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    « Facilitez votre vie avec le robot Aspirtou, l’automate aspirateur électronique dernier cri. Que vous dansiez la java ou gigotiez le rap, Aspirtou saura vous éviter tout en nettoyant votre parquet. »


    Le slogan tonitrué par le haut-parleur d’un camion me réveille désagréablement en sursaut. On n’a pas idée d’importuner les gens à cette heure matinale. Vanessa n’a pas bougé. Heureuse femme ; il est vrai que la cinquantaine l’a rendu un peu dure d’oreille. Je me lève en maugréant. D’habitude, c’est le cœur joyeux que je vais préparer le p’tit déj.


    Je regarde distraitement le bloc calendrier. On est le 20 janvier. Quoi ? M’enfin, nous sommes le 22 ! Vanessa a dû oublier d’arracher les dates périmées. Puis un éclair traverse mon esprit encore embrumé. Ma mémoire me revient par bribes et je sens une onde glacée me parcourir le dos. Je me précipite à l’atelier, laissant sur le feu — ô hérésie — les œufs mollets. Le doux ronronnement de mon moteur révolutionnaire m’accueille sur le seuil. Je m’approche le cœur battant ; le magnécéram catalytique est bien en place. Donc hier je n’ai pas rêvé.


    — Jimmy, qu’est-ce qui t’a pris de laisser cramer le p’tit déj ?

    — Pardon Vanessa, mais j’ai dû vérifier d’urgence un truc ici.

    — Je te rappelle que tu as une pièce à acheter, au cas où tu aurais un trou de mémoire.

    — C’est bien aujourd’hui que tu as une réunion ?

    — James ! [Houlà ! Quand elle utilise mon prénom, c’est grave] Je finirais par croire que tu deviens gâteux… à moins que tu ne m’écoutes plus, et ça m’inquiète.

    — Non, non, je suis mal réveillé, c’est tout.

    — Alors quitte ton antre et viens vite manger. Je peux te déposer à ton magasin, c’est sur mon chemin… et puis dépêche-toi de t’habiller, je dois présider la réunion et il faut que j’arrive la première.


     

     

    demons


     

     

    Le panneau publicitaire géant en face de chez nous affiche un robot Aspirtou tout rond, avec en fond un couple qui danse le twist. Pour un peu, j’éclaterais de rire. Vanessa me laisse devant le magasin de pièces. Sapristi, qu’est-ce que je fais ici ? Je sais bien que j’ai acheté le bidule avant-hier. Enfin, puisque je suis là, je vais quand même vérifier.


    — Bonjour. Auriez-vous un magnécéram catalytique par hasard ?

    — Eh bien oui, vous avez de la chance, je crois bien que j’en ai un, attendez je vais voir derrière.

    Je pianote tranquillement sur le comptoir, tandis que le type va à l’arrière-boutique.

    — Je n’y comprends rien, m’sieur. Il n’y en a pas. Pourtant j’aurais juré que j’en avais un.

    — Tant pis, merci quand même.


    Je ne prends pas la peine d’acheter une feuille de chou. Je me contente de vérifier la date, puis les gros titres. Donc si je ne suis pas fou ni visionnaire, c’est sûrement le Gouvernement qui effectue des expériences sur la trame temporelle. Si je vois juste, c’est vers dix sept heures que le phénomène se produit. C’est à cette heure que j’ai perdu tout souvenir.


    Mais comment est-ce que je me retrouve dans le lit, à six heures et demie ? J’erre dans la petite cité. Tout le monde semble agir normalement. Par acquis de conscience, je demande à certains la date du jour. Toutes les réponses — à part les insultes ou les moqueries — confirment bien qu’on est le 20 janvier. Comble d’ironie, ma montre digitale affiche aussi cette date.


    Je veux en avoir le cœur net. L’appareil qui détraque le temps doit se trouver au centre de la ville pour couvrir toute la cité ; il est sûrement télécommandé, car ses manipulateurs doivent se soustraire à ses effets. À mon avis, c’est certainement une sorte d’onde électromagnétique spécialement modulée et forcément d’une très grande intensité.


    C’est la mairie qui est providentiellement au centre géographique de la ville. L’appareil doit donc s’y trouver. Le bâtiment est imposant, c’est un ancien manoir. On dit qu’il est hanté, mais je ne vais pas y rester la nuit. Il y a du monde. J’ai toujours dit que l’Administration va nous mener à la décadence. On ne peut faire un pas sans qu’elle exige un papier pour ci, un formulaire pour ça. On finit par être paralysé et ne plus pouvoir rien faire de productif.


    J’ai toujours un petit appareil détecteur dans la poche. Mais je ne pense pas déceler quoi que ce soit, l’appareil doit être éteint en ce moment. Il ne me reste qu’à fouiller la mairie. Heureusement, je passe inaperçu au milieu des pauvres administrés. Je ne sais pas comment va se présenter cet appareil, mais je ne suis pas ingénieur pour rien, je le reconnaîtrai quand je le verrai.


    Je suis perplexe. Pendant des heures, j’ai fouillé la mairie de haut en bas, jusque dans les oubliettes. Rien. Je n’ai trouvé que des chaînes rouillées fixées au mur, mais aucun bidule électronique, et compte tenu de la puissance exigée, ce ne doit pas être un truc de poche, il doit sûrement être de la taille d’une armoire, même miniaturisé. L’heure fatidique approche. Je dois me rendre à l’évidence : on nous bombarde de l’extérieur. Est-ce qu’on utilise des satellites, ou bien nous arrose-t-on avec des tirs croisés au sol ? Je me décide. Je vais sortir de la ville en espérant ne pas me faire remarquer.

     

    *


     

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    Je viens de laisser loin derrière moi la dernière habitation. La route se perd dans un tournant. Je constate une chose insolite : l’horizon a une drôle de couleur, comme s’il n’était pas… naturel. Je fronce les sourcils. J’aurais bien sûr dû changer mes lunettes depuis quelque temps, mais je ne suis pas myope au point de ne pas déceler une certaine ondulation qui n’est certainement pas due à la chaleur, puisque le soleil est déjà bas à cette heure.


    Du plastique ! Un vulgaire rideau de plastique m’arrête. Il n’est pas transparent, mais bien peint. Que signifie ? Je longe en courant cette barrière artificielle. Je déduis, effaré, qu’elle doit englober la ville entière. Comment est-ce possible ? Sa mise en place en une nuit a dû être un boulot titanesque et a dû exiger des moyens colossaux. Je veux satisfaire ma curiosité, je dois savoir ce qu’il y a derrière ce mur de plastique. J’extirpe de ma poche mon canif et j’entaille avec quelque difficulté la paroi souple et résistante. J’y pratique une fente suffisante pour y passer la tête. Et je vois… un immense laboratoire fait pour des géants : tous les appareils et le mobilier sont énormes. Au-delà du mur vitré, j’ai une vue incroyable du hangar titanesque qui abrite le labo. J’entends un bruit assourdissant d’une course précipitée.


    — Par ici, professeur… Ouf, je l’ai attrapé.

    Une main cyclopéenne a forcé le plastique et m’a saisi ; j’ai été trop ahuri pour bouger et elle m’a facilement cueilli. Ma stupeur a été trop grande pour que j’aie l’idée de hurler.

    — Doucement, monsieur Fred. Vous risquez de l’abîmer.

    — Vous en faites pas prof, je me suis contrôlé pour pas l’écraser.

    — Amenez-le donc dans le petit salon… Monsieur Hans, voudriez-vous bien vous occuper de la réparation de la « barrière ». Merci.

     

    — Docteur James Ataite, vous nous causez bien du souci. Vous n’avez pas idée du prix de ce plastique spécial. Enfin, espérons que personne d’autre ne remarquera le rafistolage.

    — Mais qui êtes-vous ? Êtes-vous des extraterrestres ? Qu’est-ce que vous nous faites ?

    — Ah excusez-moi docteur, je me présente, Mario Nétiste, docteur es sciences cybernétiques, professeur agrégé en robotique. Je ne suis qu’un simple humain.

    — Humain ? Mais vous êtes un géant.

    — Eh bien, hum… Je suis un homme normal, vous, vous mesurez une trentaine de centimètres.

    — Quoi ? Mais vous êtes fou, oh oui !

    — Mais qu’est-ce qui me prend de discuter avec vous… Professeur Guénore, voulez-vous bien vous occuper de notre bonhomme ? Je dois régler quelques paramètres du simulateur.

     

    — Docteur Ataite, je suis le docteur Gloria Guénore, psychologue.

    — Euh… Enchanté. Je vous en prie docteur, dites-moi ce qui se passe ici.

    — Je ne sais pas si…

    — Je vous en supplie, docteur. Je sens que ma tête va éclater.

    — Ah, dans ce cas vous ne nous serez plus utile… Très bien, je veux bien vous éclairer. De toute manière, cela n’a pas d’importance à ce stade. Vous êtes un automate.

    — Comment ? Vous aussi vous êtes dingue ?

    — Calmez-vous, je vous explique. Le groupe pharmaceutique Swantoua a pris en charge le traitement d’une cinquantaine de comateux profonds…

    — Mais je l’ai lu dans le journal !

    — Ne m’interrompez pas. Vous vous doutez bien que ce n’est pas une œuvre gratuite de charité. L’opération est financée par une importante entreprise de marketing. Un brillant inventeur a mis au point un appareil qui permet de transposer la psychè d’un individu en état d’hypnose ou de relaxation profonde vers un réceptacle biologique ou mécanique. Mais il est difficile d’obtenir de bons sujets en nombre suffisant. L’idée géniale a donc été d’utiliser des personnes tombées dans un coma profond, suite à une maladie ou à un accident. La firme a embauché le professeur Mario Netiste pour créer des automates, et des architectes pour construire un modèle réduit très réaliste d’une ville.

    — Donc en définitive, mon esprit anime un automate ?

    — Vous saisissez vite, docteur.

    — Mais tout ceci dans quel but ?

    — Imaginez donc tous les tests qu’on peut effectuer sur toute une population qui tient dans un hangar. Cette expérience constitue une avancée majeure dans la science du marketing à moindre frais. La seule petite contrainte est que l’autonomie des automates n’est que d’une dizaine d’heures. On doit les recharger pendant toute la nuit.

    — Et nous dans tout ça ? Est-ce que toute cette mascarade est vraiment éthique ?

    — Voyons docteur, nous vous donnons l’opportunité d’être utile. N’oubliez pas que votre corps gît, improductif, dans le dortoir, et le centre en prend parfaitement soin.

    — Et si jamais je me réveille ?

    — Eh bien, tant mieux. La firme a déjà dépassé son seuil de rentabilité.

    — Et si je ne veux plus coopérer ?

    — Ntss ! Soyez raisonnable, docteur Ataite. Vous n’y pouvez rien, la firme a trop investi. On vous passera au régresseur et vous ne vous souviendrez de rien.


    Le professeur Nétiste fait irruption, le sourire aux lèvres.


    — Professeur Guénore, j’ai trouvé la source de l’anomalie. Le docteur Ataite travaillait sur un moteur bizarre qui interfère avec le régresseur. Il faut aussi effacer son souvenir dans sa psychè… Vous lui avez tout révélé ? C’était une perte de temps et d’énergie, ma chère.

    — Cela n’a aucune espèce d’importance, professeur. De toute façon, il va tout oublier. Je vais avertir l’équipe de nettoyage de remettre en place tous les automates et prévenir l’équipe publicitaire de mettre en œuvre leur campagne suivante… Dormez, docteur Ataite. Dormez, je le veux.

    — Toujours cabotine à votre âge, ma chère.

     

     

    Fin

     

    RAHAR

     

     

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    Illustrations cueillies sur le net, à retrouver dans l'album photos Fantaisies 6,

    notamment les montres molles de Salvador Dali.

     

     

     

     

     

     

    *

     

    Et une promenade maintenant dans la Galerie de Didier Bonaventure ? Les photos ne peuvent être reproduites, alors je vous la propose (cliquer sur le mot Galerie). J'y ai vu de drôles de murs, qui superposent des mondes, ou qui en laissent entrevoir d'autres ...


    Mais je repense aux êtres dans le coma en contemplant les tableaux. Ils continuent une existence parallèle, à mi-chemin entre la réalité (qu'ils entendent peut-être) et un monde onirique.  Comme cela me fait mal de les savoir prisonniers, j'ai envie de poster ici un autre lien, vers une nouvelle que j'ai écrite sur ce blog, où il est question d'une précieuse machine qui permet d'entrer en contact avec eux et, qui sait ? de les réveiller ...

    Une histoire à dormir debout qui ne fait pas rester les yeux fermés

     

    Lenaïg


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    « Rien ne lave plus blanc que Nèj. Ses enzymes sont les plus gloutons. Obtenez 20% de lessive en plus en achetant Nèj. »

    Le slogan tonitrué par le haut-parleur d’un camion me réveille désagréablement en sursaut. On n’a pas idée d’importuner les gens à cette heure matinale. Vanessa n’a pas bougé. Heureuse femme ; il est vrai que la cinquantaine l’a rendu un peu dure d’oreille. Je me lève en maugréant. D’habitude, c’est le cœur joyeux que je vais préparer le p’tit déj.


    Depuis que j’ai eu un litige avec Brikol au sujet d’un brevet, j’ai claqué la porte et me suis mis à mon compte, je suis devenu un chercheur indépendant. Mes brevets ont contribué à faire bouillir la marmite et nous ont même permis de mener un train de vie plus que décent. Je suis actuellement en train de mettre au point un nouveau moteur magnétique à implosion. Pour l’achever, il me faut acquérir un magnécéram catalytique.


    Vanessa est déjà partie gérer sa petite entreprise, elle m’a dit qu’elle doit présider une réunion. Je dois aller à pieds au magasin. Nous n’avons qu’une seule voiture, puisque je ne sors pratiquement plus : je me fais livrer le matériel dont j’ai besoin. Je ne me déplace que quand une pièce n’est portée sur aucun catalogue commercial, comme dans le cas présent.


    Un grand panneau publicitaire attire immédiatement mon attention. On y voit une pin-up aussi ravissante que dénudée. Elle tient une boîte de Nèj et et en train de verser de la lessive dans une cuvette ornée de cristaux de neige d’une blancheur éblouissante. Je ne peux m’empêcher de me demander l’impression des gens à la vue de cette affiche. Je suppose que les mâles ne verront que la séduisante créature et la détacheront du contexte de la pub. Quant à la gent féminine, l’image rafraîchissante de la starlette pourrait l’inciter à s’identifier inconsciemment à celle-ci. Je ne suis pas un psychologue, c’est juste une pensée dérivative qui me permet de me déstresser, le moteur m’a tellement absorbé ces temps-ci.


    Arrivé au magasin, je vois encore un autre panneau géant. On y voit un apollon en train de laver son tee-shirt, une boîte de Nèj à côté de son bac. Les publicistes ont de ces idées, je vous jure. En secouant la tête, j’effectue mon emplette. J’ai eu du pot : il n’y avait qu’un seul magnécéram catalytique.


    Je retourne chez moi, la précieuse pièce dans un sachet et le journal du jour, c’est-à-dire le 20 Janvier, sous le bras. Je dois suivre les actualités financières pour mon boulot ; mais je ne néglige pas pour autant les gros titres. Je vois ainsi qu’un grand groupe pharmaceutique vient de prendre en charge une cinquantaine de comateux profond. Je suppose que cette boîte ne fait pas dans le bénévolat, elle doit escompter un intérêt quelconque dans l’opération, c’est obligé. Elle doit peut-être expérimenter quelques nouveaux médocs ou autres traitements. Je me demande ce qu’en a pensé le comité d’éthique… à moins qu’il ait été acheté, qui sait.


    Je suis en train de mettre la touche finale à mon moteur, quand Vanessa rentre, et à ma surprise, une boîte de Nèj parmi les provisions qu’elle a achetées. Je me demande bien ce qui l’a motivée, d’ordinaire elle n’est pas si influençable que ça. Enfin, je suppose qu’il est normal d’essayer un nouveau truc, juste pour voir. Je hausse les épaules et je reviens à mon moteur.

    Je contrôle une dernière fois mon montage et j’appuie sur le bouton de démarr…

     

    « Vous voulez éviter le coup de pompe de dix heures ? Prenez un petit-déjeuner consistant et nutritif, prenez du Bonap, les céréales au miel enrichis en vitamines. »


    Le slogan tonitrué par le haut-parleur d’un camion me réveille désagréablement en sursaut. On n’a pas idée d’importuner les gens à cette heure matinale. Vanessa n’a pas bougé. Heureuse femme ; il est vrai que la cinquantaine l’a rendu un peu dure d’oreille. Je me lève en maugréant. D’habitude, c’est le cœur joyeux que je vais préparer le p’tit déj.


    Je suis mal réveillé. Tout en me rasant, j’essaie de rassembler des bribes fuyantes de mes souvenirs d’hier. Je sens qu’il y a quelque chose d’insolite. En particulier, je me demande si le moteur a bien fonctionné.

    — Jimmy, ne devais-tu pas acheter une pièce pour ton moteur ? Je pourrais te déposer au magasin, c’est sur mon chemin.

    — Mais Vanessa, je l’ai déjà acheté hier.

    — Voyons Jimmy, serais-tu déjà gâteux ? Hier tu m’as dit qu’il te manque une pièce pour achever ton moteur. Moi, j’ai encore toute ma mémoire, sacrebleu !

    — Mais…

    — Oh, et puis je n’ai pas le temps de discuter, j’ai une réunion à préparer.

    — Ce n’était pas hier que tu as eu ta réunion ?

    — Jimmy, dis-moi si tu es malade… D’ailleurs tu sembles mal réveillé. Tu as de la fièvre ?

    — Mais non, je crois que j’ai mal dormi, c’est tout. Va à ton boulot.


    Après avoir un peu hésité, Vanessa se résout à partir. Je me verse un petit verre de whisky pour remettre mes idées en place. Je cherche tous les prétextes pour retarder mon entrée dans l’atelier. Serais-je devenu fou ? Je termine mon scotch et me résous à en avoir le cœur net.


    Je reste debout sur le seuil, l’esprit vide : le moteur tournait, le magnécéram catalytique est à sa place. Donc je ne suis pas fou. Mais pourquoi ne l’ai-je pas éteint hier ? Et je ne me rappelle pas avoir rejoint mon lit. Je quitte précipitamment l’atelier. Je m’habille en hâte et sors. À première vue, rien d’insolite. Un grand panneau d’affichage attire mon regard. Une famille à la mine réjouie prend son petit-déjeuner ; une boîte de Bonap trône sur la table. J’entre dans le magasin de pièces.


    — Avez-vous un magnécéram catalytique ?

    — Un magné… Ah oui, je crois que j’en ai un, attendez je vais voir.

    Je pianote nerveusement sur le comptoir, tandis que le type va à l’arrière-boutique.

    — Eh bien non, m’sieur. Il n’y en a pas. Pourtant j’aurais juré que j’en avais un.

    — Tant pis, merci quand même.


    En sortant, je fais face à un panneau géant. Un Çiva au sourire faux tient une boîte de Bonap au bout de chacun de ses six bras. Chaque boîte affiche une vitamine allant du B1 au PP, sans passer toutefois par le A4 ni le B29. Donc j’ai déjà acheté le seul magnécéram catalytique hier. Je ne suis pas fou, c’est déjà ça de gagné. Mais cette situation a de quoi devenir dingue. Je me rue sur le journal. Je regarde la date. 20 janvier. Parmi les gros titres, un grand groupe pharmaceutique vient de prendre en charge une cinquantaine de comateux profond. Hier, la cote d’une société qui utilise un de mes brevets a gagné trois points. Je vérifie la page financière. Et mes cheveux se dressent sur ma tête : trois points. J’arrête quelques personnes et leur demande le quantième. La plupart me répondent, mais me regardent d’un drôle d’air. On est le 20 janvier, évidemment.

    Je ne suis pas un parano conspirationniste, mais il se passe des choses pour le moins louches, ici. Ou bien j’ai des dons de prémonition, ou bien le Gouvernement procède à des expériences secrètes. Mais non ! Je ne suis pas devenu devin : le magnécéram catalytique est une preuve matérielle.


    Je me hâte de rentrer. Je considère avec circonspection le moteur. Et si c’était lui le coupable ? Se pourrait-il que la composante magnétique du moteur soit capable de figer le temps et d’en faire une boucle ? Que je suis bête, si c’était le cas, pourquoi les autres sont-ils affectés et pas moi ? En tout cas, mes appareils montrent que le rendement de ce moteur est extraordinaire et dépasse même toutes mes espérances. Je m’attelle fébrilement à la rédaction de sa documentation détaillée, je sens qu’il va bouleverser l’économie et la vie des gens.


    Je n’ai pas entendu Vanessa rentrer, mais j’ai tout de suite remarqué la boîte de Bonap parmi les provisions étalées sur la table, quand j’ai voulu me verser un verre de whisky. Je préfère les bonnes vieilles tartines beurrées avec de la confiture, mais si elle veut goûter aux céréales, c’est son affaire. Je retourne à mon atelier, je vais faire subir d’autres tests à mon moteur avant d’en déposer le brevet. Je règle mes appareils et je démarre l’engin. Curieuse coïncidence, c’est pratiquement à cette même heure que je l’ai démarré hier. Enfin, il ronronne à la perfec…

     

     

    A suivre

     

     

    RAHAR

     

     

     

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    Illustrations : horloges et automates

    Prague, www.ens-lyon.fr

    Paris, Quartier de l'horloge (en panne !), www.paris-en-photos.fr



     


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    Le rosier grimpant

    parfum rondeur et beauté

    ma fleur préférée

    les camélias sont jolis

    mais j'attends le mois de juin

     

    ***

     

    Les pois de senteur

    ont-ils perdu leurs couleurs ?

    Si vifs autrefois

    l'hiver je pense aux étés

    où leur parfum m'enivrait

     

    ***

     

    Oeillets mal aimés

    grand-mère se les offrait

    bouquets du jardin

    oeillets roses  gypsophile

    dans sa cuisine l'été

     

    Lenaïg

     

    ***

     

     

    Bouquet de fleurs

    Pour patienter encore

    Roses de Noël !

     

    ABC

    (Merci, Annick !)

     

     

     

    Mes oiseaux de paradis 2 edited

     

     

    Sur la belle rose de Noël de Mamylilou,

    à laquelle j'ajoute les oiseaux de paradis qui ornaient ma chambre autrefois grâce aux soins de papa.

     

    Note : depuis trois jours maintenant, je suis sans téléphone fixe ni connexion livebox, je suis très en colère car Orange met vraiment du temps à réparer dans mon quartier un "incident" (!) dont j'ignore tout.

    Donc de chez moi je me connecte grâce à ma clé 3G payante, je ne peux rester longtemps, pardonnez mon écoeurement, hier je ne suis presque pas venue.

    Trop de temps et de gymnastique pour aller chercher des photos des belles grosses roses rondes parfumées du rosier grimpant qui ne sont pas encore sur mon nouvel ordinateur.


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  • Rétroviseur thème poétique Croqueurs - ractroviseur-taclescopique-rond

     

     

    Rétroviseur thème poétique Croqueurs - Gaston Lagaffe - FP307

     

    Rétroviseur

     

     

     

    L'automobile a trois miroirs

    Pour bien regarder en arrière.

    C'est pour que nous puissions prévoir

    Ce qui va venir par derrière.

     

     

    Rien à voir avec le passé ;

    Des rétroviseurs, ils s'appellent.

    Pourtant, leur nom nous fait rêver,

     de la magie intemporelle ...  

     

     

    Sortons l'objet de son auto ...

    Le passé surgit dans la glaceRétroviseur thème poétique Croqueurs - lit-voiture

    Avec netteté, que c'est beau !  

    Nos souvenirs y prennent place ...

     

     

    Bien sûr on choisit les meilleurs ;

    La mémoire devient visuelle.

    Images d'avant, de bonheur,

    Buée sur les visions cruelles !

     

     

    Lenaïg

     

    ***

     

    Rétrospectives

     

     

    Petite Amérique, Pablo Neruda, 1924  :

     

    Lorsque je regarde la forme

    de l'Amérique sur la carte,

    mon amour, c'est toi que je vois :

    ton visage y est mont du cuivre,

    tes deux seins : la neige et le blé,

    ta mince taille :

    les fleuves rapides qui vibrent, les collines

    et prairies chargées de douceur,

    tandis que tes pieds dans le froid du Sud

    achèvent leur géographie d'or géminé.

     

     

    NEUVE JEUNESSE, Robert Desnos, 1944

     

    Nous irons au cinéma

    Rendre nos devoirs à Charlot

    Mais nous n'irons pas sur l'eau

    Visiter YOKOHAMA ?

     

    Le nègre des Batignolles

    où est-il ? et son banjo ?

    La putain qui m'appelait coco

    et qui posait les vierges folles ?

     

    Les cerises en sac de papier

    que je croquais dans mon dodo

    Polichinelle et le pompier

    qui chantaient ho ho ho ho ?

     

    Toutes les fleurs de Colombo,

    tous les whyskies de Singapour

    et les remparts de Saint-Malo

    et les débris de mes amours

     

    La mer a noyé tout cela

     

    Je ne suis plus qu'un petit garçon

    qui mange du chocolat

    et qui joue au ballon

     

    ***

     

    Images du net

     

     

     

     



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    Théodora n'aimait que l'or ...

    Et elle en voulait plus encore !

    Et des diamants, pas d'argent vil !

    Lui plaire n'était pas facile ...

     

    Son amoureux s'était ruiné,

    Sa fortune dilapidée.

    Tout en tardant à l'épouser,

    La belle s'en était parée !

     

    Pour s'en sortir, Dorian se mit

    A faire dans la fantaisie :

    De ravissants bijoux en toc.

    Mais elle snobait ses breloques.

     

    Il devint artiste très chic,

    On se pressait dans sa boutique !

    Théodora se trouva mal,

    On lui vola coffrets et malle !

     

    Et Dorian la vit arriver,

    Toute triste et désemparée ...

    Dorian parla d'un ton amer :

    Je ne peux rien pour toi, ma chère !

     

    Tu n'aimes pas ce que je fais,

    Tu vis dans un conte de fée !

    Théodora dans un soupir

    Lui dit : l'or est dans ton sourire.

     

    C'est toi que je veux rembourser,

    Ta fortune était assurée.

    Telle que je suis aujourd'hui,

    J'ai réfléchi à ma folie.

     

    Plus d'or et salutaire choc,

    Il ne me manque et je m'en moque !

    Si ton coeur n'est toujours pas pris,

    Veux-tu m'épouser, je te prie ?

     

     

    Lenaïg

     

     

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    Illustrations :

    Coeur paillettes, www.webmarchand.com

    Coeur puzzle, www.fr.123rf.com

     

     

     


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