• MORT A LA TACHE - RAHAR - 1/2

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    MORT À LA TACHE !

     

     

    — Monsieur Georges Kulas est là, monsieur.

    — Très bien, faites-le entrer, Marilyn. Merci.

    Calvin O’Miel, dit ironiquement « Beau Gosse » (Sa mise et sa classe compensent son visage un peu chafouin), continue de consulter sa paperasse, quand un homme en chemise-cravate entre sur la pointe des pieds, remontant nerveusement ses grosses lunettes d’écaille. Calvin termine d’annoter un document, puis lève les yeux. Il a devant lui un type de la trentaine, comme lui, assez falot, une vrai bouille de Clark Kent avec ses lunettes, mais n’ayant pas la carrure imposante du superhéros. Calvin se lève et arbore son fameux sourire enjôleur.

    — Tiens donc, Georges ! Content de te voir, assieds-toi donc. Un whisky ?

    — Non merci, il est encore un peu tôt, tu ne trouves pas ?

    Georges s’assied gauchement sur le bord de son fauteuil, comme s’il craignait de salir le meuble ou comme si ce dernier était brûlant. Il a le dos un peu voûté de celui qui passe la journée à se pencher sur des chiffres. Calvin allume un ninas sans en offrir à son hôte ; il sait que celui-ci ne fume pas.

    — Alors, tu as enfin terminé ?

    — Pourquoi enfin ? Tu sais pertinemment que ce n’est pas un boulot d’amateur.

    — Calmos Georges, je te taquinais, c’est tout. Mais me garantis-tu les résultats ?

    — Absolument. La comptabilité pour le fisc est impec. Celle pour la Famille est à jour.

    — Ah, tout ce pognon que le fisc va me prendre !

    — Écoute Calvin, si tu veux rester peinard, tu dois payer scrupuleusement tes impôts. Tu sais très bien comment a fini Al Capone.

    — Oui, je sais. Mais c’est rageant de voir perdre tout ce fric… Enfin. Tiens, voilà ton chèque. Mais à propos, avec tout ce que tu gagnes, pourquoi te fringues-tu comme un beauf ? Tu n’es pas marié, si je ne m’abuse.

    — Euh… Non, je suis comme toi.

    — Minute, papillon ! Je ne suis pas comme toi. Je parie que tu n’as même pas de petite amie.

    — Ben… J’avoue que je n’ai pas beaucoup de succès, contrairement à toi.

    — Mais regarde-toi, Georges. Comment veux-tu faire tomber une fille avec ton aspect ? Tes lunettes par exemple, tu ferais mieux de les remplacer par des verres sans monture ; pourtant, tu as une bouille assez intéressante. Et puis tu devrais renouveler ta garde-robe, tu as l’air d’un paquet mal ficelé.

    — Tu crois qu’ainsi j’aurais plus de succès ? Mais je n’ai pas assez de bagou pour emballer une fille. Et puis, je n’ai pas ton appart de luxe. J’ai entendu dire que tu les tombais toutes, comment tu fais ?

    — Aaaah ! Mais un appart n’est pas suffisant pour draguer ; j’ai un secret, Georges. Tiens, pourquoi ne viendrais-tu pas à ma garçonnière ? J’aimerais te montrer quelque chose. Tu pourrais bien en prendre de la graine.

    — Maintenant, là ?

    — Eh bien pourquoi pas, je peux décréter que j’ai terminé mon boulot pour aujourd’hui.

     

    La garçonnière de Calvin est un luxueux penthouse perché au dernier étage d’un immeuble cossu. Compte tenu de ses activités et de sa position dans la Famille, « Beau Gosse » peut bien se le permettre. Il a même son propre ascenseur.

    Dès l’entrée, Georges est impressionné par la magnificence de l’appartement. On a manifestement donné carte blanche à un excellent décorateur. La vue est immédiatement attiré par un immense tapis de presque une vingtaine de mètres carrés au milieu du salon, se ariant parfaitement avec l’ameublement bas en précieux cuir.

    — Enlève donc tes chaussures, Georges, et viens fouler ce tapis.

    — Dis donc, où t’es-tu dégoté ce truc-là ? C’est absolument splendide.

    — C’est une commande spéciale d’Iran. Mais mets-toi donc à l’aise. Tu peux même t’asseoir sur le tapis.

    Précautionneusement, Georges marche sur le tapis. Il a une sensation extraordinaire avec ses pieds. Il s’accroupit et tâte avec hésitation la moquette duveteuse. Il finit par s’agenouiller pour caresser avec volupté cette douceur moelleuse.

    — Tu peux te rouler dedans, tu sais, fait Calvin avec un sourire goguenard. Allez, lâche-toi.

    — C’est extraordinaire ! Je comprends maintenant, une fois qu’une souris est sur le tapis, elle ne peut s’empêcher de s’y vautrer. Mais ce truc a dû te coûter la peau des fesses !

    — Bah, il vaut bien ses quelques milliers de dollars, tu ne crois pas ? Veux-tu boire quelque chose ?

    — Tu n’as pas du Baileys ?

    — Quoi, de la liqueur à cette heure ? T’es vraiment un plouc.

    — Ben quoi, je m’fous de l’heure et une liqueur me semble appropriée sur ce beau tapis.

    — Très bien, tu as peut-être raison.

     

    Georges se met sur le dos, se retourne à plat ventre, ne se lasse pas de caresser le tapis extraordinaire. Assis en tailleur en face de lui, Calvin arbore un sourire à la fois narquois et supérieur en sirotant son Baileys. Il a aussi une bouteille de Marie Brizard qu’il réserve justement à ses conquêtes ; ce Georges a des goûts de gonzesse.

    — Oups !

    — Putain Georges ! Tu ne peux pas faire attention, espèce de maladroit. C’est du beau !

    — Mille pardons Calvin ! J’ai été tellement fasciné par ton tapis.

    — Bougre d’imbécile ! Et moi qui attendais justement une gonzesse ce soir. Comment veux-tu que je l’emballe avec cette tache toute poisseuse de liqueur sur mon tapis ?

    — Vraiment navré, Cal…

    — Ah oui, tu peux l’être, connard. Fous le camp, je ne veux plus te voir. Je ne pourrais peut-être pas le faire nettoyer à temps.

    Penaud, Georges se rechausse et gagne lentement la porte. Sur le seuil, il se retourne avec un regard de chien battu.

    — Cal, tu peux faire partir la tache en un quart d’heure avec du tétrachlorure de carbone. J’ai aussi été chimiste, j’ai déjà synthétisé de la cocaïne pour Speedy Gonzales.

    — C’est vrai ? Bon, je vais m’en procurer. Mais tire-toi.

     

    L’urgentiste vient annoncer à la piquante brune qui avait appelé le SAMU le décès de Calvin O’Miel, il n’y a plus rien à faire.

    — Je crains qu’il n’ait été trop tard, mademoiselle.

    — Mais que s’est-il passé, docteur ? Nous nous sommes rencontrés ce matin même et il était en pleine forme. Et puis tout à l’heure, je l’ai vu étendu sur son tapis.

    — Vous avez dit qu’il avait une éponge à la main et qu’il y avait un flacon à côté de lui. Eh bien, c’était un flacon de tétrachlorure de carbone.

    — Il était en train de nettoyer une tache sur son tapis.

    — Voyez-vous mademoiselle, l’usage de ce détachant très toxique n’est pas recommandé aux particuliers, le jeune homme a été rapidement empoisonné par les émanations, et l’alcool qu’il avait ingurgité a malheureusement accéléré leur absorption. Personne ne pouvait rien faire.

    *

     

     

    A suivre

     

     

    RAHAR

     

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 21 Novembre 2011 à 19:37
    Monelle

    Bien regarde le mode d'emploi avant de s'en servir....  oui mais moi je veux savoir la suite !!!

    bonsoir à Rahar et Douce soirée à toi - gros bisous

    2
    Lundi 21 Novembre 2011 à 19:57
    jill-bill.over-blog.

    Bonsoir vous deux !  Et l'autre qui a oublié de préciser... piètre chimiste autant qu'il est célibataire sans succès !  Calvin en a payé le prix fort .... Bonne nuit Lena, bises de jill

    3
    Lundi 21 Novembre 2011 à 23:04
    Lenaïg

    Mon p'tit coucou, aussi ! Super, ton histoire, cette fois aussi. Cette première partie se tient déjà, à elle toute seule, même si on ne connaît pas Klotz : on peut se dire que l'employé effacé, soit se venge de ce que le "parrain" se moque de lui, soit obtient sans le vouloir et par maladresse sa revanche sur l'écrasante réussite de l'autre, soit ... l'a fait exprès.

    MAIS, il y a une suite ! Et déjà on a la démonstration de l'habileté de Klotz. Personne ne l'a entendu donner le conseil à Calvin ...

    Encore bravo pour la trouvaille de l'intrigue, la richesse de tes dialogues et tout et tout, les jeux de mots dans tes titres et dans les noms choisis. Bizzz !

    4
    Mardi 22 Novembre 2011 à 04:00
    Marie-Louve

    Oui, oui, je vois ça d'ici ! Klotz avec un petit air de chien battu qui quitte la pièce après avoir " volontairement taché le tapis d'Iran ". L'éboueur est vrsé en nettoyage sur ce coup. J'attends avec patience la suite. :-))) Super !

     

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    5
    Mona l
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:39
    Mona															l

    Hé bien rahar, j'en ai eu du mal à placer un petit com! juste pour un coucou et te dire que j'aime toujours bien te lire! Une réussite là encore! Quel génie ce Klotz, dommage qu'il se fasse payer si cher parce qu'il y en a, du boulot pour les justiciers un peu partout dans le monde!

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