• RETOUR AUX SOURCES - 2/2 - RAHAR

     

    RETOUR AUX SOURCES - 2/2 - RAHAR

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    http://fr.depositphotos.com/13372314/stock-photo-stack-of-plaid-men.html

     

    Revenus au commissariat, nous somme confrontés à une ruche aux abeilles furieuses : Benjamin Cranflin s’est évadé de sa cellule fermée à double tour. Laissant aux autres la résolution de ce problème, Duschmol se plonge dans la rédaction de son rapport. Je suis le légiste à la morgue ; le toubib tolère – et je pense, apprécie – ma présence, il sait que je peux me tenir tranquille et discrète.

    L’empreinte dentaire du squelette a été relevée et son scan a été entré dans le système de recherche. Le toubib a fini par donner une date plus précise du meurtre : une dizaine d’années. Je retourne voir Duschmol. Malgré son caractère bourru, il m’aime plutôt bien. Il était en train de faire des recherches sur les personnes disparues dix ans plus tôt, quand un message d’alerte s’affiche à son écran. L’empreinte dentaire a trouvé une correspondance : Thomas Eziton, 23 ans, étudiant en archéologie, disparu dix ans plus tôt.

    – M’est avis inspecteur que le dénommé Benjamin Cranflin n’aurait pas pu tuer notre disparu, il devait avoir quoi à l’époque, onze, douze ans ?

    – C’est vrai Dana, d’après l’angle du coup donné par le toubib, seul un adulte assez grand aurait pu le faire… Ah, voilà le résultat du labo. Il y avait une belle empreinte de pouce sur le poignard. Voyons ce que va trouver le codis.

    L’agent Poussète passait, un dossier à la main, quand je le vois s’arrêter devant l’écran de Duschmol.

    – Euh… Inspecteur Duschmol ?

    – Quoi encore !

    – Euh… Ce sont bien les empreintes de Thomas Eziton, n’est-ce pas ?

    – Oui, et alors ?

    Nous nous sommes regroupés autour du bureau de Duschmol, celui-ci reprend son siège où il s’affale comme un sac de patates.

    – Vous savez que j’ai une mémoire photographique, sans me vanter. C’est moi qui ai relevé les empreintes de Benjamin Cranflin. Ce sont les mêmes.

    – Quoi ?

    – Regardez vous-même. Permettez inspecteur, je vais charger les empreintes de Cranflin… Je mets côte à côte les deux jeux d’empreintes… Et voilà !... Et attendez, je les superpose… Qu’en dites-vous ?

    Et c’est extraordinaire, toutes les empreintes se confondent dans la même position ! ce qui est statistiquement presque impossible. Pendant un moment, personne ne dit mot, hypnotisé par l’image à l’écran.

    – Serait-ce des jumeaux ? hasarde l’agent Poussète.

    – Impossible, grommelle Duschmol, Cranflin aurait dû avoir une douzaine d’année à l’époque.

    – Alors un clone ?

    – Très peu probable, interviens-je, même maintenant, on ne réussit pas à cloner un singe.

    Un bip alerte Duschmol qui se précipite vers le terminal du codis. Il a une exclamation de satisfaction. La porte du commissariat s’ouvre, l’inspecteur Paluche entre et se dirige vers nous.

    – Eh Duschmol, ton Benjamin Cranflin n’a jamais existé…

    – M’en fous, c’est pas lui le coupable, je tiens l’assassin… Quoi ? Qu’est-ce que t’as dit ?

    – Je me suis rendu à l’adresse qu’il nous a donnée. C’est un petit studio à l’étage. La propriétaire qui vit au rez-de-chaussée m’y a fait entrer. La chambre était vide et assez poussiéreuse.

    – Tu crois qu’il aurait osé y revenir ?

    – Attend, tu ne comprends pas, je veux dire vide, pas de meuble, rien, comme si personne n’y avait jamais vécu. Et pourtant la veille encore, la proprio y était entrée pour rendre du linge repassée : la petite mémé s’était prise d’affection pour le gentil étudiant. Ledit Benjamin n’aurait pu déménager tous ses bouquins, son lit, sa table, sa chaise, ses fringues et sa vieille radio-cassette – qui n’avait même pas de lecteur de CD selon la vieille – à l’insu de la proprio qui passe le plus clair de son temps à regarder par sa fenêtre. Et on ne sait même pas de quel bled il vient.

    – Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

    – Tu as dit que tu connais l’assassin, c’est qui ?

    – Nicolas Settlah.

    – Pas possible ! « Le » Nicolas Settlah ?

    Nicolas Settlah est le riche promoteur immobilier. Il y a dix ans encore, d’après ses antécédents affichés à l’écran de Duschmol, c’était un étudiant en archéologie turbulent. Son cursus allait du trouble à l’ordre public avec vandalisme, au petit trafic de cannabis, en passant par de petits vols sordides. Autrement dit, un petit délinquant. Puis soudainement, il était parti à l’étranger.

    Selon les archives de mon journal, il était revenu au pays trois ans plus tard, riche comme Crésus, avait monté son célèbre entreprise de construction, présidé les fastueux galas de charité, rénové gratuitement les centres de loisir… L’un de nos journalistes, Alain Lafwine, est d’ailleurs en train de plancher sur la biographie de cet éminent pilier de la haute société, pour l’édition spéciale consacrée aux personnalités du patelin.

     

    Devant l’évidence, Nicolas Settlah est passé aux aveux. Thomas Eziton et lui n’étaient pas vraiment amis. Comme beaucoup d’étudiants, Thomas fumait de temps en temps du cannabis et s’approvisionnait auprès de Nicolas. C’était au cours d’un méchant trip que le jeune homme avait lâché que d’après ses recherches personnelles, il savait, preuves à l’appui, où se trouvait le trésor de Kharam le Rouge, le célèbre brigand du XVIIe siècle. Mais il n’avait pas les moyens d’acquérir le matériel de pointe nécessaire pour s’en emparer. Nicolas, sachant que le jeune homme était un étudiant brillant, fit tout pour persuader Thomas de le prendre comme associé : avec ses activités louches, il avait amassé une coquette cagnotte.

    L’entreprise n’avait pas été facile, malgré le matériel sophistiqué et cher de l’époque. La région, placée sur une ligne de faille, avait subi de multiples bouleversements et même maintenant, des secousses sismiques la secouait de temps en temps.

    Finalement, les deux étudiants trouvèrent le fameux trésor, une cassette métallique remplie de bijoux et de pierres précieuses, ensevelie sous des blocs de roche, non loin de la Cascade aux Lutins. Aveuglé par son avidité, Nicolas rompit leur accord en poignardant Thomas. Il le traîna dans la petite cabane qui servait de relais aux randonneurs, souleva quelques planches du parquet et y glissa le corps ; il y jeta aussi son poignard. Se ravisant un peu plus tard, il revint à la cabane et y mit le feu. Pour éloigner tout soupçon concernant une fortune soudaine, il décida de partir un temps à l’étranger. Il n’a jamais compris comment on avait découvert son crime, personne n’ayant daigné lui donner quelque information.

    Je ne sais ce que la police a mis dans son rapport, quoique je sois bien placée pour savoir que ce n’est pas la première fois qu’elle est confrontée à des affaires étranges (j’ai même eu accès officieusement à ses dossiers d’« affaires non rationnelles »), mais rien ni personne ne m’interdit de mentionner le rôle joué par Benjamin Cranflin, ou plutôt le fantôme de Thomas Eziton, dans l’affaire. J’ai bien été intriguée par sa tenue vestimentaire démodée, mais cela m’était sorti de la tête. Je présume qu’il voulait que justice soit faite, même un peu tardivement. Évidemment, personne n’a revu Benjamin Cranflin.

     

    Fin

     

    RAHAЯ

     

    RETOUR AUX SOURCES - 2/2 - RAHAR

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    http://www.fans-de-bretagne.com/images/7579


  • Commentaires

    1
    Lundi 22 Juin 2015 à 00:07

    J'ai beaucoup aimé cette nouvelle, Rahar, que tu avais d'abord envisagée comme point de départ d'un roman et que tu as finalement intégrée dans son livre LE PALAIS SECRET. Je vois bien les passages qui ouvriraient sur d'autres portes, vers un vrai roman émoticône wink  ! La "zone de faille", par exemple, l'épisode de la vieille dame qui montait son linge au jeune locataire ... Et ce locataire ? A-t-il profité d'une ouverture de l'espace-temps émoticône wink  ? Tu as pris plaisir à l'écrire, et nous à te lire, merci beaucoup. Bizzz !

    2
    Lundi 22 Juin 2015 à 03:50

    L'argent reste encore et tjs un sordide motif... la tentation de tout garder et de se débarrasser de l'autre... mais un jour tout se sait....

    3
    Lundi 22 Juin 2015 à 04:16
    colettedc

    Merci beaucoup Rahar ! J'ai pris plaisir à te lire !

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    4
    Lundi 22 Juin 2015 à 15:31
    renee

    L'argent ne fait pas le bonheur dit-on .......par contre ton histoire si. Bisessssss

    5
    Lundi 22 Juin 2015 à 18:52
    Josette

    moi c'est les fantômes que j'aime bien...

    6
    Jeudi 2 Juillet 2015 à 22:59

    hA, très joli! J'ai beaucoup aimé cette histoire: les fantômes, ça me plait! yes

    A bientôt!

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