• US-Arizona-Meteor-cratere-1.jpg

     

     

     

    Ramang n’est pas prof pour rien. D’ailleurs il connaissait très bien le conseiller Itau dont l’âme a rejoint la Montagne Sacrée selon nos traditions. Il connaît aussi Acky, quoiqu’elle ne soit pas encore dans l’une de ses classes. Ça m’ôte une belle épine du pied, et puis je n’ai plus assez de blé pour nous faire vivre plus d’une semaine ; je n’ose pas écouler les bijoux de Mère, je crains de me faire arnaquer ou de me faire repérer par l’envahisseur. Acky et moi serons des pupilles de la Nation, mais on ne le sera officiellement que quand la situation deviendra normale. Je rentre. J’ai encore toute la nuit pour prendre ma décision finale.


    — Tu étais où, Ron ?

    — Assied-toi convenablement Acky, et écoute-moi bien.

    — Tu me fais peur, Ron.

    — Allons, calme-toi. Demain, je t’emmènerai chez le prof Ramang…

    — Tu es à sec ? Tu ne peux plus t’occuper de moi ?

    — Ne pleure pas ma puce, je suis persuadé que tu seras mieux et en sécurité là-bas. Je dois m’absenter pendant un certain temps.

    — Où vas-tu aller ?

    — Je ne le sais pas encore, mais ne t’inquiète pas.


    Acky a eu le sommeil agité. Moi, j’ai appliqué la méthode de méditation que le prof m’a apprise. Je finis par sombrer vers les trois heures sans avoir pris une décision ferme. Contribuer à l’expulsion des envahisseur est absolument exaltant ; ce n’est pas tellement à cause de la renommé qui va en découler, mais la sensation d’une satisfaction intense mêlée du sentiment du devoir accompli est indescriptible. De l’autre côté, comme j’ai peur de la mort, le risque mortel n’est pas à négliger ; le prof reconnaît que je suis mal préparé, que je suis encore jeune et la probabilité d’une fin tragique n’est pas nulle.


    Le lendemain, je sors et prends la direction de la bibliothèque municipale, avec Acky à dix pas derrière moi, vêtue assez humblement. Nous arrivons sans incident et je laisse le prof et la petite fille à leurs effusions. Je vais bavarder avec le Maître de la foudre. Puis le prof me prend à part.


    — Alors, tu es décidé ?

    — Je ne demande qu’une chose prof, occupez-vous bien d’Acky.

    — Bon Dieu ! Un peu d’optimise Ron, que diable. On dirait que tu vas à l’échafaud.

    — C’est bien l’impression que j’ai, je vous l’avoue.

    — Détend-toi, ce ne sera pas si terrible. Enfin… Je vais te confier à Papa Wemba. C’est lui qui te guidera pour ta mission. Rejoins-le à la station des taxis-brousse, il t’y attend.

    Effectivement, je trouve le vieux sage qui a déjà pris place. Deux autres sages l’accompagnent ; d’après les motifs de leur bague d’argent, je vois que ce sont, outre des maîtres de sorts, des voyants supérieurs.


    À ma surprise, nous n’allons pas à Bonne-Renommée. Le véhicule dessert les villages qui entourent la Montagne Sacrée. Nous descendons à Pierre-Enceinte, prenons une petite collation dans une gargote locale, puis nous prenons un sentier qui semble mener vers la montagne, Papa Wemba ouvrant allègrement la marche malgré son âge.


    Nous ne montons pas, on emprunte une sente presque effacée qui contourne la montagne. Après une marche laborieuse dans la rocaille, nous bifurquons vers une brèche dans le flanc du mont. Nous devons nous frayer un chemin à travers la broussaille de l’entrée. Je constate que nous sommes les premiers à y accéder après peut-être bien des années, voire des siècles. J’ai entendu dire que des gens faisaient des dévotions aux mânes des ancêtres sur la montagne et des relais ont été aménagés à cet effet, mais je ne connaissais pas cet endroit.


    Le passage est assez étroit, on peut toucher les parois humides en étendant les bras. Puis tout d’un coup, on débouche sur un cratère dissimulé par une végétation qui pousse sur ses bords. Au milieu, un rocher noirâtre affleure et tranche sur le sol rougeâtre. Je saisis d’un coup que ce bloc de roche est la Météorite Noire de nos ancêtres. Nos légendes en parlent et prétendent qu’elle est la protectrice de notre peuple. Je pensais jusqu’ici que ce n’était que de la superstition. Maintenant, je n’en suis plus tout à fait sûr, compte tenu de ce que j’ai appris ces derniers temps.


    Papa Wemba consulte sa montre. Il cherche des yeux un endroit assez dégagé et nous y mène. Il a décrété que nous allons casser la graine avant de passer aux choses sérieuses : il n’est pas loin de midi. J’ai été évidemment relégué au rang de porteur, étant le plus jeune. Nous pique-niquons alors presqu’en silence, n’osant pas troubler la solennité de l’endroit. Après vingt minutes de sieste, le vieux sage se lève frais et dispos.


    — L’heure est maintenant propice, ne trouvez-vous pas ?


    Les deux confrères de Papa opinent gravement. Le vieil homme sort un sachet de poudre de sa poche et en répand en marmonnant autour de la météorite. Puis il sort un petit cône de cuivre qu’il dépose au sommet du rocher. L’un des sages sort un petit flacon et en asperge le tout avec un liquide semblable à de l’eau.

     

    A suivre

     

    RAHAR

     

     

     

    Sachet_en_velour.jpg


     

     

    Illustrations :

    • le Meteor Cratere, Arizona, Etats-unis, www.interet-general.info
    • sachets en velours pour talismans, porte-bonheurs ou grigris, www.esosiris.com

     

     


    4 commentaires
  • chat3.jpg

     

     

     

     

    Béryl est en péril !

    Oui, je sais, c'est facile,

    S'agissant de rimer,

    chat.jpgD'écrire cette idée !

     

    Mais qui, et où est-il ?

    On ne sera tranquille

    Sans qu'on ne l'ait sauvé,

    Car l'idée est posée !

     

    Réfléchissons, pour voir ...

    Il nous faut une histoire,

      Un sujet, du danger ...

    Hé hé, on l'a trouvée !

     

    C'est un tout petit chat,

    Grimpé à l'aventure,

    Qui miaule au bord du  toit !

    La  descente est trop dure ...

     

    Le chien aboie en bas,

    Petit Béryl s'affole.

    Gros toutou, mais tais-toi !

    Vraiment, ce n'est pas drôle.

     

    coloriage14.gifLa solution éclair !

    C'est la bonne, on l'espère :

    Couette arrachée au lit,

    Douillette, sa chérie !

     

     Comme font les pompiers,

    On l'a bien dépliée,

    Pour qu'il tombe dessus,

    On l'a tenu tendue !

     

    Et Béryl a compris,

    La couette est son amie !

    Plouf, ça y est, c'est fini !

    A Béryl belle vie !

     

    Béryl est-il admis,

    Jill maîtresse gentille,

    A la Récré ici ?

    Il sautille et mordille !

     

    Lenaïg

     

     

    thumb_00006.png.jpg

     

     

     

     

     

     

    Illustrations cueillies sur Google images : teteamodeler.com et coloriage.free.com.


    15 commentaires
  • 3634480-5309975.jpg

     

     

     

     

    « Tête de Vautour » est en train d’enfiler des gants de chirurgien, quand on entend des clameurs et une sorte de sourd bourdonnement. L’officier va regarder par la fenêtre. Un soldat va ouvrir la porte pour voir ce qui se passe.

    — Ferme la porte abruti !

    L’ordre du gradé arrive trop tard : un essaim d’abeilles s’engouffre par l’ouverture. Ces couillons de militaires ne savent pas se conduire devant ces insectes : ils gesticulent, gigotent comme des pantins, et les abeilles encore plus exacerbées s’en donnent à cœur joie. Moi je reste absolument immobile, elles ne sont pas de l’espèce africaine tueuse et je n’ai rien à craindre. Je me doute que c’est la signature d’un Commandeur des dards. Soyons sérieux, nos abeilles, même provoquées, ne s’éloignent jamais loin de leurs ruches, et celles de la forêt répugnent à en sortir, l’orée est leur frontière. Seul un sort peut briser leur instinct et seul un Commandeur des dards peut les envoyer où il veut.


    Un type en blouse caca d’oie clair finement rayée de vert et de jaune, entre tranquillement et vient me délivrer. Il a à peine un regard indifférent aux pauvres militaires qui se contorsionnent par terre ; l’un a d’ailleurs cessé de bouger, ayant probablement succombé à un choc anaphylactique. Je renfile ma blouse et nous sortons paisiblement, quoique j’aie écopé de quelques piqûres assez douloureuses.


    Je contemple le spectacle ahurissant des soldats courant de-ci de-là, essayant de fuir la furie des insectes. Mes compatriotes se sont tenus tranquilles et la plupart ont été épargnés. Aucun bâtiment n’a pu être barricadé à temps et les troufions qui s’étaient aventurés en dehors du camp ont été impitoyablement poursuivis par une nuée furieuse.


    Le Commandeur des dards m’emmène vers la sortie sans jeter de regard autour de lui.

    — Et qu’allez-vous faire de tous ces malheureux prisonniers ?

    — Ils devront hélas rester encore ici, nous n’avons pas prévu la logistique idoine. Sais-tu jeune Ron que tes activités nous ont obligés à précipiter nos actions ?

    — Je suis désolé, je ne savais pas qu’il y avait un réseau de résistance.

    — Ce n’est peut-être pas plus mal. Certains estiment qu’Amzar est un peu trop perfectionniste et beaucoup ont déjà manifesté leur impatience.

    — Mais qui est Amzar ?

    Le sage a un petit sourire espiègle. Ses yeux pétillent de joie contenue.

    — Patience, tu le sauras bien assez tôt. As-tu déjà eu la migraine ?

    Je suis interloqué par ce coq à l’âne incongru.

    — Bien sûr, comme tout le monde je suppose.

    — Ça se produit quand tu passes devant la pierre levée du Grand Conquérant.

    — Mais oui, je m’en rends compte maintenant.

    — Et puis quand tu t’attardes un peu près de la Cascade aux Fées.

    — C’est vrai, mais comment le savez-vous ?

    — Je pense que tu as le don, mon petit Ron.

    — Vraiment ? Vous m’en direz tant. C’est aussi simple que ça ?

    — En tout cas, c’est l’un des nombreux signes. Je crois que tu feras un excellent maître de sorts.

    — Un sorcier vous voulez dire ?

    — En quelque sorte, si tu veux. Mais tu as encore beaucoup à apprendre.

    — Je suppose que c’est Amzar qui est à l’origine de ma libération. Qu’est-ce qu’il me veut ?

    — Tu as un rôle à jouer dans le programme d’opérations du réseau… Attend, je connais ton individualisme viscéral. Nous en avons tenu compte. Au moins, écoute ce que va te dire Amzar.


    Si j’avais pensé que ledit Amzar était caché dans la capitale, je me suis fourré le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Il était tout simplement ici, dans ma cité. Pour des raisons de sécurité, il a pris un nom de guerre qui signifie à peu près « à la grâce de Dieu ». En fait, Amzar est mon professeur de physique philosophique, Ramang Lebleuh, un doux savant que personne n’imaginerait avoir assez d’ascendant pour être à la tête d’un réseau de résistants. En outre, notre cité implantée aux abords de la zone forestière du pays, est le principal producteur de remèdes traditionnels réputés et nos forêts renferment des essences endémiques très recherchées.


    — Mon cher Ron, j’ai été bien préoccupé par ta disparition. Pourquoi ne m’as-tu donc pas contacté à la mort de tes parents ?

    — J’avoue que j’ai été très perturbé, professeur. Vous comprenez que j’ai été aveuglé par ma douleur et ma rage. Mais j’ai appliqué votre leçon sur la manifestation différentielle des phénomènes physiques. Je pense avoir agi avec suffisamment de discernement pour ne pas avoir causé de tort à mes compatriotes.

    — Disons que ton esprit intuitif a guidé tes pas. Toutefois, tu manques d’éducation politique et tu n’as pas encore suivi des études psychosociales. Mais nous n’avons pas le temps de te former, tes récentes actions vont nous obliger à précipiter un peu les choses.

    — Très bien, pour quelle mission me destinez-vous, professeur ?

    — Ce que j’apprécie en toi, c’est ta perspicacité. Il y a bien une chose que probablement toi seul peux effectuer. Après avoir consulté Papa Wemba et plusieurs sages voyants, nous avons cherché et trouvé la mythique Météorite Noire de nos ancêtres. Il faut une configuration mentale particulière pour pouvoir exploiter ses pouvoirs extraordinaires. Les sages ont cherché… et leur choix unanime s’est porté sur toi.

    — Cela veut-il dire que je suis anormal ?

    — Mais non, que vas-tu penser là. Chacun a son propre talent, tu es un peu spécial, c’est tout.

    — Quelle en est la contrepartie ?

    — Méfiant, hein ? Mais tu as raison. Tu auras un mal de tête épouvantable pendant un certain temps, tu seras désorienté comme drogué au haschich quelques jours et tu auras peut-être quelques crises d’épilepsie.

    — Y a-t-il un risque mortel ?

    — Pour être franc, je n’en sais rien. Mais tu sembles en pleine forme.

    — Ai-je vraiment le choix ?

    — Mais oui, personne ne peut influer sur ton libre arbitre. Tu agiras selon ta conscience.


    Je rejoins mon refuge sous la surveillance discrète de quelques membres du réseau. Je trouve Acky plongée dans ses études. Elle est si mignonne malgré le maquillage qu’elle n’a pas encore enlevé. Que vais-je lui dire ? Si j’accepte la mission, qui s’occupera d’elle ? Mais au cas ou je déclinerais l’offre, notre vie de clandestins sans confort pourrait durer bien longtemps. Et puis je pense au camp d’internement et à ce que j’y ai vu. Je fais une pause mentale en m’absorbant dans la préparation du dîner.


    — Dis-moi Acky, serais-tu capable de te débrouiller seule ?

    — Quoi, tu veux m’abandonner ?

    — Allons, ne panique pas, ce n’est qu’une hypothèse.

    — Tu vas faire quelque chose de dangereux ? De très dangereux ?

    — Attend, répond-moi simplement.

    — Mais Ron, je ne peux pas rester seule. Même dans mon cagibi là-bas, j’ai beaucoup de peine à me retenir d’aller rejoindre les autres. Dis-moi, qu’est-ce que tu mijotes ?

    — Bon, attend-moi là un instant, termine ton rata, je reviens.


    Je sors en surveillant les alentours, puis je rejoins une cabine téléphonique. Je me décide à appeler le prof qui doit être chez lui à cette heure. Je sais que l’occupant met sur écoute la plupart des portables et très peu de gens utilisent encore le fixe.

    — Prof, c’est le prodige. J’ai un petit problème : j’ai une petite poupée à charge, elle me vient d’un taré et tout qui s’en est allé à la montagne.

    — Euh… Oh la pauvre ! C’est bon, je vois ce que c’est, amène-là moi demain, je crois que j’ai une vitrine où la mettre. Tu n’as plus d’autre sujet de préoccupation, j’espère ?

    — Non, non, demain je saurais si je suis décidé à prendre un bain. Merci prof.

     

     

    A suivre


     

    RAHAR

     

     

    images.jpg


     

     

    Illustrations :

    • Attaque d'abeilles, www.ndarinfo.com
    • Acky transformée en petite poupée vaudou pour les besoins du langage codé, www.maquettes-papier.net

     

     

     



    3 commentaires
  • cristal-arturbain131044290959_art.jpg

     

     

     

    L’envahisseur est bien sûr ravi de l’aubaine. Il avait bien essayé de placarder des affiches wanted bien léchées et en couleur des gens qu’il recherchait (membres enfuis des familles exécutées, saboteurs, « terroristes ») mais elles étaient prestement arrachées dès que les colleurs ont tourné le dos ; dégoûté, il a finalement abandonné l’idée et s’est rabattu sur l’aide peut-être moins efficace des délateurs et des collabos.


    On m’emmène bien entendu au QG. Ce n’est pas à cause de mes actions (l’ennemi n’imagine aucune relation) que j’en suis là, mais parce que je suis un Ubar et en outre, j’ai révélé fortuitement l’existence d’un réseau de résistance. Bien que froids, les deux soldats n’ont pas été brutaux, d’autant moins que je les ai suivi docilement. Je n’ai plus hélas mon fantôme aux yeux aveugles que je n’ai pas eu le temps de récupérer pendant la délivrance d’Acky et c’est très regrettable. En effet, il est très difficile de se procurer de la feuille d’yeux aveugles. Ce n’est pas que la plante soit particulièrement rare, mais elle ne se laisse pas facilement cueillir : même si l’on a le nez dessus, curieusement on ne sait pas qu’elle est là, on la prend pour une autre plante, seuls ceux qui ont le don peuvent la voir et la toucher. Mes autres sorts n’ont pas d’action instantanée. Je suis fait comme un rat.


    Il est heureux que « Tête de Nœud » ne soit plus là ; il doit agoniser quelque part. Mais en arrivant au QG, je sens une pointe de découragement m’assaillir. Je vois de nouvelles têtes, l’envahisseur doit avoir remplacé ses hommes malades. Ce qui est nouveau, c’est que tout le monde porte un masque de tissu (on dirait qu’une armée de chirurgiens a investi le bâtiment) et des bottes à tige haute. Si seulement ils savaient que leurs maladies n’ont rien à voir avec des microbes ou des parasites ! Je me demande jusqu’à quel pourcentage de ses effectifs l’envahisseur consent à sacrifier pour enfin comprendre l’inanité de ses efforts. Nous devons donc nous armer d’un peu plus de patience.


    Dans l’allée, j’ai fait semblant d’être pris de démangeaisons pour me débarrasser de toutes mes poudres, car je suis sûr qu’on va fouiller mes vêtements avant de me faire enfiler la tenue de prisonnier. Mais j’ai peut-être tort, ils ne vont pas prendre cette peine puisqu’ils vont m’exécuter sous peu. On me fait entrer dans le bureau de l’un des officiers qui a déjà interrogé Acky. On me fouille minutieusement, je n’ai emporté qu’une partie de mon argent, l’héritage liquide de mes parents, et l’officier enfourne dans sa poche le butin après avoir filé un billet à chacun de mes deux gardes. L’appareil sophistiqué qui trône sur une console n’a pas mis plus d’une minute pour afficher mon identité, à la grande satisfaction du gradé.


    — Tu vois petit connard, on n’échappe pas longtemps à notre organisation.

    — Connard vous-même, si vous n’aviez pas tous ces maudits vendus, vous ne m’auriez jamais trouvé.

    — Naïf que tu es ! Ne sais-tu pas que pour gagner, tous les moyens sont bons ? N’imagine surtout pas que tes compatriotes sont différents des autres, comme partout ailleurs, il y aura toujours des gens qui offrent leur collaboration pour instituer la paix.

    — Et c’est pour instituer la paix que vous exécutez des familles entières et emprisonnez des gens innocents ?

    — Tu ne comprends rien à la stratégie militaire ni à la politique. Nous ne voulons pas de mal à ton pays qui ne possède rien qui nous intéresse, on veut seulement éviter les troubles. Ton Amzar et son réseau mettent en danger l’ordre public. Remarque, c’est une quantité négligeable pour nous, mais la population compte sur notre vigilance pour assurer sa sécurité.

    — D’abord, ce n’est pas mon Amzar, et puis je ne savais même pas qu’il y avait un réseau. Un réseau de quoi, d’ailleurs ?

    — Ne fais pas l’imbécile. Tu as été surpris en train d’essayer de le contacter.

    — C’était peut-être une commission de la part d’un ami, qu’en savez-vous ?

    — Justement, tu vas nous le dire, petit malin. Tu vas tout nous dire, crois-moi.


    L’officier vient d’appuyer sur un bouton et peu après, un gradé imposant entre. Sa binette donnerait des cauchemars à un moutard, il a une tête de vautour et un rictus sardonique des plus déplaisant. Je remarque à son col une croix blanche… non, ce sont deux tibias entrecroisés… comme ce qu’a porté « Tête de Nœud ». Celui-ci a donc été remplacé, et pas en mieux. J’avale ma salive, je n’en mène pas large, là.


    — Mon colonel, voici le jeune Ron Ubar, comme promis.

    — Merci commandant. Demain, vous pourrez envoyer une estafette prendre une copie du rapport d’interrogation. Je vous félicite pour votre efficacité.


    La mort dans l’âme, je me résigne à suivre le nouveau responsable du camp d’internement. J’ai été trop sûr de moi pour me munir d’un quelconque poison ; je n’ai même pas la moindre petite lame pour m’ouvrir les veines, et mes sandales n’ont pas de lacet pour me pendre. Il est bien connu que ce sont les intellectuels qui sont les plus douillets, je ne pense pas pouvoir résister à la plus bénigne des tortures. Et ce qui me navre, c’est que j’ignore tout d’Amzar et de son réseau, j’appréhende donc de longues séances de tortures stériles. Si seulement on m’exécutait tout de suite.


    Je me maintiens assis bien droit dans la voiture noire de « Tête de Vautour », je ne tiens pas à lui donner la satisfaction de voir ma détresse intérieure. Je veux lui montrer la fierté de mon peuple et son stoïcisme dans l’adversité. Je ne peux cependant éviter qu’une fine sueur humidifie mes tempes, ni empêcher mes mains de devenir moites. Je l’avoue, j’ai peur de la mort, je suis encore si jeune, j’ai encore des tâches à commencer, à mener à bien, j’ai des compétences à mettre au service de la société. Puis mes pensées vont vers la ravissante Acky. Que va devenir cette pauvre petite ? Ce soir, elle attendra en vain mon retour. Elle va se résigner à cuire son repas ; mais sait-elle au moins cuisiner ? À douze ans, les enfants du peuple, fille ou garçon, connaissent déjà la recette compliquée de la poularde farcie aux langoustines et fines herbes. En tant que fille de la haute, Acky a peut-être eu une autre éducation. Cependant, les grandes familles qui s’accordent une domesticité ne sont pas nombreuses. J’espère que je ne me suis pas trompé sur son compte et que dégourdie comme elle est, elle pourra se débrouiller après un petit moment de désarroi compréhensible.


    Du poste d’observation où j’étais quand j’ai espionné le camp d’internement, je n’ai eu qu’un aperçu superficiel ne rendant pas vraiment tout le sordide de l’intérieur. Les allées entre les baraquements de bois sont évidemment d’une netteté toute militaire. J’aperçois un pauvre bougre étique n’ayant plus que la peau sur les os, balayer un sol déjà impeccable, sous la férule d’un soldat portant un masque de tissu blanc, qui le traite d’asticot de tinette en le gratifiant de coups de matraque caoutchoutée. La veste de prisonnier légère et très ajustée — vraisemblablement d’une taille au-dessous —du pauvre bougre laisse deviner des côtes saillantes de sous-alimenté, voire d’affamé. Des malades abandonnés à leur sort sont misérablement adossés à des murs, laissés à la merci du vent, du soleil tapant ou de la drache.


    Plus loin, du côté du bois de mimosa, un mur de briques, de la terre battue et trois poteaux de bois m’indiquent le lieu d’exécution. Alors qu’on m’emmène vers un bâtiment un peu différent des autres, je distingue des taches sombres sur le sol ocre. Je crains que ce ne soit des taches de sang. Je ressens un petit frisson désagréable.


    Dans la baraque en bois meublé du minimum de confort, on m’assied sans ménagement sur un fauteuil à l’aspect insolite : des anneaux métalliques aux accoudoirs et aux pieds de devant, un cercle de cuivre qui peut coulisser au dossier, et des fils courant derrière, vers un tableau électrique. Sur une tablette, je vois des instruments étincelants de chirurgie sur des plateaux métalliques. Sur une autre sont alignés des pinces, des tenailles et des crochets. Je crois bien que ça va être ma fête, pour un peu, je vais faire dans mon froc. Une abeille vient bourdonner dans la pièce, suivie de trois autres.

    — Eh bien mon petit, on va avoir une petite conversation, n’est-ce pas ?

    — Écoutez tête de lard, je n’ai rien à vous dire, je ne sais rien.

    — Hmmm ! Il a du vocabulaire, notre jeune ami. Mais ne t’en fais pas, tu vas finir par chanter comme un rossignol, crois-moi. Alors, où est-il donc notre fameux Amzar ?

    — Mais bougre d’âne, si je le savais je n’aurais pas demandé à le contacter.

    — Quel est donc votre plan ?

    — Mais je n’en sais rien, moi !

    — Quelles informations voulais-tu lui transmettre ?

    — Seigneur ! Mais vous êtes bouché ou quoi ?

    — Très bien, tu ne me donnes pas le choix… Sais-tu que tu as des mains de pianiste ? Des doigts si fins qu’on dirait ceux d’une fille.

    — Je fais justement du piano, et alors ? Je suis assez talentueux pour entrer à l’un de vos conservatoires.

    — Petit prétentieux va ! Mais je doute fort que tu puisses jamais t’y inscrire… Soldat, pince numéro deux !... Tu as besoin d’une petite manucure, petit.


    Je crois que je ne pourrais plus retenir mes sphincters, malgré mes airs bravaches. Le moment que j’appréhendais est venu, adieu mes ongles… voire mes doigts. Un des soldats m’immobilise le bras. Quoique j’aie les tripes nouées, je m’efforce de ne montrer qu’un visage impassible pour sauvegarder mon honneur. Je sais bien que ce masque va s’effriter dès les premières douleurs, mais au moins je ne perds pas la face.

     

     

    A suivre

     

     

    RAHAR

     

     

    beret-rouge-head-t_design.png

     

     

     


     

     

     

     

    Illustrations :

     

    • Tibias sur casque, www. cristal-arturbain.vefblog.net
    • Tibias sur T-shirts des légionnaires, www.253491.spreadshirt.fr

    3 commentaires
  • 122.jpg

     

     

     

     

    La pension, l'internat... Ces mots évoquent pour certains d'entre vous de bons souvenirs inscrits dans un contexte paisible ou un lieu en écho à votre tempérament, n'est-ce pas ? Vous serez peut-être choqués par ce récit : pour moi, pour d'autres, la pension ne fut pas cela, elle fut terrible...
     

     

    J'avais dix ans, et je ne savais pas que j'allais sortir de l'enfance. En fait, sait-on ce que veut dire enfance ? Réalise-t-on vraiment cette extase qui s'essouffle dans un temps trop long pour nos petits cerveaux d'alors ? Le brouillard pour moi, oui cette enfance m'évoquait le brouillard bienheureux d'un souvenir au chandail vert. Non ! Une veste brodée par maman qui m'aimait, une veste laissant un monde nouveau m'emporter dans le noir d'un soir à la fin d'un week-end de 1970.

     

    Dimanche, dimanche soir 17 heures : premier souvenir de pension. La pension, je m'y étais glissé par une porte inconnue, celle d'un rêve éveillé. Ma soeur m'avait vanté les avantages d'une vie communautaire où je me ferai plein de copains, où l'on serait tous une sorte de " boys-band " avant l'heure, des scouts aux noms étranges, des êtres libres de leur famille... En vérité, je m'en apercevrai plus tard, ce ne fut qu'un flou inventé par ma soeur afin que je n'aie pas peur, un monde idéal qu'elle avait construit pour mon âme et mes espoirs de gosse. Mais ce n'était pas cela.
     

     

    La Sauque, un nom comme ça près de Labrède à 50 km de Bordeaux je crois, voilà le premier projet dont j'avais entendu parler. Et puis, ce devait coûter trop cher, ou sinon, pour une autre raison, le projet n'avait pas abouti ; que pouvais-je en savoir, moi qui vivait avec un coeur léger et insouciant tout en entretenant une crainte sourde devant le père trop sévère dans une maison austère où je montais en courant les escaliers noirs vers la cuisine en haut, loin de la cave au fond du garage. Oh le rire gras des adultes, genre : « fais gaffe petit, à la sorcière qui se cache dans le noir de la cave ! » Pfff ! Quels idiots ! Et qui se croient intelligents !»
     

     

    Un jour de juin, les parents m'avaient confié leur souhait de me mettre en pension, et qu'ils l'avaient trouvée. Je n'avais pas bien réalisé et je passais l'été sans réfléchir, entre les films du dimanche et les jeux du jardin sous le soleil moite du sud-ouest. Ce soir de septembre, ils m'amenèrent vers la grand-ville dont je ne connaissais que le centre et la rue sainte Catherine. « Tu verras, c'est pas très loin dans le quartier saint-Serein, près de Mériadeck où je travaille ! Oui maman, avais-je répondu distraitement. » Et l'on était arrivé vers les sept heures du soir ou quelque chose de ce genre ; on avait dû manger avant. On monta un escalier énorme dans ce qui me semblait être une sorte d'entrepôt tout au bout de la cour immense du collège.

     

    Maman m'aida silencieusement à faire mon lit au milieu de beaucoup d'autres lits semblables qui sentaient une odeur étrangère, et on était redescendu, et elle était partie l'air grave sans que je me rende compte. Un soir ressemblant soudain à un autre soir, un soir qui resterait...
     

     

    Et puis, le flou du souvenir, les images qui stagnent et qu'on n'effacera pas, la douleur rampante avec les semaines du temps qui dure... — Eh toi, le vert ! Passe moi le ballon ! Était-ce un ballon, ou autre chose ? Je ne me souviens plus. — Eh toi, le rouge, à ton tour ! J'avais répondu. La nuit tombait en recouvrant les images de mes dix ans. Demain serait un autre jour qui mangerait deux ans ; deux longues années...
     

     

    Un lieu différent, tellement différent de celui que j'avais connu alors... Derrière les grands murs où je ne voyais pas l'horizon, mon univers familial s'en était allé. J'avais cru en l'éternité de cet univers couvé dans la bulle de mes camarades d'avant où je courais en criant très fort cette vie fusant au-dedans de mon corps. Oh que j'étais insouciant alors : une pousse vivante et insatiable, une sensation de vie puissante où le temps n'existait pas.
    « Est-ce cela l'enfance ? Avez-vous vécu la même chose ? Oui, vous ! Dites-moi ? »
     

     

    J'y fuyais l'austérité de la maison, dans l'école avant la pension, j'avais peur de ceux qui me dépassaient de la tête et de la voix, ces adultes étranges et lourds aux mystères brumeux qu'on comprend peu. Seule, ma maman ne m'intimidait pas, elle incarnait une tendresse où les bras s'ouvraient selon mes désirs, et mes craintes. Elle parlait peu ma maman. Elle m'aimait.
     

     

    « Vous me le tiendrez bien le gamin, avait demandé mon père au directeur. »
    « Oui, oui, soyez tranquille, je l'aurai à l'oeil. Vous pouvez compter sur moi ! » avait répondu le cerbère. Cet homme était violent, mon père ne le sut jamais.
     

     

    Derrière les grands murs, est-ce que je vis le soleil ? Ils encadrèrent ces deux ans de ma vie comme une parenthèse hérissée d'un morceau d'existence en forme de plomb, en un éveil douloureux aux arêtes sans fin. Les jours qui vinrent après mon entrée en enfer, je ne m'en souviens plus vraiment. En fait, il subsiste dans ces lignes quelques images fortes comme des clichés rouge-sombre ou ceux que l'on ne peut nommer parce qu'ils n'ont plus de couleurs. Des photos, oui voilà : des photos sépia accompagnées d'odeurs et de prières figurant la vie d'un petit garçon perdu dans un monde dur et froid.

     

    Mais je m'étiole dans ce récit, je m'épanche, je m'apitoie au moment de vous faire découvrir une pension en 1970 à Bordeaux dans la France du général de Gaulle qui allait mourir. J'entendis, par une radio je ne sais où, j'entendis Sardou, ce chanteur que je ne connaissais pas encore et qui fredonnait : « Le rire du sergent, la femme du régiment, la préférée du capitaine des dragons, talala, la... » Belle musique sur des paroles phonétiques et entraînantes, mélodie de ma pension, entracte, souvenir...
     

    les_desastreuses_aventures_des_orphelins_baudelaire3.jpg

     

     

     

    Mercredi matin, tous les mercredis matins : quatre heures de colle de huit heures à midi. Punition ? Oui, non..., occuper les pensionnaires qu'ils disaient, meubler leurs heures creuses sans cours ni professeurs. Les études, voilà le mots exact. Dit-on encore cela de nos jours ? Études le soir de 18 à 19 heures 30, et repas, et montée vers le dortoir noir où un pion crachait une prière qu'il lui avait fallu apprendre par coeur : le Notre Père, le Pater Noster. C'est dans cet endroit honni que j'entendis pour la première fois parler de Dieu, entre les cris des copains et le chahut mortifié par la venue d'un directeur dont le surnom rappelait un conte de Walt Disney : Jeannot. Les pas, les pas de Jeannot : ils raisonnaient dans nos peurs d'enfants qui faisaient semblant de ne pas avoir peur, ils montaient peu à peu dans l'escalier et chacun des 23
    pensionnaires tremblaient, même le pion...

     

    Jeannot... Grand, maigre, l'air sinistre, une moustache fine..., je ne sais plus... Un seul souvenir tenace : la présence sèche d'un regard vide sous le rictus du devoir à accomplir aux ordres d'une mission fonctionnariale soumise aux geôles de la rigueur disciplinaire, ouf... Était-ce mon regard d'enfant qui grandissait cet homme en faisant d'un petit fonctionnaire un monstre des abîmes ? Sans doute, sans doute ; quelle importance à présent, le mal étant fait ? Un mal qui me suivra jusqu'à la tombe par des effets collatéraux...

     

    Un éclair de lumière au milieu de ces années sombres.
    La douleur brûlait mon coeur d'enfant trop attaché à sa mère. « Maman, maman je t'aime ! » Ces mots raisonnaient davantage en moi le premier jour de la semaine comme un appel au secours sans réponses. La réponse vint, inattendue, et je ne la compris que bien plus tard.

     

    Je me souviens de ce surveillant qui venait nous garder la nuit pour payer ses études, un étudiant jeune et imberbe, presque innocent. Le premier jour de son arrivée, il nous demanda de lui dicter le « Notre Père » qu'il ne connaissait pas afin de nous le faire réciter matin et soir. Cet élément religieux influença-t-il l'expérience mystérieuse que je vécus peu après ? Je ne sais.
    Un soir de lundi où je sanglotais dans mon lit, je ressentis le besoin de prier, de lancer un cri à ce Dieu que je ne connaissais pas ; quelque chose comme : « Si tu es notre Père, fais que je revienne chez moi ! » Je m'étais habitué au genre de réponse qu'un silence peut donner, mais ce silence me calmait, m'apaisait en transformant mes questions en autre chose...
     

     

    Peu à peu, je sentis cette nécessité étrange de prier, demander aussi pour les autres, ici, ailleurs, partout, pour le monde entier, en prenant de notre douleur commune une énergie bienveillante à tous ; et peu à peu cette douceur presque odorante enveloppa mon être sans que je l'analyse, en enfant que j'étais... Et doucement, cette présence au parfum féminin prit corps et m'accompagna jusqu'au bout de ce séjour des morts, jusqu'à mes 12 ans où je quittai ce lieu pour toujours. Un sillon se creusa, qui ne s'est jamais fermé depuis. Ce que je compris de ce miracle m'appartenais, il me soutint avec force comme un ciel bleu filant sous l'orage, comme une bouée de feu dans ma jeune existence.
     

     

    Fin de la parenthèse enchantée, retour dans la réalité brutale :
    Il marchait, comme un serpent vers le dortoir, pas à pas ; Il rentrait dans le dortoir, en silence, et satisfait de son effet, un sourire aux lèvres que je n'ai jamais vu, sourire que j'imaginais. Jean, Jean D, Jeannot. Je te pardonne à présent, le temps te pardonne ;mais quand même, quand même cette violence lorsque tu t'attaquais aux enfants mis à la porte d'un cours et que tu secouais, quelle violence lorsque tu balançais ton poing retenu (?) dans la figure d'un adolescent de 14 ans, lorsque tu pénétrais à l'intérieur des classes le samedi matin afin d'asséner les bonnes et mauvaises notes du petit carnet vert au zéro de conduite. Chacun tremblait le samedi matin. Oui, en 1970 les coups de règles sur les doigts ou placés sous les genoux, les notes de conduite ou de morale que sais-je, tout cela existait encore en bravant un mai 68 qui n'avait pas encore tout emporté dans l'autre sens... Oh monde insensé des adultes, adultes qu'il me faudrait rejoindre un jour, fusionner, exécrer !
     

     

    Le souvenir des frites les meilleures du monde effacerait-il les heures de colle du matin et la promenade morne au parc Bordelais les mercredis après midi, tous les mercredis après midi ? La joie de quitter cette pension deux ans plus tard annihilerait-elle l'absence des parents, vus au lance-pierre, le père qui, sur le trajet du lundi, ne disait mots dans la voiture en préférant mettre la radio ? Une Audi bleue fugace, une chanson de Joe Dassin sur l'Amérique qu'il voulait avoir et qu'il aurait, lumière, sons ; à moins que ce ne fut maman m'amenant à quatre heures du matin ce même lundi dans la salle d'attente des chèques-postaux et conduisant un petit garçon pleurnichant à l'heure de sa pause entre sept et huit et demi ? A moins que d'oublier mon père m'oubliant le samedi midi en arrivant à 13 heures ou ces weekends, embarqué chez une amie de travail où je me gavais de bande-dessinées pour ne pas de nouveau pleurer ? Lumière, sons étouffés...
     

     

    Pension, pension, bite au cirage un soir de juin, excitation du pion invitant dans son boxe adossé au dortoir une des femmes de ménage et qu'on ne revit plus, ni l'un, ni l'autre... Pension, pension, dont la marque m'avait blessé en me construisant un visage que mes anciens copains ne reconnurent pas lorsque je revins parmi eux banni de leurs coeurs... Pension où j'ai laissé mon enfance s'éteindre afin de devenir adulte trop tôt sans le vouloir, et sans jamais l'assumer pleinement...

     

    Lorsque quatre années plus tard je demandai à mes parents de retourner en pension, ce ne fut pas pour revivre tous ces traumatismes, non bien sûr, ce fut peut-être pour les exorciser, peut-être fuir ces parents que j'aimais malgré tout, en allant vers un monde que j'idéaliserai et dont le profane brisera lui aussi mes élans poétiques.

     

    Peut-être, allez savoir ! Enfin, avant d'envoyer vos enfants en pension, pesez le pour et le contre, posez-leur au moins la question et enquêtez sur le directeur, surtout le directeur ! ...

     

     

    Dominique Biot

     

     

    Illustrations :


    Pensionnat en manga,

    Nom : Kaze to Ki no Uta SANCTUS – Sei Naru Kana -
    Auteur : Keiko Takemiya
    Magazine : Shôjo Comic
    Réalisateur : Yoshikazu Yasuhiko
    Durée : 1 OAV de 59 minutes
    Année : 1987

    www.gemini.neetwork.net

     

    Pas de fine moustache, mais : un adulte effrayant et nuisible,

    Le Comte Olaf, ici Jim Carrey

    dans Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire

    www.toutlecine.com

     

     

     


    9 commentaires