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La lettre de Mélisande - Lenaïg, pour le défi n° 72 de Fanfan
Cher Antonin,
Pourvu que vous lisiez ma lettre jusqu'au bout, que vous ne la froissiez pas pour la jeter quand vous découvrirez qui est celle qui tient la plume. Telle est ma prière : au moins lisez-moi, comprenez que je n'ai jamais pu vous oublier.
Pour moi, comme pour vous, le temps s'enfuit. Je ne crois pas que vous ignoriez le décès de mon mari, il y a quatre ans, dans un accident de chasse, une chute de cheval due à une branche malencontreuse lors de la poursuite d'un sanglier et je sais, de mon côté, que cela fait un an que vous êtes veuf. Je n'ai pas la décence d'attendre plus.
Je veux faire disparaître les malentendus, laisser parler mon coeur -ce que je ne me suis jamais accordé jusqu'à présent-, ne plus couvrir mes vrais sentiments sous un air d'indifférence et mon sens du devoir. Mon défunt mari vous a congédié dans des circonstances brutales et houleuses dont je ne connais pas les tenants et les aboutissants ; officiellement, il désapprouvait votre façon de gérer le domaine, mais, en fait, il avait remarqué notre tendre complicité, pourtant restée très pudique ; sa jalousie était terrible, même s'il me trompait allègrement sans se préoccuper de savoir si j'avais des soupçons ou pas.
L'amour entre mon mari et moi était mort depuis longtemps mais il fallait sauver les apparences et, en ce qui me concerne, je suis restée pour mes enfants. Ils se sont tous envolés du nid à présent. Rien ne me serait plus cher que de vous voir à nouveau venir allumer ce bon feu dans la cheminée du salon, comme vous ne manquiez pas de le faire. Je n'ai jamais demandé au nouveau régisseur de le faire à votre place et les flambées que je m'essaie à obtenir n'ont pas la chaleur des vôtres !
Et mon aîné dirige l'exploitation ; il pense abandonner la culture du blé pour se consacrer à l'élevage des chevaux. Il me consulte encore poliment sur les décisions à prendre mais je le devine plein d'assurance et m'en réjouis. Son mariage est prévu pour le début de l'été, je me sens dans l'obligation de rester pour les préparatifs des festivités.
Pourtant, après, je compte m'éclipser : j'ai acheté un petit appartement en ville en secret. Tant pis si mon départ du domaine est considéré comme une désertion, j'ai assez donné ! Je veux changer de paysage, me sentir enfin vivante. Est-ce être fleur bleue que de rêver que quelqu'un puisse encore m'offrir une rose rouge ? Me sortir de l'ombre ?
Antonin, le vendredi après-midi j'ai pour habitude de me rendre en ville à pied, accompagnée de mon chien. Après un passage à la bibliothèque -mon labrador m'attend sagement assis dehors-, nous allons tous deux profiter du confort de la Grande Brasserie, dans le calme retrouvé qui suit l'agitation du déjeuner des gens pressés.
J'en profite pour y écrire mes poèmes. J'y suis aujourd'hui et c'est à vous que j'écris ! Oserai-je caresser l'espoir de vous y voir, vendredi prochain ou un autre vendredi qui vient ? Vous ne connaissez pas encore Pelléas, mon labrador, mais je souris, confiante que vous feriez deux bons amis.
Sur cette agréable vision, je vous quitte en vous exprimant mes tendres pensées.
Bien à vous,
Mélisande
Lenaïg
Sur les mots imposés du joli défi de Fanfan, ceux de la chanson Ne me quitte pas de Jacques Brel.
Illustration :
Tableau de Matisse.
Tags : rester, moi, mari, vendredi, veux
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Commentaires
Coucou Lenaïg... Une Mélisandre qui prend l'initiative d'une suite amoureuse avec Antonin ! Ils sont libres l'un et l'autre, où est le mal, nul part ! Bonne chance madame ! Un bel écrit Lena... Bisous de jill
la sage Mélisande a attendu son heure pour déclarer sa flamme à son régisseur!
Je suis persuadée qu'il sera au rendez-vous car il n'y a plus d'obstacles à leur amour !! Très jolie lettre !
Merci
Mais...Y a-t-il une cheminée dans le joli petit appartement?...
Sans nul doute, Antonin va accourir, je le souhaite à Mélisande pour 2012!
Bonsoir Lénaïg,
une vraie lettre d'amoureuse que Mélisande à écrit au travers de ta plume. Pleine de douceur, de retenue et de sentiments ... Nul doute qu'Antonin saura y répondre comme il se doit, et que cette première rencontre à la grande brasserie sera un vrai début.
Bisous Lénaïg, merci pour ce moment de romantisme
Ah, ces femmes qui se consumaient la vie entière auprès d'un détestable époux! Leur désir contenu, leurs soupirs ajoutaient à leur charme et quand elles écrivaient des lettres comme celle que tu nous offres, nul doute, elles étaient entendues. Antonin se posera à la Grande Brasserie dès vendredi prochain, j'en mets ma main au feu! Bises, Mireille
Une véritable lettre d'amour romanesque et tout ... j'ai beaucoup aimé Lenaïg on devine une saga familiale, un roman derrière tes lignes.... bravo !! Bizzzoux
Une lettre très 19ème siécle, pleine de passion retenue... ah! la mésalliance, l'interdit, quels freins à l'amour ! Mais là, madame laisse enfin libre cours à ses sentiments. saura-t-il les entendre?
Quelles belles références pour une lettre magnifique et pleine de confiance en la vie plus forte que tout. Une description aussi de ce qu'était bien souvent la vie des épouses, obligatoirement soumises et fidèles de maris qui avaient tous les droits.
En 2012, il ne serait certes pas très prudent d'attendre la fin du veuvage, temps juridique et social dont bien peu connaissent l'existence. Les veufs, en effet semblent assez peu s'accomoder très longtemps de la solitude ...
Mais qui pourrait résister à une lettre aussi tendre et pudique, rappelant de si délicats souvenirs ?
bises et belle fin de journée
Quel régal !!!!!!
c'est écrit d'une telle façon ! incomparable.
tu as vraiment du talent.
J'ai lu d'une traite .. avec délice.
La dame voulait mais ne pouvait...
voudrait bien ... "appels de phares"qui ne resteront certainement pas vains...
;)
bravo !:
christelle
Ah les histoires de garde chasse ... qui font du feu dans la cheminée ! en attendant le retour du mari volage.. Elle a bien eu de la constance cette Mélisande, c'est une femme honnête..
Trés belle histoire qui pourrait être vraie.
Amitiés de Jeanne
Romantique, sans doute, mais c'est une femme énergique et qui sait ce qu'elle veut ! Le bel Antonin devrait réfléchir à deux fois s'il ne veut pas se faire mener par le bout du nez !
19DI leVendredi 6 Juillet 2012 à 08:37Vu la complicité silencieuse du temps du vivant du mari entre Mélisande et Antonin, cette invitation ne peut que toucher Antonin. Il sera là en arrivant au galop sur un cheval blanc. Leur amour sera beau puisqu'il est là depuis longtemps en secret.
20Colette SévaVendredi 6 Juillet 2012 à 08:37Je souhaite de tout coeur qu'Antonin réponde à l'amour de Mélisande mais peut-être a-t-il trouvé d'autres bras pour se consoler...
21Mona lVendredi 6 Juillet 2012 à 08:37Eh bien comment a-t-elle pu attendre? Les enfants sont malheureux dans un couple qui ne s'aime pas et son amoureux transi, déçu a pu tourner la page et chercher des bras plus accueillants! Si son mari la trompait elle pouvait en faire autant sans le moindre scrupule, non? Elle trompait bien son amoureux en restant avec son époux! Drôle de manière d'agir en 2012!
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Quelle jolie lettre, j'espère que Saturnin répondra favorablement à la quête de Melisande !
Bon début de semaine - gros bisous