• Poudre d'imaginaire sur les chemins - Lenaïg, pour le jeudi en poésie de Hauteclaire

    Colline des solitudes

     

    La terre a ses légendes,

    Tout autant que la mer,

    Aujourd'hui comme hier,

    Qui s'accrochent aux landes.

     

    Des Portes de l'Enfer

    Jusqu'à la Mare au Diable,

    Histoires agréables

    Ou qui laissent amer.

     

    Mirages du désert

    Et villages fantômes.

    Farfadets sur les chaumes

    Ou rochers très diserts !

     

    L'empreinte des humains

    Ajoute à l'atmosphère,

    Poudrant d'imaginaire

    Les lieux et les chemins.

     

    Voici, d'un grand conteur,

    De captivantes lignes

    En prose, mais, bonheur,

    D'un beau poème dignes !

     

    Lenaïg,

    Qui propose des extraits de :

    La Colline aux solitudes, de Pierre-Jakez Hélias

    (Julliard, 1984),

    où il n'est pas question du Cheval d'orgueil, mais d'un Cheval-colline, le Keinmarc'h, dans les Monts d'Arrée, où se dressait une mystérieuse et ancienne Tour Ronde et ici précisément, dans le chapitre VIII intitulé Les Quêteurs de Vif, d'un vrai cheval appelé Diable et de son cavalier, un étrange notaire, Maître Ma, non seulement à cheval sur Diable mais sur deux mondes et à ne pas confondre avec l'Ankou, le messager annonciateur de la mort ...

    Le bâton qu'évoque le narrateur Mâchefil est ... le bâton de relais qu'il passe à un autre conteur. Les extraits choisis conservent tout le mystère mais on peut juste se laisser séduire par le charme des mots.

     

    ***

     

    Le narrateur :

     

    "Alors Mâchefil ferme les yeux. Il baisse la tête sur sa poitrine pour se recueillir un moment et laisser se former en lui les images de la mémoire. Puis il entame son récit [...]. Ceux qui sont là, et le docteur lui-même, sauront bien rattacher ce qu'il va dire à ce que le docteur a dit avant lui. Et si certaines choses demeurent obscures, il n'y peut rien."

     

    Le récit :

     

    "Maître Ma se penchait sur l'encolure de Diable et se mettait à parler, dans une langue incompréhensible, à un ou plusieurs piétons qui n'existaient que pour lui, mais que j'étais tout disposé à voir, moi aussi, tant les regards et les gestes de Maître Ma supposaient des interlocuteurs autour de lui. Si je peux dire cela, c'est parce que j'ai été témoin, plus tard, de certaines choses d'épouvante qui se passent quelquefois entre les deux mondes et où Maître Ma tenait la partie belle jusqu'au moment ...

     

    [...] Le plus surprenant était de voir le cheval Diable trotter à travers le bourg et les chemins de campagne, les étriers croisés sur la selle tandis que son cavalier ordinaire, de son côté, vaguait à pied dans les endroits les plus inattendus. [...] A son approche, les enfants allaient se cacher et les grandes personnes s'écartaient de sa route. De temps à autre, quand la nuit était noire, les gens du bourg, enfermés dans leurs maisons, entendaient retentir dehors le galop de son cheval qui s'arrêtait net devant le cimetière. [...] Jamais personne n'avait osé sortir pour voir ce qui se passait. Le lendemain, on inspectait les tombes une à une, le prêtre faisait plusieurs fois le tour de son église, mais il ne manquait rien, il ne restait aucune trace du passage de Maître Ma.

     

    [...] Le plus inquiétant, peut-être, était de savoir que Maître Ma n'achetait jamais ni pain ni viande ni rien de ce qui sert à tenir un homme en vie. Mais était-il vivant ?

     

    [...] La nuit était noire comme un cul de chaudron.Je connaissais bien ma route, mais il avait plu à verse pendant toute la journée, les chemins de terre étaient coupés par des flaques d'eau qui m'obligeaient à des tours et des détours. Aucune lumière nulle part.

     

    [...] Et soudain j'entendis hennir [...] le cheval Diable dont la voix était presque humaine.

     

    [...] Quelques minutes plus tard, je sentis sous mes pieds des bogues de châtaignes et je sus que j'étais dans le vieux chemin qui mène au cimetière et ne débouche que sur lui.

     

    [...] Je ne sais pas combien de temps dura la consultation de Maître Ma. Mais enfin il n'y eut plus personne autour de lui. Les morts se rendaient visite entre eux. Le ton de leur conversation dans ce cimetière, malgré l'étrangeté de leur langage, n'était pas différent de celui dont ils avaient usé pendant leur temps de vie quand ils s'entretenaient autour des tombes de leurs familles. Et j'avais l'impression que les vrais morts étaient les habitants du bourg et des campagnes, endormis dans leurs maisons, et moi-même parmi eux, le tricheur éveillé malgré lui. Mais alors, il n'y avait que Maître Ma qui fût capable de me porter quelque secours puisqu'il était à la fois vivant et mort. Loin d'être une menace pour moi, c'était lui seul qui me tirerait de ce mauvais pas."

     

    [...] Depuis ce jour-là, il y a toujours des fleurs fraîches sur la tombe de Maître Ma. Et il y en a qui viennent prier dessus pour demander la guérison de leurs maux ou autre chose, je ne sais pas quoi. J'y vais aussi porter des fleurs et débiter des prières. Mais je suis toujours infirme et mes deux yeux fâchés l'un avec l'autre. Si Maître Ma y peut quelque chose et qu'il ne fait rien, c'est sans doute qu'il me préfère comme je suis.

    J'ai dit ce que je sais et ce que je crois savoir, Josias. Le bâton est à prendre à qui veut le prendre."

     

    ***

     Colline des solitudes 2


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  • Commentaires

    1
    Jeudi 7 Avril 2011 à 13:05
    Reinette

    joli poème et belle prose

    j'ai eu plaisir à les lire

    bisous

    2
    Jeudi 7 Avril 2011 à 13:18
    m'annette

    et bien dis donc, tu as fait un sacré travail!

    bravo et merci!

    bises

    3
    Jeudi 7 Avril 2011 à 17:18
    jill-bill.over-blog.

    Bonjour Lena, pas le temps de tout lire là... Mais comme dis m'annette tu n'as pas regardé à la dépense.... Avec toi nous sommes bien servis...   Bizzzzz du soir... Suis occupée ailleurs, au jardin...  Ben oui il réclame...

    4
    Jeudi 7 Avril 2011 à 18:02
    Anne Le Sonneur

    Un beau poème pour introduire les mots de Pierre-Jakez Hélias, des extraits qui donnent envie de le lire en son entier. Merci, Lenïg pour ce partage-là.

    5
    Jeudi 7 Avril 2011 à 21:12
    Mireille

    Merci Lénaïg pour ton poème et les extraits de La colline des solitudes que je n'ai jamais lue. une idée lecture pour les vacances à venir. Bises. Mireille

    6
    Jeudi 7 Avril 2011 à 21:39
    stellamaris

    J'aime énormément ton poème, et les extraits donnent envie de lire le livre ! Bises, Lénaïg !

    7
    Vendredi 8 Avril 2011 à 05:15
    timilo

    Chaque région a ses légendes et cela fait écrire à ta plume un beau poème

    Un livre à lire 

    Douce journée

    Amicalement

    timilo

    8
    Vendredi 8 Avril 2011 à 23:11
    Tricôtine

    la terre a ses légendes, ses personnages déroutants qui font qu'on leur prête tous les sortilèges du monde!! Merci Léanïg pour ce partage avec le grand Jaquez Hélias... il faudrait que je replonge dans ces lignes là !   bizzzoux bon week end ! je me pause de ci de là ...cahin caha ce soir

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