• La maison dans les bois - 3/4 - RAHAR

     

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    Par acquis de conscience, je fis deux fois le tour du grenier. Je n’avais rien trouvé d’insolite. Je n’avais jamais été confrontée au paranormal, je n’avais prêté qu’une oreille distraite aux anecdotes sensationnelles de seconde ou de troisième main, et je ne m’en étais jamais souciée. J’analysais mes sentiments. Je ne croyais pas encore vraiment à une manifestation paranormale. J’avais à la fois de l’appréhension – le village était à un kilomètre – et de la frustration en ne pouvant trouver d’explication satisfaisante à la situation présente. L’intrus s’était-il éclipsé en grimpant sur le toit en entendant l’échelle descendre ? Le vasistas était fermé. Malgré ma taille, il me fallait un escabeau pour l’atteindre. L’intrus devait être particulièrement grand. Je plaçai le mannequin de plastique sous la verrière ; l’intrus le ferait tomber s’il essayait de redescendre… Enfin, s’il y avait vraiment un intrus.

     

    oeuf-casse-superstition.jpgLa nuit s’était achevée sans autre incident. J’avais posé le Derringer sur la table de chevet, à ma portée. On ne savait jamais. Au matin, j’eus la surprise de voir la porte de ma chambre grande ouverte. Je me rappelais très bien l’avoir fermée en rejoignant mon lit. Serais-je devenue somnambule ? Un besoin pressant m’avait-il conduit au petit coin dans un demi-sommeil ? Mon début de bonne humeur avait commencé à s’évanouir. C’était dans une inquiétude sourde en arrière-plan que je m’étais mise au boulot. Les phrases ne se formaient pas de façon aussi fluide que je le voulais à l’écran. Pour la première fois, je cherchais mes mots. Frustrée, j’abandonnai prématurément mon ordinateur et descendis à la cuisine, cherchant une recette assez compliquée pour m’occuper jusqu’à midi.

     

    imgtransform.php.pngAlors que j’étais en train de casser des œufs, le téléphone sonna. J’avais rompu avec mes anciennes amies, et d’ailleurs, personne n’avait mon numéro. À moins que ce ne fût l’un quelconque de mes fournisseurs. Je décrochai. Je n’entendis d’abord qu’un bruit de friture, puis le silence. Personne ne répondait à mes « allo » de plus en plus énervés. Je raccrochai perturbée ; quelque plaisantin sans doute. Je revins à ma popote.

     

    J’éminçais les oignons, quand un bruit de bille dévalant l’escalier me fit sursauter et lâcher un pet sonore – une réaction nerveuse –. Je me précipitai hors de la cuisine. Je vis un petit caillou rond au pied de l’escalier. Instinctivement, je regardai vers la fenêtre en face. Le treillis anti-moustique était en place et était intact. Ce n’était donc pas le tir d’un quelconque garnement. Mais d’où venait donc ce caillou ? Une idée pour le moins dérangeante commença à s’insinuer dans mon esprit. La maison serait-elle hantée ? Pourquoi maintenant ? Je ne suis pas de nature peureuse, mais je suis du genre circonspect. Tant que les manifestations restaient bénignes, je pouvais les ignorer et vaquer normalement à mes occupations.

     

    oldphone.gifPlusieurs jours passèrent et je m’étais habituée à entendre des pas au grenier. Mon roman avançait bien et j’étais satisfaite. Un matin, je fus surprise – et dégoûtée – en voyant des traces de pas boueuses dans ma chambre. À l’évidence, un intrus était entré dans la maison. Affolée, je m’étais précipitée en bas. La porte d’entrée était fermée et verrouillée ; les trois serrures de sûreté étaient enclenchées. Les volets des fenêtres, en bois relativement dur, étaient clos. Je revins à l’étage. Les fenêtres n’étaient obturées que par des plaques de treillis anti-moustique, mais celles-ci étaient toutes intactes. Et d’ailleurs, il n’y avait pas de balcon qu’on pût escalader. Comment avait-on donc pu s’introduire dans la maison à mon insu ? Les fournisseurs ne venaient que le matin ; quand je sortais pour ma promenade, je prenais soin de tout verrouiller, on ne savait jamais. Il était très loin le temps où verrouiller une porte était signe de mauvaise éducation et de caractère asocial.

     

    Alors, d’où venaient ces traces de pas ? Il n’avait pas plu depuis plusieurs jours et jamais je ne serais allée dehors pieds nus, encore moins dans la boue. Je n’avais rien contre les bains de boue, mais uniquement dans un centre spécialisé. Un fantôme qui faisait quelques bruits, cela pouvait passer, mais un revenant salissant, qui matait les gens endormis, c’en était trop. Ce qui m’énervait était de devoir nettoyer toute cette boue dégoûtante. Ce serait galère si cela se reproduisait souvent. Et ce qui m’inquiétait était qu’il ne se contenterait peut-être plus de me contempler dormir. J’avais entendu dire que les cheveux brûlés pouvaient dégoûter les spectres. J’avais l’intention d’en faire cramer avant de dormir, j’espérais que ma brosse et mon peigne en fourniraient assez.

     

    20130219085550.jpgLa journée passa dans l’énervement, avec le bruit de pas aléatoire du grenier et les cailloux qui dégringolaient de temps en temps l’escalier. Quoique je me fusse efforcée de rester indifférente, cela devenait agaçant à la longue et avait fini par me déconcentrer. J’en arrivai à abandonner mon roman et allait prendre l’air. Cet importun ne perdait rien pour attendre, vivement la nuit.

     

    Le fantôme avait peut-être eu une prémonition de mon projet, il s’était déchaîné à mon retour. Le téléphone sonna. Je n’entendis que la friture, et puis le silence, un silence menaçant. Je déconnectai l’appareil ; d’ailleurs, je n’avais personne à appeler, je n’avais qu’à le rebrancher quand j’aurais besoin d’un fournisseur… et de mon éditeur.

    J’essayais de me concentrer sur la trame de mon histoire, quand l’extension du téléphone sur mon bureau sonna. Mais c’était dingue ! J’avais débranché le poste principal, ce truc n’aurait pas dû sonner. Évidemment, c’était le même refrain ; friture et silence. Si j’avais encore des doutes sur le caractère paranormal du phénomène, me voilà fixée maintenant.

     

    J’avais dû déployer un trésor de patience pour parvenir saine d’esprit jusqu’au soir, entre les bruits de pas, les cailloux dans l’escalier et la sonnerie du téléphone au combiné décroché. J’avais amassé assez de cheveux à brûler sans m’en sacrifier une mèche et j’avais dégoté une petite coupelle métallique. C’était avec soulagement que j’entendis la pendule sonner les 23 heures. Les pas au grenier étaient devenus plus lourds, la porte de ma chambre se ferma en claquant. Le bougre était énervé, il se doutait certainement que je préparais quelque chose de pas vraiment catholique.

    J’ouvris la porte, afin que les émanations se dispersassent à travers toute la maison. Je revenais vers la table, quand la porte claqua. Exaspérée, je retournais la fermer. En m’éloignant, encore rebelote. Alors je criai : « assez ! ». Je n’y croyais pas moi-même : ça avait cessé. Je m’empressai de brûler les cheveux.

     

    11063222714.gifUne odeur écoeurante de corne brûlée empesta la chambre. La porte claqua bruyamment et des pas précipités se firent entendre au grenier. Je laissai les cheveux se consumer et j’allai ouvrir la porte. Chiottes ! elle refusait de s’ouvrir. Je n’étais pas une mauviette, mais tous mes efforts restèrent vains. Puisque je croyais maintenant au paranormal, je me doutais que c’était ce maudit esprit qui bloquait la sortie. Il espérait peut-être empêcher ainsi que les émanations envahissent la maison ; néanmoins, la porte n’était pas hermétique et l’esprit serait peu à peu repoussé. Pas à dire, le procédé semblait marcher… Enfin, j’aurais au moins une nuit sans problème et je ne me réveillerais pas avec de la boue sur le plancher.

     

    A suivre

     

    RAHAR

     

    Illustrations :

    • traces de pas fr.123rf
    • oeufs cassés paranormal-info.fr
    • mpadeco.com360 × 328 - Panneau Bomb Danger chute de pierres
    • oldphone.gif sevenoaksart.co.uk
    • moustiquaire sur fenêtre store-chambery.com
    • coupelle de feu Fallen Angel, Julie sur canalblog : clic !

    Lenaïg

     

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