• Anachorète, anacoluthe !

    Et aussi : Mille milliards de mille sabords ! Tonnerre de Brest !

    Ces fameux jurons du Capitaine Haddock n'ont laissé personne indifférent, contribuant au succès des albums de Tintin, tout comme le chien Milou, que l'éternel jeune reporter emmenait partout, le petit veinard ! Même jusqu'en Ecosse, faisant fi de la quarantaine imposée à l'époque aux animaux entrant au Royaume-Uni. C'est qu'on n'est pas îlien pour rien, on a une mentalité particulière quand on est né et qu'on réside sur une île : méfiance et distance envers le continent, crainte des invasions, aussi bien humaines que de canidés enragés ou de lapins zélés reproducteurs … ah ouais ? Mais d'où nous est venue la vache folle ? Et une alerte de porc à la dioxine très récemment ? Cette dernière venait d'Irlande, je crois. Mais je les aime bien quand même, ces Anglo-saxons et ces Celtes d'outre-Manche et de toute façon, il faut faire attention à ce qu'on met dans nos assiettes, mais ne pas trop réfléchir non plus, sinon on n'aurait plus qu'à repartir chasser, pêcher du poisson, cultiver nos propres légumes, élever nos propres poules, activités très prenantes difficiles à réaliser quand on est en ville …


    Ce Milou, tiens, l'ami Chveïk (Slévich), dans son étourdissante pièce de théâtre "Hot Dog & Kick Kat – Saynète Versifiée" ne l'a pas fait apparaître … Il est attachant, ce chien de Tintin qui parle dans les histoires, il a ses propres bulles ! L'originalité d'Hergé à ce sujet, c'est que ni Tintin ni les autres personnages ne l'entendent mais nous, lecteurs, si ! C'est nous qui nous trouvons projetés dans la quatrième dimension et partageons le secret de Milou. Quel bel os à ronger !


    A moi d'en prendre de la graine pour donner une suite aux aventures de mon Chien Incertain. Je voudrais que Zigue, maintenant qu'il est entré en contact avec le Chat d'en face, parvienne à faire comprendre à son maître qu'il n'est pas seulement instinctif et affectueux, qu'il est également doté de conscience et d'une pensée évolutive … Je serai taxée d'anthropomorphisme ? Pas dans la fiction, quand même ! Zigue n'est que le frère de Milou, Gai Luron, Rantanplan, Idéfix, de tous ceux que Chveïk a ou n'a pas cités. Une chose est déjà sûre, Zigue ne s'exprimera pas en alexandrins classiques, car c'est moi son deus ex machina et je ne suis pas calée en tragédie antique ni en poésie du genre rigoureux et impitoyable du sonnet (j'entends encore claquer le fouet virtuel des corrections de rimes incomplètes ou mal croisées et je sais qu'il me reste à en rectifier un rétif sur l'une de mes pages !). Si je commets un nouvel épisode des pensées du Chien Zigue, ce sera en somme la revanche de Milou !

    Rien que ça, comme on dit en français parlé ? J'ai du boulot …


    Et le Tonnerre de Brest ? Il n'a rien à voir avec la foudre ni les éclairs. Non, le bagne de Brest se situait sur la rive droite de la Penfeld, en plein quartier de Recouvrance, non loin du pont du même nom. Il arrivait que des prisonniers s'en évadassent (oh, pas beau l'imparfait du subjonctif, on va garder le présent : s'en évadent !). On faisait alors donner le canon pour prévenir la population que ces individus dangereux vadrouillaient dans la région. Ce canon, qui faisait trembler les braves gens, était baptisé Le Tonnerre de Brest.


    Adoncques, "Anachorète !" "Anacoluthe ! " figurent en bonne place dans le riche répertoire de jurons du Capitaine.

    L'anachorète, j'avais une vague idée de ce que c'était. Si on veut le rencontrer sur le site, il faut aller lire Chveïk, il y est ! J'imaginais un ermite, un humain vraiment isolé de tout et de tout le monde. C'est cela, en y ajoutant une dimension religieuse. L'opposé, m'ont soufflé les hommes de ma famille autour de la table dominicale, c'est le … "xénobite", heu le … "zénobite" ! Ils n'arrivaient pas à se mettre d'accord. Le "dico" a tranché : le cénobite ! Lui aussi est un religieux, qui met un point d'honneur à vivre en communauté, mais une communauté de religieux comme lui. Est-ce que ces deux sortes d'"énergumènes" se livrent au prosélytisme ?

    Comme les chrétiens mormons, que dans ma jeunesse je voyais sillonner les villes deux par deux à bicyclette en costume foncé et cravate, comme les Témoins de Jéhovah ? Comme l'effrayante pieuvre de Ron Hubbard, la Scientologie. Comme Opus Dei ? Eux aussi sont suspects et semblent se comporter comme une secte, tout en restant intégrés à l'Eglise catholique …


    Je pose la question : l'Abbé Pierre, Sœur Emmanuelle, le prêtre Guy Gilbert (que j'ai croisé dans mon quartier autrefois), le jeune "trader" boursier devenu moine peuvent-ils se ranger dans la catégorie des cénobites ? Là, Dominique pourrait nous éclairer …


    Quant aux anachorètes, je n'en connais pas de célèbres. Jean Baptiste, qui se retirait dans le désert, vêtu exclusivement de peau de chameau et ne se nourrissant que de sauterelles, pour prier, pour être plus près de Dieu, se tenant sur un pied comme un échassier peut-il être défini (entre autres caractéristiques) comme un anachorète ? En réfléchissant, je ne crois pas, s'il en avait été un, il n'aurait pas laissé les foules venir autour de lui pour l'entendre prêcher la bonne parole, il n'aurait pas baptisé Jésus et, comble de l'horreur, Salomé ne serait pas tombée amoureuse de lui, d'une passion non partagée, ce qui a valu à Jean Baptiste de finir la tête tranchée, posée en cadeau sur un plateau …


    Que je n'oublie pas l'anacoluthe, surtout ! Là, je viens de découvrir la signification du mot.

    Ce que je pensais être une incorrection, du style de ce qu'on entend quelquefois sur les répondeurs téléphoniques :

    "Etant absents pour cause de voyage de noce, veuillez laisser un message et vos coordonnées",

    n'en est peut-être pas, finalement, d'incorrection !


    Ben oui, quoi, moi sur mes bonnes grosses bases de grammaire simples mais solides, je considère cette phrase comme une erreur, le sujet de la proposition principale n'étant pas le même que celui de la proposition subordonnée !

    Ah ah, pas si simple, puisque ma recherche sur le net m'a mise nez à nez avec ces vers de Baudelaire :

    « Exilé sur le sol au milieu des huées /
    Ses ailes de géant l'empêchent de marcher »

    (Baudelaire, « L'Albatros » dans Les Fleurs du Mal).


    Cette façon de s'exprimer est donc une figure de style, qui dissimule dans son bec des non-dits et des sous-entendus, que les lecteurs, ou les auditeurs sont supposés trouver tout seuls ! Mais chez Baudelaire, l'albatros, même s'il n'est pas sujet de la proposition principale, est bien présent, ses ailes sont le sujet mais c'est lui que ses ailes "empêchent de marcher" …


    Alors, pour que le message téléphonique que j'ai créé plus haut soit correct et devienne à son tour une figure de style, une anacoluthe, il doit falloir transformer un peu la phrase :

    "Etant absents pour cause de voyage de noce, veuillez nous laisser un message et vos coordonnées, nous nous ferons un plaisir de vous rappeler".


    Peut-être que ce message restera sans suite, d'ailleurs, si le voyage de noce ne s'est pas bien passé et qu'ils n'ont pas envie de rappeler. Peut-être qu'il ne faut pas faire une telle confidence, des fois que des cambrioleurs potentiels soient au bout du fil. Mais je garderai l'idée du voyage de noce car, par association d'idées, ma pensée s'évade et je suis en train de me choisir une île pour aller y rêver, dans les bras de Morphée.


    Note concernant le Tonnerre de Brest :
    Lu dans "Détours en France, Bretagne, spécial Brest" de juin 2009

    "A quoi l'interjection de prédilection du capitaine Haddock dans les aventures de Tintin fait-elle référence ? Aux coups du canon -chargé à blanc- qui annonçaient chaque jour l'ouverture (à 6 heures tapantes) et la fermeture (à 19 heures précises) de l'arsenal. A ne pas associer avec le canon du bagne dont le tir signalait à la population l'évasion d'un forçat.
    Le "tonnerre de Brest" s'est tu à la fin du XIXe siècle. Il ne retentit plus qu'à l'occasion de la Fête nationale."


    Réflexion à la suite de la note !
    Mais ... ce canon de l'arsenal ... devait être le même qui "sonnait" l'alerte pour les prisonniers évadés !
    Le bagne ne devait pas avoir de canon ...


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  • Commentaires

    1
    marie-louve
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:58
    marie-louve
    Bon matin Léna ! Café et plum pudding... à partager en parcourant ce texte. Nous partons avec Tintin qui nous promène avec tes idées sur des bulles légères en suivant Milou et puis " hop! ", on plonge dans la pensée analytique profonde. Un beau texte à retrouver avec plaisir. Bonne journée et au plaisir de se retrouver bientôt sur Orange ! Bizs.
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    2
    Mona l
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:58
    Mona															l
    Et les jurons de Haddock traduites en anglais!
    :))
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