• MORT A LA TACHE - RAHAR - 2/2

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    Je suis un peu surpris par le contrat. Mais je dois m’efforcer de faire mon boulot sans état d’âme. Je connais très bien Calvin O’Miel, ce descendant de bootlegger irlandais. Je m’occupe de temps en temps de sa comptabilité. Je ne suis pas sectaire, je compte parmi mes clients des gars du Milieu, et en tant que Georges Kulas, je suis apprécié pour ma compétence et surtout pour ma discrétion.


    Qu’a donc fait Cal pour attirer l’ire mortelle de mon commanditaire ? Cal est de la nouvelle génération, cultivé, instruit, distingué, gérant son affaire comme une entreprise moderne. Je n’ai jamais trouvé dans sa comptabilité quelque irrégularité susceptible de léser la Famille. Devrais-je me tourner vers sa vie privée ?


    Je ne me suis pas trompé. « Beau Gosse », en tant que Don Juan, collectionne les conquêtes, n’hésitant pas à mentir effrontément pour convaincre les plus résistantes, promettant jusqu’au mariage. Son erreur est de ne pas enquêter sur ses proies. Ma propre enquête se révèle assez ardue, compte tenu de la discrétion proverbiale des gens du Milieu concernant leur intimité.


    C’est Romain Baladeuse qui m’a fourni l’indice crucial, grâce au moulinage des incidents concernant surtout le sexe féminin, par ses puissants ordinateurs. Sur une quinzaine de disparition de femmes, trois ont été vues pour la dernière fois aux alentours de l’immeuble de Calvin. Toutes sont jeunes et âgées entre dix neuf et vingt deux ans. Les enquêtes minutieuses de la police ont fait ressortir qu’elles étaient toutes enceintes de trois ou de quatre semaines.


    Ce qui m’a fait dresser les cheveux, c’est d’avoir vu le nom de la fille de Gene Tempa, le parrain du quartier de Deadend. J’ai approché tous mes indics du Milieu, mais personne n’a entendu parler d’un quelconque contrat sur des femmes. Il est vrai que dans ce milieu-là, si l’on veut une discrétion absolue, il faut faire le boulot soi-même. J’ai entendu dire que Gene Tempa a embauché Jay Trouvey, la crème des détectives. Je lui ai bien parlé, mais une carpe est bien plus bavarde que cette jeune femme énergique, la confidentialité professionnelle vous comprenez ? Tant pis, je prends l’initiative d’interroger les concierges de l’immeuble de Cal. Ils m’ont délesté de quelques grosses coupures, mais mes soupçons se sont avérés. Ils ont reconnu les photos des trois disparues.


    Le bâtiment a un incinérateur au sous-sol, et une canalisation permet aux résidents d’y balancer directement leurs ordures. Enfin, presque directement : le gros tuyau fait un coude et un regard permet une intervention en cas de bouchon. Pour ne pas dire à prix d’or, j’ai pu effectuer un prélèvement sur les parois. J’ai examiné les échantillons dans mon laboratoire secret sous le jardin. Je m’y suis enfermé toute une nuit, au grand dam d’Yvonne, mais j’ai fini par trouver des traces de sang humain. Ç’aurait pu provenir de tampons hygiéniques, et je dois avoir une certitude absolue. Je ne peux pas faire d’analyse ADN, n’ayant pas le matériel adéquat, mais je pense avoir mieux.


    Je me suis toujours efforcé de tenir Yvonne et Dany hors de mes « affaires », mais c’est un cas de force majeur. J’ai surpris ma belle fleuriste en train de préparer le petit déjeuner. Elle ne m’en a pas voulu d’avoir dormi dans un grand lit vide. Je lui ai donné l’échantillon taché de sang. Elle a fermé les yeux… puis les a écarquillé d’horreur : elle a eu une vision d’horrible boucherie. Elle tremble de tout son corps et des larmes perlent sur son visage. Je me sens coupable et je la prends doucement dans mes bras, essayant de la réconforter. Mais il faut continuer, je lui présente la photo des trois disparues. Elle me désigne d’un doigt toujours tremblant une jeune blonde aussi belle qu’un cœur. J’ai ma confirmation, mais par contre, il n’y a là rien de légalement tangible pour la police. J’emmène Yvonne s’asseoir au salon, puis je vais terminer la préparation du petit-déjeuner ; pourvu que sa vision ne lui ait pas coupé l’appétit. Enfin j’appelle Dany.


    Je valide le contrat. On sait dans le Milieu qu’il me faut un petit délai pour effectuer mon habituel enquête et on ne s’en offusque pas. Je me prépare : le costume anonyme du comptable George Kulas, des lentilles de contact et de grosses lunettes d’écaille. J’ai d’ailleurs mis la dernière main aux deux comptabilités de Cal et je vais donc le voir à son bureau. Je connais le caractère don juanesque de mon malfrat en col blanc et j’ai déjà visité son penthouse – sans y être invité, bien sûr – et j’ai remarqué son fabuleux tapis dont je me suis douté de l’utilisation.


    Il me faut maintenant me faire inviter en aiguillant la conversation sur le draguage des filles. Je n’ai pas eu à intervenir, ce dragueur de Cal a mis lui-même le sujet sur le tapis (!). Je n’en espérais pas tant, et il m’a emmené chez lui.


    Renverser un peu de liqueur sur son beau tapis n’a pas été difficile… jouer la comédie non plus. Calvin O’Miel n’aura pas l’occasion de vérifier si j’ai un diplôme d’ingénieur chimiste ou non et il a parfaitement suivi mon conseil pour détacher son malheureux tapis persan. Le tétrachlorure de carbone et un gars imbibé d’alcool ne font vraiment pas bon ménage. Cette fois-ci, Klotz a gagné son salaire sans toucher à une arme. Ah si, peut-être : du Baileys.

     

     

    Fin

     

     

    RAHAR

     

     

    62005-Laboratoire-de-Chimie

     

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Mardi 22 Novembre 2011 à 10:23
    jill-bill.over-blog.

    Bonjour vous deux ! Oh oh malin malin et ce Cal un Landru.... oups suis contente qu'il ne soit plus !!!  Grosse galère sur OB, répondre aux coms difficile pour moi, plus de news non plus... Accéder à mon administration par un détour su google, bref j'espère que demain pour la cour de récré ça ira... Bizzzz Lena, merci Rahar ! 

    2
    Mardi 22 Novembre 2011 à 21:54
    Marie-Louve

    L'art de se Cal 'ler sous le tapis avec le baileys irlandais ! Il le méritait bien ce don juan de bas étage malgré son penthouse ! Bravo à notre héros Klotz. :-))) Bzzz à Léna et à Rahar aussi.

    3
    Mardi 22 Novembre 2011 à 21:57
    Marie-Louve

    L'art de se Cal 'ler sous le tapis avec le baileys irlandais ! Il le méritait bien ce don juan de bas étage malgré son penthouse ! Bravo à notre héros Klotz. :-))) Bizzz à Léna et à Rahar aussi.

    4
    Mercredi 23 Novembre 2011 à 10:13
    Monelle

    Je croyais qu'il n'y avait  qu'un seul Landru !!! Quelle imagination Rahar ! bravo !

    J'attend la prochaine histoire avec impatience !

    Bonne journée - bisous

     

    5
    Mercredi 23 Novembre 2011 à 11:01
    Lenaïg

    Salut Rahar ! Mona indique sur facebook qu'elle a tout lu et aimé, mais n'a pas eu la main ici, non plus, pour déposer un commentaire. Je connais le nombre de lecteurs, Rahar, je vais te le communiquer ! De quoi être content ! Merci encore, bizzz !

    6
    Vendredi 25 Novembre 2011 à 18:42
    Lenaïg Boudig

    Rahar, le Plumart a aimé ton histoire ! Comme tu ne viens pas sur facebook, tu ne peux pas le voir !

    7
    Mona l
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:39
    Mona															l

    Hé bien , on a la clef du mystère! Génial, Rahar! bisou !

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