• Une enquête du commissaire Rizzoli - Chapitre 5 (début) - Denis Costa

      Denis Costa - Photo 07

     

     

    Rizzoli, Farina et Gasser, le tout jeune vice-inspecteur, récemment muté à la brigade, décidèrent de prendre le soleil sur l'une des terrasses de la place Walther. Avec le retour du printemps, les tables avaient de nouveau envahi la place principale du vieux Bolzano. Les cars de touristes germaniques déversèrent leur lot de retraités, tandis que les lycéens s'égayèrent en grappes à la sortie des établissements scolaires qui bordent le centre-ville. Rizzoli avait même remarqué le retour du vu comprà sénégalais installé à l'angle du passage Greif, un vendeur à la sauvette de lunettes de soleil contrefaites, qu'il avait croisé pour la dernière fois aux environs de Noël.

    Le commissaire était guilleret, comme si la douceur des températures avait réussi à lui faire oublier pour quelques heures, les affres des enquêtes en cours. Il ne cessa d'exalter, devant ses compagnons moins transportés que lui, les prémices du printemps dont il voyait partout les signes. Les arbres qui cernaient la place n'étaient-ils pas plus feuillus et d'un vert plus soutenu aujourd'hui qu'hier? Il se dit que le bonheur résidait dans le simple fait de contempler la vie qui s'agitait autour de lui, une vie qu'il avait la bonne fortune de partager avec tous ces inconnus. Il enchaîna des blagues légères qui étaient d'ordinaire son lot lorsqu'il abusait de bières. Ce n'était pas le cas ce matin-là. Les trois hommes avaient simplement convenu de profiter de la pause déjeuner pour se commander chacun une pizza, du Coca et un café. Rizzoli parfois, traduisait ses propos en allemand, à l'attention de Gasser, qui, vexé, ne cessait de lui rappeler qu'il parlait un italien aussi parfait que celui que l'on pouvait attendre d'un milanais de souche.

     

    - L'accent n'est pas le même! si je puis me permettre, Herr Gasser, s'amusa le commissaire, avant de poursuivre entre deux bouchées de pizza quattro stagioni: ne sont-elles pas jolies nos femmes, ici? on réunit dans cette ville, les plus beaux culs d'Italie et le meilleur de ce qui se fait en Allemagne, ne trouvez-vous pas, Gasser?

     

    - C'est bien une réflexion d'Italien, du pur machisme, si je puis me permettre, commissaire! répliqua le jeune policier, sur le même ton, faussement déférent.

     

    - J'apprécie votre impertinence, Gasser, vous ne lâchez rien, c'est plutôt une qualité dans notre métier, mais de grâce Gasser, ne prenez pas tout ce que l'on vous dit au premier degré... Un peu d'humour que diable, détendez-vous!

     

    Le jeune vice-inspecteur se dérida, semblant donner un gage à son supérieur hiérarchique. Il continua cependant à exposer son point de vue sur le sexisme supposé des Italiens, en s'appuyant sur les émissions de variétés qui font étalage de soubrettes, aux jambes aussi effilées que peuvent être rétrécis leurs cerveaux. Il termina sa démonstration en présentant comme exemplaires, les émissions analogues en cours sur les chaînes autrichiennes, qu'il jugeait plus décentes.

    Cette remarque additionnelle eut le don d'irriter le commissaire. Comme beaucoup de Tyroliens, le policier Gasser pensait que tout était mieux, ou fonctionnait avec plus d'efficacité de l'autre côté de la frontière.

     

    - Vérité au deçà du Brenner, erreur au delà... vous ne changerez jamais, vous les Allemands!

     

    Farina se garda bien d'intervenir dans cette querelle de nordistes.

     

    - Je botte en touche, messieurs, en tant que Sicilien, je ne discourrai pas sur l'esthétisme de vos femmes!

     

    - De vos femmes, Salvatore? Là vraiment... tu joues au faux-cul ou tu l'es réellement?

     

    - Sachez chers collègues, que chez nous à Palerme, les femmes ne s'exhibent pas, elles se méritent, conclut l'inspecteur.

     

    Personne ne put dire si c'était l'affirmation, en tant que telle, ou bien la manière tonitruante dans laquelle elle avait été formulée, qui provoqua l'hilarité de ses compagnons. Quoiqu'il en soit, le commissaire Rizzoli sonna bien vite la fin de la récréation.

     

    - Bon, efforçons-nous de rester sérieux... Ne sommes-nous pas tous trois, des policiers, avant d'être des hommes, comme on nous l'enseigne dans les écoles de police?... Gasser, vous qui venez d'être confronté pour la première fois à Matteo, qu'avez-vous pensé de l'interrogatoire?

     

    Au café noir d'une saveur bien trop amère, selon les goûts germaniques du jeune inspecteur, vint s'ajouter le souvenir encore présent dans sa mémoire, de l'interrogatoire qui venait d'avoir lieu le matin même, mené de pair par Rizzoli et Farina. C'était pour lui une première dans une affaire qui relevait d'un crime, et il réfléchit un moment avant de répondre:

     

    - Bah, je dois dire que votre duo bien rodé à l'encontre de ce Matteo, m'a impressionné... A sa place, j'aurais avoué n'importe quelle faute!

     

    - Ce que vous dites là Gasser, m'inquiète... ça signifie tout simplement que l'on aurait mal fait notre boulot, car un interrogatoire est toujours à charge et à décharge! s'emporta Rizzoli.

     

    - Tranquille, Guido, tu vois bien que notre jeune collègue plaisante... D'autant que Matteo n'a rien avoué.

     

    - Ben oui commissaire, vous m'avez demandé de faire de l'humour... J'essaie.

     

    Décidément, se dit Rizzoli, j'aurai du mal à me faire à ce nouveau policier. Il est bien trop imprévisible, et il manie parfois notre langue, de manière telle, que l'on ne sait pas toujours comment interpréter ses propos, et quoi en penser...

     

    - Très concluant, Gasser, très concluant, finit-il par admettre, faute de mieux.

     

    ***

     

     

     

    Lexique:

     

    Vu compra: terme populaire qui désigne les Africains qui vendent dans les rues à la sauvette (vu compra= en italien de cuisine, « vous achètes »

     

    Herr = monsieur, en allemand

     

    quattro stagioni = quatre saisons

     

    roba da donna = affaire de femmes

     

    crucchi = allemands.

     

    ***

     

     

    A suivre

     

     

    Denis Costa,

    Texte et photo

     

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 12 Juin 2011 à 14:22
    Libre  necessite

    J'ai voulu reprendre les épisodes précédants que j'avais laissés passer mais entre les numéros et tes anotaions , je ne m'y retrouve pas. Pourquoi le N° 5 est le début . A+ Dan

    2
    Dimanche 12 Juin 2011 à 14:34
    jill-bill.over-blog.

    Merci pour la pause déjeuner, pizza et coca, p'tit kawa....  Un peu de détente pour repartir de plus belle... Merci Denis, bisous Lena 

    3
    Dimanche 12 Juin 2011 à 20:13
    Lenaïg Boudig

    Fin de ce chapitre programmé pour demain midi !

    4
    Dimanche 12 Juin 2011 à 21:06
    Reinette

    quelle histoire

    à bientôt  pour la suite

    gros bisous

    5
    Lundi 13 Juin 2011 à 18:35
    Marie-Louve

     :-)) J'ai lu la fin du 5 e avant le début du 5 e ! J'aime ces Italiens ! :-))

     

    6
    Lundi 13 Juin 2011 à 22:49
    Marie-Louve

    Elle fera la tête ma libellule sur cette page pour la fête :-))) . Bizs.

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    7
    Mona de plumes au v
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:44
    Mona  de plumes au v

    Cette fois j'ai bien ri.... Incroyable cette conversation, ces susceptibilités nationales, et vraiment drôles!

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