité Yvan Attal recoupaient parfois le sujet de ce billet, notamment le titre. J'ai trouvé une vidéo qui présente la pièce de théâtre Race, qu'il joue en ce moment. Au cours de l'émission, un autre extrait que ce qu'on voit dans la vidéo nous a été montré, où le personnage interprété par Yvan Attal tient des propos très profonds sur le thème.
Lenaïg
Tags : lincoln, noir, uns, premier, president
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Toussaint Louverture,
www.badassoftheweek.com
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Commentaires
Bonjour Michel, bonjour Lenaïg ! Notre monde est loin d'être beau pour tous... Suivant que vous êtes noir ou blanc et puis aussi riche ou pauvre... Oui l'éducation des parents et de nos enseignants est déterminante, sans compter la politique, que je ne fais pas, j'ai en horreur ce milieu.... Merci à vous deux ! Bizzz jill
Bravo à Michel et aussi à Léna qui a placé ce lien vidéo qui illustre l'idée profonde de ce sujet. C'est ainsi que cela se joue, il faut ouvrir notre regard sur tout et se poser les bonnes questions. La condition humaine concerce tous les humains. Ne pas avoir peur de remettre en doute les idées transmises par notre culture sociale. Se libérer, c'est renoncer à l'aveuglement volontaire: s'affranchie. Être lucide.
Bon WE à vous tous. Bisous à Léna. N'oublions pas les bulles virtuelles du dimanche ! :-)))
un sujet bien difficile que tu abordes avec courage. Difficile de ne pas tomber dans ses pièges.
J'ai vu avec intérêt le téléfilm diffusé mardi et mercredi dernier sur France2 et encore plus le débat qui a suivi.d'une belle tenue.
On peut reprocher au film son caractère romanesque et la modernisation des caractères, mais en tous cas on ne peut pas l'accuser de manichéisme comme tente de le faire croire le Figaro !
Merci pour cet article
Je suis antillaise de Guadeloupe par mon père et Martiniquaise par ma mère, donc ton post me touche particulièrement. Merci d'avoir souligné ce qui doit changer dans les mentalités. Bon dimanche à toi.
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Bonjour Lenaïg,
On vient d'entendre tout récemment un ministre de la république mettre en doute l'égalité des races, uniquement pour des raisons électorales. Cela doit tous nous faire réfléchir, le racisme n'est pas mort. Bien amicalement. Bon W.E.
Henri.
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