NB : Prière de lire ce texte sous le signe de l’humour. Une Tour d’idées folles sans plus.

Petite annonce classée

Prière au grand public : cherche ange gardien sérieux pour Sabine

Ce jour d’hui, Mère Chagrin, moi-même, eut une migraine infernale. Elle a du retard et doit préparer ses valises pour son voyage-vacances bien méritées après avoir produit à la chaîne des hosties gros format toute l’année durant en trimant au bord des fours chauffés aux charbons ardents. Mère Sainte-Carabosse, sa supérieure,  exige que je traîne un chaperon, cette vieille novice ronchonneuse qui me tape sur les nerfs dès les matines sonnées. Je n’ai pas le  choix. Je la roulerais dans mes bagages dès la porte du couvent passée si Dieu me pardonnait. Sabine Allaire-Duperron c’est son nom. Quelqu’un voudrait m’en débarrasser, la garder pour un mois et si possible la détourner à jamais de sa vocation pendant que je visiterai  Issy-les-Moulineaux et la Tour aux figures Dubuffet ? Je vous paierai rubis sur l’ongle. J’ai quelques économies chèrement acquises sous la table en vendant au boulanger de la paroisse de la farine blanche, fine poudre tamisée avant sa bénédiction. Celui-ci fabrique ses propres retailles pour les vendre aux enfants qui jouent à la messe en s’inventant des pièces de théâtre.

Comment faire pour enfin réaliser mon rêve de solitude : visiter en paix la Tour aux Figures, celle-là même qui fut créée au sein du cycle de l'Hourloupe, monde utopique imaginé par Jean Dubuffet, la Tour aux figures est conçue comme une architecture vivante. A l'extérieur comme à l'intérieur le spectateur y découvre des figures qui, aussitôt formées, sont remplacées par d'autres. Ainsi, la Tour aux figures est-elle une sorte d'image tangible, bâtie, de nos pensées et de nos rêves…Du moins, c’est ce que Mère Chagrin a lu en cherchant sa destination pour son escapade estivale. Voir les charmes bucoliques, flâner devant la Tour, racoler du regard tous ces espaces et ces vacanciers déambulant dans le parc des Princes de Conti, visiter les nombreuses congrégations, mais surtout, les vignobles de grandes renommés pour y tremper mes lèvres roses, empourprées de désir. La piquette de la sacristie ne sait éteindre ma soif ni mon bon goût.

En secret, j’ai feuilleté le Guide touristique des Issy-les Moulineauxois, je dis ainsi en appliquant la règle, car j’ignore comment les nommer autrement. Aucune importance. Le seul citoyen de cette commune que je souhaite rencontrer en organisant le hasard de mon itinéraire sera le jeune et bel abbé Gabriel. Il œuvre à l’église Notre Dame des Pauvres. Je l’ai aperçu au  bulletin d’information télévisé la veille de la Saint Sylvestre. Ce soir-là, Mère Sainte-Carabosse alitée par une forte fièvre, m’avait donné ordre de faire la tournée du couvent à sa place afin d’éteindre tous les feux dans les cheminées ainsi que tous les lampions par mesure de sécurité. La nuit, nous dormons sous d’épaisses couettes, les feux sont inutiles et faire ainsi évite la ruine de nos énergies qui voleraient en fumée. Or donc, ce soir-là, j’ai péché en écoutant les nouvelles sur le seul poste de télévision disponible au couvent et réservé uniquement à Mère Sainte-Carabosse au cas où une guerre mondiale serait déclarée et que l’on doive en être informées pour notre bienfait. Je n’ai jamais osé confesser ma curiosité de peur d’être changée en statue de sel. Amère conséquence pour si peu. Je porte le fardeau de ma culpabilité et je survis dans la légèreté de ma foi qui m’enseigne que dans sa bonté, Dieu pardonne à tous, même aux infâmes.  

Je reviens à mon désir de revoir ce bel homme nommé à la mémoire du mystérieux Archange mythique.

« Entre ses yeux se trouve le Soleil car ses cheveux sont composés de toutes les étoiles que nous observons.

Chaque jour que Dieu fait, Gabriel plonge 365 fois dans la Mer de Lumière afin que chaque goutte d'eau qui dévale de ses ailes puisse créer un nouvel Ange gardien ». Citation : Nuruddin Ar’Raniri.

J’irai à sa porte d’église armée d’un vuvuzela s’il le faut, je tapagerai nuit et jour pour qu’enfin, il apparaisse en chair et en os sous mes yeux débordant du chagrin d’amour puisé à ses cheveux étoilés, son auréole cerclé de soleil. À ses genoux, je déposerai un bouquet d’idées cueilli sur l’esplanade de l’Hôtel de ville, Jazz au cœur et guitare à L’Âme, nous danserons ensemble à Issy-les-Moulineaux. Mon rêve.

Marie Louve

Illustrations :

- "Soeur" (image provenant de la collection perso de Marie-Louve).

- La Tour aux figures,

Jean Dubuffet (Issy les Moulineaux).