• P64-Instant-present

     

     

    Le présent vécu

    s'effiloche inaperçu

    si on n'y prend garde

     

    Soucis à venir -

    poids oppressant du passé -

    le présent nié

     

    L'instant malheureux

    est à vivre de son mieux -

    fuir dans l'avenir

     

    Un merle qui chante -

    c'est tout et on se sent bien

    tant pis pour demain

     

    Arrêt sur image -

    prendre conscience  être sage

    se sentir vivant

     

    Lenaïg

     

     

     


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  • l 02759455

     

     

     

    La neige n'est pas là. 

    Voudrais-je qu'elle arrive ?

    Nous, nous n'en voulons pas

    Chantent merles et grives !

     

    C'est très beau, sans souci,BIMG_5192.jpg

    La neige à la montagne,

    Mais pagaille à Paris,

    C'est tout ce qu'on y gagne ! 

     

    J'en voudrais juste un peu,

    Pas trop de centimètres,

    Voir les enfants heureux,

    L'admirer des fenêtres ! 

       

     Flocons en tourbillon,

    Douceur qui se déroule,

    Sans danger, tout mignon :

    Le spectacle est en boules !

     

    Neige on t'a capturée

    Dans de petits objets,

    Farfelus, raffinés,

    Bonheur toute l'année !

     

    Lenaïg

     

     

    Pour le thème de la neige proposé par Fanfan

     

    ***

     

    Poèmes de neige japonais

     

    J'escalade le volcan -

    les dieux allument un feu

    dans les nuages lourds de neige

    Yamaguchi Seishi

     

    Neige du couchant -Hiver - Roses sous la neige 8 déc 2010 Paris

    comme une lettre

    que l'on relit sans fin

    Iida Ryûta

     

    Sainte nuit - 

    chute de neige

    en post-scriptum

    Mayuzumi Madoka

     

    Dans ce kiosque enneigé

    la révolution -

    on pourrait donc l'acheter ?

    Hoshinaga Fumio

     

    Champ de neige profonde -

    où je vais   d'où je viens

    se confondent

    Natamura Kusatao

     

    Tour d'ivoire -

    la nuit commence

    neige à perte de vue

    Suzuki Murio

     

    Dans le port sous la neige

    j'entendais

    des grincements étouffés

    Hashimoto Takato

     

     

    Neige chez l'Ours 8 déc 2010 - 7

     

     

    Illustrations :

    Boules à neige cueillies sur Google images

    Photos de l'an dernier : neige de ma fenêtre, Lenaïg,

    enfants dans la neige, L'Ours Castor

     

     

     

     

    .


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  • Se_jeter_dans_la_gueule_du_loup_m.jpg

     

     

     

    — Tu es en train d’enregistrer, là ?

    — Ben oui, j’enregistre en continu.

    — Sais-tu que tu déménages grave, Mario.

    — Pourquoi donc ? Je veux devenir écrivain, il faut que je me constitue du matériau brut.

    — On aura tout vu, tu ne vas tout de même pas décrire toutes nos opérations. Que quelqu’un tombe sur ton enregistrement et nous serons cuits.

    — Sois pas si pessimiste, Luis. C’est indispensable pour mes mémoires.

    — Mémoires, mémoires… T’es pas dingue, tu n’as même pas la trentaine. C’est quand on est vieux et retraité qu’on écrit ses mémoires.

    — Réfléchis un peu, Luis. Tu crois pas qu’à cet âge je risque d’oublier des tas de trucs ?

    — Je persiste à croire que ce que tu fais est dangereux. Et puis, qui crois-tu qui serait intéressé par la vie d’une petite frappe ?

    — Ben justement, c’est pour changer de la vie des truands importants. Tu ne connais pas la vague de succès des anti-héros ?

    — Ce que je sais, c’est que t’es complètement barge. Nous aurions dû fourguer ce truc, je sais que ça vaut cher.

    — Écoute Luis, on s’est déjà arrangé, je t’ai cédé le collier en or de la gonzesse que j’ai zigouillée contre ce dictaphone hi-tech, ce que j’en fais ne te regarde plus.

    — D’accord, j’abandonne, concentrons-nous sur l’affaire présente.

    — T’inquiète, c’est du nanan. Une cabane de luxe isolée, loin de la turne principale, pas de cleb, pas de système d’alarme, c’est du tout cuit, j’te dis.

    — Ouais, il doit y avoir des trucs intéressants.

     

    Ici, on entend des cliquetis, des tintements de clefs, probablement des passe-partout.


    — Allez, grouille-toi Mario, on n’a pas toute la nuit.

    — Putain ! Je fais ce que je peux. C’est un truc de ouf, cette satanée serrure.

    — Ne me dis pas que ce petit machin peut te mettre en échec, toi qui te dis le roi de la mécanique.

    — Tu imagines combien coûte ce machin sophistiqué ? Je ne crois pas que ça soit de simples outils de jardinage qu’on veut protéger.

     

    Petit claquement. Chuintement d'une porte qui s'ouvre.


    — Ah, tout de même. T’es sûr qu’il n’y a pas de dispositif de sécurité ?

    — Nan, j’pense pas… Eh beh ! C’est pas possible !

    — Merde ! Mais il n’y a que du matériel de jardin, ici.

    — Atta, atta ! Réfléchissons un peu. Tout ce matériel, même d’excellente qualité, ne vaut tout de même pas la peine d’être barricadé comme fort Knox. C’est louche, très louche.

    — C’est vrai, ma foi. Il doit bien y avoir quelque truc qu’on veut protéger à tout prix.

    — Eh bien, faisons l’inventaire, alors.

     

    Piétinements. Petits bruits d'objets qu'on déplace ou bouscule.


    — Pfuit ! Il n’y a vraiment rien qui vaille la peine, Luis. On a perdu notre temps.

    — J’te retiens, avec tes repérages foireux… Oups ! Qu’est-ce que c’est ?

     

    Petit déclic. Bruissement soyeux d'un panneau qui s'ouvre.

     

     — Bingo, Luis ! Tu as trouvé la cache.

      — Ça alors ! J’ai à peine touché à cette moulure, et pis voilà que l’étagère à outil pivote.

    — Sacré nom ! Ça continue dans la butte. Vraiment génial.

    — Pinaise ! Vise-moi ce fourbi. On dirait un labo de chimie.

    — Eh Mario, il y a toute une armurerie par ici. Mince ! Des fusils à lunette, des arcs, des sarbacanes, des colts… Tiens, c’est rigolo, y a même des frondes. On dirait la salle d’un collectionneur.

    — Collectionneur mon œil ! Il y a là-bas de quoi fabriquer des balles que je crois spéciales.

    — Qu’est-ce que cela veut dire, Mario ?

    — Je crois qu’on est tombé sur un tireur d’élite, un agent spécial… ou un tueur à gage.

    — Qu’est-ce que tu racontes ?

    — Tiens regarde ce flingue, un Hecate II, c’est l’un des meilleurs et ça te coûte la peau des fesses, même sans sa lunette. Et mate ce surin, un vrai Solingen.

     

    Léger raclement de métal contre le métal. Tintement métallique.

     

    — Alors, tout ce matos vaut une fortune ?

    — Eh oui, on ne va pas partir bredouille… Ah il y a un calepin. Putain ! Des modes opératoires ! et avec un chrono précis avec des indications de lieu…

    — Eh Mario, j’ai trouvé des passeports… Georges Kulas… Grégoire Kuntz… Germain Kadet... Gérald Kouzain... C’est probablement un tueur à gage. Avec tout ça, on peut le faire chanter.

    — Qu’est-ce que c’est que ce bruit ? Éteins la lumière, vite !

    — Quel bruit, Mario ?

    — Ta gueule ! Moufte plus, y a quéqun…

     

    Long silence de trois minutes. Léger couinement agaçant, probablement la semelle d'un tennis frottant le carreau.


    — Viens Luis, on calte… Luis ?... Luis !?... Mais où es-tu, crétin ? Il faut… Aaaargh !

     

    Bruit de gargouillement et de bouillonnement. Bruit d’un corps qu’on traîne, le frottement du talon des baskets sur les carreaux est horripilant. Le dictaphone a enregistré des sons indistincts pendant un long moment, puis plus rien.

     

    RAHAR

     

     

     

    Illustration :

    Se jeter dans la gueule du loup,

    Chez Oscar,

    site amusant de quizz sur les expressions populaires françaises, superbement illustrées.

    www.ec-gide-magny-les-hameaux.ac-versailles.fr



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  • matisse-inatentive-reader.jpg

     

     

    Cher Antonin,

     

    Pourvu que vous lisiez ma lettre jusqu'au bout, que vous ne la froissiez pas pour la jeter quand vous découvrirez qui est celle qui tient la plume. Telle est ma prière : au moins lisez-moi, comprenez que je n'ai jamais pu vous oublier.

     

    Pour  moi, comme pour vous, le temps s'enfuit. Je ne crois pas que vous ignoriez le décès de mon mari, il y a quatre ans, dans un accident de chasse, une chute de cheval due à une branche malencontreuse lors de la poursuite d'un sanglier et je sais, de mon côté, que  cela fait un an que vous êtes veuf. Je n'ai pas la décence d'attendre plus.

     

    Je veux faire disparaître les malentendus, laisser parler mon coeur -ce que je ne me suis jamais accordé jusqu'à présent-, ne plus couvrir mes vrais sentiments sous un air d'indifférence et mon sens du devoir. Mon défunt mari vous a congédié dans des circonstances brutales et houleuses dont je ne connais pas les tenants et les aboutissants ; officiellement, il désapprouvait votre façon de gérer le domaine, mais, en fait, il avait remarqué notre tendre complicité, pourtant restée très pudique ; sa jalousie était terrible, même s'il me trompait allègrement sans se préoccuper de savoir si j'avais des soupçons ou pas.

     

    L'amour entre mon mari et moi était mort depuis longtemps mais il fallait sauver les apparences et, en ce qui me concerne, je suis restée pour mes enfants. Ils se sont tous envolés du nid à présent. Rien ne me serait plus cher que de vous voir à nouveau venir allumer ce bon feu dans la cheminée du salon, comme vous ne manquiez pas de le faire. Je n'ai jamais demandé au nouveau régisseur de le faire à votre place et les flambées que je m'essaie à obtenir n'ont pas la chaleur des vôtres !

     

    Et mon aîné dirige l'exploitation ; il pense abandonner la culture du blé pour se consacrer à l'élevage des chevaux. Il me consulte encore poliment sur les décisions à prendre mais je le devine plein d'assurance et m'en réjouis. Son mariage est prévu pour le début de l'été, je me sens dans l'obligation de rester pour les préparatifs des festivités.

     

    Pourtant, après, je compte m'éclipser : j'ai acheté un petit appartement en ville en secret. Tant pis si mon départ du domaine est considéré comme une désertion, j'ai assez donné !  Je veux changer de paysage, me sentir enfin vivante. Est-ce être fleur bleue que de rêver que quelqu'un puisse encore m'offrir une rose rouge ? Me sortir de l'ombre ?

     

    Antonin, le vendredi après-midi j'ai pour habitude de me rendre en ville à pied, accompagnée de mon chien. Après un passage à la bibliothèque -mon labrador m'attend sagement assis dehors-, nous allons tous deux profiter du confort de la Grande Brasserie, dans le calme retrouvé qui suit l'agitation du déjeuner des gens pressés.

     

    J'en profite pour y écrire mes poèmes. J'y suis aujourd'hui et c'est à vous que j'écris ! Oserai-je caresser l'espoir de vous y voir, vendredi prochain ou un autre vendredi qui vient ? Vous ne connaissez pas encore Pelléas, mon labrador, mais je souris, confiante que vous feriez deux bons amis.

     

    Sur cette agréable vision, je vous quitte en vous exprimant mes tendres pensées.

     

    Bien à vous,

     

    Mélisande

     

     

     

     

    Lenaïg

     

    Sur les mots imposés du joli défi de Fanfan, ceux de la chanson Ne me quitte pas de Jacques Brel.

     

     

    Illustration :

    Tableau de Matisse.

     

     


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    Je descends en chemin pour récupérer mon vélo, puis je rejoins le centre ville. Mon arrivée coïncide avec la sortie des gazettes du soir. Seuls deux journaux sont bilingues. Plusieurs gros titres attirent l’attention, on annonce la maladie de plusieurs hauts gradés de l’envahisseur. Un article précise qu’ils ont été atteints par une gangrène foudroyante. D’autres officiers et des soldats ont été victimes de chiques vénéneuses. Les médecins étrangers ont prétendu que le système immunitaire de l’occupant n’était plus capable de reconnaître des maladies auxquelles il n’avait plus fait face depuis belle lurette, et l’organisme des autochtones est adapté aux déplorables conditions d’hygiène locale. L’envahisseur n’a insinué aucune malveillance de quelque sorte des indigènes.

     

    J’ai acheté quelques feuilles de chou pour l’édification d’Acky. Cela lui mettra du baume au cœur de savoir que sa famille est vengée. Je sais, ce n’est pas très moral, mais je trouve légitime qu’à son stade d’évolution, cette pauvre petite en tire une certaine satisfaction et un peu de réconfort. Pour ma part, je ressens un mélange doux-amer : la mort est toujours triste, mais nous sommes en guerre, n’est-ce pas.

     

    Le lendemain, alors que je déambule du côté du Grand Marché, j’intercepte une conversation entre un vendeur et son client.

    — Il paraît que le docteur cherche la seringue.

    — Autant chercher une aiguille dans une botte de foin.

    — Mais le toubib est pressé, car il prévoit une importante opération.

    — D’ailleurs, comment l’identifier ?

    Je poursuis mon chemin, amusé de surprendre cette drôle de conversation. Je ne fais pas quelques pas que j’entends deux marchands.

    — Comment veux-tu qu’on trouve cette foutue seringue ?

    — C’est vrai, ça. Et puis, comment saura-t-on que ce sera la bonne ?

    — Eh oui, on peut tomber sur de fausses seringues.

     

    Je suis intrigué. Le même sujet de conversation à deux endroits différents, ce n’est pas très courant. Ce n’est qu’à la troisième conversation identique entendue plus loin que ça fait tilt dans ma tête. Je comprends alors que c’est du code pour éviter les délateurs, car l’envahisseur n’a pas daigné apprendre notre langue. Je saisis que la seringue, c’est moi, rapport aux fausses maladies infligées à l’ennemi, et le docteur est certainement le réseau.

     

    Enfin les résistants se manifestent. Mais que me veut-on réellement ? Désire-t-on m’intégrer, ou bien est-ce que je représente un danger pour leurs plans ? Papa Wemba les a-t-il informé de ma venue et de ma requête auprès de lui ? Cela ne m’étonnerait pas qu’il ait vendu la mèche, je n’ai pas demandé le secret. Dans le pire des cas, un bon voyant pourrait me localiser… si je restais immobile en un lieu repérable, ce qui est aléatoire.

     

    Je prends le temps de réfléchir. Est-ce que je désire vraiment rejoindre le réseau ? J’aurais la possibilité d’exprimer la pleine mesure de mes capacités sous la houlette des meilleurs mentors. D’autre part, j’ai de la difficulté à me plier à une discipline rigide, on m’a toujours accordé une large liberté, rapport certainement à ma précocité. Corollairement, je manque singulièrement de modestie, je ne me prends pas pour de la merde, et ça pourrait générer une certaine friction, car les membres du réseau sont certainement mes aînés. Je vais tenter l’aventure, j’essaierai de brider mon arrogance et me montrer conciliant. Je dois me persuader que j’ai encore beaucoup à apprendre, car je manque d’expérience.

     

    En passant devant un kiosque à journaux, je remarque un attroupement inhabituel. Je joue des coudes pour lire les gros titres. Il est assez incompréhensible que l’envahisseur n’ait pas institué de censure, mais cela nous arrange. Dans certaines provinces, une vague d’épidémie de choléra s’est déclarée. Curieusement, c’est l’occupant qui est touché. Dans d’autres régions plus boisées, les moustiques et d’autres petits insectes — selon les rapports officiels de médecins militaires — ont fait des ravages dans les rangs de l’occupant atteint par une sorte de malaria et d’allergies diverses. Dans la province côtière, ce sont paraît-il les chiques des sables qui attaquent les permissionnaires étrangers, lesquels ont contaminé leurs camarades des camps. Je me doute qu’il y a eu des dommages collatéraux : certains de mes compatriotes malades ou affaiblis, mais je fais confiance au réseau pour les prendre en charge.

     

    On voit là toute la subtilité de la contre-attaque : une agression sournoise avec des armes inattendus et insoupçonnables. La population s’efforce de cacher sa joie ; beaucoup de gens se doutent de ce dont il retourne vraiment. On espère que l’envahisseur sera dégoûté par cette terre infecte et arriérée qui décime sa troupe, et va plier bagage incessamment. Je suis décidé à aider le réseau à donner le coup de grâce et je vais au Grand marché.

     

    J’approche un marchand de blouses, celles finement rayées dont raffolent les paysans, en lin et coton assez solide pour le travail au champ.

    — B’jour m’sieur, sauriez-vous par hasard comment je pourrais contacter Amzar ?

    — Hein, qui ? Amzar, dis-tu ?

    — Ben oui, je voudrais rejoindre le Réseau.

    — Ah ! Bien… Le Réseau… Oui, oui, le Réseau… Eh bien, attend-moi là mon gars, je vais rendre compte. Tu ne bouges pas, hein ?

     

    Le type s’éclipse en laissant son échoppe à sa vendeuse. En attendant, je déambule dans la petite boutique étroite toute en longueur — en fait, un bout de ruelle fermé — admirant la finition quasi industrielle de l’ouvrage pourtant confectionné artisanalement par les doigts de fée de nos habiles couturières. Ce n’est pas parce qu’elles sont destinées à une masse laborieuse que ces vêtements ne bénéficient pas d’une certaine élégance.

     

    Ce n’est pas le marchand qui revient, ce sont deux soldats bien armés qui se ruent sur moi et me passent les menottes. Je me résigne en me traitant intérieurement de tous les noms. Je me suis adressé à la mauvaise personne, un délateur ou un collabo. Voilà bien le défaut de la jeunesse, trop de précipitation pour négliger la perspicacité. Il aurait été plus sage de sonder prudemment les gens et ne pas dévoiler tout de go mes batteries. Dure leçon.

     

    A suivre

     

    RAHAR

     

     

     

    Illustration cueillie sur Google images, www.prevention.ch


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