• Une enquête du commissaire Rizzoli - Chapitre 6 (début) - Denis Costa

     Denis Costa - Photo 09

     

     

     

    Au cours du diner, Rizzoli se fit moins loquace que d'habitude. Il songeait aux différents rebondissements de l'enquête qu'il aurait bien voulu partager avec sa femme, mais hors de la présence des jumeaux. Pour l'heure, Alice ne l'écoutait pas. Elle avait les yeux rivés sur les images du journal de vingt-heures qu'elle commentait aux enfants qui la pressèrent de questions.

    On y voyait un certain nombre de mafieux présumés, menottés, et jetés de force dans des voitures bleues, qui, toutes sirènes hurlantes, crissaient leurs pneus sur l'asphalte. La journaliste présentait le énième coup de filet des forces de l'ordre contre la camorra napolitaine et la 'ndrangheta calabraise. Mais ce jour-là était tout à fait exceptionnel, car les arrestations concernèrent quatre-vingt personnes simultanément, tant à Naples que dans la province de Vibo Valentia, à l'extrême sud de la Botte.

     

    - Qu'ont-ils fait de mal ces gens-là? demanda la petite Viola.

     

    - Ce sont tous des criminels, ma chérie... certains ont tué, ou bien ont vendu de la drogue aux jeunes, ce qui est pareil. D'autres ont volé l'État... dans le lot, il y a même des élus locaux...

     

    - On dirait des personnes normales, s'étonna la fillette, il y a aussi des femmes qui se font emmener...

     

    - Tu sais, Viola, la Mafia est très dangereuse, justement parce qu'elle ne se découvre pas... elle montre un visage rassurant, elle se présente sous nos propres traits... et elle s'insinue partout.

     

    - Ils sont même ici, dans notre ville? demanda-t-elle, inquiète à sa mère, qui répondit par un hochement de tête.

     

    Son frère semblait lui, plus impressionné par les véhicules de police.

     

    - Papa a la même à la questura, précisa fièrement Osvaldo, pas vrai papa? C'est comme ça que tu arrêtes les méchants?

     

    - Tout ça, c'est du cinéma, fiston, répondit Rizzoli, qui n'appréciait guère les mises en scène. De toute façon, un coup de pied dans la fourmilière ne signifie pas que l'on ait résolu le problème. C'est comme les Bin Laden, on en trucide un, mais derrière... combien y a-t-il de terroristes en short, burqa ou niqab, pour prendre sa place?

     

    En tant que représentant des forces de l'ordre, Rizzoli aurait dû rappeler que, sous la direction énergique du gouvernement, la police et les carabiniers étaient parvenus à ébranler gravement les organisations mafieuses. Mais il préféra ajouter:

     

    - Dire que ce sont les Américains qui les ont amenés ici, empaquetés dans leur barda militaire, pour nous débarrasser du fascisme, puis du... du... communisme, après la guerre! Du coup, la Mafia s'est installée, elle s'est étendue, et elle sera là jusqu'à la fin des temps, je vous le dis!

     

    - C'est quoi burq... et l'autre mot que tu as dit, papa? questionna Osvaldo, intrigué par ce nouveau vocabulaire qui lui semblait exotique.

     

    Rizzoli ne s'attendait pas à une telle demande de la part de son fils. Il sourit, pensant que le sujet de la Mafia avait dérapé sur un autre thème, tout aussi dramatique. Mais après tout, c'était lui qui avait fait cette digression, et il lui revenait de l'expliquer.

     

    - Vous avez appris les dix commandements à l'école, les enfants, non? eh bien, la vie n'est faite que de biens et de maux... de choses qu'il faut faire, et d'autres qu'il faut éviter de faire...

     

    - Oui, comme tu ne tueras point, tu ne voleras point, précisa Viola. 

     

    - Exactement ma fille... la Mafia, par exemple, c'est mal, parce qu'elle tue et vole son prochain. De même qu'il est répréhensible de se cacher le visage derrière un voile ou un masque pour accomplir des méfaits, incognito... c'est ça la burqa ou le niqab... deux vêtements prisons que portent sur la tête, certaines femmes musulmanes... Oui, bon, pas forcément pour faire du mal, se rattrapa Rizzoli, devant les gestes désapprobateurs de sa femme qui fronça également des sourcils.

     

    - En fait, c'est plus compliqué que cela, les enfants, poursuivit Alice, ce que votre père tente de vous expliquer, c'est qu'il vaut mieux être du côté du bien. En tout cas, il faut s'y efforcer...

     

    - Oui, mais Zorro, papa, il porte un masque et un chapeau, et c'est pas un méchant! fit remarquer Osvaldo.

     

    - Papa, dans ma classe, j'ai une copine, elle s'appelle Leila, elle est musulmane et elle ne se cache pas le visage avec ce que tu dis... et elle est très gentille, renchérit Viola.

     

    Alice éclata de rire.

     

     - Vous voyez, les enfants, le bien, le mal, c'est tout, sauf simple... à vivre, comme à expliquer... Mieux vaut entamer le dessert, ma salade de fraises, les toutes premières de la saison... Je suis certaine qu'elles feront l'unanimité! 

     

    ***

     

    Alors qu'Alice rangeait la vaisselle et qu'il balayait le sol carrelé de la cuisine, Guido voulut faire le point de l'enquête avec sa femme. Il eut le temps de bredouiller quelques mots, avant que ne sonne son portable. Il était près de vingt-et-une heures, et Rizzoli, qui avait reconnu la sonnerie bureau, s'attendit au pire. Le jeune vice-inspecteur Gasser était de permanence, qui sait ce qui pouvait arriver... Un éventuel appel de sa part pouvait aussi bien signifier l'incompréhension d'une consigne pour laquelle il solliciterait un simple éclaircissement, que l'annonce d'une rixe en ville, avec dégâts matériels et corporels, ou pire encore, un deuxième meurtre en moins d'une semaine... Ce serait alors la série noire! redouta Rizzoli.

     

    - Allo? interrogea-t-il, fébrile, qui parle?

     

    - Allo, commissaire? c'est le docteur Gruber, à l'appareil... je ne vous dérange pas? je sais qu'il est un peu tard...

     

    - Ah docteur! j'avoue que je ne m'attendais pas à votre appel, comme ça, en soirée... Mais, c'est vrai que l'on s'était échangés nos numéros de portable, l'autre jour, au bord du fleuve... Eh bien, bonsoir. Si vous m'appelez à cette heure-ci, c'est que c'est important...

     

    - Oui, je voulais vous informer des premiers résultats de l'autopsie. En fait, je vous téléphone de Turin, où je viens d'arriver. Demain, nous avons un colloque... et comme je ne serai de retour que vendredi...

     

    - Je comprends mieux votre appel, docteur... alors, ces premiers résultats?

     

    - Eh bien voilà, avant toute chose, je dois vous annoncer que la petite Lisa était enceinte...

     

    - Comment... enceinte? c'est pas possible... quelle tragédie!... Attendez docteur, je m'assois...

     

    A suivre

    

    

    Denis Costa,

    Texte et photo

     

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 17 Juin 2011 à 09:10
    Lenaïg Boudig

    Salut Denis ! Pas encore de commentaires, je sais bien que nous sommes tous très heureux de les lire sur nos écrits, mais tu as été lu. Je viens de compter au moins 62 visites entre le chapitre 4 et la fin du 5 pour la semaine écoulée. Moi, je me suis réservé le plaisir de découvrir la fin du chapitre seulement maintenant (elle est prête, on la poste ce soir !). Merci encore pour la belle aventure de ce roman en feuilleton. Bises !

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    2
    Vendredi 17 Juin 2011 à 10:49
    Lenaïg Boudig

    Ouf, ça y est, Denis, le passage rétif a bien voulu s'installer correctement. Bizarre, comme s'il y avait eu un bug sournois à cet endroit-là ... Mi dispiace ! Comment n'ai-je pas remarqué que ce passage tout aussi important (j'aime l'intervention de la petite Viola) avait sauté ? Merci de ta vigilance, honte à la "rédac' chef" ! Bises

     

    3
    Vendredi 17 Juin 2011 à 12:50
    Lenaïg Boudig

    Oh ben dis donc, quelle galère, aujourd'hui ! Voilà que ton personnage d'Alice se mettait à rire partout, je ne savais plus où donner de la tête !

    Heureusement que tu le prends bien, cela arrive parfois dans les copier-coller.

    Là, j'ai bien ouvert les deux fenêtres, celle de ton récit et celle de cette page, j'espère que tout y est, et dans l'ordre, cette fois ! Pourvu que oui, mais regarde bien et interviens encore si qq chose est à changer. Pourvu que ce soir, le transfert se fasse sans histoires !

    4
    Denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:43
    Denis

    En fait Hélène, il manque encore un morceau du texte et une ou deux lignes pas dans le bon ordre, ahaha, c'est dur le métier de rédactrice en chef! je poursuis l'écriture de l'histoire qui, au point où j'en suis, est assez proche du dénouement. Maintenant, il faut que je trouve les mots pour le dire... Bises à mes fidèles lecteurs (et lectrices).

    5
    Denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:43
    Denis

    Yeah, Hélène! that's right. Kiss.

    6
    Mona de plumes au v
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:43
    Mona  de plumes au v

    Et bien il devient sympathique le commissaire! Et ces enfants si vifs! Bravo et merci pôur ce récit enlevé!

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