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Vital dans un baluchon - Isobel, jeu de la Cour de récréation chez Jill Bill
Une jeune femme blonde se tient droite dans l’embrasure de la porte de la chambre d’hôpital voisine de la mienne. Je lui souris et la salue en me présentant. Elle me rend mon sourire. Sur ces poignets, de vilaines cicatrices me bouleversent. Devant elle, un petit ventre rond qu’elle caresse tendrement. Dans ses yeux, je perçois des éclats de joie. Elle retrousse le bas de sa camisole rose et pointe avec l’index son abdomen. Là, dans son ventre, se trouve Vital, m’apprend-elle. Je la félicite. La présence de Vital semble la rendre euphorique. Elle inspire profondément et son monologue devient étourdissant. Puisque moi je me bats contre des moulins à vent, je m’explique qu’il est plausible qu’elle ait avalé un moulin à paroles.
Elle m’explique qu’elle a choisi le prénom Vital parce qu’elle pressent qu’en elle, un beau garçon s’accroche à la vie. Grâce à lui, elle a trouvé un sens à son existence. Vital existe et grandit à vue d’œil sous mon regard abasourdi. Le voilà niché au creux de ses bras entrelacés. Il a un mois, il la regarde avec des yeux d’un bleu étincelant comme les siens. Sa chevelure rousse abondante est similaire à celle de son père et ses petites mains fines sont pareilles à celles de son grand-père, un musicien.
Elle est à bout de souffle. Il a cinq ans et déplace beaucoup d’air, fait la course dans la maison pour prolonger l’heure du dodo. C’est un gamin sportif, un joueur de foot ou un boxeur car il est fort. Déjà, ses coups de pieds et de poings la réveillent la nuit. Une fois les années rebelles de son adolescence passées, il s’assagit et devient très studieux. Il décroche un diplôme universitaire, récolte tous les honneurs et, plus tard, crée sa propre entreprise. À trente ans, il connaît beaucoup de succès en affaires, se marie et sa progéniture la comble de bisous doux et de joie. Elle a trois petits-enfants qui lui rendent visite tous les dimanches. C’est la fête dans son cœur.
Subitement, son discours s’arrête. Elle me fait signe de m’approcher, s’empare de ma main droite et la colle au-dessus de son nombril. Elle insiste. Je dois absolument sentir, là, son-petit-papillon-Vital bouger. Rien. Que le vide. Mais pour ne pas la décevoir, je fais comme si et je lui adresse un sourire ravi. Son regard s’assombrit. Elle jette un coup d’œil de gauche à droite. J’en fais tout autant. Il n’y a personne d’autres que nous trois, elle, Vital et moi. Elle soulève une mèche de mes cheveux, la positionne doucement derrière mon oreille en y approchant doucement les lèvres. Elle chuchote.
- Vital et moi, nous devons à tout prix sortir d’ici. Tu l’as bien senti bouger toi ? Vital existe ! Mon médecin raconte que ma grossesse est imaginaire. Les infirmières partagent toutes son avis, elles me forcent à avaler des comprimés de poison, soutenant que c’est pour mon bien. Je ne suis pas bête et je sais bien qu’on tente par tous les moyens d’extirper mon Vital pour me le voler.
Sur ces dernières fabulations et devant mon air éberlué, elle recule de quelques pas, se réfugie dans sa chambre en fermant la porte derrière elle.
Je secoue la tête pour remettre mes idées en place. La cigogne me passe sous le nez avec son baluchon. Vital disparaît.
Isobel
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Tags : vital, moi, qu’elle, droite, bien
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Commentaires
très triste, peut-être aura-t'elle un jour un Vital , un vrai plein de vie
je le lui souhaite
bisous
Je relis avec grande tendresse cette nouvelle qui racnte la détresse de ces personnes qui vivent dans ce monde imaginaire. On N,a surtout pas envie d'en rire. Cela nous touche droit au coeur. Bisous Isolel et bravo d'avoir su nous toucher aussi intensément. Je te sais au travail présentement. Je remercie en attendant ton retour, tous tes lecteurs. Bon mercredi à vous tous.
Bonjour Jill, ABC, Josette, Reinette, Monelle et Mamazerty!
Merci de votre passage et pour le partage de vos impressions sur ce texte.
Il est vrai que c'est là l'histoire d'une rencontre troublante.
Le fond est triste mais je souhaite que la fin demeure ouverte à votre imagination. Qui sait, Vital et sa maman seront peut-être réunis un jour!
Bises à vous.
Bonjour Tonton Ric,
On peut imaginer qu'une tragédie se trame pour cette femme. Elle éprouvera un grand chagrin si elle accepte la réalité. Douce folie d’une maman imaginaire, devant laquelle on ressent une grande impuissance. La frontière entre le réel et la fiction est bien mince parfois.
J'admire ta sensibilité et je crois que c'est une grande qualité. Tu dois en être fier! Tu fais preuve d’empathie et cela t’as permis d’avoir des perceptions d’une justesse bouleversante tant sur le contenu que sur la forme en ce qui concerne mon texte.
Bisous.
Bonjour Isobel. Quand Marie-Louve m'a fait parvenir vos deux textes, je lui ai écrit : c'est du lourd ! Comme toujours ! C'est doux, poignant et si je pouvais, je ferais passer la cruauté de la situation au second plan. Je souhaite que cette jeune femme trouve des oreilles compréhensives et des spécialistes qui sauront la raccorder avec la réalité. Ton illustration de la cigogne, bizarrement, a quelque chose de réconfortant, c'est comme cela que je le vois, perception personnelle !
Je ne me souviens plus quel est le prochain prénom mais je serai enchantée si tu nous le fait vivre aussi ! Merci beaucoup et gros bisous.
Bonjour Léna!
Ouf, oui, c’est lourd… Portrait d’une rencontre troublante à un moment où deux vies se trouvent interrompues par la maladie. Bien qu’il soit le fruit de son imagination, ce Vital a fait naître en cette femme le désir de vivre. Peut-être fauit-il parfois s'enfoncer dans sa nuit pour trouver enfin la lumière. Tout comme toi, je souhaiterais à une telle femme de se rétablir et de poursuivre sa route avec des yeux ouverts à la beauté d’un monde bien réel.
Le prochain prénom m’inspire joie, douceur et légèreté…
Bisous et bonne journée.
13JosetteVendredi 6 Juillet 2012 à 08:34
une histoire bien triste, pauvre ex maman de Vital aura-t-elle assez de vitalité pour sortir de son impasse ?
bisous Lénaïg
14Tonton RicVendredi 6 Juillet 2012 à 08:34
Bonjou(r Isobelle.
J'ose à peine le dire, mais j'ai les yeux "humides"...
Tragédie, folie, rêve, émotions... Le tout présenté par une narratrice pleine de douceur, presque résignée à "subir" ce tableau, sans rien dire d'autre que ce qu'elle voit.
J'adore et je pleure doucement... Certains diraient que je suis "hypersensible"... Au moins, j'ai un coeur et des larmes. Certes, le sort de cette femme et de Vital ne seront pas différents... Elle sera sans doute perpétuellement en attente, et Vital ne verra pas non plus le jour, mais quelle belle histoire.
Merci Isobel et Bizzz
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Chez Lenaïg vous êtes, on ne doit pas s'y prendre la tête !
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Bonjour élève Isobel ! Enigmatique dame, troublante rencontre... folie douce ou non... Texte plein d'émotion pour un Vital qui n'existe que dans son esprit ! Que dire, qu'il soit le bienvenu à la cour de récré, ne froissons pas cette inconnue ! Merci à toi, bises de m'dame JB