• La mer et les hommes, pour le jeudi en poésie de Hauteclaire

    Herbe d'or 3 edited

     

      

    La mer, les océans recouvrent tant d'espace sur notre planète que la Terre est surnommée la planète bleue (plus de 70 % de sa surface !). De l'espace, on la voit donc bleue, oui, comme Mars nous apparaît rouge. Des légendes de la mer pour le jeudi poétique de Hauteclaire, nous en avons l'embarras du choix, ou plutôt la joie de choisir !

     

    Léviathan - www.multimedia.fnac.comLa mer et ses caprices, son calme plat qui fait stagner les voiliers, ses brises porteuses qui font filer, ses tempêtes, ses lames de fond, ses dauphins, ses baleines, ses pieuvres géantes (comme celle qui fait face au Nautilus de Jules Verne dans Vingt mille lieues sous les mers) et ses monstres issus de notre imagination (ou pas ...) : le léviathan, monstre marin biblique, capable d'anéantir la terre et d'avaler les âmes, ou alors les êtres féériques de Abyss (film de science-fiction écrit et réalisé par James Cameron, sorti en 1989), sans oublier :

     

    Les sirènes et leurs chants, dans l'Odyssée !

    Monstres de la mer avec tête et poitrine de femme, le reste du corps étant celui d'un oiseau ou suivant des légendes nordiques d'un poisson. Elles séduisaient les navigateurs par la beauté de leur visage et la mélodie de leurs chants, puis les entraînaient dans la mer pour s'en repaître.

    Ulysse dut se faire attacher au mât de son bateau pour ne pas céder à la séduction de leur appel. Elles étaient redoutables et malfaisantes.

    http://elwind1.free.fr/new/creatures.htm

     

    abyss4A-t-on fait passer en poésie le Triangle des Bermudes, cette surface de l'Océan Atlantique où bateaux petits et grands, avions qui la survolaient, ont disparu sans laisser de trace ? Ce n'est pas sûr que ce triangle ait été mis en vers, mais en films fantastiques, en romans et en chanson ("Allo Papa Tango Charlie" de Mort Schumann) ... On sait aussi que les disparus en mer, marins, pêcheurs, navigateurs ne "meurent" pas tant que leurs corps n'ont pas été retrouvés ...

     

    Pas de vrais poèmes, pas de vers sur cette page, mais des extraits de romans où la mer révèle sa toute puissance face aux minuscules humains, où la mer nous entraîne jusqu'au bord du fantastique et il s'en faut de peu pour qu'elle ne nous happe pour nous plonger dedans. La poésie, pour moi, est bien présente, dans la vision des écrivains et celles de leurs personnages. On va assister à la chasse à la baleine chez Moby Dick, dans une atmosphère de fureur et d'épouvante et un éclairage religieux, puis chez Hemingway suivre les pensées bien terrestres d'un vieux pêcheur (si on peut qualifier ainsi les motivations d'un héros de condition modeste qui croit en l'homme mais pas en un dieu et se confronte à son poisson en l'appelant "camarade" comme s'il faisait la révolution !).

     

     

    Quand j'ai ouvert pour la première fois le roman de Pierre Jakez Hélias, 

    L'Herbe d'or, je me suis sentie embarquée moi aussi, emportée par son souffle épique et poétique, j'ai dû le dévorer presque d'une traite. La mer s'offre dedans sous tous les aspects que j'ai évoqués plus haut.

    Le sujet du roman : voir la quatrième de couverture en photo. On fait d'abord connaissance du vieux Nonna sur le port, qui prend la mesure du désastre dans le monde humain, puis chez les oiseaux. Il s'inquiète ensuite pour le téméraire équipage et son patron Pierre Goazcoz qui ont pris la mer juste avant la catastrophe et dont on n'a plus de nouvelles.

    Le dernier extrait est un soliloque d'un des hommes de L'Herbe d'or, destiné à un autre homme de l'équipage, qui l'entend mais ils ne se parlent pas. Ils sont vivants à ce moment-là, mais je ne dévoilerai pas le dénouement les concernant. Reviendront-ils au port et, surtout, tous les cinq ?

    ***

     

     

    "Envoûtés, ils fixent la baleine, ils la regardent balancer de droite et de gauche son front, porteur du destin et contemplent le vaste demi-cercle d'écume que son élan soulève devant elle. Elle est la vision même du Jugement dernier, de la vengeance immédiate, de l'éternelle malice devant l'impuissance humaine. "

    Herman Melville, Moby Dick.  

    http://www.evene.fr/livres/livre/herman-melville-moby-dick-4047.php?citations

    ***

       

     

    "Tu veux ma mort, poisson, pensa le vieux. C'est ton droit. Camarade, je n'ai jamais rien vu de plus grand, ni de plus noble, ni de plus calme, ni de plus beau que toi. Allez, vas-y, tue-moi. Ça m'est égal lequel de nous deux qui tue l'autre. Qu'est-ce que je raconte ? pensa-t-il. Voilà que je déraille. Faut garder la tête froide. Garde la tête froide et endure ton mal comme un homme, ou comme un poisson."

    Ernest Hemingway, Le vieux homme et la mer.  

    http://livres.fluctuat.net/ernest-hemingway/livres/le-vieil-homme-et-la-mer/extraits.html

    ***

     

     

     Herbe d'or, Pierre Jakez Hélia edited

     

     

    Ce qu'il y avait de jour était levé depuis longtemps quand il rentra chez lui à travers un bout de lande dont les ajoncs étaient coiffés de filets déchirés. Il n'en pouvait plus. Sa maison était à peu près au sec, remplie d'enfants que sa sœur réconfortait de son mieux devant le feu avec des paroles d'apaisement et des boissons chaudes. Les uns pleuraient silencieusement, les autres hoquetaient, les yeux secs, graines de pêcheurs. Nonna se sécha comme il put, changea de vêtements. Il tira du buffet la bouteille de rhum achetée pour les fêtes du bout de l'an. Un grog bien nourri lui ragaillardit le corps, mais la tête et le cœur demeuraient navrés. Qu'était-il advenu de Pierre Goazcoz et de ses quatre compagnons d'aventure ? Têtes de pieux tous les cinq.

    Phare du Créac'h à Ouessant - www.breizh-passion.comVers midi, on vit arriver à la rescousse les paysans. Les pauvres étaient pieds nus., leurs pantalons de panne retroussés jusqu'aux genoux. Les plus riches avaient attelé leur meilleur cheval à leur charrette anglaise des dimanches et chargé dedans autant de monde qu'ils pouvaient. D'autres avaient pensé au pain et à l'eau-de-vie de cidre. Quelques voitures automobiles, conduites par des bourgeois à lunettes et manteaux à longs poils s'étaient avancés en toussotant jusqu'aux limites de l'inondation. Mais tous ces gens n'osaient pas aller jusqu'à la côte. On les sentait inquiets. Pas seulement à cause des rouleaux qui gonflaient toujours à quelques centaines de mètres avant de s'écraser à grand bruit dans un jaillissement d'écume. Ils savaient qu'ils seraient gênés devant le regard bleu des pêcheurs, un regard lointain qui dirait de-quoi-vous-mêlez-vous ? Ils étaient cousins, sans doute, mais si ce cousinage, quand tout allait bien, leur permettait d'échanger sans offense des sarcasmes familiaux et des moqueries traditionnelles, il n'était pas question pour les uns de plaindre les autres dans l'épreuve. Alors, aujourd'hui, on gardait ses distances. Et puis il y avait les notables, les fonctionnaires, les gens en charge, les élus, qui venaient se rendre compte et calculer les interventions nécessaires. Quelques curieux aussi, mais honteux et débordant de bonne volonté.

    …/

     

    Des oiseaux. Nonna n'avait pas pensé à eux parce qu'il n'en avait pas vu un seul dans la tourmente. Ils avaient dû remonter dans les terres ou alors ils volaient très haut. Avaient-ils pu s'échapper à temps ? Le vieux pressa le pas vers le phare qui vissait toujours son double rayon dans la crasse. Quand il fut arrivé au pied de la tour, il sentit sous ses sabots les petits cadavres emplumés. Il se baissa pour les tâter. Il reconnut des gravelots, des chevaliers-aboyeurs comme il en ramassait autour du phare du Créac'h, à Ouessant, les lendemains de tempête.

    (Pages 28 et 29).

    *** 

     

    _ J'ai vu ta figure et tes mains quand les vents viraient pour se caler dans les mauvais trous, quand la mer commençait à lever comme une pâte énorme. Tes mains tremblaient sur la barre, mais ce n'était pas de peur. Seulement de fièvre et d'attente. Et ta figure devenait toute claire, tellement ton sourire crevait de joie. Une joie qui me mettait mal à l'aise, en vérité. Et tes yeux ! Tes yeux te trahissaient encore plus que le reste. Ils avaient l'éclat du triomphe. De quoi triomphaient-ils, c'est-ce que je ne sais pas bien. De ce démon d'océan, peut-être, qui mobilisait toutes ses forces pour t'engloutir sans y arriver jamais. Tu ne l'aimes pas plus que nous, hein ! Mais nous, tout ce que nous faisons, c'est de nous défendre contre lui alors que toi, tu l'attaques, tu lui cherches vraiment querelle, tu voudrais le mater, si bien qu'il n'en resterait qu'une marre à grenouilles, tu regrettes qu'il ne soit pas un monstre à quatre pattes que tu pourrais enchaîner, humilier, jeter dans une crèche à cochons avec un fil de fer dans le groin. Tu deviens enragé quand il se fâche de telle manière que tu te crois défié par lui parce qu'il t'en veut personnellement. Mais c'est une folie que je ne partage pas. Elle plaît aux autres aussi, je crois. Voilà ce que je pense et excuse-moi si j'ai rêvé debout.

    (Page 62).

    *** 

     

    Sélection de Lenaïg, suivant la consigne de Hauteclaire, de son blog Des mots et merveilles :

    http://hauteclaire.over-blog.com/article-al-abordage-defi-n-44-a-la-veillee-60838276.html 

     

     

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 9 Décembre 2010 à 14:29
    rouergat

    Merci LenaÏg pour cette énorme compilation d'extrait de livre à la gloire de la mer

    Amicalement

     

    2
    Jeudi 9 Décembre 2010 à 16:42
    jill-bill.over-blog.

    Bonsoir Lenaïg, je retrouve mes histoires préférées dans le style marin...  Le Nautilus de Verne un régal... et les autres et les autres...  Merci Lena tu as mis le paquet !!!!   Bonne lecture ce soir...  Bizzzzzzz de jill    

    3
    Jeudi 9 Décembre 2010 à 17:17
    le-panier-a-histoire

    Bonjour et merci pour ce choix magnifique! Vite, vite, je vais lire "L'herbe d'or" que je n'ai jamais lu. "Le vieil homme et la mer, c'était en août dernier et j'y ai compris évidemment des choses qui m'avaient échappé à 15 ans. Quel bonheur que cette littérature sur la mer et les gens de mer!

    4
    Jeudi 9 Décembre 2010 à 19:53
    marie-louve

    Wow ! Nous voilà devant une collection littéraire vraiment médusante. Tu nous places devant cette mer de littérature dans laquelle nous ne pouvons résister à l'envie d'y plonger. Magnifique tableau que tu nous offres et je t'en remercie. Bonne soirée. Bizs.

    5
    Jeudi 9 Décembre 2010 à 22:48
    Tricôtine

    faut pas lancer les défis sur la mer à Lénaïg !!  en bonne recrue marine tu nous fait un défilé sur le pont de la coquille !  j'ai lu un bouquin de P Jakez Helias, je crois  le cheval d'orgueil et un autre..pfff ma mémoire se délite néon a des fuites !! merci Léna pour cette documentation digne d'une encyclopédie !! gros bizzzoux !  et bravo pour la lipo chez Mister Ô avec trois versions on a été gâtés en rebondissements !!

    6
    Vendredi 10 Décembre 2010 à 00:45
    ADAMANTE

    J'aime beaucoup PJH, "l'herbe d'or", cela me donne envie de le relire. Cordialement

    7
    Vendredi 10 Décembre 2010 à 09:18
    Monelle

    Pas de poème, sans doute, mais un large éventail d'oeuvres dans lequel je vais pouvoir puiser ! merci à toi ! Bisous

    8
    Mona l
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:50
    Mona															l

    Magnifique! J'en reste émue et éblouie, en amoureuse de l'océan comme de la forêt tout aussi enchantée de huelgoat...

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