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    Une jeune femme blonde se tient droite dans l’embrasure de la porte de la chambre d’hôpital voisine de la mienne.  Je lui souris et la salue en me présentant. Elle me rend mon sourire. Sur ces poignets, de vilaines cicatrices me bouleversent. Devant elle, un petit ventre rond qu’elle caresse tendrement. Dans ses yeux, je perçois des éclats de joie. Elle retrousse le bas de sa camisole rose et pointe avec l’index son abdomen. Là, dans son ventre, se trouve Vital, m’apprend-elle. Je la félicite. La présence de Vital semble la rendre euphorique. Elle inspire profondément et son monologue devient étourdissant. Puisque moi je me bats contre des moulins à vent, je m’explique qu’il est plausible qu’elle ait avalé un moulin à paroles.

     

    Elle m’explique qu’elle a choisi le prénom Vital parce qu’elle pressent qu’en elle, un beau garçon s’accroche à la vie. Grâce à lui, elle a trouvé un sens à son existence. Vital existe et grandit à vue d’œil sous mon regard abasourdi. Le voilà niché au creux de ses bras entrelacés. Il a un mois, il la regarde avec des yeux d’un bleu étincelant comme les siens. Sa chevelure rousse abondante est similaire à celle de son père et ses petites mains fines sont pareilles à celles de son grand-père, un musicien.

     

    Elle est à bout de souffle. Il a cinq ans et déplace beaucoup d’air, fait la course dans la maison pour  prolonger l’heure du dodo. C’est un gamin sportif, un joueur de foot ou un boxeur car il est fort. Déjà, ses coups de pieds et de poings la réveillent la nuit. Une fois les années rebelles de son adolescence passées, il s’assagit et devient très studieux. Il décroche un diplôme universitaire, récolte tous les honneurs et, plus tard, crée sa propre entreprise. À trente ans, il connaît beaucoup de succès en affaires, se marie et sa progéniture la comble de bisous doux et de joie. Elle a trois petits-enfants qui lui rendent visite tous les dimanches. C’est la fête dans son cœur.

     

    Subitement, son discours s’arrête. Elle me fait signe de m’approcher, s’empare de ma main droite et la colle au-dessus de son nombril. Elle insiste. Je dois absolument sentir, là, son-petit-papillon-Vital bouger.  Rien. Que le vide. Mais pour ne pas la décevoir, je fais comme si et je lui adresse un sourire ravi. Son regard s’assombrit. Elle jette un coup d’œil de gauche à droite. J’en fais tout autant. Il n’y a personne d’autres que nous trois, elle, Vital et moi. Elle soulève une mèche de mes cheveux, la positionne doucement derrière mon oreille en y approchant doucement les lèvres. Elle chuchote.

     

    -  Vital et moi, nous devons à tout prix sortir d’ici. Tu l’as bien senti bouger toi ? Vital existe ! Mon médecin raconte que ma grossesse est imaginaire. Les infirmières partagent toutes son avis, elles me forcent à avaler des comprimés de poison, soutenant que c’est pour mon bien. Je ne suis pas bête et je sais bien qu’on tente par tous les moyens d’extirper mon Vital pour me le voler.  

     

    Sur ces dernières fabulations et devant mon air éberlué, elle recule de quelques pas, se réfugie dans sa chambre en fermant la porte derrière elle.

     

    Je secoue la tête pour remettre mes idées en place. La cigogne me passe sous le nez avec son baluchon. Vital disparaît.

     

     

     

     

    Isobel

     

     

     

     

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    Lien pour cette image choisie par Isobel :

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    Sainte Barbie, l’entends-tu?

     

    Macha la noctambule fuit les bars, rentre chez elle pour veiller tard préférant la musique du clavier à celle d’un DJ. Tic, tic, tic. Souris en main, clique à gauche, clique à droite. Désespérément, elle recherche un Prince Charmant. Macha l’étoile brille sur les planches d’un cyber-théâtre. Macha la poupée cherche l’homme idéal dans les dédales d’un réseau social. Macha se branche, enfile une image en photo de profil, se dandine entre les lignes. Tape, tape, tape-à-l’oeil, ses mots à l’écran. Danse, danse, Macha danse.

     

    Acte un, la pêche. La voilà qui tend son filet, jette sa ligne à l’eau. Et de deux, attendre patiemment en vitrine, se trémousser un peu. Du haut de ses talons aiguilles, un verre de rouge à la main, elle vacille et sa bouche vermeille en forme de coeur soupire. Macha rêve d’habiter un château, fantasme de voler le coeur d’un Ken merveilleux, de se promener avec lui bras dessus, bras dessous. Macha la gamine veut faire joujou.

     

    Et de douze, sous le coup de minuit, sonne en alarme sa messagerie. Défilent alors les intéressés: requins, harengs, baleines, anguilles et un maquereau. En bout de ligne, enfin, une grenouille attend pour lui faire la cour. Macha jubile. Vite, vite, l’embrasser. Pour ce faire, sur Vidéo Chat rapidement se connecter. Et, pouf!

     

     

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    “Faut pas rêver ma belle.”, vilain crapaud la nargue.

    Dinde de la farce, Macha s’efface.

     

     

     

    Isobel

     

     

     

    Références des illustrations :

    http://media.lunch.com/d/d7/469950.jpg?2

    http://rookery.s3.amazonaws.com/1587500/1587869_c258_625x1000.jpg

     

     

     

     


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    Raoul l’évadé, plonge le bec sous son aisselle, secoue ses plumes et bat de l’aile sans bout.

     

    Raoul ce bel oiseau attrapé au vol et  mis en cage, à qui on a coupé le bout des ailes, s’était jeté du haut de l’édifice où il nichait. En chute libre, l’oiseau rare tomba dans le filet des pompiers. Fourré dans une camisole de force, sous escorte, il avait filé droit vers l’asile, le refuge des rêveurs éveillés.

     

    Ruée de bêtes dans le couloir. L’heure du repas sonne. Il s’élance et se perche sur la tête d’une chaise. Raoul Maboul roule sur la tête, pivote. L’oiseau fait la tête devant le plat de pâtes qu’on lui a servi. On le rassure en lui disant: « Mon canard, il s’agit-là de vers bien frais. Goûte c’est bon ! » On le prend pour un fou, observe-t-il. Peu importe. De toute façon, il a le bec fin. Il préfère le nectar des fleurs à ces saletés d’insectes. Raoul est un joli colibri. Autour de lui, que des pique-assiette. Aucune gueule fine digne d’intérêt devant cette table d’ennui.

     

     

     

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    Raoul se balance de gauche à droite. Difficile de maintenir l’équilibre. Pour se dégourdir, jacasse comme une pie. Léon le lion rugit, lui montre son épiglotte. Hector le castor se dessine un sourire complice sous deux dents au carré. Et, Agathe… Ah, Agathe qui le regarde comme une chatte. Raoul frémit, raidit les plumes, fait l’autruche. Agathe bondit. L’attrape à la gorge. Raoul s’écrase durement sur le plancher des vaches. Son sang gicle et les cris de la ménagerie bourdonnent. Tintamarre. Marre, marre.

     

     

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    Le temps s’arrête. Une mouche vient se poser sur son bec. La tête de l’insecte grossit. Prend forme humaine. Nez à bec. Ses traits de mégère sont familiers. Son énorme bouche s’ouvre et  semble prête à le dévorer. Raoul ferme les yeux.

     

    -                      Raoul ! Espèce d’abruti. T’es qu’un paresseux ! Sors de ce plumard. Debout ! Maudite cervelle d’oiseau !  Une fois de plus, tu seras en retard au bureau.

     

     

     

    Isobel,

    Texte et choix de photos

     

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    Références et liens des photos :

    http://www.freakingnews.com/The-Bird-man-of-Lincoln-Ave-circa-1921-Pics-54944.asp

    http://www.freakingnews.com/Woman-Sphynx-Cat-Pictures-64812.asp

    http://fun-gallery.com/funny-pics/animals/photoshop-animals-145/

     

     

     

     


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