• Les envahisseurs - Chapitre 5 - Rahar

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    Je prends le risque de passer chez mon ancien chez moi pour prendre mon vélo dans la remise. Je constate que des lumières sont allumées. Personne n’a osé entrer dans la maison pour les éteindre. C’est sans importance, les panneaux solaires sont suffisants pour permettre cet éclairage permanent. Ces cellules font partie des quelques concessions à la modernité et à la technologie que s’accorde notre peuple.


    Je rencontre Khout, le fils de nos voisins, qui feint de ne pas me reconnaître. Quand on se croise, il me murmure qu’une patrouille va passer dans quelques minutes, elle est déjà dans la rue adjacente. Je hâte le pas, et c’est presque en courant que je gagne la remise. Avec une grosse pierre, je casse le cadenas, je tire mon vélo et me casse vite fait. Je suis au coin de la rue, quand la patrouille à pieds apparaît. Trop tard, messieurs ! J’aperçois Khout qui lève discrètement le pouce avec un clin d’œil.


    De la butte où je me suis arrêté, j’ai une vue d’ensemble du camp de l’envahisseur. Les chars et les blindés sont alignés comme des jouets géants. Des miradors de bois jalonnent le périmètre de la zone militaire. Les immenses tentes kaki tranchent sur le terrain de latérite ocre. Je vois des marchands ambulants, des camelots et des gargotiers mobiles qui font le bonheur des soldats consignés. Alors mon esprit fait tilt.


    Les gargotiers mobiles utilisent de vieux petits bus transformés. La plupart ont un ou deux aides, mais certains travaillent seuls et il est évident qu’ils ont de la difficulté à suivre le rythme. Je laisse mon vélo dans un fourré et je descends jusqu’à la route poudreuse. Je repère un gargotier seul et lui fait signe. Il s’arrête sur le bas-côté.


    — Vous n’avez pas d’aide, m’sieur ?

    — Ben non, je suis un peu en retard et les autres ont raflé tous les grouillots du jour. Serais-tu intéressé ? Aujourd’hui je te paie au pourcentage.

    — Ça me convient parfaitement.

    — Dis donc, tu n’étudies pas ?

    — Bah, j’ai tellement bossé que je suis en avance. Alors je me détends un peu.

    — J’te préviens, le boulot ne sera pas facile avec cette soldatesque boulimique.

    — Oh vous savez, l’activité physique permet à mon esprit de récupérer.

    — Vous, les petits intellos, vous êtes bizarres, mais tant que le boulot est fait…

     

    C’est vrai que les soldats ont un gouffre à la place de l’estomac. Je soupçonne que leurs compatriotes sont aussi goulus, consommant au-delà de leur besoin, allant à l’encontre des préceptes d’une nutrition saine ; les media nous montrent une proportion effarante d’étrangers obèses. Bien que les étrangers ne soient pas habitués à nos produits vivriers de base, ils n’en soustraient pas moins une bonne partie, se contentant de merles en quelque sorte, à défaut de grives. De ce fait, nos paysans ont bien étendu les surfaces cultivables, chamboulant ainsi le programme environnemental établi par les conseillers avant l’occupation, mais ce qui aurait pu au moins contribuer à la croissance économique est donc accaparé par l’envahisseur.


    Je mets du cœur à l’ouvrage et mon patron est plus que satisfait. Mais il ne faut pas que j’oublie mon objectif. En sillonnant le camp, je sème quelques coquillages et répands un peu de fausse chique. Je m’abstiens d’utiliser la chiasse, on accuserait à tort les pauvres gargotiers d’avoir empoisonné les soldats. Enfin, je cherche le sens du vent. La chance y est peut-être pour quelque chose comme le dit Acky, une douce brise vient du bois de mimosa qui commence à fleurir. Mon cœur bondit, je peux utiliser l’étrangleur. L’effet de ce sort est une sorte de crise d’asthme aigu. Les antihistaminiques et les broncho-dilatateurs provoqueront une amélioration éphémère, mais les victimes succomberont, suite à une paralysie pulmonaire. Les savants étrangers désorientés penseront alors à une allergie extraordinaire au pollen de mimosa.


    En parcourant le camp, tout en servant les troufions, je remarque du coin de l’œil la manœuvre d’un aide. Pas de doute, il est en train de répandre une pincée de poudre en faisant semblant de se frotter les mains. Boudiou ! Serait-ce un autre franc-tireur ? J’observe à la dérobée le type. Une partie de l’ourlet de sa blouse sous son tablier de serveur est défaite. C’est une bonne cachette, ma foi. Moi je cache mes trucs dans mes manches pourvues de petites poches plates dissimulées sous une broderie élaborée.

    Le gars a l’air d’un modeste employé pas très instruit. Mais c’est peut-être un résistant bon acteur. Est-ce que le réseau est déjà en pleine action ? J’espère seulement qu’on n’a pas utilisé quelque chose touchant le système digestif qui accuserait les gargotiers. Enfin, il faut que j’arrête de penser que je suis le seul être intelligent en ce bas monde, je dois apprendre la modestie, les responsables du réseau de résistance ne sont certainement pas des demeurés.

    Le gargotier est plus que satisfait de sa journée. Son chiffre d’affaire avoisine quasiment celui des autres ayant deux aides. Il s’est presque mordu les doigts en comptant mon pourcentage. Bon prince, je lui dis que je me contenterai de la paie standard. Il a la larme à l’œil.


    — Tu es un brave petit. J’ai quatre enfants, et sans toi je n’aurais pas pu leur apporter une petite gâterie. Certaines gens pensent que je suis un collabo. Tu sais bien que je ne fais que du commerce, si je ne vends pas aux soldats, d’autres le feront.

    — Je ne vous ai jamais jugé, m’sieur.

    — C’est bien mon gars, j’aime ta façon de travailler. J’espère te revoir demain.

    — Ah, désolé m’sieur, mais je ne peux plus. J’ai été ravi de travailler pour vous.

     

     

    A suivre (début de la deuxième partie)

     

     

    RAHAR

     

     

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    Illustrations cueillies sur Google images  :

    Mirador et barbelés, www.monde-diplomatique.fr

    Baraque à pizzas, www.kijanouveley.skyrock.com

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Mardi 27 Décembre 2011 à 09:40
    jill-bill.over-blog.

    Bonjour Rahar, Lenaïg.... Infiltration et action !  Merci pour l'épisode 5 !  Bon mardi à vous deux !  Bises de jill

    2
    Mardi 27 Décembre 2011 à 13:55
    Monelle

    Episodes 4 et 5 lus avec plaisir ! Je sens que les toubibs du coin vont avoir du boulot à moins qu'ils ne tentent de se soigner les premiers. Rahar, tu as une imagination débordante ! bravo !

    Bonne fin de journée à tous les deus - bisous

                                     x_3bdc4da8

    3
    Mardi 27 Décembre 2011 à 13:56
    Monelle

    Oups !!! je voulais écrire :  tous les deuX !!!!

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    4
    Mercredi 28 Décembre 2011 à 09:55
    Lenaïg

    Absolument, Rahar ! On va même leur rajouter un s, bienvenue aux deuss ! Monelle, dans les comms, il est difficile d'éviter les fautes, souvent on ne s'en aperçoit que lorsque le comm est posté ! Très contente que vous veniez suivre les aventures du jeune Ron et d'Acky. Grosses bises à tous !

    5
    Rahar
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:38
    Rahar

    Hi hi ! Ben pourquoi les deus n'auraient-ils pas une bonne fin de journée eux aussi ?

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