• Une enquête du commissaire Rizzoli - Chapitre 9 - Denis Costa

    Denis Costa - Photo 14

     

     

     

    Rizzoli se versa un deuxième verre de Limoncello, son péché mignon. La saveur douce amère de cette liqueur de citron, n'était pas celle de Sorrento, qui en revendique l'origine, mais bien celle produite avec le zeste des citrons du lac de Garde, dans sa partie nord, en territoire du Trentin Haut-Adige, sa région d'adoption. Alice était à ses côtés, une présence aimante autant que rassurante. Les jours rallongeaient à vue d'œil, et les Rizzoli peinaient à se mettre au lit. Les enfants ne s'étaient pas encore couchés et discutaient dans le couloir dans un charabia incompréhensible pour les oreilles attentives, mais désorientées, des parents. Malgré leur jeune âge, les jumeaux montraient une certaine autonomie, qui, pour leur père, reflétait le système institutionnel de la région. La mère en donnait une explication plus rationnelle. La gémellité, disait-elle, les rendait solidaires, donc plus forts. Leurs âges devaient s'additionner et à eux deux, ils atteignaient les vingt ans. Un âge, où il était plus que temps de se prendre en charge...

     

    - Tu vois ma Ciccia, entreprit Rizzoli, qui interpellait parfois sa femme par ce diminutif affectueux, il y a des jours avec et des jours sans. Aujourd'hui, sans conteste, c'est un jour avec!

     

    - Oui, je vois, amore, tu sembles enjoué, et ce soir, tu n'as pas ronchonné une seule fois depuis ton retour de la questura ! Je parierais que ton enquête avance...

     

    - Elle régresse mon enquête, au contraire, elle régresse, mais c'est un mal pour un bien, et je compte sur de prochains rebondissements!

     

    - A ta mine réjouie, je devine que le Matteo ne sera pas inculpé.

     

    - En effet, notre brainstorming a conclu qu'il n'y avait pas de charges suffisantes contre lui, ou plutôt que trop de zones d'ombre persistaient encore... Le vice-questeur n'a pas insisté pour sa mise en examen, signe qu'il n'est pas loin, lui aussi, de m'approuver... Ce n'est pas que je veuille avoir raison à tout prix, mais je ne suis pas mécontent d'avoir rallié tout ce petit monde à la raison...

     

    - Comme toi, je suis soulagée, et heureuse pour cet ado, s'il est mis hors de cause. Je crois beaucoup en la jeunesse, j'ai des étudiants supers, tu sais?... Ils sont l'avenir, dans un pays, où il y a encore trop de vieillards qui trustent les responsabilités! Ils abusent de leur pouvoir... et ça les rend séniles au point que certains en haut lieu, en sont réduits à recourir au service de prostituées... mineures, par dessus le marché!

     

    - Oui, je sais, le feuilleton continue... on en est au quatre-vingt-dix-neuvième épisode... demain, on atteindra les cents! Mais ne généralise pas, Ciccia, et puis, les discours moralisateurs, le puritanisme, c'est bon pour les prêches d'église, s'enflamma Rizzoli, un brin provocateur. Si la gérontocratie règne en maître, c'est faute de naissances suffisantes. Ça dure depuis les années soixante-dix, sans émouvoir outre mesure nos politiciens, de droite comme de gauche! Le taux de fécondité des femmes d'ici n'atteint pas 1,4 depuis plusieurs années déjà, il faut pas s'étonner...

     

    - N'empêche... tu ne m'ôteras pas de l'idée que l'argent et le pouvoir corrompent et salissent tout...

     

    - Moi, je suis à la recherche d'un homme, bien sous tous rapports, puisqu'il a gagné la confiance de Lisa, mais suffisamment tordu et détraqué pour avoir tué la fille. T'as ça en stock, Alice?

     

    Alice fit mine de chercher dans ses connaissances.

     

    - Un homme qui l'aurait corrompue, en somme... un homme qui aurait usé de son influence pour lui faire accepter n'importe quoi?

     

    - En quelque sorte... et même à consommer une orange!

     

    - Mon cercle de connaissances est surtout composé de copines, et toi, tu cherches un homme... Ton homme ne peut être qu'un familier du clan Innerhofer, ou bien un fonctionnaire dont l'uniforme aura été suffisamment persuasif... ou bien les deux, pourquoi pas? Dans tous les cas, ton bonhomme apprécie les agrumes! ajouta Alice avec ironie.

     

    - Hum, soupira Rizzoli, rien qu'avec ton bon sens et ta logique, on déplacerait des montagnes!

     

    - Moque-toi de moi, à présent...Tu as vu que le fait divers a dépassé les frontières régionales, on en parle même sur les chaînes nationales. Et pour les journalistes, le suspect numéro un, reste toujours Matteo...

     

    - Je préfère ne pas savoir... C'est le vice-questeur qui gère... le seul qui soit habilité à répondre à la presse. On verra demain, l'évolution dans les esprits avec les derniers rebondissements. Tant que les médias sont à la traîne de l'enquête, avec un temps de retard sur nous, ça ne m'inquiète pas. Je le serai, en revanche, le jour où les journalistes s'empareront de l'affaire en faisant leurs propres investigations sur nos traces, voire en dehors. Ce serait le pire des scénarios... surtout au stade actuel de nos recherches.

     

    - Guido, je te retire le Limoncello, sinon, on n'en aura plus pour fêter l'arrestation du killer à l'orange.

     

    - Une orange, répéta le commissaire songeur... une orange au pays des pommes... ça ferait un bon titre de polar, non? … Justement, ce matin, Farina et Gasser ont pressé le gamin de tout le jus qu'il pouvait donner... et comme ce délicieux Limoncello, il a rendu le meilleur de lui-même, sans un sanglot, mais avec une réelle émotion, aux dires de mes deux inspecteurs... Désormais, toutes les pièces du puzzle sont en place dans un ordre logique: Matteo a avoué connaître la grossesse de Lisa, il en a ressenti une violente colère, mêlée de culpabilité, et en effet, comme nous le pensions, ils se sont disputés dimanche dernier, après avoir fait l'amour. Il lui avait supplié une nouvelle fois de se débarrasser du cadeau encombrant, et elle, a persisté dans son refus, il n'en était pas question...

     

    - Par conviction religieuse?

     

    - Parce que c'était le fruit de l'amour, lui avait répondu la petite à plusieurs reprises, et puis aussi par conviction religieuse...

     

    - Les journaux que j'ai parcourus, ne précisent rien de particulier sur l'attachement de la famille Innerhofer aux dogmes de l'église!

     

    Le commissaire sourit.

     

    - A l'égal de leurs concitoyens qui peuplent nos vallées, les Innerhofer ne loupent pas une messe le dimanche. C'est plus par tradition, qu'autre chose, je pense. Tu sais, Alice, les églises sont pleines ici... précisa-t-il, comme avec regret.

     

    - Oui, les gens vont à la messe, pour se faire pardonner leurs écarts de conduite, et à peine ont-ils quitté le monde sacré des églises pour retourner dans la vraie vie, profane celle-là, qu'ils reprennent leurs mauvaises habitudes, et leurs péchés mignons... jusqu'au dimanche suivant. C'est sans fin ce truc!

     

    - C'est la raison pour laquelle, tu n'as pas voulu rentrer dans ce cercle vicieux? s'amusa Rizzoli. Trop de péchés à te faire pardonner...

     

    - Qui n'a pas ses petites faiblesses, mon cher Guido... mais les miennes sont bien secondaires... Quand je me regarde, je m'inquiète, quand je me compare, je me rassure... Cette citation, Alice l'avait énoncée en français.

     

    - Talleyrand! s'exclama Rizzoli.

     

    - Je vois que tu as retenu l'auteur de ce bon mot, l'une des citations que nous ressort à l'accoutumé, Jean-Michel, le mari de ma sœur Elisabetta, à l'occasion de nos trop rares réunions de famille...

     

    - Oui... Jean-Michel, le francesino, officier de marine, avec lequel elle vit quelque part, là-bas, en Bretagne...

     

     

    Ciccia: terme affectueux, équivalent de « chérie ».

    Francesino: «  petit Français », terme affectueux utilisé par les Italiens pour désigner les Français.

     

     

    Denis Costa,

    Texte et photo

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 24 Juin 2011 à 20:11
    Lenaïg Boudig

    Je continue à me demander si on peut chercher le nouveau suspect parmi tous les hommes qu'on connaît déjà, ou si un nouveau personnage va apparaître ... Lisa a bien été étranglée par un homme, c'est confirmé. Et on se demandait si Matteo savait qu'elle était enceinte, on apprend que non et que c'était l'objet d'un désaccord dramatique entre eux deux.

    Cet "enfant de l'amour" comme le désignait Lisa n'a-t-il pas été considéré comme celui du péché par un individu tordu et fanatique ?

     

    Les deux jumeaux m'intriguent, peut-être les verra-t-on un peu plus, en parallèle du drame et de l'enquête ?

     

    2
    Vendredi 24 Juin 2011 à 20:48
    Déclic Photos

    Bonsoir, juste une petite question , comment suivre tes romans et celui qui est en cours est il bientôt fini.

    Amicalement

    Roger

    3
    Vendredi 24 Juin 2011 à 20:53
    jill-bill.over-blog.

    Bonsoir LenaPig, bonsoir Denis,  j'ai suivi la conversion des époux; j'ai lu ce qu'a avoué Matteo... mais je ne pourrais avancer le nom d'un éventuel coupable... On poursuit la lecture à la prochaine... Bonne soirée à vous deux... Bises de jill

    4
    Samedi 25 Juin 2011 à 16:02
    Monelle

    Il était une fois une Mamie qui avait deux choix : faire une petite sieste ou.... rejoindre les protagonistes d'une énigme policière !!! devines qui a gagné ??? Me voilà rassurée, Mattéo ne peut être en cause et puis la légiste a bien dit "étranglée avec des mains d'homme" hors lui n'est qu'un gamin !! Ah ! autre chose... j'ai adoré la comparaison sur le cerveau des soubrettes !!!!

    Chaque chapitre débute par une très belle photo, celle de la sculpture des cueilleurs de fruits est très belle !

    Bravo à Denis... mais maintenant j'attend la suite !!!

    Gros bisous

     

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    5
    Dimanche 26 Juin 2011 à 22:57
    Lenaïg Boudig

    Bonsoir Denis. Oui, c'est vrai que Matteo, s'il est un tout jeune homme, qui se cherche et pas forcément sûr de lui, n'en est pas moins en pleine vigueur, mais, hé hé, là Monelle t'a "arraché" l'aveu que ce n'est pas lui ! On peut donc dormir sur nos deux oreilles si cela nous tracassait ... Et le chapitre suivant va paraître demain lundi, je l'ai bien reçu, merci. Mais en ce moment je suis devant l'écran pour tâcher de poster quelques élucubrations à ma façon ! Et, chic ! j'ai la primeur du nouveau chapitre tout à l'heure ! Bises !

    6
    Mardi 28 Juin 2011 à 04:23
    Marie Louve

    Dans le conte de Blanche-Neige, la méchante belle-mère lui offre une pomme empoisonnée. Ici, une persnne de confiance a offert une orange avant la mort. Qui traîne des oranges et pouvait souhaiter la mort de Lisa ? Un vélo près de la chapelle. Lisa était allée consulter le curé quant à sa grossesse et son devoir de chrétienne ? Matteo était'il vraiment le père ? Ah, la, la que de questions ! J'adore ce polar de l'ami Denis.

    7
    Denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:43
    Denis

    Salut Roger, merci pour ton commentaire. Ce roman policier est en pleine gestation, j'ai la trame, bien sûr, mais pas encore tous les détails dans la tête... Rebondissement certain dès les prochains épisodes, avec une approche différente de l'intrigue... Vu mon emploi du temps, je ne pense pas pouvoir le terminer avant septembre (je suis indisponible en juillet). Pour le reste, suis les conseils avisés d'Hélène, notre rédactrice en chef... Elle est toujours de bons conseils. Bonne soirée à tous!

    8
    Denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:43
    Denis

    Superbes tes photos, Roger!

    9
    Denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:43
    Denis

    T'as vu, Hélène, j'ai pensé à toi...la Bretagne!

    10
    Mona de plumes au v
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:43
    Mona  de plumes au v

    Bravo Denis! Personne n'est parfait, c'est certain; Cette histoire d'orange au pays des pommes me plait assez! Le couple est bien sympatique! Finalement pour ce qui est de l'église, je crois qu'en s'en éloignant on a beaucoup perdu. Le confessionnal par exemple, avec après l'absolution! A présent les gens gardent leur sentiment de culpabilité, paient cher le psy pour en parler, et ensuite qu'en font-ils de cette culpabilité? ils vivent avec. Mais c'est vrai certains ont de bien plus gros défauts que d'autres...

    11
    Denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:43
    Denis

    Merci Monelle pour le bon "cchoix" en faveur de "mon" commissaire. Mais il commence à s'anticiper de ma plume celui-là, je n'ai plus aucun contrôle sur lui! Bises et excellent fin de week-end.

    12
    Denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:43
    Denis

    Je suis de ton avis Mona, vaut mieux choisir un bon curé qu'un mauvais psy! Mais notre Rizzoli ne se refait pas... et je n'ai aucun pouvoir sur lui... Bises!

    13
    Denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:43
    Denis

    Tu sais, Monelle, un "gamin", comme tu dis, de 18 ans, 1m80, 75 kg, ça peut faire des dégats sur une trachée de jeune fille! Mais, bon, je l'admets (puisque Rizzoli l'affirme), ce n'est pas Matteo qui s'en est pris à Lisa... Bonne soirée!

    14
    Denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:43
    Denis

    Trop forte Marie-Louve!! Bises.

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