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Les envahisseurs - Rahar - Chapitre 9
Ramang n’est pas prof pour rien. D’ailleurs il connaissait très bien le conseiller Itau dont l’âme a rejoint la Montagne Sacrée selon nos traditions. Il connaît aussi Acky, quoiqu’elle ne soit pas encore dans l’une de ses classes. Ça m’ôte une belle épine du pied, et puis je n’ai plus assez de blé pour nous faire vivre plus d’une semaine ; je n’ose pas écouler les bijoux de Mère, je crains de me faire arnaquer ou de me faire repérer par l’envahisseur. Acky et moi serons des pupilles de la Nation, mais on ne le sera officiellement que quand la situation deviendra normale. Je rentre. J’ai encore toute la nuit pour prendre ma décision finale.
— Tu étais où, Ron ?
— Assied-toi convenablement Acky, et écoute-moi bien.
— Tu me fais peur, Ron.
— Allons, calme-toi. Demain, je t’emmènerai chez le prof Ramang…
— Tu es à sec ? Tu ne peux plus t’occuper de moi ?
— Ne pleure pas ma puce, je suis persuadé que tu seras mieux et en sécurité là-bas. Je dois m’absenter pendant un certain temps.
— Où vas-tu aller ?
— Je ne le sais pas encore, mais ne t’inquiète pas.
Acky a eu le sommeil agité. Moi, j’ai appliqué la méthode de méditation que le prof m’a apprise. Je finis par sombrer vers les trois heures sans avoir pris une décision ferme. Contribuer à l’expulsion des envahisseur est absolument exaltant ; ce n’est pas tellement à cause de la renommé qui va en découler, mais la sensation d’une satisfaction intense mêlée du sentiment du devoir accompli est indescriptible. De l’autre côté, comme j’ai peur de la mort, le risque mortel n’est pas à négliger ; le prof reconnaît que je suis mal préparé, que je suis encore jeune et la probabilité d’une fin tragique n’est pas nulle.
Le lendemain, je sors et prends la direction de la bibliothèque municipale, avec Acky à dix pas derrière moi, vêtue assez humblement. Nous arrivons sans incident et je laisse le prof et la petite fille à leurs effusions. Je vais bavarder avec le Maître de la foudre. Puis le prof me prend à part.
— Alors, tu es décidé ?
— Je ne demande qu’une chose prof, occupez-vous bien d’Acky.
— Bon Dieu ! Un peu d’optimise Ron, que diable. On dirait que tu vas à l’échafaud.
— C’est bien l’impression que j’ai, je vous l’avoue.
— Détend-toi, ce ne sera pas si terrible. Enfin… Je vais te confier à Papa Wemba. C’est lui qui te guidera pour ta mission. Rejoins-le à la station des taxis-brousse, il t’y attend.
Effectivement, je trouve le vieux sage qui a déjà pris place. Deux autres sages l’accompagnent ; d’après les motifs de leur bague d’argent, je vois que ce sont, outre des maîtres de sorts, des voyants supérieurs.
À ma surprise, nous n’allons pas à Bonne-Renommée. Le véhicule dessert les villages qui entourent la Montagne Sacrée. Nous descendons à Pierre-Enceinte, prenons une petite collation dans une gargote locale, puis nous prenons un sentier qui semble mener vers la montagne, Papa Wemba ouvrant allègrement la marche malgré son âge.
Nous ne montons pas, on emprunte une sente presque effacée qui contourne la montagne. Après une marche laborieuse dans la rocaille, nous bifurquons vers une brèche dans le flanc du mont. Nous devons nous frayer un chemin à travers la broussaille de l’entrée. Je constate que nous sommes les premiers à y accéder après peut-être bien des années, voire des siècles. J’ai entendu dire que des gens faisaient des dévotions aux mânes des ancêtres sur la montagne et des relais ont été aménagés à cet effet, mais je ne connaissais pas cet endroit.
Le passage est assez étroit, on peut toucher les parois humides en étendant les bras. Puis tout d’un coup, on débouche sur un cratère dissimulé par une végétation qui pousse sur ses bords. Au milieu, un rocher noirâtre affleure et tranche sur le sol rougeâtre. Je saisis d’un coup que ce bloc de roche est la Météorite Noire de nos ancêtres. Nos légendes en parlent et prétendent qu’elle est la protectrice de notre peuple. Je pensais jusqu’ici que ce n’était que de la superstition. Maintenant, je n’en suis plus tout à fait sûr, compte tenu de ce que j’ai appris ces derniers temps.
Papa Wemba consulte sa montre. Il cherche des yeux un endroit assez dégagé et nous y mène. Il a décrété que nous allons casser la graine avant de passer aux choses sérieuses : il n’est pas loin de midi. J’ai été évidemment relégué au rang de porteur, étant le plus jeune. Nous pique-niquons alors presqu’en silence, n’osant pas troubler la solennité de l’endroit. Après vingt minutes de sieste, le vieux sage se lève frais et dispos.
— L’heure est maintenant propice, ne trouvez-vous pas ?
Les deux confrères de Papa opinent gravement. Le vieil homme sort un sachet de poudre de sa poche et en répand en marmonnant autour de la météorite. Puis il sort un petit cône de cuivre qu’il dépose au sommet du rocher. L’un des sages sort un petit flacon et en asperge le tout avec un liquide semblable à de l’eau.
A suivre
RAHAR
Illustrations :
- le Meteor Cratere, Arizona, Etats-unis, www.interet-general.info
- sachets en velours pour talismans, porte-bonheurs ou grigris, www.esosiris.com
Tags : prof, j’ai, montagne, d’un, sort
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Commentaires
Je viens de lire deux épisode d'un coup (pendant que mon ménage se fait tout seul... enfin presque !!! ) et je dis une nouvelle fois bravo à Rahar - j'attend la suite avec impatience car je sens qu'il va se passer de drôles de choses... mais chut, soyons patient !!!
Bonne journée - bisous
Salut Christian ! Je ferai le point sur le nombre de tes lecteurs pour ce petit roman, compte sur moi et tu verras une fois de plus que cela vaut le coup !
Sache que grâce au lien facebook, Mona et Farouk sont aussi avec nous pour accompagner Ron et l'encourager ! Bizzz !
4Mona lVendredi 6 Juillet 2012 à 08:37Je n'avais pas bien lu, plutôt survolé mais là c'est fait avec toute l'attention que l'histoire mérite... Maître de la foudre, poudre, cône, le grand jeu donc... voyons voir la suite et fin!
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Bonsoir Rahar, Lenaïg... Acky entre les bonnes mains de prof... Expulser l'envahisseur à présent... Bonne chance Ron et les autres... Jill amitiés, bizz Lena