• MENSONGE GENETIQUE - n° 3 - Nouvelle à suivre - Rahar

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    Sans être joueuse, Aglaé avait de la chance au jeu. Quelques numéros misés au loto ou au PMU lui avaient permis des fantaisies auxquelles bien de jeunes gens auraient rêvé. Mais, raisonnable comme toujours, elle s’était constitué une cagnotte non négligeable. Sa mère lui avait inculqué les règles de l’élégance, et elle soignait son aspect autant que sa silhouette disgracieuse le permettait. Mais l’argent qu’elle y engouffrait ne permettait pas de vraiment donner le change.

    Axée sur sa réussite, Aglaé n’avait ni le temps ni la tête aux fredaines. Elle bûchait alors que les autres s’amusaient, tant et si bien qu’elle connaissait sur le bout des doigts les arcanes les plus abscons du droit. Elle ne sortit pas major, mais peu s’en fallait. Sa laideur avait fâcheusement interféré sur l’objectivité des enseignants. Néanmoins, Aglaé était satisfaite, elle avait atteint son but : un diplôme avec une mention ronflante lui ouvrirait les portes du succès.


    Elle dut déchanter. Les cabinets répugnaient à la prendre en stage malgré ses compétences. Elle put cependant faire ses premières armes auprès d’un avocat véreux qui exploitait ses formidables connaissances pour ses affaires louches. Une de ses anciennes condisciples qui avait trouvé l’amour de sa vie grâce à elle lui renvoya avec reconnaissance l’ascenseur : elle réussit à la faire entrer dans un grand cabinet. C’était tout ce qu’elle pouvait, à Aglaé de se débrouiller ensuite.


    Les choses étant ce qu’elles sont, les clients ne voulaient absolument pas avoir à faire avec elle, compétence ou non. Par la force des choses, Aglaé dut se résigner à être traitée comme une stagiaire, une précieuse collaboratrice au savoir encyclopédique, alors que les autres gravissaient allègrement les échelons. Pratiquement personne, même les nouveaux, ne la considérait comme une égale. On avait recours à elle comme à un outil des plus pratique pour boucler une affaire. Elle n’apparaissait jamais au-devant de la scène, c’était impensable, cela allait de soi.


    Question finances, Aglaé avait du répondant : ses gains au jeu la mettait bien au-dessus des meilleurs avocats du cabinet. Elle ne s’en vantait évidemment pas, car elle ne voulait pas faire naître le dépit ni la jalousie. Déjà dans ce milieu de requins et de jeunes loups, il était difficile de se faire des amis sincères, chacun étant à la poursuite de l’inaccessible sommet avec le
    minimum de scrupules possible. Ses besoins étaient simples et elle considérait le jeu comme un loisir qui la délassait, quand bien même lui rapporterait-il un profit non négligeable. Elle évitait les jeux de société : elle ne voulait pas que sa chance insolente lui attire l’antipathie et la rancoeur. En définitive, elle ne savait même plus le crédit de son compte en banque.


    Un jour, un jeune avocat reçut comme une patate chaude une affaire des plus complexe. Malgré une compétence certaine, il s’empêtrait lamentablement dans des ramifications inextricables. Quoique croulant sous les demandes des seniors, Aglaé finit par remarquer la détresse du garçon. Etait-ce son air d’adolescent mal grandi ? Toujours est-il que la générosité innée d’Aglaé sembla sortir d’un long sommeil. Avait-elle été prise de pitié ? Ou bien autre
    chose d’impalpable l’avait-elle émue ? Elle ne le savait. Elle s’arrangea pour expédier rapidement, quoique sans négligence, ses pensums.


    — Alors Jérémie, ils t’ont donc refilé l’affaire Morton ?
    — Eh oui, c’est un truc vraiment coton.
    — Je te crois. Bert et Jansen y ont déjà travaillé depuis quinze jours.
    — D’après ce que j’ai constaté, si on bouclait l’affaire, les profits ne seront pas mirifiques. Je crois qu’on est en train de me bizuter, pas vrai ?
    — C’est très possible.
    — Et si je ne réussissais pas, tu ne crois pas que je mettrais une croix sur ma carrière ?
    — C’est encore possible. Mais ne désespère pas, un peu de méthode et quelques références à dégoter pourraient t’aider, j’en suis persuadée.


    Mine de rien, Aglaé contribua grandement au débroussaillage de l’écheveau en passant de temps en temps apporter des références, prodiguer discrètement ses conseils. Ils sortaient souvent tard, discutant encore parfois tout en marchant. Ils prenaient ensemble leur pause café, inconscients de certains regards d’abord étonnés, puis narquois. Au fil du temps, l’affaire ne prit plus qu’une partie de la conversation, et le côté privé pointait son nez.

    Juste avant que l’affaire ne fût bouclée, Jérémie invita Aglaé au restaurant, fêter leur succès. Il était bien conscient de l’aide inestimable qu’avait apporté la jeune fille. Celle-ci crut que la foudre lui était tombée dessus. Sa première invitation ! Jusqu’ici, elle avait offert son aide en tout bien tout honneur. Elle n’espérait aucune reconnaissance particulière comme d’habitude. Et voilà qu’un jeune homme séduisant et gentil l’invitait.


    La chère était excellente, la conversation délicieuse et enrichissante. Aglaé était sur un petit nuage. Jérémie était cultivé, charmant et drôle. Ses anecdotes la faisaient rire de bon coeur. Le vin aidant, il lui arrivait même de caresser son bras. Il était en plein milieu d’une histoire drôle quand son portable sonna.


    — Allo oui ? Ah c’est toi ma chérie. Oui, je suis encore au bureau. Non je ne suis pas seul, Aglaé m’aide. Nous n’en avons plus pour longtemps. Nous avons même fini, j’arrive mon coeur… C’était ma fiancée, elle s’impatiente. Avons-nous fini ? Alors partons, j’ai hâte de rentrer. Encore merci, Aglaé.


    Le coeur de la jeune fille était pris dans un étau. La déception y insinua ses doigts de glace. Jérémie avait donc une fiancée et il avait apparemment honte de l’avoir invitée pour avoir menti ainsi. Elle fit tout de même bonne figure, malgré ses jambes flageolantes. Elle ne lui en voulait pas, c’était la fatalité. On ne la considérait vraiment pas comme une rivale possible.


    Mais la plaie de son coeur s’était de nouveau rouverte, et cela faisait mal, très mal. Aglaé se morfondait dans son superbe studio, essayant de panser ses plaies. Elle ne pouvait s’empêcher de maudire son sort funeste et de crier à l’injustice. Mais les murs pastel ne semblaient rien entendre. A la recherche de mouchoirs pour tamponner son visage bouffi par les pleurs de désespoir, elle fit tomber le magazine qu’elle avait acheté la veille. En tombant, il s’ouvrit et afficha une pleine page d’annonces. En plein milieu se trouvait l’adresse d’une
    clinique vantant les mérites de ses chirurgiens plasticiens. La clinique était à l’étranger.

     

    *

     

    RAHAR

     

    A suivre

     

     

    Illustration :

    Effigies en crème glacée, Marylin, le Ché, Dark Vador, etc

    Stoyn, une agence indépendante russe en matière de marketing, a réalisé un petit coup de buzz lors d'une soirée

    www.paris-confidential.com

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Mardi 10 Avril 2012 à 08:30
    jill-bill.over-blog.

    Bonjour Rahar, Lenaïg...  A l'aise côté finance et tjs mal à l'aise côté physique.... Un instant aussi j'y ai cru et puis le GSM.....  Un magazine bien tombé, nous saurons bientôt...  Belle journée à vous , bizzzz de JB

    2
    Mardi 10 Avril 2012 à 13:10
    Lenaïg Boudig

    Ceux qui ne perdent pas le fil depuis le début et qui sont perspicaces parviendront à entrevoir la fin ! Moi je ne l'avais pas vue venir, mais nous n'en sommes pas encore là.

    On se dit, à juste titre d'ailleurs, que les choses vont enfin s'arranger pour notre pauvre Aglaé.

       

    3
    Vendredi 13 Avril 2012 à 18:09
    flipperine

    ce n'est pas beau de mentir

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    4
    DI le
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:34
    DI															le

    J'ai lu les deux premiers chapitres. Super. Et voici que maintenant nous allons à l'institut des miracles. Que fera donc la beauté à cette jeune femme dotée de multiples qualités? La beauté y changera t-il quelque chose?

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