Déploiement tout azimut des forces de l'ordre dans Paris en ce samedi ! Dans le quartier de la Défense, les indignés français tiennent bon, malgré l'arrachage de leurs tentes, un noyau dur reste sur le parvis après y avoir passé la nuit et la journée, encadré par les CRS. Les indignés français ont choisi de camper à la Défense parce que le quartier incarne le symbole des excès financiers et boursiers. Entre la République et la Bastille, une manifestation contre les violences faites aux femmes s'est déroulée, certainement bien encadrée elle aussi (dans les rues adjacentes) par les CRS. Je n'étais ni à l'un ni à l'autre endroit, je ne peux que déplorer mon manque de combativité, de courage pour me rendre moi aussi sur place et faire valoir ma propre indignation.

ET, oh surprise, dans mon propre quartier ! Ma résidence se trouve encore à l'heure actuelle cernée ! Toujours par les CRS, en cantonnement avec d'impressionnants moyens, dans les deux rues entre lesquelles s'étend ma résidence .... C'est que la pièce de théâtre intitulée Sous le concept du visage du fils de Dieu, de Romeo Castelluci, se donne maintenant  au Centre culturel Le Cent quatre, à deux pas de chez moi. Même les grilles de la résidence étaient gardées !

Je me suis demandée d'abord ce qui se passait, en constatant l'installation des CRS et je suis sortie voir. J'en ai conclu qu'une manif devait avoir lieu non loin et que les forces de l'ordre étaient juste en train de s'aligner là on pouvait le mieux se garer, prêtes à démarrer et intervenir sur la zone concernée. Plus tard, je ressors pour faire mes courses et, à peine ma porte d'appartement refermée, je me rends compte que j'ai laissé mes clés à l'intérieur ! Cela m'est déjà arrivé lorsqu'un peu de fatigue me rend distraite et j'ai eu la chance monstre de trouver l'une de nos gardiennes chez elle, bien que n'étant pas de service, et je la remercie au passage de m'avoir ouvert et permis de récupérer mes propres clés grâce aux doubles confiées à la loge ! Ouf, sans cela, il me restait à patienter quelque part hors de chez moi plusieurs bonnes heures en attendant l'aide de l'un ou l'autre des deux hommes de ma vie, munis de doubles aussi !

Pourquoi je narre cette anecdote ? Parce que c'est la gardienne qui m'a renseignée sur la raison de la présence copieuse des forces de l'ordre ! Je reçois les programmes du 104 par email mais je n'avais pas encore pris connaissance de ceux de novembre. Jeudi dernier, j'écrivais un petit poème évoquant l'incendie des locaux de Charlie Hebdo mais je voulais critiquer tous les fanas religieux, pas seulement l'islamisme intégriste !

Eh bien, les catholiques intégristes étaient on ne peut plus présents, rassemblés sur la petite place à côté du 104 ! En revenant de mes courses, j'ai entendu des chants religieux et aperçu un attroupement ... Je me suis approchée en souriant d'abord intérieurement. J'étais bien naïve car je me disais que des chants ne pouvaient faire de mal à personne mais lorsque j'ai vu tous les étendards, drapeaux français, drapeaux blancs marqués de dessins rouges de coeur surmonté d'une croix, les croix de bois brandies très haut, etc, j'ai commencé à me sentir mal à l'aise (ne manquaient plus que les gousses d'ail pour éloigner le démon ...). Mon malaise n'a fait que croître lorsque les chants se sont tus et qu'un orateur que je n'ai pas réussi à distinguer s'est mis à haranguer l'auditoire dans un porte-voix.

Outre le "Mitterrand, démission !", on pouvait entendre : "Catholiques debout, la France est à nous !" L'assemblée répétait avec conviction.

A deux reprises, je n'ai pu m'empêcher de répliquer à leur "Catholiques debout !" par "La France est laïque !", sous l'oeil imperturbable des cordons de CRS, sans doute à peine entendue  et je me suis éclipsée.

Du coup, je me suis renseignée sur cette fameuse pièce que certains jugent donc démoniaque ...

Je n'irai pas la voir, trop déprimante à mon goût, mais je pense avoir compris la démarche de l'auteur et, effectivement, il n'y a pas forcément du blasphématoire dedans, comme je n'en ai pas trouvé dans le film Habemus papam de Nanni Moretti.

A ce que je comprends, sur la scène s'oppose la reproduction d'un très doux visage de Christ peint au XVème siècle par Antonello di Messina (intitulé Salvator mundi) et la déchéance d'un père mourant qui jonche la scène de ses étrons (pas en vrai, heureusement, décor et peinture marron !), tandis que son fils s'efforce de lui faire garder sa dignité jusqu'au bout, en nettoyant tout constamment ... C'est l'opposition de la beauté et de la merde, selon les mots de Romeo Castelluci et le rappel que : ainsi que nous naissons, "entre fèces et urine", ainsi nous mourons ...

Pourquoi condamner cette pièce ? Ne peut-on pas la considérer comme une nouvelle réflexion sur la condition humaine ? Est-ce parce qu'une autre partie de la pièce montre des groupes balançant des grenades sur le portrait ? Allons, allons, ai-je envie de dire, ce n'est qu'un portrait, une icône au fond, et même pas, une reproduction de portrait !

Les hautes instances religieuses, d'après mes renseignements, n'ont pas manifesté de rejet ni de violente condamnation de cette pièce lorsqu'elle a débuté (au festival d'Avignon), au contraire des débats ont été organisés.

Mais je ne peux avoir d'opinion personnelle claire, je ne l'ai pas vue et n'ai aucune envie de la voir, sauf qu'à force, je risque de me sentir obligée d'y aller, pour pouvoir vraiment en parler ! En fait la seule chose choquante en cette journée pour moi reste ce slogan de cet orateur inconnu : "Catholiques debout, la France est à nous" !

NON, la France est à tous les Français, qu'ils croient en Dieu selon leurs religions,

ou qu'ils ne croient pas,

la France est LAÏQUE !

Lenaïg

Samedi 5 novembre 2011, 18 h 00

Illustration :

Le tableau d'Antonello di Messina dans son intégralité.

Dans la pièce de Romeo Castelluci, seul le visage est conservé et un jeu d'ombres l'embellit, non ?