• Pente et côte - Rahar, le retour ! ;-) - 1ère partie

    Bus mexicain 1

     

     

     

     Je pense être en sécurité pour le moment, j’ai pris tellement de précautions. Cette vie de fugitif ne m’enchante guère, mais étant données les circonstances, je dois m’y plier ; la vie est souvent vache, mais je ne tiens pas à crever dans la fleur de l’âge.
      J’ai dit à Ascuncion que je dois partir en tournée, une longue tournée, pour qu’elle ne s’inquiète pas. En fait, je ne pense pas revenir, je crois qu’elle est la seule personne que j’aime dans ce monde pourri et je ne veux pas l’entraîner dans ma dangereuse cavale. D’ailleurs, elle ignore tout de mes véritables activités.

     

      Je ne suis pas un saint, d’ailleurs je suis athée. Je veux vivre pleinement, profiter des plaisirs qu’offre cette belle société de consommation. Il y a des gens privilégiés qui ont eu une cuillère d’argent en bouche en arrivant sur cette foutue boule bleue. Moi, j’ai été doté d’un esprit leste et d’une absence de tout scrupule. Ce que je veux, je l’obtiens presque toujours… enfin, grâce à ma filiation à l’Organisation. Un autre atout dont j’ai bénéficié est un physique sympathique, avec en prime un bagou très persuasif.

     

      Je suis dans un bus Blackhound spacieux. Je n’ai pour bagage qu’une sacoche, j’ai transféré la moitié de mon fric dans une autre banque, et j’ai mis l’autre moitié au nom de Ascuncion dans sa banque ; c’est mon cadeau d’adieu à mon amour. Je n’ai pas pris l’avion, car je suppose que l’aéroport est surveillé par quelque sicaire.
      Je ne sais pas encore où je vais aller. On dit toujours que l’Organisation vous retrouve où que vous fuyiez, mais j’ai confiance en mon ingéniosité pour disparaître à ses yeux, j’ai assez de blé pour m’aider.

     

      Je jette un regard sur mes compagnons de voyage. Je remarque que deux jeunes couples occupent la première rangée. Ce sont apparemment de jeunes mariés, probablement en voyage de noces, assez modestes pour n’avoir pas pris l’avion et ne possédant pas de caisse. Je repense à Ascuncion; je nous revois à Venise, quinze ans plus tôt, elle se blottissant contre moi dans l’étroite gondole, moi l’enlaçant en lui murmurant des bêtises tendres.
      Une mère s’est endormie, son garnement dodeline de la tête au rythme d’une musique virtuelle issue de son iPod. Il me rappelle mon petit Juan, en pension en Suisse, parfois rebelle, mais si affectueux.
      Un petit vieux tout tranquille est assis à côté d’un malabar ; les grosses lettres sur le blouson de cuir de ce dernier indiquent qu’il fait partie d’une bande de motards… qui a peut-être perdu sa bécane… ou non : un maillot numéroté ne veut pas nécessairement dire que son porteur soit un footballeur plutôt qu’un simple fan. Je crois plutôt que cet énergumène à la bouille bovine d’attardé a déniché son truc dans un magasin de friperies.
      À côté de moi, une petite mémé me saoule d’anecdotes de ses petits-enfants. En d’autres circonstances, j’aurais déjà enfoncé avec volupté mes mains dans son cou grassouillet. Mais je dois me mettre dans la peau d’un quidam insignifiant et hocher la tête comme un type vraiment sympathique. Je n’ai pas mis mon costard à cent dollars, ni mon Rolex en or, je ne porte qu’une chemise achetée à la hâte dans un grand magasin, un pantalon de prolo et une veste toute froissée sentant encore la naphtaline.
      De l’autre côté, un couple plus très jeune ne se lasse pas de commenter le paysage avec des exclamations émerveillées. Derrière, un groupe de nonnes déjantées essaient d’égailler l’atmosphère : des fois elles entonnent quelque truc religieux, parfois une partie bavarde comme des pies, une autre marmonne quelque mystérieuse incantation. Ce serait bien le diable si une tueuse se cachait parmi elles.
      Au fond, un révérend père volubile accapare l’attention d’un type à l’aspect d’un comptable bigleux. Le religieux est-il en train de convertir un mécréant ? Je n’aimerais pas être à la place du pauvre bougre. Je ne pense pas que ce curé soit un tueur, la familiarité dont témoignent les sœurs envers lui indique qu’ils se connaissent bien. Quant au comptable, je n’ai jamais vu ni entendu dire qu’il existait des tueurs à lunettes, une vision excellente leur est vitale.
      Je crois que j’ai bien brouillé les pistes et je suis tranquille… enfin pour le moment. Pourvu qu’on ne s’en prenne pas à Ascuncion … ni à Juan évidemment, bien qu’il soit théoriquement à l’abri en Suisse.
      Avec un soupir de soulagement, je fais plus attention aux divagations de la petite mémé. C’est étonnant comme les enfants d’aujourd’hui sont précoces et perspicaces, ils ont le chic pour mettre le doigt sur des vérités inattendues.

     

     

     

    Bus mexicain 3 -photo-le-bus-yarnbombing

     

     

      Nous nous arrêtons à un motel pour nous dégourdir et nous restaurer. Je descend et hume l’air de la nuit avec délectation. La vie est belle. Je me paie un bon filet mignon avec des haricots verts plus tendres que des spaghettis. Je prends une tarte à l’ananas et j’arrose le tout avec un bon caoua.
      Oups ! J’ai avalé de travers et je tousse, je crache tous mes poumons. J’ai un reflux gastrique. Merde ! mon gosier me brûle et mon estomac se contracte douloureusement, j’essuie les larmes qui m’aveuglent. La petite mémé qui s’est assise à côté de moi s’inquiète avec une attention toute maternelle et m’offre une tasse de thé pour atténuer la brûlure de mon œsophage. Je la remercie avec gratitude et je me sens un peu soulagé, mais j’ai encore des crampes d’estomac. M’aurait-elle empoisonné au seul petit instant où j’ai détourné le regard quand le son de la télé du bar s’était mis à brailler soudainement ? Certainement une dysfonction de l’appareil qui n’est plus de première jeunesse. L’Organisation peut employer des tueurs à la mine parfaitement bénigne. Je me sens mieux. C’est finalement une petite vieille inoffensive, sinon je serais déjà en train d’agoniser. C’était sûrement un incident des plus normal.

     

      Soudain, un couteau vient se planter dans le mur derrière moi, juste à une dizaine de centimètre de mon cou. Je sursaute et me laisse tomber sous la table. Dans le brouhaha qui s’ensuit, je distingue les protestations désolées d’une nonne. Une sœur qui revenait du comptoir a trébuché et le couvert de son plateau a été projeté. On me relève tout tremblant et suant, et on m’assure que c’était un regrettable accident, la religieuse se tordait les mains et ses consoeurs s’efforcent de la réconforter.
      Cette suite d’incidents n’est pas faite pour arranger ma paranoïa. Je stresse à mort, les autres me prennent sûrement pour une petite nature. Ah, si seulement ils savaient !

     

      Nous reprenons la route. De temps à autre je sens une douleur sourde à mon estomac. Je crois que c’est le stress qui me donne des aigreurs. Pourtant je m’efforce de me détendre. Je sais, je mène une vie trépidante, entre la jubilation du succès et l’excitation du danger ; mon attention est sollicitée à tout instant pour déjouer les risques du métier : les adversaires, les ennemis, les autorités et le fisc. Ma dévote grand-mère a bien essayé de me sermonner en me disant que je suis sur une pente glissante me menant vers la perdition. Elle délire, je suis plutôt sur le chemin du succès.
      Nous abordons une côte conséquente. Mes poumons semblent manquer de souffle et mon estomac m’oppresse ; je ressens une douleur fulgurante et je me plie en deux en grimaçant, sous l’œil effaré de la mémé. Une quinte de toux me laisse pantelant, un liquide coule à la commissure de mes lèvres. L’exclamation d’horreur de la grand-mère m’alerte. Ma bave est rougeâtre. Puis je vomis un flot de sang ; ma tête me tourne. Avant de m’évanouir, j’ai une dernière pensée pour Ascuncion et Juan.

     

    A suivre

     

     

    - Rahar-

     

     

     

     

     

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    Illustrations : photos de cars et bus mexicains, trouvées sur Google.

    Pourquoi mexicains ? Parce qu'ils sont beaux, non ?

    L'affaire ne se passe pas forcément au Mexique, mais dans un pays hispanisant, en tout cas !

    Note de Lenaïg


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  • Commentaires

    1
    Samedi 11 Juin 2011 à 15:55
    jill-bill.over-blog.

    Bonjour Lenaïg, là je n'ai pas le temps de te lire Rahar, je reviendrai... Juste un coucou d'un samedi pressé en famille, et puis demain fête des pères...   Bon après-midi Lena, Rahar   Bizzzzzzzzz

    2
    Samedi 11 Juin 2011 à 18:16
    Reinette

    une attaque surprise

    et ensuite vite raconte

    bisous

    3
    Samedi 11 Juin 2011 à 18:40
    Marie-Louve

    La conscience pas tranquille, mais ce cas dépasse celui de la conscience ! Vite ! Il faut voir un médecin. Il ne peut pas partir avant qu'on sache la FIN :-))) .  J'aime bcp...

    4
    Samedi 11 Juin 2011 à 19:28
    jill-bill.over-blog.

    Je suis là... Une lecture prenante, un exil pour où en laissant femme et enfant...  Ne manque pas d'humour, un bon style en tous cas..   Sos docteur pour l'heure, à suivre oui...  Bien à vous deux  Jill   Bonne soirée

    5
    Samedi 11 Juin 2011 à 20:00
    Lenaïg Boudig

    Bonjour Jill, Reinette, Marie-Louve et Rahar !

    Ah, Reinette, je crois qu'il faut attendre lundi pour avoir la suite ! Jusque-là, nous ne pouvons qu'imaginer ce qui a pu se passer et, si cet homme a été empoisonné, nous demander qui des personnages autour de lui que nous connaissons a fait le coup, si c'est le cas ! Je ne sais plus si Rahar m'a indiqué que Klotz intervient, ou pas ! Je vais vérifier. Bises à vous quatre !

      

     

    PS : demain, c'est le nouveau chapitre de Une enquête du commissaire Rizzoli que nous aurons !

    6
    Dimanche 12 Juin 2011 à 14:12
    Libre  necessite

    Ouha!!!!! quelle ambiance , on sent même la sueur perler tellement la cahleur est perceptible. très coloré comme tes illustrations cela fonctionne à merveille. Evidement j'attends la suite...d'ailleurs vais je trouver le sommeil avant  d'avoir eu des nouvelle sde ce figitif. Bon dimanche Dan

    7
    Dimanche 12 Juin 2011 à 16:54
    Lenaïg Boudig

    Rahar, j'ai mis le lien sur facebook, tu as eu la lecture et l'appréciation de Deranil, de Mona (qui n'a pas encore lu mais va le faire et est sûre que c'est bien !) et de Marie-Louve !

    8
    Dimanche 12 Juin 2011 à 18:02
    m'annette

    Coucou,

    j'avoue avoir un peu de mal à lire un roman sur ordinateur!

    Seront-ils publiés sur papier?

    Bises

    9
    Mona de plumes au v
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:44
    Mona  de plumes au v

    C'est bien du Rahar, cette histoire. Pourquoi, hein, pourquoi n'a-t-il pas écouté sa vieille mémé? Elles ont toujours raison!

    10
    Rahar
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:44
    Rahar

    Bonjour à tous. Merci de me lire.

    Pour M'annette, un bouquin doit dépasser la centaine de pages pour qu'on puisse l'appeler "livre". Donc il faut compiler plusieurs nouvelles pour satisfaire cette condition ; laissons-les donc s'accumuler avant de songer à les rassembler dans un seul ouvrage. Il y a déjà une compilation des aventures de klotz comme l''a dit Lena, jettes-y un oeil... ou plutôt les deux yeux. Tu vas aimer, crois-moi.

    11
    Rahar
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:44
    Rahar

    Lena, je ne suis pas sur Facebook. Transmet donc à Deranil mes amitiés, je suis avec passion Confins. Quant à Mona, elle sait très bien qu'elle a toujours une bonne place dans mes pensées, sinon dans mon coeur (hi hi)

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