•  Le champignon de gardeProgression zéro. Cantonnée dans la même clairière depuis jeudi. Même Agrippa s'impatiente car je ne veux plus discuter avec lui ni considérer les idées qu'il me soumet. Juste hâte qu'il s'en aille. Il a du mal à rassembler ses troupes comme toujours ; certaines sont obstinément lovées dans mes chevilles et mes pieds, qui bouillent en permanence. Comme il ne sait rien faire d'autre qu'envahir, il ne me fait même pas chauffer l'eau pour mon café du matin, je dois me débrouiller.

     

    Des écureuils curieux et compatissants ont déposé à côté de mon couchage une impressionnante pyramide de noix et de noisettes décortiquées, je les aperçois qui passent de branche en branche, s'arrêtant de brefs instants pour voir si j'apprécie leur offrande. J'en grignote tout de suite deux ou trois d'un air ostensiblement gourmand et mon geste est accueilli par des petits cris et sifflements de joie. Dans la nuit, une laie m'a rendu visite et je n'ai pas eu le temps d'avoir peur ni de trouver son odeur repoussante. Elle a flairé tous les objets de mon campement, sans rien déranger. Je les ai vaguement distingués, elle et ses petits, dans la faible et intermittente clarté de la lune, j'ai senti l'haleine puissante de la maman au-dessus de mon visage tandis que les La vache du Tibet 2marcassins jouaient à saute-mouton sur moi. La dame a grogné en direction d'Agrippa, resté accroupi près des braises du foyer.

     

    Soudain, une vision de cèpes et de bolets s'est mise à danser la sarabande dans ma tête et leur parfum m'a empli les narines. Dans un dernier grognement, Dame Sanglier s'est éloignée, ses petits sur les talons. Se pourrait-il qu'elle m'ait communiqué sa pensée ? Je verrai bien si c'est vrai, d'ici la fin de la matinée … Va-t-elle me livrer mon déjeuner sous la forme de délicieux champignons ? Je plante mon abri de pêcheur à ouverture parapluie et je fourre mon duvet et le reste de mes affaires dessous car des nuages chargés s'amoncellent. Je me reglisse dans mon duvet en sirotant du café, insensible aux premiers crépitements de la pluie. Je me mets à somnoler sans prêter attention non plus à des bruits de terrassement non loin. Je m'endors bel et bien pendant deux bonnes heures au moins.

     

    Lorsque je m'éveille, c'est pour surprendre le détalage effarouché d'un lapin marron clair, qui devait me tenir compagnie sous l'abri. Je l'appelle doucement, il revient et se rassoit, tout en entreprenant de se passer les pattes sur les oreilles, sans doute pour masquer sa gêne de son réflexe de fuite atavique. Puis il sort pour inspecter la tranchée qu'il a réalisée, un peu en contrebas, une rigole où la pluie forme déjà un ruisseau qui s'évacue Lapin debout centrédans la pente douce. "Mais tu es trop mignon, compagnon !" lui dis-je, "c'est toi qui me permets de rester au sec !" Il me regarde, s'ébroue, fait un petit bond joyeux sur place et disparaît. Zut ! Et la solitude qui me pesait, à la longue …

     

    Mais que vois-je, déposés près de mon petit réchaud à gaz, prêts à sauter dans la poêle ? Les champignons rêvés ! La laie est repassée ! Agrippa boudeur est refugié sous un chêne. Lapin revient sur ces entrefaites avec une brassée, heu une "museaunée" ? Une "mufflée" (ah non, trop péjorativement connoté), bref une gerbe, un bouquet de fines herbes, que je ne reconnais pas toutes. Il en prélève un peu et de son nez frémissant il pousse le reste vers moi. Quel bon repas de milieu de journée ! "Mais … qui sont ces animaux ?" Me demandé-je. Ils ont une attitude que je comprends, pas comme ceux d'Alice au Pays des Merveilles … Ils sont là pour combattre les particules anarchiques du Minotaure Agrippa ; c'est la réponse au pourquoi de leur existence, issue de mon imagination et le bien-être que je ressens après ma poêlée de cèpes et bolets au cerfeuil sauvage ne nécessite pas que j'approfondisse le comment.

     

    Si je veux, j'ai accès à mon poste de télé, de même qu'à la radio, au téléphone et à l'internet, dans cet univers virtuel ou onirique où je me trouve plongée. Heureusement, sinon mon isolement me pèserai. Ce fut dans le cadre ouvert de ce même univers qu'hier soir, je me suis baignée dans le lac d'une source d'eau chaude et je crois que les fumerolles que j'ai inhalée ont eu un effet bénéfique : en asséchant mes bronches et mes poumons, elles ont empêché les particules de se fixer …

     

    La vache du Tibet"La Terre s'effondre sous nos pieds" s'écrie Nicolas Hulot dans le poste de télé. Si la Terre s'effondre, raison de plus pour ne pas abandonner ma quête, tout en laissant agir les spécialistes bien entendu. Ce serait effectivement dommage de ne pas secourir la Terre, qui nous héberge depuis si longtemps, surtout que nous ne l'avons pas ménagée depuis que nous sommes dessus. Dois-je alors affiner, préciser, mieux définir ma quête, ma cible ? A ce moment-là, lapin me regarde et secoue vigoureusement la tête comme pour dire non. Ah ben ça alors, une réponse, extérieure ? Je me souviens -et le lecteur n'y coupera pas- d'un épisode mouvementé de Tintin au Tibet dans les rues de New Dehli. Le Capitaine Haddock ayant voulu enjamber une vache sacrée se retrouve à califourchon sur la vache, qui se met à trotter. Il ne peut répondre à l'interrogation du policier, surpris, sur sa destination : "-Où allez-vous comme ça ?" "- Sais pas, demandez à la vache !" Mais la vache, elle, garde son secret.

     

    Mon lapin a-t-il vraiment dit non ? Je ne le saurai jamais ! Et jamais je n'essaierai de le caresser, ni de le prendre dans mes bras, il risquerait de s'enfuir, ou pire, de s'évaporer. N'empêche, une certitude se fait jour : non, c'est non ! Il ne faut pas fixer de cap précis dans la recherche du pourquoi du comment. C'est en cherchant tout court qu'on a des chances de faire d'autant plus de découvertes qu'on n'a exclu aucune possibilité.

     

    Fin !

     

    Lenaïg (délires fiévreux novembre-décembre 2010)

     

     

     

     


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  • Après une courte nuit où le sommeil s'est fait chiche, le Minotaure se manifestant une première fois par des assauts de sentiments négatifs : incertitude, isolement, angoisse, épuisants à repousser, je me décide à lever le camp. J'ai des courbatures partout et qu'il m'est dur de m'extirper de mon duvet. Le soleil perçant à travers les arbres, le murmure des branches et les quelques ébrouements et cui cui d'oiseaux cachés, le vol planant et croassant d'une corneille, la chaleur du café en poudre que je prépare sur mon petit réchaud à gaz, achèvent de me donner du coeur à l'ouvrage.

    N'empêche, je n'ai pas d'allant. Comment vais-je faire pour progresser ? Pourquoi, cela je le sais : pour trouver la réponse, pardi ! Surtout ne pas perdre le nord, suivre ma boussole, le plus fiable des instruments, écouter le GPS incorporé dans mon crayon mais, comme ce dernier a tendance à n'en faire qu'à sa tête, je vais m'amuser à le désorienter sans cesse, en prenant les directions opposées à celles qu'il m'indique. Vais-je le rendre fou ? Pfeu, ce n'est qu'une machine après tout. Quand il en aura marre de s'époumoner à m'enjoindre de faire demi-tour immédiatement, soit il se taira, soit il se décidera enfin à me guider vers le pourquoi du comment. Il comprendra peut-être que nous n'allons pas linéairement d'un point A à un point B (forcément j'ai bien été obligée de lui indiquer quelque chose, alors il croit que le lieu de départ est Pourquoi et l'arrivée Comment ...). Il laissera tomber l'itinéraire le plus court ou le plus rapide et m'apportera son concours pour une exploration tout azimut, dans le présent comme dans le passé, dans l'espace comme dans le temps.

    Depuis dimanche soir, c'est vrai, un Minotaure m'a imposé sa compagnie, insidieusement. Il m'a laissé croire que je cheminais seule d'abord, prenant le temps de s'installer partout en moi. Mais, hier matin, quand je suis sortie de mon duvet pour chauffer l'eau de mon café, il s'est annoncé :
    "- Coucou, c'est moi ! On me connaît sous le nom de Virus Saisonnier, syndrome grippal de mon état ... Je t'ai choisie entre autres élus, pour progresser, moi aussi ! Ne t'inquiète pas : au bout d'une semaine, ou peut-être deux, ou trois, je te quitterai, je ne suis pas fidèle en amitié (d'ailleurs, cela vaut mieux pour toi, je suis néfaste, on ne m'aime pas) ; j'irai rejoindre d'autres randonnées, celles qui ne seront pas barrées ...
    - Ah, Virus Saisonnier, dis-tu ? Etant donné l'accès de fièvre élevé que ton arrivée a provoqué, je m'attendais à plus dramatique : la grippe A.
    - Quoi ! La grippe A ne t'épouvante pas plus que ça ? Certains osent à peine prononcer la formule maudite H1N1, on croirait qu'ils évoquent le diable ou la peste ! Puisque tu m'es sympathique (oui, je sais, la réciproque n'est pas vraie), je te le confirme, sans mentir, cette fois : mon vrai nom c'est Agrippa !
    Je sais, je peux être très méchant mais ...
    - Et sans gêne, surtout ! Tu n'as pas frappé avant d'entrer ..."
    Il a paru penaud :
    "- C'est que je ne contrôle pas bien mes milliards de particules, je te l'avoue, elles se faufilent dans tous les nez avant que j'ai le temps de dire ouf ...
    Pour ma défense, je te rappelle que tu vas fabriquer des anticorps et que tu n'auras pas besoin de te poser la question de te faire vacciner ou pas quand tu recevras ta convocation !
    - Hum, tu ne serais pas en train de te vanter ? Fièvre et courbatures oui, mais je n'ai aucune difficulté à respirer !
    Agrippa, je veux bien si cela te fait plaisir, mais je n'oublie pas le premier nom sous lequel tu t'es présenté ! En fait, j'ai du mal à te croire ...
    - Accorde-moi le bénéfice du doute !
    AGRIPP~1- Je n'ai pas le choix. Alors, passons à autre chose ! Pourquoi "Agrippa" ? Tu te sens fier de ce jeu de mots ? Te prendrais-tu pour un général romain ? Mais tu n'es même pas capable de contrôler tes troupes, c'est du beau !
    Est-ce qu'au moins tu me seras utile dans ma quête du pourquoi du comment ?
    - Je peux me prendre pour Agrippa d'Aubigné, si cela te plaît. Tiens, écoute, je le cite : 

     

    "Quelquesfois en me pourmenant
    La Vérité m'allois menant
    Aux lieux où celle qui en faute
    De peur de se perdre se perd
    Et où l'Eglize qu'on tourmente
    S'enferma d'eau dans le désert".

    Les Tragiques, Préface, Agrippa d'Aubigné (1152-1630).

     

    "- Lui aussi cherchait sa route, non ?
    - ...
    - Pas convaincue ?
    - C'est que ma quête ne comporte pas de querelles de clochers, heu pardon, de considération sur des schismes ! C'est gonflé, osé, risqué !
    - Attends, attends, j'ai mieux :"

     

    ... "Usons ici le fiel de nos fâcheuses vies,
    Horriblant de nos cris les ombres de ces bois :
    Ces roches égarées, ces fontaines suivies
    Par l'écho des forêts répondront à nos voix.

    Les vents continuels, l'épais de ces nuages
    Ces étangs noirs remplis d'aspics, non de poissons,
    Les cerfs craintifs, les ours et lézardes sauvages
    Trancheront leur repos pour ouïr mes chansons."

    Théodore Agrippa d'Aubigné, poète du 16ème siècle.

     

    "- Tu vois bien qu'il t'a précédé dans ce labyrinthe boisé !"
    Séduite par ces vers, je me suis promis sans illusion (car je me promets d'aller approfondir tant de connaissances que je n'y arrive pas), de revenir méditer sur les écrits de cet Agrippa d'Aubigné, compagnon fidèle d'Henri IV (jusqu'à ce que celui-ci change de religion ; après, cela se gâta ... leur amitié n'y résista pas).

    Une bonne âme doublement fraternelle m'ayant apporté mon courrier, je me suis absorbée dans la lecture de mon magazine scientifique favori (le seul qui me soit accessible) ... Ai-je fermé les yeux ? Je ne sais plus, mais je crois avoir tout mélangé.
    J'ai assisté au spectacle hallucinant d'un combat de titans : deux acariens je ne sais L'Etoile mystérieuse -araignéecombien de fois grossis s'affrontaient dans un énorme nuage de gaz froid (comme ceux qu'on vient de découvrir dans la Voie Lactée). J'ai eu peur ! Puis j'ai ri. J'ai repensé à l'album de Tintin et Milou, "L'Etoile mystérieuse", un de mes préférés ... à l'exclamation de Tintin observant la météorite grandissante au télescope de l'Observatoire et s'épouvantant de ce qu'il voyait, une énorme araignée noire cramponnée à la météorite. Après vérification du savant, intrigué par les commentaires étranges de Tintin, on découvrit la malheureuse petite bestiole simplement interposée entre le verre de l'appareil et la vision offerte ...
    Quant à ces nuages de gaz froid (mais vraiment froid !)longs de plusieurs années lumière (au moins), il paraît qu'ils semblent se concentrer dans le but de former de nouvelles étoiles. Il s'en passe des choses dans notre galaxie, quand nous avons le dos tourné !
    Une piste du pourquoi du comment pourrait bien se présenter là : en élucidant comment l'infiniment grand rejoint l'infiniment petit, on devrait approcher du pourquoi !

    A propos d'araignées (outre celles que ce diable d'Agrippa m'a collées au plafond), ce matin ... est-ce que je somnolais ? Toujours est-il que j'ai sursauté en entendant parler à la radio d'une araignée dite coccinelle ... joli nom, belle carapace, masquant une vilaine réalité : ses morsures sont terriblement dangereuses. Pour me rassurer, au cas où un autre Minotaure de mon labyrinthe personnel veuille prendre cette forme-là, un coup de baguette de ma fée me fait voir à la place un autre spécimen de la gent arachnide, récemment découvert : la première araignée végétarienne, pardon herbivore est le terme approprié, toute petite et gratifiée d'un nom magnifique : Bagheera Kiplingi, Mexicaine raffolant des bouts de feuilles d'acacia, que lui disputent les fourmis, ses ennemies ...

     

    A suivre

     

    Lenaïg (délires fiévreux, novembre-décembre 2009)

     


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  •   petit-trait-de-toutes-vrits-sur-l-existence-8001330

    Je me lance, je commence, je dois réussir à répondre au pourquoi du comment, cette question à laquelle aucune réponse satisfaisante n'a été fournie. Pourquoi, d'accord, me dira-t-on mais … quel comment ?

     

    Pop pop, n'allons pas trop vite, tout va se décanter à son heure. Avant de nous occuper du pourquoi en priorité, souvenons-nous immédiatement de comment nous étions, enfants. Si nous avons oublié, c'est que nous n'avons pas d'enfants dans notre entourage. Comment sont-ils, ces enfants, dans le cadre de notre sujet d'étude ? Tout le temps à nous interroger : pourquoi ceci ? Pourquoi cela ? Ils nous exaspèrent et nous étourdissent de leurs "pourquoi" au point qu'on pourrait mettre un s à ce pourquoi.

     

    D'ailleurs, ils sont capables de nous demander pourquoi on ne leur met pas de s, à ces pourquoi, quand ils sont plusieurs ou nombreux (les "pourquoi"). Là, nous avons intérêt à bien connaître la grammaire pour leur apporter une explication qui fasse taire leurs "pourquoi", car si nous leur répondons que "c'est comme ça et pas autrement", ou simplement "parce que !" avec un haussement d'épaule, nous courons le risque de voir une lueur d'incrédulité dans leurs yeux, portant atteinte à notre prestige d'adulte. Notre prestige, nous devons le cultiver, nous n'avons pas le choix vis-à-vis d'eux, que nous soyons convaincus de l'avoir ou pas. S'ils sentent que nous ne savons pas, ils sont capables de tout : rester d'éternels bébés dans les jupes de leurs mères, avoir peur de tout, perdre confiance en nous pour les plus petits, ne pas vouloir grandir, n'en voyant pas l'utilité -je vous passe tous les dérapages possibles pour les adolescents-, oh puis non, je vais citer un exemple qui me revient en mémoire (quelle chance !) : le cas se situe dans le monde animal, en Afrique, c'est une histoire véridique dont je ne peux citer la source, l'ayant oubliée.

     

    Je vous garantis toutefois que je n'invente pas : il y a quelques années, dans une région africaine, les rhinocéros blancs étaient un à un assassinés, étouffés, écrasés. L'enquête stagna dans un premier temps, la piste des braconniers n'étant pas valable dès le départ, aucun butin n'étant emporté. On finit par découvrir le pot aux roses : les coupables étaient une bande de jeunes éléphants orphelins qui erraient ensemble et qui, probablement (car il ne fut pas possible de le leur faire avouer) pour s'amuser, traquaient les rhinocéros blancs pour les piétiner (est-ce la couleur blanche qui les excitait, les indisposait ? Une question d'odeur ? Ces questions resteront posées, je dis pouce car en tant qu'humaine, je ne suis pas qualifiée pour répondre à ce pourquoi-là ; au moins, le comment a été éclairci et je souhaite qu'on n'en profite pas pour m'accuser de racisme, je n'y suis pour rien). La conclusion des spécialistes était que, privés très tôt de contacts avec leurs mères, peut-être aussi sans exemple de pères (mais je ne suis pas sûre que les éléphants males soient très présents dans l'éducation des éléphanteaux), ces jeunes bestiaux n'avaient eu aucun repère de bonne conduite, aucun modèle à imiter pour se forger leur personnalité. Il leur avait donc été impossible de demander le pourquoi du comment à leurs parents, en langage éléphantesque s'entend (infrasons ?) ; ils n'avaient pas "grandi".

     

    Il est hors de question de mentir aux enfants, ce serait pire. Leur dire d'aller voir sur l'internet est une solution de facilité. Comme ils maîtrisent très tôt les nouvelles technologies bien mieux que nous, s'ils nous posent des questions, c'est qu'ils tiennent à ce que nous répondions nous-mêmes ! Il faut contourner l'obstacle en mettant les choses à plat, ou l'obstacle à plat … On apprend cet exercice à l'école des politiciens. Sans les imiter vraiment, nous pouvons nous servir de quelques tuyaux et ficelles du discours politique. L'énergique et pittoresque "Taisez-vous, Elkabbach !" de Georges Marchais, que les gens de vingt ans ne peuvent pas connaître, est à proscrire. Pourquoi ? Parce que les interlocuteurs ne sont pas placés sur un pied d'égalité. Si nous sommes des pères, des mères, des grands-parents, des oncles, des tantes, des profs, etc, nous sommes supposés dominer la situation, sans nier ou opprimer les supposés charmants bambins pour autant. Jacques Chirac avait un tic bien connu pour s'approprier le sujet à débattre, ou faire face aux feux des journalistes. Le temps de lancer son célèbre "Écoutez … !", il fouillait dans les tiroirs de son cerveau pour en extraire la réponse adéquate. L'art de ne rien dire tout en le disant n'est pas donné à tout le monde.

     

    Et on peut tomber à côté : je tiens une anecdote de mon père, qui démontre le piège. Il y a environ quarante ans, un plaisantin glissa une question inattendue à un politicien débutant qui faisait campagne, ou qui venait d'être élu : "Monsieur le [---], êtes-vous hermaphrodite ?" Le politicien tenta de masquer son désarroi, y parvint peut-être aux yeux et aux oreilles distraites ou ignorantes de certains, et eut cette délicieuse réponse : "je vous remercie de me poser cette intéressante question, mais laissez-moi un peu de temps, je dois y réfléchir." D'où l'intérêt de cet essai, pour ne pas être pris au dépourvu, que je conduis d'une main ferme avec une assurance bétonnée. Je sais où je vais ! Pas de labyrinthe qui tienne : Aucun Minotaure ne m'engloutira, tout le monde sait que cet homme fabuleux à tête de taureau mangeur de jeunes gens et jeunes filles n'a jamais existé.

     

    Oups, je me montre imprudente et irréfléchie, là, si j'efface la "réalité" du Minotaure, je ne pourrai ni semer les cailloux du Petit Poucet, ni continuer à dérouler le fil d'Ariane solidement attaché dehors à un rocher, ni utiliser la baguette de ma fée. J'y pense, je serais sans doute rassise au goût du monstre, mais on ne sait jamais … Je garde tout cet attirail, j'ai besoin de rêver et de m'évader plus que jamais. Quel est alors mon Minotaure à moi en cette affaire ? Bof, une baudruche, du vent : le ridicule qui voudrait me tuer si je ne m'en sortais pas ? Même pas peur. Du ridicule, pas spécialement, mais de ne pas m'en sortir, j'aime mieux ne pas creuser présentement.

     

    J'espère qu'on lira entre mes lignes car je ne vais pas avouer en si bon chemin que je n'ai aucune idée de l'aboutissement de mon essai, ni s'il aboutira. Un autre aspect de mon Minotaure, ce sont les critiques, mais là, elles seront les bienvenues, si j'ai le plaisir d'être lue. Bienvenu aussi un coup de main, du genre : quelques exemples précis de "pourquoi" d'enfants, qui viendraient égailler, fleurir l'aridité de l'essai, sur cette route encore longue et semée d'embûches (cliché ? Oui, mais je l'aime bien). D'ailleurs la nuit est bien avancée, assez cheminé, la suite sera pour demain (ou pour un autre jour) après une bonne fin de nuit de sommeil qui portera conseil (deuxième cliché, mais qui me rassure), je fais halte et je prépare mon bivouac.

    A suivre

     

     Lenaïg (20 novembre 2009) 

    Note : la forme compacte de l'essai est voulue. Je suis en train de lire l'édifiant Petit Traité de toutes vérités sur l'existence, de Fred Vargas et, sans prétendre rivaliser avec l'esprit brillant de l'auteur, c'est son essai à elle qui m'a poussée parallèlement à cogiter dans le but de voir si j'arriverai à quelque chose.

     

     

     

    Comme le frigo sur le petit traité de Fred Vargas !

     Illustrations :

    www.letsbuyit.com

    Photo perso

     


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