-
Les 79 marches - L'Ours Castor
Les 79 marches
Quinze heure trente, les mômes ! Le sac à dos est prêt, chargé des casse-croûtes et de bouteilles d’eau plate ou à bulles, certaines avec de la grenadine. J’y vais. Un coup de démarreur et me voilà en route. En approchant de Moulinville, je me dis : allez, je m’arrête à la boulangerie acheter des chouquettes, que les enfants adorent.
Jolibourg, Valfleuri. Ah ! Si je prenais un sacristain à Loulou ; son gâteau préféré, à la boulangerie de l’entrée de Valfleuri ? Non, je vais me faire engueuler par Castorin, mon fils. « - Tu les gaves, arrête ! »
Vroum vroum, j’arrive derrière le parc de Valfleuri, il y a de la place pour se garer.
Seize heure douze, j’ai encore 10 mn de détente dans la voiture, je coince la bulle avec la radio, en compagnie des Grosses Têtes ou de Ruquier, sur une autre radio. Seize heures vingt deux, je prends le casse-croûte de Castorine et de Loulou, du pain tendre et du chocolat a tartiner. 100 m de parc à traverser et j’attaque les marches. Oh non, je ne compte pas la première, elle ne fait que 5 cm de hauteur, et puis si ! Je fais les 23 premières, un petit palier et j’en descends 8, que je remonterai au retour ! J’arrive au passage piétonnier, très sérieusement gardé par Jamil, employé municipal qui surveille la sortie des classes.
« - Salut ! »
« - Salut, M’sieur ! »
Un gars sympa qui est handicapé de la main, suite à un accident du travail.
« - Allez-y, M’sieur ! »
50 m et j’attaque la grande montée des 48 marches à la con qui restent, les premières sont larges de 60 cm, les suivantes de 40 cm, donc grands pas, petits pas, un palier, les dernières, les plus dures ne sont plus larges que de 30 cm ! 77, 78, 79, ouf ! J’ai le cœur qui bat un peu vite, je respire un bon coup et fais bonne figure. Ben oui, j’ai l’impression à nouveau d’aller chercher mon fils, toutes les nanas qui sont là ont toujours 30 ans c’est moi qui ne les ai plu, je ne suis plus dans la bonne époque pour trouver une maman célibataire ! Mais je rejoins deux papis et une mamie, qui me parlent de leur santé, comme le papi de Rainette, la copine de Castorette, les poumons et la prostate, en plus …
Seize heure trente pile, Céline la maîtresse ouvre un battant de la porte, Mme Z., la maman de K. , le copain de Loulou ouvre l’autre. Maman Z. est une sportive, qui fait de la course à pied, elle peut se baisser pour tirer le loquet. Quand je suis devant la porte, eh bien, c’est moi qui le fais …
Me voilà devant la classe de Castorine, superbement entouré de toutes les jeunes mamans et, des fois, un papa ou deux. M’apercevant, Céline appelle : « - Castorine ! » Celle-ci se jette dans mes bras et me voilà encombré de son sac d’écolière.
« - Papi, casse-croûte !
- Comment ?
- Merci.
Prout ! La voilà partie vers la descente d’escalier en passant derrière les arbustes le long du mur.
Sacrée Castorine qui me fait courir, je lui fais signe de m’attendre en haut ; je n’aime pas qu’elle disparaisse de ma vue, dès que j’arrive a la hauteur de l’escalier. Voici qu’avec Rainette, elles descendent les marches en courant ; je leur rappelle de nous attendre, le Papi et moi, qu’elles ne traversent pas la rue toutes seules.
Je me lance, en comptant les marches à rebours 79, 78, 77……, premier palier…. plus facile a descendre mais il y a du monde ; ça y est, nous les rejoignons ; non ! Car en arrivant en bas, elles se sont cachées derrière les poteaux électriques ; il y a des fois où des coups des pieds au c… se perdent. Voilà, à force de courir comme des petites folles en bousculant tout le monde, le casse- croûte est par terre et Castorine pleure. Ce n’est rien, il y en a toujours plusieurs de prévus ; pas question de manger celui-là, il faut le mettre dans la poubelle avant de traverser au passage piéton, attendre que le feu se mette au vert puis que Jamil nous fasse signe de passer. Il ne manque pas de se fâcher quand un gamin tente de traverser, ou lorsque un automobiliste essaie de passer alors que, barrant la route, il nous fait signe de traverser même si le feu est au vert.
Ca y est, voici que nous avons changé de continent je remonte huit marches un palier ; les gamines courent dans tout les sens et c’est la grande descente 23 marches, quelques pas et nous voici devant la sortie de l’école primaire.
Il est seize heure trente sept voici la première classe qui arrive ; le prof ouvre la porte ; ce ne sont pas les nôtres, il faut attendre ; je donne un casse-croûte a Castorine et une petite bouteille d’eau avec de la grenadine, ainsi qu'une pour la copine ; le Papi de Rainette distribue des plaques de chocolat au lait de chez Barry, un fabricant local qui fournit une grande partie des pâtissiers européens.
Il est presque seize heure quarante quand enfin le grand, mon Loulou arrive, le moustique aussi se débarrasse de son sac a dos, bises. Il a faim, soif et c’est la distribution car la grande sœur de Rainette et le petit frère sont là aussi : une pomme, un carré de chocolat, un gâteau ……, nous vidons nos réserves ; là, un gamin est tombé, c’est un bobo avec un peu de sang ; la maman cherche un mouchoir de papier, de l’eau ; pas de problème l’un de nous deux a ce qu’il faut.
Pendant que les enfants jouent dans le parc, Papi et moi nous parlons de notre époque scolaire, de la discipline, de notre vie de travail du temps d’avant ……
C’est le rappel, Loulou, Castorine, Rainette ……. c’est l’heure de rentrer ! A demain. Papi habite à côté de la gare et doit remonter les 23 marches. Moi je rejoins la voiture ou je l’ai laissée en arrivant ; les moustiques ne sont pas d’accord :
- Papi, papi, on peut rester là où il y a des jeux pour nous ?
Je me laisse faire, sous réserve de déposer les sacs à dos dans le coffre de la voiture.
C’est parti, glissade sur le toboggan ; le manège tourne ; là, c’est un copain qui a amené un ballon ; je regarde les enfants jouer, assis en compagnie d'autres parents sur un banc ; de temps en temps, Castorine ou Loulou viennent boire un coup. Des fois, j'achemine les vélos des enfants sur le portant spécial pour voiture.
Dix sept heure vingt, j’ai du mal à rappeler les enfants ; il y a les devoirs à faire, puis prendre la douche avant que les parents ne rentrent du travail ; allez, en voiture direction la maison.
Dix huit heure trente, j’ai presque fini mon boulot ; les devoirs sont terminés ; je suis en train de faire prendre son bain à Castorine, avant de la mettre en pyjama. Castorin arrive le premier ; ensuite c’est Michelle, qui rentre sa voiture. Petit compte rendu ; bises à tous. À demain ?
Je déteste ce moment ou je quitte tout le monde surtout les enfants je rentre a la maison seul, triste et si c’était la dernière fois ??.
Pendant un certain temps, deux ans peut être, je suis allé chercher les enfants à la sortie de leurs écoles, où je retrouvais le Papi de Rainette ; nous avions sympathisé ; les filles jouaient sur la pelouse du parc en attendant les plus grands.
Un jour Papi m’a appris que, le lendemain, ce serait la mamie qui viendrai chercher les enfants, lui devant aller passer des examens pour un problème de prostate ; puis il venait de moins en moins, remplacé par Mamie qui me donnait des nouvelles et oui c’était ce mot que l’on aime pas prononcer ………. ah ! la prostate, puis je crois les poumons : des restes de conditions de travail sûrement ; les traitements le fatiguaient et quand il venait, toujours souriant, il me disait son pessimisme ; il venait, ne venait pas ; un soir Mamie me dit :
" - Il est trop fatigué."
Pourtant, il revint encore, tellement content de venir chercher ses petits enfants il aimait, comme moi, voir nos jeunes autour de nous ; quel plaisir de leur donner la becquée.
Un jour Mamie dit :
" - Il est très fatigué, puis il ne se rend plus compte de rien."
Un jour ! papi nous a quitté !!!!
Castorine : " – Papi pourquoi il est mort le papi de Rainette ??
+++++++++++++++++++++++++++++++++++
2010. Loulou est maintenant au collège. Il rentre seul par le bus. Finies les 79 marches.
Il faut maintenant aller chercher Castorine à la grande Ecole ; j'y suis allé récemment ; je ne peux pas m’empêcher de chercher Papi ; c’est Mamie que je vois arriver, de loin.
" - Tiens, ce soir c’est vous !" me dit elle. "On ne vous voit pas souvent."
Castorine :
- J'aime bien quand Papi vient, il amène toujours un casse-croûte !"
Je remarque une chose nouvelle, qui me surprend : il y a beaucoup de papas, maintenant ; eux aussi ont trente ans ; j’ai bien peur qu’ils soient chômeurs.
Ce soir, nous sommes pressés : à dix sept heures trente, il faut être a la piscine de Jolibourg, où Castorine apprend à nager.
+++++++++++++++++++++++++
L'Ours Castor
Tags : papi, c’est, heure, marches, enfants
-
Commentaires
souvenir véritable, ou fiction réaliste ?
Savoir profiter de chaque instant n'est pas toujours évident, et pourtant quand c'est possible ..
Amitiés
Que j'aime ces belles histoires ! Les relations grands-parents et petits-enfants sont merveilleuses de nos jours où l'on ne cache plus tendresse et amour. Bonne soirée,
Brigitte
4jill billVendredi 6 Juillet 2012 à 08:54Bonjour ours Castor me croiras-tu si je te dis que je suis en sueur... Après le coup de chaud chez lenaïg, ta montée et descente des marches, j'ai perdu.... un kilo ! Je plaisante, joli billet bien ficelé... allez bonne piscine tous... Amicalement de jill
5MargotonVendredi 6 Juillet 2012 à 08:54Excellent exercice pour se maintenir en forme et peut-être éviter les problèmes de Prostate .A Lyon, jadis, un animateur bénévole emmenait les amateurs faire une visite de la ville insolite. Ce jour-là, on montait ou descndait 2 710 marches ! Je l'ai faite deux fois. Je ne la ferai plus !
6AnaëlleVendredi 6 Juillet 2012 à 08:54Quel gentil grand-père, cet Ours Castor ! Pour les marches, je compatis: je les déteste, moi aussi !!!
Ajouter un commentaire
Touchante lecture teintée d'un humour léger, mais surtout de générosité du coeur d'un Ours valeureux... Le plus belles pages de vie s'écrivent entourées d'enfants... Bon dimanche !