• SOIRÉE D’ENFER - Rahar

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    Note de Lenaïg :

    Rahar m'a annoncé une nouvelle plutôt macabre et m'a signalé la présence de propos et mots crus dedans.

    Mais nous n'ignorons pas, ni lui, ni moi, ni les lecteurs adultes, que, par exemple, les chansons qu'affectionnent les ados, notamment en anglais, sont truffées de mots autrefois considérés comme extrêmement grossiers et je sais que ces mots-là, ils savent très bien ce qu'ils veulent dire ...

    Alors, pourquoi faire les prudes, ou les effarouchés ? Nous avons prévenu !

    Et les lecteurs qui n'aimeraient pas du tout cela pourront passer leur chemin.

    Autrefois, à la télé, on voyait un carré blanc en bas de l'écran.

    Aujourd'hui, je crois qu'on verrait la mention :

    "déconseillé au moins de 10 ans" !

     

    Nous allons suivre en quelque sorte l'itinéraire particulier d'un Dom Juan, qui ne sera pas emporté dans les flammes de l'enfer à la fin par la Statue du commandeur, mais en sortira-t-il vivant ?

    ***

     

      
      Je me prépare pour une soirée d’enfer. Je sors mon jean préféré, ma chemise de coton blanc cassé, et mon blouson de daim. Vais-je prendre les mocassins ? Pourtant des baskets seraient plus cools. J’ai la flemme de nouer des lacets, va pour la facilité. Je vais me raser de près, il faut être prêt pour toutes les éventualités, évidemment que je vais draguer. Maintenant il faut choisir le bon after-shave, juste assez musqué et un peu épicé. Un coup de peigne négligent, et je peux me dire satisfait de l’image que me renvoie le miroir.
      Rocky a promis de me prendre à vingt heures, puisque le vieux ne m’a pas donné la bagnole. Il est vrai que la semaine dernière, j’étais rentré un peu bourré et j’ai éraflé la portière de la tire en la rentrant au garage. Je n’aurai ma voiture que quand j’aurai un boulot stable. Quant au retour, je ne m’en fais pas trop, je compte bien découcher.
      Sans me vanter, je ne suis jamais parti bredouille d’une soirée. J’ai un bon bagou et le chic pour emballer les mômes. On ne me surnomme pas le Don Juan pour rien. Quoique certains me traitent de « briseur de cœur ». Ben quoi, je cherche mon âme sœur comme tout le monde, ce n’est pas ma faute si je ne l’ai pas encore trouvée. On dit encore que je ne suis qu’un vil hypocrite de coureur de jupons, que je ne cherche que toute occasion pour décharger mes burnes, et que je manque singulièrement de sérieux.
      Même Rocky s’y met en me disant que ma méthode est rien moins qu’extravagante pour chercher mon âme sœur, pour ne pas dire que je n’élabore que de simples plans cul ; moi je crois qu’on peut tout à fait joindre l’agréable à l’utile, pas vrai ? Comme le dit la chanson, « plaisir d’amour ne dure qu’un moment », mais je n’ai pas encore éprouvé le chagrin d’amour qui dure toute la vie.
      On dit encore que je m’intéresse trop au physique. Dame, je ne vais tout de même pas m’embarrasser d’une mocheté. Et puis, je m’intéresse aussi à l’esprit, quoi qu’on en dise. C’est parfaitement faux de dire qu’une beauté n’a que quelques neurones dans sa caboche, comme les blagues sur les blondes. J’abhorre particulièrement l’expression « sois belle et tais-toi ».
      Une de mes conquêtes m’a dit que j’étais en quête d’une perfection inaccessible et que je cherchais la petite bête. Une autre a soutenu que je n’étais qu’un gamin immature. Mais bon Dieu ! j’ai ma licence de psychologie, outre mon mastère en économie.
      Quant à Herman, il a soutenu que je ne trouverai jamais mon bonheur dans les boîtes que j’écumais. Mais où donc cet idiot croit-il que se trouvent les nanas ? Je n’ai pas l’intention de jouer au Tartuffe pour draguer à la messe. De toute façon, je n’aime pas les puritaines ni les bigotes. Dans la rue, on ramasse huit râteaux sur dix tentatives et c’est fatigant ; tout le monde court, les gens se précipitent au bureau, à l’école, au lycée, etc.
      Rocky arrive en klaxonnant deux légers coups. Je dévale les escaliers et je m’introduis dans la petite Fiat de mon pote. En ce moment, on travaille comme cambistes et on décompresse ensemble. Aujourd’hui samedi, on va au Rat Huppé ; c’est soirée R’n B, il y aura des tas de filles.
     
      — Hey Rocky ! Je vois Herman et Jorg là-bas. On dirait qu’ils ne s’ennuient vraiment pas.
      — Ah ouais, ils ne s’embêtent pas. Eh bien, que la fête commence, mon pote !
      — Yo, yo ! Rocky et Rodney ! Amenez-vous les mecs.
      Herman et Jorg sont stagiaires dans une grande banque. On a sympathisé dans une boîte comme celle-ci. On ne se donne pas le mot, mais puisqu’on a les mêmes goûts, il est inévitable que l’on se rencontre plus que souvent. Ces deux-là ont déjà trouvé leur compagne.
      Je fais un signe à Rocky et je fonce dans la mêlée sur la piste de danse. Quoique je ne sois pas un gringalet, j’essaie d’être à l’écart de toute noise et je mets tout de même un point d’honneur à ne pas souffler une fille à son mec. Je cherche à repérer les nanas non accompagnées… et il y en a, croyez-moi.
      Je m’attaque à une jeune beauté qui me paraît peu farouche. Et j’encaisse mon premier râteau. Tant pis, à la suivante. J’entreprends une donzelle piquante qui se trémousse avec une sensualité telle que ça m’émoustille énormément… Deuxième râteau ! C’est invraisemblable, mais je me console en me disant que ce sont sûrement des gouines, et puis la soirée ne fait que commencer.
      Un pas de danse provoque une trouée dans les corps ondulants et j’aperçois au fond de la salle une fille qui doit être seule : je ne vois qu’un verre sur sa table. Waouh ! Mais elle est canon, la donzelle. Je suis sidéré que personne ne l’a encore abordée. Vite, ne perdons pas de temps, tant que personne ne l’a encore remarquée.
      — Comment se fait-il qu’une créature tellement belle qu’elle ne semble pas de ce misérable monde n’ait pas de cavalier ?
      — Ah mais voilà pourquoi je suis ici, c’est pour trouver un cavalier.
      — Ferais-je un bon cavalier selon vous ? Et si nous faisions plus amplement connaissance ?
      La danse est sortie de ma tête, je suis fasciné par cette beauté brune. Elle se dit s’appeler Maria Square, est étudiante en Beaux-arts et est stagiaire au Musée Grey Vain. Je ne me doutais pas de la somme de connaissances que doit accumuler un potache en Beaux-arts. J’aurais pensé que les anecdotes sur l’art seraient barbantes, mais sa façon de me les présenter m’a captivé. Elle me raconte des histoires incroyables de trucs insensés qui se passent dans le musée. En clair, elle prétend que le bâtiment est hanté. Mais elle ne manque pas d’avancer des explications cartésiennes… qui semblent sensées, ma foi. Je suis suspendu à ses lèvres, j’ai à peine eu l’opportunité de placer quelques mots : mon nom, mon métier, ma quête… Comme bien de gens, j’aime bien les histoires sur le surnaturel, je suppose.
      Elle se décide brusquement à vouloir danser. Je ne dis pas non, évidemment, quoique j’aurais aimé l’entendre encore parler, je suis sous son charme. Ses trémoussements me font bander à mort. Elle me ramène à la table. Elle me demande à brûle-pourpoint si j’avais une garçonnière. Quand je lui ai dit que j’habite encore chez mes parents, elle me révèle qu’elle vit dans une studette près de l’église et qu’on pourrait y continuer la soirée… si je voulais. Et comment que je le veux ! Maria ne me laisse pas le temps de dire adieu à mes potes et m’entraîne dehors. D’ailleurs, à quoi bon, à ce stade, c’est chacun pour soi. Elle n’a pas de tire, mais l’église n’est pas trop loin et on bavarde en chemin — c’est plutôt elle qui tient le crachoir — la main dans la main.
      J’ignorais qu’il y avait des logements près de l’église, mais je ne passe pas souvent dans le coin. Comme studio, on peut trouver mieux : on doit se contorsionner et se frotter peau contre peau (ce qui ne me déplaît pas) pour se déplacer. Je trouve qu’il y fait un peu frisquet ; l’unique fauteuil et le lit sont plutôt froids, pour ne pas dire glacials. Maria sort deux verres et un flacon d’alcool ambré d’un minuscule bar. Étrangement, la boisson me monte rapidement à la tête, mais n’entame pas ma vigueur. Mon hôtesse se met rapidement à son aise. Une pensée fugace me traverse l’esprit : serais-je tombé sur une nymphomane ? Mais qu’importe, j’aurais toujours une occasion de tirer un coup avant de la larguer vite fait.
      Maria devient fébrile, elle m’arrache presque ma chemise. Mon instinct ne m’a pas trompé… à moins qu’elle n’ait pas eu de mec depuis un bon bout de temps, à cause de ses études, de son boulot, ou de je ne sais quoi encore. Elle cherche mes lèvres, me pétrit la poitrine, une main baladeuse, plutôt froide, se faufile dans mon caleçon. Maria écrase ses petits seins fermes — mais étrangement froids — contre moi, guide ma main vers son entrejambe qui est tiède et déjà humide. C’est dingue, je n’ai pratiquement rien fait pour la chauffer, mais son impatience exacerbe encore plus ma libido. J’ai totalement oublié la capote dans la poche de mon futal, et je m’en fous complètement. Le désir de me soulager me submerge, mais Maria se dérobe pour faire durer le plaisir. J’en suis malade. Mais au fond, cela ne me déplaît pas…
     
      À dix heures, les paroissiens sortent de l’église, certains s’attardant sur le parvis pour saluer des connaissances. Une petite fille délurée attire l’attention de sa mère en pointant du doigt le cimetière pas loin. La lourde porte de granit d’un mausolée est entrouverte. Le prêtre qui vient de sortir fait avertir immédiatement le gardien du cimetière. Une profanation de sépulture, quel scandale !
      À l’intérieur, dans une pénombre bien plus claire que ne l’aurait permis la porte de pierre, un jeune homme nu comme un ver gît inconscient sur la dalle du caveau. Apparemment, il s’était manifestement masturbé dans le noir, le marbre lisse est maculé de son foutre. Il y a une sorte de bave séchée verdâtre à ses lèvres. Le plus extravagant est que ses vêtements sont parfaitement pliés et rangés dans un coin. On a eu de la difficulté à le réveiller. Quand il a apparemment retrouvé ses esprits, il s’est mis à réclamer à cor et à cris « sa Maria » en s’agitant furieusement. Au lieu d’appeler la police, le gardien a jugé plus judicieux de téléphoner à l’hôpital psychiatrique. C’est la deuxième fois que ça arrive en trois ans.
     
      Les curieux ont pu lire dans le caveau une plaque au nom de Maria Square née en 1985 et décédée en 2009. Il paraît qu’elle s’était suicidée, suite à une rupture douloureuse.
     

     

    RAHAR

     

     

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    Illustrations :

    AnnaLyne McCord, la "beauté froide de Beverly Hills", heu non non, elle est blonde !

    Dita von Teese en beauté froide,

     Statue du commandeur, par Anna Chromy

    Photos du net.

     

    Allez, on remet AnnaLyne McCord, aussi ?
    Pour page Soirée d'enfer, Rahar - AnnaLyne McCord - www.ninapeople.com

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  • Commentaires

    1
    Mardi 9 Août 2011 à 21:27
    Monelle

    Oh ! là là  la chute ! de quoi faire de drôles de rêves !! Bravo Rahar ! quand au langage y'a plus hard que ça !

    Je te laisse Léna, je ferme boutique j'ai rendez-vous avec François 1er !!

    Bonne soirée - gros bisous

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    2
    Mardi 9 Août 2011 à 23:46
    Qu'importe

    Pas génée du tout par le langage puisqu'il est de notre temps, j'aime la rapidité, la fluidité du texte et sans conteste la fin est un régal!...

    Bien des auteurs sont plus verts que ça dans leurs écrits sans pour autant choquer, appelons un chat .... un chat. 

    3
    Mercredi 10 Août 2011 à 08:01
    jill-bill.over-blog.

    Bonjour vous deux... Une fin inattendue !! Quant à ma lecture adulte ma foi elle ne me choque pas... Je pense qu'on faire plus hot encore... Le noceur a eu ce qu'il voulait et la fille aussi ma foi !  Non sans blague c'est une page qui se laisse dévorer.... Bizzzz jill  

    4
    Jeudi 11 Août 2011 à 16:46
    flipperine

    bonne journée à toi

    5
    Jeudi 25 Août 2011 à 22:00
    Marie-Louve

    Magnifique dans son genre ! Médusée à point ! bravo à Rahar !

    6
    Mona l
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:42
    Mona															l

    C'est cru mais bon... une réussite Rahar, ça fait longtemps que je ne t'ai pas lu mais ne le regrette pas!  Il fera attention aux mains froides la prochaine fois! ça m'a fait penser aux histoires de succubes racontées dans les légendes du monde entier!

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