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Une enquête du commissaire Rizzoli - Chapitre 2 (début) - Denis Costa
Ce mardi matin marqua le troisième jour de la disparition de Lisa Innerhofer. Le commissaire Rizzoli activa le pas au fur et à mesure qu'il s'approchait de la questura. Au printemps, il rejoignait généralement son lieu de travail à pied, à un bon quart d'heure de chez lui, ou bien plus rapidement à vélo, lorsque le temps le permettait. Cette semaine serait radieuse, c'était du moins ce que les experts militaires de la météo prédisaient sur toutes les chaînes nationales. Bien que ces prévisions ne correspondaient pas toujours à la réalité, Rizzoli continuait de les suivre scrupuleusement. Au dessous de vingt degrés, il foulait le macadam, au dessus, il empruntait les voies cyclables. C'était ainsi. Pourtant, ce matin-là, alors que le soleil devait chauffer généreusement la ville de Bolzano, Rizzoli choisit de laisser son vélo au garage. Il se dit que marcher d'un bon pas concentrerait ses neurones sur l'affaire de façon plus efficace que s'il prenait la bicyclette, sujette à une plus grande attention dans la circulation chaotique du matin.
Bien que rarement saisie par une affaire de disparition dans ce chef-lieu tranquille, où les crimes et délits les plus graves se limitent au trafic de stupéfiants, la police avait bien fait son travail. Il s'en persuadait en tout cas. La disparition de l'adolescente de dix-huit ans avait été diffusée dans tous les services d'urgence des environs. Radio Tirol et les médias régionaux avaient relayé les avis de recherche. Des interrogatoires avaient été menés au cours des trois jours qui suivirent l'absence de la petite, autant dans la famille Innerhofer que dans celle des Degasperi. Une enquête de voisinage avait été effectuée, les proches, les amis et habitués des deux familles avaient été visités, de même que les rares habitants qui longeaient l'itinéraire qu'avaient suivi sur leurs vélos, les deux adolescents en quête d'un endroit discret.
Lui-même avait personnellement interrogé les hôteliers des établissements situés autour de la petite chapelle de Santa Agatha, en lisière de Lana, où avait été retrouvé le vélo de Lisa.
Il y était allé avec le sergent Walter Kallmünz, l'un des policiers sud-tyroliens de son équipe. Rizzoli maîtrisait suffisamment la langue allemande pour se débrouiller dans n'importe quelle situation, mais l'enquête était bien trop capitale pour qu'il prenne le risque de passer à côté du moindre indice, prononcé par des villageois qui véhiculent un allemand pas forcément littéraire, patiné d'expressions dialectales. Le débonnaire Kallmünz, plus efficace sur le terrain que dans la paperasserie, l'avait bien secondé, et Rizzoli se dit que tous deux n'auraient pas pu obtenir plus, ni mieux, de la part de ces paysans plutôt avares de confidences.
Rien de très probant en effet, n'était ressorti de ces interrogatoires, ni des recherches effectuées par les services compétents. Personne n'avait rien vu, rien remarqué de suspect, ni ce jour-là, ni les jours suivants. A croire que l'on était à Palerme, le pays de l'inspecteur Farina, un territoire occupé par la mafia! comme aimait à répéter sa femme de façon narquoise.
Puis il y avait ce garçon, Matteo, entendu à plusieurs reprises dans l'appartement de ses parents, via Palade à Lana, ainsi qu'au commissariat central, non comme suspect, mais comme personne informée des faits.
Rizzoli ne savait que penser de cet adolescent, qui, comme Lisa, venait de plonger dans le monde des majeurs. Il provoquait chez lui ni sympathie, ni antipathie, il doutait simplement qu'il ait une quelconque responsabilité, au moins directe, dans la disparition de sa petite amie. Il désapprouvait en revanche son comportement désinvolte envers les filles. Mais était-ce simplement un puritanisme de bonne aloi qui l'animait, ou bien les regrets, enfouis profondément dans sa mémoire, que sa propre vie amoureuse lui inspirait alors qu'il se remémorait sa propre adolescence? Inexpérimenté jusqu'à l'âge de vingt ans, le jeune Rizzoli avait couru sans grand succès auprès des conquêtes féminines, et si Alice ne fut pas sa première femme, il s'en fallut de peu...
Ses pensées secrètes, le commissaire devait les garder pour lui, et de toute façon, faire le beau, ne faisait pas forcément de Matteo le coupable idéal.
A peine eut-il franchi le seuil de son bureau, que Farina, qui avait assuré la permanence de nuit, interpela le commissaire par le bras, nerveusement, rageusement. Il balbutia quelque chose comme:
- On l'a re... retrouvée! et, et...
Au désarroi peu ordinaire que son subordonné éprouvait, Rizzoli comprit que le pire venait d'arriver. Le pire, c'est l'inimaginable, l'inhumain, le souffle de vie qui bascule dans les ténèbres, le néant, la petite lumière qui part en fumée, la confiance trahie, l'homme qui devient loup-garou.
Comme souvent lorsque les problèmes pénibles à gérer s'accumulaient au bureau, le commissaire afficha une mauvaise humeur, en général peu productive, mais assurément dévastatrice pour son entourage.
- Et bien alors, parle Farina! tu bégaies maintenant... il faut te tirer les vers du nez ou quoi? Pourquoi ne pas m'avoir averti aussitôt? le compte-rendu Farina, le compte-rendu!
L'inspecteur Farina, qui subissait de plein fouet en tant qu'adjoint direct, les fréquentes sautes d'humeur de son chef, ne lui en tenait pas rigueur. Il savait que c'était passager. Il savait aussi que dans ces moments-là, il convenait de garder son calme, son self-control, comme disent les Anglo-saxons. Il remballait sa fierté méridionale qu'il mettait dans sa poche avec son mouchoir par-dessus. Il se gardait bien d'interpeler son supérieur par son prénom et évitait le tutoiement, de rigueur le reste du temps.
- Je ne peux pas faire plus vite commissaire! La nouvelle est tombée il y a tout juste vingt minutes, vers sept heures quarante, environ. Un pêcheur de truite a composé le 112 sur son portable, les carabiniers sur une autre affaire, nous ont fait suivre l'appel, et voilà... le temps de tout consigner...
J'ai localisé l'endroit sur la carte, et j'ai convoqué la police scientifique qui devrait nous rejoindre sur la berge de l'Adige où se trouve le corps. J'allais vous avertir lorsque vous avez poussé la porte de votre bureau...
- Fort bien Farina, fort bien! lança Rizzoli, laconique.
Le commissaire se calma, conscient de s'être emporté pour rien et de façon injuste, comme souvent. Rien à redire, l'inspecteur Farina avait fait son boulot. Comme d'habitude, il ne s'excusa pas, mais il fit comprendre à son subordonné, par des marques amicales, voire de déférence, que l'incident était clos.
A suivre
Denis Costa,
Texte et photo
Tags : bien, rizzoli, commissaire, farina, rien
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Commentaires
Bonjour Lena, bonjour Denis, mauvaise nouvelle donc, lisa retrouvée sans vie, à la recherche du ou des coupables donc... J'ai lu attentivement ce chapitre très bien écrit au passage... Rizzoli a du pain sur la plancha... Merci à vous deux... A la prochaine... Bisous de jill
Quelle bonne histoire à suivre ! Je suis bien servie, moi qui adore lire des romans policiers. On se doutait bien que Lisa serait retrouvée sous forme de cadavre. Il le fallait pour le genre du récit admirablement bien raconté. Le vélo retrouvé près de la chapelle ? Le diable n'était pas loin posiblement. Mais qui ? À la suite ! Bisous.
4DenisVendredi 6 Juillet 2012 à 08:44Merci à vous deux. Ca y est, je vois comment ça marche, ahaha... Je ne suis pas très doué... espérons que Rizzoli sera meilleur que moi, qu'il ne fera pas brutta figura, comme on dit ici.
5Mona de plumes au vVendredi 6 Juillet 2012 à 08:44J'aime beaucoup cette histoire! C'est intéressant de découvrir une région où vivent des gens parlant des langues différentes, de ressentir leurs défauts et envies de les dépasser...Pauvre Farina! il a bon caractère, je vois! :))
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Bonjour Denis. C'est le blé en herbe qui a été fauché ! Et on va suivre le pittoresque duo Rizzoli et Kallmünz dans leur enquête avec la plus grande attention, tout en apprenant à mieux connaître les particularités de la belle région italienne.
Dur dur, des fois, la mise en page ! Plus sobre, mais les tailles de caractères se bousculaient, bizarrement, c'est le mieux que j'ai obtenu et, ma foi, ce n'est pas mal comme ça. Non ? Et il faut penser à tout : ce n'est pas Lenaïg l'auteur, mais bien Denis Costa (voilà, tout est en ordre).
Bises !