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Eulalie - Ciel ! On a volé les os - Marie-Louve pour la Cour de récré chez Jill
Eulalie
Ciel! On a volé les os
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La porte de l’énorme cage était ouverte et aucune des personnes présentes ne savait ce qu’elle avait bien pu contenir. Seul le moine Rodolphe du Saint-Prépuce, leur guide touristique blanchit de terreur et se signa en embrassant son gros crucifix qui pendait à son cou. Tout tremblant, il se dirigea vers le mur sur lequel on apercevait un boîtier de métal rouge pompier. Il tira vivement sur le levier noir et aussitôt le bruit strident d’une alarme résonna dans le silence de l’abbaye de Saint- Armand-les-Eaux.
Effrayés, tous les membres du club de l’âge d’or de Valenciennes venus en pèlerinage à l’abbaye pour voir les reliques et les os de Sainte-Eulalie, frémissaient d’inquiétude et leurs cannes avaient peine à les tenir debout. Craignant des crises d’apoplexie, Michel Peupieux, président du club Les blancs Valenciens du Christ, reprit le contrôle de ses ouailles et les dirigea vers la sortie d’urgence avec l’assentiment du moine-guide.
Dehors, plusieurs moines les attendaient pour les ramener en rang d’oignon à la cantine. Là, on les fit asseoir autour d’une table longue d’un décamètre au réfectoire de Saint-Amand-les-Eaux où on leur offrit des tisanes apaisantes.
Sous leur mante de laine, les vieilles Blanche et Margot Dutronc, sûrement les deux dernières sœurs encore pucelles de tout Valenciennes récitaient des prières à voix basse en égrenant leur chapelet pendant que les autres pèlerins supputaient mille et une hypothèses pour expliquer la fin abrupte de leur visite de cette partie de l’ancienne abbaye. Une rumeur courait. Des voleurs d’objets sacrés auraient tout emporté le contenu de cette cage tenue sous verrous. Possiblement des tabernacles débordants d’hosties consacrées, des calices et des ciboires en or, sertis de pierres précieuses. On allait jusqu’à dire que c’était sans aucun doute l’œuvre des païens importés de nulle part qu’on laissait entrer dans le pays comme des bananes et des oranges. C’est sur ces ragots qu’on vit le moine prieur suivi par ses principaux adjoints, entrer dans la grande salle du réfectoire. Un petit moine, un moineau novice probablement agita des clochettes pour que vienne le silence.
Ce dernier tomba comme la mort. Livide, le grand prieur Benoît du Saint-Tombeau-Ouvert, annonça à tous la terrible nouvelle. On a volé les reliques miraculeuses et les précieux os en poudre de Sainte-Eulalie, vierge et martyre. Ces trésors inestimables étaient gardés depuis plus mille deux ans années dans une cage-coffre-fort forgée dans le fer formant une clôture solidement ancrée dans les pierres cimentées au sol et au plafond. Une porte permettait au gardien des reliques d’accéder au site afin de les épousseter et de les parfumer d’odeurs de sainteté. Cette cage était une mini forteresse à elle seule. Il fallait l’aide du malin pour réussir à y pénétrer. Seuls d’immondes païens le pouvaient. Prises de panique à l’idée de la présence du malin parmi eux, Blanche et Margot exigèrent qu’on les asperge illico d’eau bénite.
Pour détendre l’atmosphère, le maître des lieux, Benoît du Saint-Tombeau-Ouvert invita tout le club de l’âge d’or Valenciennes à la chapelle pour entendre chanter la Cantilène de Sainte-Eulalie par le chœur des moines. Quand tous eurent pris place, les notes et les voix justes s’élevèrent dans ce lieu sacré. On entendit :
Buena pulcelle fut Eulalia
Bel avret corps bellezour anima
Voldrent la ueintre li Deo inimi …
Au même instant, le prieur traversait solennellement la chapelle en balançant un genre de théière au bout d’une chaîne qui faisant beaucoup de fumée parfumée, mais surtout étouffante. Asthmatique, le président des Blancs Valenciens du Christ, sortit de son banc pour se réfugier sous la statue de Sainte-Eulalie. Il toussait à fendre l’âme tout en secouant le piédestal sur lequel reposait l’idole de plâtre, jouvencelle, pucelle et martyre. Des yeux, il cherchait une fenêtre pour avoir de l’air quand soudain, la lourde statue s’abattit sur son crâne.
Michel regarda une dernière fois le ciel avant que ses yeux ne se ferment.
Marie Louve
PS : Merci, Marie-Louve, et bravo d'avoir conjugué en ce très pittoresque texte deux défis, celui de la Cour de récré chez Jill, bien sûr, mais aussi celui lancé sur le forum Plumes au vent tout récemment. Dans ce nouveau "jeu sans witch", lancé par Marc Varin, la première phrase et la dernière sont imposées.Tu ne m'en voudras pas d'avoir laissé libre cours à la fantaisie en ce qui concerne les illustrations ? Toutes cueillies sur le net, on peut voir une Ste Eulalie et des démons en gargouille, ou autres. Je ne te ferai pas le coup de t'apporter la théière de Josette comme je l'ai fait sur Plumes, histoire de changer de celle à encens, mais pour qu'on ne soit pas trop affecté par l'atmosphère lourdement mystérieuse et vaguement menaçante de cette scène (Michel Peupieux est-il seul responsable de sa mort ? Hmm, hmm ...), je suis partie dans un petit délire sur les relations des statues avec les oiseaux.
Lenaïg
Tags : saint, eulalie, valenciens, dernier, moine
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Commentaires
Et ben dis donc quelle histoire.... j'en ai tremblé de peur mais bravo pour cette énogme et aussi à Léna pour le choix de ses photos !
Bonne journée - bisous à vous deux
Bon mercredi à vous tous et mille fois pardons pour mes retatrds contants.
Je fais la course avec des lutins affolés !!! J'irai lire vos Eulalie avant la fin de cette semaine. Je vous remercie et recevez toute ma gratitude envers vos mots encourageants. Merci Léna de soutenir par tes images recherchées mes délires. Bisous et je reviens au plus tôt possible.
une histoire à faire s'entrechoquer nos os d'humains peureux ... quelle Histoire !
belle fin de journée
9JosetteVendredi 6 Juillet 2012 à 08:38ce sont les pies voleuses qui sont coupables de ce délit d'Eulalie ! beau texte et illustrations à propos
bonne journée à marie_louve et à sa complice Lénaîg attention au vent...
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Bonjour élève Marie-Louve ! Ce jour je vais de texte brillant en texte brillant ! Un sacré mercredi pour notre Eulalie ! Qu'elle soit, enfin sa poudre d'os, la bienvenue à la cour de récré ! Merci à toi, bises de m'dame JB et mon bonjour à Lenaïg !