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Là où le Roi se rend seul ... - Margoton
Là où le Roi se rend seul…
(Chronique historico-grammaticale)
Les synonymes sont nombreux, variés, parfois délicats, parfois pittoresques, souvent grossiers mais… toujours au pluriel.
Pourquoi ?
Et de quoi s'agit-il ?
Classement par ordre de bienséance.
Les toilettes
Les petits coins
Les cabinets
Les pipirooms
Les WC
Les waters
Les water- closets
Les lavabos
Les commodités
Les lieux d'aisance
Les lieux
Les ouatères
Les latrines
Les tinettes
Les feuillées
Les gogues
Les goguenots
Les chiottes
Les tartisses (plus rare et passé de mode )
J'en ai oublié ? Possible.
Mais pourquoi tous ces mots, désignant une seule réalité, sont-ils toujours exprimés au pluriel ?
Les latrines romaines étaient des salons où l'on s'entretenait de tout - non seulement de ragots mais de sciences comme l'astronomie ou la mathématique – de littérature , de poésie, de musique, de politique, que sais-je encore ? chacun assis sur son trou dans une grande pièce carrée qui en comportait une bonne vingtaine. Le pluriel était alors de mise.
( A une époque intermédiaire qui fit exception à la règle, on vidait le pot de chambre par la fenêtre après l'avertissement souvent trop tardif de : "gare à l'eau ! " ou, dans les fermes, on allait s'accroupir dans l'écurie ou dans l'étable. Ceci explique pourquoi les actuels manipulateurs de "poêles à frire" –en français "détecteurs de métaux" - trouvent tant de pièces de monnaie démonétisées dans les champs : car, à l'époque, on fertilisait les cultures avec le fumier sorti des étables, dans lequel se trouvaient donc piastres, écus, louis,ducats, deniers, sequins, florins, mailles, piastres et pistoles tombés accidentellement lorsque l'on posait braies.)
Plus tard, toujours dans la France profonde, rurale et mieux organisée, on conçut un dispositif astucieux : une grande caisse oblongue percée de deux trous de la circonférence d'un postérieur moyen. Sous chacun d'eux un grand récipient, d'abord en terre cuite puis en métal, qu'une fois rempli on laissait fermenter quelques semaines pour en faire de l'engrais dont on fertilisait les salades et les poireaux du jardin (bio à cent pour cent).
Durant cette nécessaire fermentation on utilisait l'autre trou, afin de remplir le second récipient, voué à la même destination. Et le cycle recommençait.
Cette méthode très rationnelle continua longtemps. En ma petite enfance, lors d'un voyage d'agrément nommé "évacuation", nous avons dû faire étape à Barbezieux et nous y déjeunions dans un petit bistrot- restaurant pas très cher où une telle installation se situait à même la cave, parmi les barriques, sans porte et sans même un rideau de séparation. Cela nous amusait beaucoup, nous les enfants – les parents… un peu moins (ils prenaient leurs précautions : nous surtout pas !)
Plus tard, les engrais ayant changé de formule, l'eau potable étant sortie électriquement du puits, et la population un peu plus initiée à l'hygiène, les installations furent quelque peu modifiées, selon le principe actuel.
(Cependant, voici quelques années, lors d'un voyage dans le nord de la Norvège, j'ai pu admirer de mes yeux, sur un site touristique, un très coquet édifice abritant deux cuvettes émaillées et pourvues de chasses d'eau)
Et voici donc l'origine, quelque soit le langage employé, raffiné ou vulgaire, de l'indication de ces lieux, traditionnellement toujours au pluriel.
(article très sérieusement documenté)
Margoton
Tags : toujours, pluriel, grand, trou, eau
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Commentaires
Un brin de "toilette" aux matines et me voilà yin
J'ai bien fait de revenir, connaître l'histoire, les us et coutumes est toujours passionnant. Ne ferais-tu pas encore un autre article en images avec des modèles de toilettes différentes ? Chauffantes à la japonaise, à la turque, pour les enfants etc ? Ou serait-ce s'embourber ? Bonne journée Lénaïg
3jill billVendredi 6 Juillet 2012 à 08:54Oh bien intéressant Margoton, ce lieu très fréquenté au quotidien méritait l'article... Pédales turques aussi comme nom pour ce coin très intime je connais, faut viser juste car dépourvu de siège et pas commode en situation !! Merci encore pour ce billet aux parfums multiples, amicalement de jill et mon bonjour à lenaïg
4ChristinaVendredi 6 Juillet 2012 à 08:54Effectivement très très bien documenté Margoton, félicitations ! et écrit toujours avec le même humour caustique...
mais.... ça serait-y que les gogues ça serait comme les flics (ou hirondelles) qu'y iraient toujours à deux aussi ????
joyeux dimanche et encore merci pour le divertissement !
Christina
5ChristinaVendredi 6 Juillet 2012 à 08:54Merci Léna! Je me reproche assez de ne pas pouvoir venir plus souvent ! alors pour une fois que j'ai le temps ! bon dimanche à toi aussi !
bisous
6MargotonVendredi 6 Juillet 2012 à 08:54"Pédames turques". Je ne connaissais pas ! je l'ajouterai dans une prochaine édition.
Merc pour vos... encensements
7jill billVendredi 6 Juillet 2012 à 08:54Margoton, "pédales turques" remarque pédames sonne bien... Un doigt qui a glissé sur le L, pas bien grave, bonne continuation Margoton, un plaisir que cette lecture "ouverte" à tous... hihi, bisous ainsi qu'à Lenaïg ! JB
8MargotonVendredi 6 Juillet 2012 à 08:549MargotonVendredi 6 Juillet 2012 à 08:54Margoton a bel et bien épuisé le sujet pour sa part (afin de ne pas paraître obsédée !)Mais il y a tant à dire :p.ex. en Birmanie on ne trouve pas de PQ. Pourquoi ? pcq des insustriels ingénieux y ajoutent un peu de sucre et de parfums divers pour en faire une bouillie dont se régalent les autochtones...Authentique.
10MargotonVendredi 6 Juillet 2012 à 08:54C'es plutôt qu'en Birmanie se trouvent, d'une part des meurt-de-faim et d'autre part des individus sans scrupules et du style criminel...
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Je reviendrai lire tout cela, c'est passionnant, va pas trop vite en attendant..:)
Bonne soirée