• 2011 Rue Barré, Montréal, P.Q. -1 et 2 - DI et Marie-Louve

     

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    Préambule

    Les conjugaisons affectives : « C’est avec le monde intime de l’autre que chacun devra composer, se sécuriser, pactiser et parfois guerroyer. Tout éclopé de la vie s’y engage avec son passé, ses rêves et sa manière de donner un sens. »


    Boris Cyrulnik 


    Cunégonde et Josette sont  liées par le temps et elles  partagent le même balcon depuis plus de quarante ans. Allons rencontrer Cunégonde Brouillette-Légaré et Josette Marsoin, les mariées du désespoir.

    Portrait de Cunégonde Brouillette-Légaré


    Femme, veuve, solitaire, âgée d’environ 65 ans. Peu amène, grande et mince, elle a du caractère. Un volcan difficile à contenir et surtout difficile à satisfaire. Un chapelet de frustrations illustrerait bien sa vie. Elle a mené sa famille et ses voisins selon ses règles. Pas toujours gagnante, mais là était toujours son intention : soumettre les autres à sa manière.


    Née à Saint-Henri dans la Petite Bourgogne de Montréal, elle a toujours vécu au sein de cette communauté. Elle connaît ce quartier par cœur. Ses racines et sa mémoire de tous les jours baignent dans cette réalité ou vivent ses fantômes.

    Avec les années, la belle Cunégonde d’autrefois est devenue une femme amère portant ses déceptions sur tous ses regards par des pensées qui lui traversent l’esprit et des mots assassins pour son entourage. Elle anime sa conscience et nous raconte par cette histoire ce qui nous permettra d’entrer chez elle. Suivons-la. 
     

    1. Sur le chemin de la pharmacie par Marie-Louve 

     
    « Cette maudite chatte est la pire qu’il m'ait été donnée dans ma vie ! Je l’appelle une dernière fois et tant pis pour elle si elle ne rentre pas. Elle gèlera dehors ! »

    Cunégonde ouvrit la porte de son logement, celle qui donnait sur la ruelle et ses poubelles. Cela faisait plus de quarante ans qu’elle habitait le même logement. C’est ici que le théâtre de sa vie de jeune mariée, d’épouse et de mère parfaite s’était joué. Depuis la mort de son Alphonse, elle hantait les lieux en faisant comme d’habitude. Dans un grand cri, elle s’époumona une dernière fois avant de quitter son logis pour aller faire ses courses du jour.

    « Boulette ! Boulette, viens icitte et vite ! »

    À cet instant, la porte de sa voisine de galerie s’ouvrit et voilà sa pire rivale, la Josette Marsoin, édentée, qui lui présenta sa Boulette pour lui rendre la pauvre bête encore frigorifiée.

    « La voici votre pauvre Boulette. Je me suis permise de la rentrer dans ma maison. A votre porte, elle miaulait à fendre l’âme pendant toute la nuit. Au petit matin, n’en pouvant plus d’entendre ses pleurs, je lui ai offert le refuge. Le bruit de votre lessiveuse en marche dès avant l’aurore devait couvrir ses plaintes. Vous ne trouvez pas qu’elle est maigre pour son âge ? »

    400 F 10968531 78jt3IHfsE1EYZVNmkZLBbrGvnzzrAzoMa Boulette est une excellente chasseuse ! Elle mange à sa faim tout aussi bien que mon défunt mari Alphonse ! Les souris courent les ruelles et les poubelles des Italiens débordent tous les jours.  Viens Boulette, on rentre à la maison, lança froidement Cunégonde en refermant sa porte. Cette voisine qu’elle subissait depuis plus de quarante ans, avait le don de la faire sortir de ses gonds. Son Alphonse ne cessait de lui rendre mille services, mille sourires. L’insoutenable effronterie de sa voisine n’avait de cesse. Dieu soit loué, son petit manège tourné sous ses yeux, avec son Alphonse était mort et enterré.

    Boulette, le ventre vide, alla se réfugier sur le dos d’une vieille bergère usée par le temps. Le fauteuil abîmé baignait dans la lumière du soleil de ce début du mois de mars. Là, devant sa vitrine, elle se pelotonna et s’endormit sans chichi. Cunégonde chaussa ses bottes à crampons. La glace des trottoirs mal déneigés par les employés fainéants de la ville l’obligeait à se munir de solides mesures préventives contre les chutes. En preuve, l’an dernier, le malheureux voisin d’en face, celui qui battait sa femme, Monsieur Gourdin, en état d’ébriété, y avait laissé la vie sur une de ces chaussées glacées. Une fatale fracture du crâne. Depuis, madame Gourdin portait le deuil et s’enfermait chez elle. C’était son fils Gaston, son  plus vieux, un bon à rien qui lui faisait ses commissions. Cunégonde ne lui aurait pas donné le bon Dieu sans confession, mais bon, il aidait sa mère et s’occupait généreusement de ses finances. Ce voyou prétendait vouloir mieux servir sa mère en s’achetant une première auto neuve. Cunégonde n’était pas dupe. Il roulait carrosse doré depuis la mort de son père et l’été, la veuve éplorée se berçait bouche cousue sur son balcon.

    Enfin vêtue des pieds à la tête pour affronter le froid polaire du jour, elle fit tourner sa clé dans la serrure de sa porte avant et s’assura que cette dernière était solidement verrouillée. Pas de risques à prendre depuis que toutes sortes de races étrangères se promenaient dans les rues de son quartier. Des jeunes avec des têtes d’âne mauve, les cheveux coiffés en sauvage avec des clous aux oreilles et d'autres avec des têtes de mort circulaient comme si de rien n'était. Quel monde de fous était devenu sa rue Barré !  Pour sa sécurité, elle traînait toujours son gros parapluie noir à pointe affûtée et dans sa bourse, elle dissimulait une lourde brique rouge incommodante, soit, mais qui lui servirait d’arme dissuasive auquel cas, un malotru viendrait tenter de lui ravir sa besace.  

    Avant de descendre l’escalier qui la mènerait sur la rue Barré, elle jeta un dernier regard du côté de  la fenêtre de sa voisine qui, comme il se devait, l’épiait derrière un rideau légèrement écarté. Cunégonde fronça les sourcils et pointa son gros parapluie vers la fenêtre indiscrète avant de délier sa langue : « Vieille fouine ! Tes draperies sont sales. Va les laver plutôt que de m’espionner ! » 

    Elle tourna les talons en maugréant. Arrivée sur le trottoir, elle prit la direction de la rue Guy. Ce nom de rue évoqua en elle la mémoire de son frère ainsi nommé par sa mère du temps de son enfance. La belle époque où elle et sa famille vivaient sur la rue Richmond. Son père travaillait à la manufacture Ogilvie Flour Mills, sa mère lavait les beaux habits des gens riches de la rue Sherbrooke. Des Anglais, bien sûr. Elle se souvenait surtout des gros rats qui couraient dans la cour de leur résidence. Guy s’amusait à la terroriser en lui balançant les cadavres de ces bêtes répugnantes. Son frère unique, mais surtout malicieux, était mort depuis plus de dix ans, terrassé par  un cancer du foie, lui qui n’allait jamais à la messe. Elle n’avait pas versé une larme. Guy lui avait volé son premier 400 F 1625109 RkTdmRF2ZMWpz8JycHabk0WJ7mRkOCamour, le beau ténébreux Roméo Blondin. Sans les ripoux de la Petite Bourgogne  qui suivaient partout son  frère, Roméo ne se serait pas laissé entraîner dans les beuveries des tavernes de bas fonds  et les bordels véreux de Montréal. Par la faute de Guy et du charme qu’il exerçait sur son Apollon, son Roméo lui avait échappé. Elle avait dû se rabattre sur Alphonse Légaré, le frère de sa meilleure amie Hortense, une grosse laideronne qui n’avait jamais trouvé mari. Hortense savait écouter et exécuter ses volontés quand Cunégonde se faisait harceler par les autres enfants dans la cour de l’école. Jamais, Hortense n’avait hésité à battre violemment les filles qui la ridiculisaient en lui chantant des chansons grivoises à cause de son prénom. Quelle idée ridicule était venue à sa mère de la prénommer ainsi ?  Était-ce raisonnable et justifiable, ce fait d’être née le jour de la fête de Sainte-Cunégonde sur le calendrier liturgique ? Non. Le curé aurait dû mettre un holà sur ce baptême en refusant de bénir ce prénom aux consonances obscènes.

    Parfois, elle croisait son Roméo, devenu célèbre drag queen sur la rue Sainte-Catherine. Alphonse n’avait pas l’envergure ni le charme du grand Roméo déchu par la très grande faute du malin Guy de sa famille. N’eut-ce été d’elle, son dadais, son Alphonse, n’aurait pas fait un pas devant sinon devant les avances de cette sorcière, la Josette qui vivait sur le même palier de leur demeure. Ces deux andouilles faisaient bien la paire. La Josette ne savait même pas étendre convenablement son linge sur une corde. Une vraie Marie Quatre Poches. À chaque grand coup de vent, ses nappes et ses draps s’enroulaient et bloquaient les poulies. Ah ! Monsieur Alphonse ! Seriez-vous assez aimable pour me venir en aide ? Cunégonde plaignait son pauvre Roger marié à une telle timbrée. Sa voisine, cette Josette-chipie savait comment flatter son «  mieux que rien », son Alphonse !  Pourtant, Cunégonde Brouillette avait été la reine du Tombola de la paroisse Saint-Henri en 1958. C’est aussi elle qui faisait l’ange dans les processions de la Fête Dieu sur la rue Notre-Dame. Comment en était-elle venue à marier cette punaise qui avait ruiné sa vie : Alphonse Légaré. De cela, elle ne parlait jamais. Pour son honneur et son bien. Par chance, sa mort la laissa avec une bonne pension de veuve et la paix de ne plus devoir partager son lit avec lui. Après la naissance de leur fille unique, plus ronde qu’une bille, une quille eut donné meilleure résultat, Cunégonde avait refusé de se laisser engrosser une seconde fois. Son nabot pouvait dormir dans son lit, mais le devoir conjugal s’arrêtait là. 

    À l’intersection de la rue Guy et Notre-Dame, elle emboîta le pas vers l’ouest de cette dernière. Au fil des années, les rues de son enfance disparaissaient sous des décors défigurant le paysage. La pharmacie Bourque, celle fréquentée du temps de son enfance par sa mère et les familles du quartier, abritait aujourd’hui une « piquerie » clandestine fréquentée par les policiers assurément. Elle les voyait sortir de là, l’air marabout avec des sacs dans les mains. Elle soupçonnait sa voisine, Josette, d’être une cliente régulière de ce dépanneur. Sinon, comment expliquer cet éternel sourire béat, mais surtout troué sur son visage ? Un coup de klaxon la sortit de ses pensées. Grand Dieu !  Elle crut reconnaître Frisette, la plus jeune des filles de sa voisine. Grimée comme une catin grimpée sur des talons plus aiguilles que talons, fringuée comme une poule, elle montait dans une BMW conduite par un faux jeton dont on ne voyait que le blanc de ses dents derrière son sourire. En tout cas, elle ressemblait presqu’à Frisette. Avocate, mon œil ! La Josette lui cachait certainement ce déshonneur. Cunégonde 4149833113 fdf3bdbf6aannoncerait la bonne nouvelle à ses voisines. La Frisette à Josette était une catin de luxe, pas une avocate. Cette petite serpente semait toujours la zizanie dans la ruelle au milieu des jeux des enfants. C’était toujours injuste selon ses règles de jeu. Un jour, la Frisette à Josette l’avait traitée de démente et de vieille chouette. Furieuse, Cunégonde lui avait servi une leçon à sa manière. Outragée, elle était descendue en pantoufles à pompon dans la ruelle, armée d’une barre à savon. Vigoureusement, elle lui avait lavé sa sale langue de Frisette devant tous les enfants du quartier. Frisette vomit tout son saoul. Ce qu’elle méritait largement pour ses effronteries.  On aura beau dire : Tel père, telle fille ! En y voyant de plus près, elle se dit que sa propre fille était une tarée qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à son éléphantesque tante Hortense, mais en plus laid encore. Elle avait hérité des yeux croches de son père. Pour ces raisons, elle préférait ne pas la voir trop souvent et lui avait fait comprendre clairement. Après la mort de son niais, inutile de venir lui rappeler son calvaire en lui rendant visite.

    Sur ces dernières pensées, elle se retrouva arrivée à sa destination, devant la pharmacie Jean Coutu, sur la rue Notre-Dame. Elle poussa la porte d’entrée et se dirigea au comptoir des prescriptions. N’apercevant pas son pharmacien, elle demanda à la petite Chinoise qui avait une épinglette avec son nom dessus où était Monsieur Laprise.

    -         Bonjour Madame. Puis-je vous aider ?
    -         Je viens de vous dire que je veux voir Monsieur Laprise, pas une Chinoise !

    -         Désolée Madame, Monsieur Laprise a pris sa retraite. Il ne travaille plus ici. Je suis la nouvelle pharmacienne. Puis-je vous aider ?

    -         Quoi ! Ma pharmacie est devenue chinoise ? C’est Monsieur Laprise qui connaissait mes pilules. Je ne veux pas de pilules chinoises. Allez me chercher votre patron ! Non ! Laissez faire. Je vais voir mon docteur moi-même. C’est quoi ton nom ?  On dirait un nom de païenne. Ça dépasse les bornes !

    -         Elle tourna les talons en frappant le sol avec la pointe de son gros parapluie et sortit de la pharmacie en bousculant les clients sur son passage sans oublier de les mettre en garde contre le danger des Chinois.


    Auteure: Marie-Louve
     


    2. En attendant le retour de Cunégonde (par DI) 
     
    Josette Marsoin entendit claquer la porte avant et la clé tourner dans la serrure de sa voisine 400 F 9403001 DwYylAZUiA4i3eoNfe6A5SGtuptHl1Upde palier Cunégonde Brouillette-Légaré, signifiant ainsi qu’elle sortait de chez elle. Elle s’empressa de tirer le rideau pour regarder comment elle s’était attriquée. Il y a des jours où elle avait l’air ridicule du haut de ses six pieds point 5. Elle n’était pas aimée des enfants et elle leur rendait bien, ne cessant de chialer après eux pour des vétilles. Pour la faire enrager, ils l’appelaient « la grande horloge » et lui demandaient l’heure. Cunégonde la vit la regarder par la fenêtre et elle lui tira la pointe de son parapluie en lui criant de laver ses rideaux plutôt que d’écornifler. Josette  ouvrit la fenêtre et lui dit : « Boutte de bougrine ! Commence donc par te laver toi-même de tes péchés. » Elle se tourna vers son mari qui à ce moment clouait un trou au mur pour y attacher un cadre et le prit à témoin du geste déplacé de cette voisine, qu’elle endurait depuis 40 ans.
     
    -         Ah la Cunégonde ! Regarde Roger ce qu’elle a fait.
    -         Enlève-toi donc aussi de derrière les rideaux et mets donc ton dentier avant de lui parler de ses péchés.
    -         Tu sauras que mes dents sont dans leur bénitier pour se faire nettoyer. Et puis, monsieur Lapierre a les dents croches et ça ne l’empêche pas de regarder par la fenêtre et d’épier tous nos gestes, lui.
    -         Monsieur Lapierre c’est pas pareil. C’est un homme et les hommes n’écorniflent  pas, ils observent.
    -         Pftt … Monsieur Lapierre c’est une commère et la Cunégonde c’est pas du monde. Tu as vu sa face de batte ?
    -         Elle n’est pas responsable de sa face.
    -         Non ! Seulement de la face qu’elle fait.
    -         Cela veut dire que si elle n’a pas une belle face, elle peut faire une belle face ?
    -         Oui.
    -         Cela veut dire aussi que si elle a une belle face, elle peut se défaire de sa face ?
    -         Oui.
    -         Si elle se défait de sa face, elle n’aura plus de face ?
    -         Non. Et cela ferait de la place.
    -         Il est donc possible d’effacer sa face sans efface et sans laisser de trace.
    -         Si seulement c’était possible … !!!
    -         Même ceux qui ont une grosse face ?
    -         Oui, c’est juste un peu plus long à effacer. Ah et puis laisse faire Roger. Laisse faire.
     
    Elle se tut un moment, chercha sa lime et se cura les ongles avant de reprendre l’attention de Roger.
     
    Par tous les saints du ciel Roger, écoute-moi. Cette grébiche colporte dans le quartier que le voisin d’en face battait sa femme et qu’il est mort l’an dernier en tombant sur la glace. S’il est tombé sur la tête en se tuant, c’est parce qu’il s’était shooté à l’héroïne mais il n’était pas violent. Madame Gourdin  a témoigné devant les avocats que la chute de son mari était causée par la négligence des employés de la ville attitrés au déblayement de la neige. Cunégonde Brouillette-Légaré a fait un faux témoignage en se disant témoin de l’accident et en corroborant les dires de la Gourdin. C’est ainsi que les assurances lui ont versé double indemnité, pour les cas de mort accidentelle. Je suis sure que la Cunégonde a partagé la cagnotte de l’assurance avec la veuve. Gourdin fils n’est pas très futé mais au moins lui il pleurait lors des funérailles de son père. Il fait de menus travaux et quelques commissions pour sa mère et les voisins avec la BMW qu’elle lui a 341payée avec les assurances. C’est pas sa faute s’il n’a pas eu la chance de continuer ses études, c’est parce qu’il était trop nul. La Cunégonde propage que c’est un grand escogriffe n’ayant pas d’ambition et qu’il se fait vivre par sa mère à l’âge de 40 ans.
     
    Roger ne l’écoutait plus. Il lisait dans le journal de Montréal que malgré l’embourgeoisement datant d’une vingtaine d’années de la petite Bourgogne, des poches de pauvreté se découvraient encore dans leur quartier. Cela le contrariait, car avec l’argent que lui rapportait son travail de gigolo, il aurait pu vivre à Westmount, le quartier le plus riche de Montréal, mais étant accroc à la cocaïne, il dépensait le fruit de ses labeurs dans la drogue et se sentait confortable malgré le déplaisir qu’il avait à vivre avec Josette. De plus, il apprit que de plus en plus de jamaïcains et d’Africains s’y installaient, ce qui eut l’air de lui déplaire.
    Mais enfin Roger. Elle a tué son mari à la tâche. Jamais contente, jamais assez, elle trouvait des bêtes noires à tout ce qu’il faisait et disait. Pauvre Alphonse, pris avec cette femme insatiable, il a bien mérité son ciel celui-là.
     
    Elle repensa au jour où elle et Roger Marsoin s’étaient rencontrés alors qu’elle vivait encore sur la rue Fabre dans le plateau Mont-Royal, d’où elle était native. Elle en était tombée tout de suite amoureuse lorsqu’il lui parla chez le juif du coin où elle achetait ses légumes et ses fruits. Le soir même il l’invitait au cinéma Bijou et deux mois plus tard, ils se marièrent obligés, Roger lui ayant fait un enfant le lendemain de leur première rencontre. C’était le plus bel homme du quartier, les femmes le dévoraient des yeux et la jalousaient. Sept mois plus tard naissait Normand, un enfant qui ressemblait à son père. Et encore trois ans plus tard, naissait une petite fille qu’elle appela Rosette et que la garce d’à côté appelait depuis toujours Frisette, ce qui la mettait hors d’elle. Roger était un charmeur qui ne se gênait pas pour se répandre ses charmes. Il était conscient de sa beauté le bougre et en profitait en trompant Josette avec des femmes d’âge mur, riches, ne sachant que faire de leur argent et ne se privant d’aucun plaisir de la vie. À peine remise de ses couches après la naissance de Josette, elle apprit les infidélités de son mari et alors mis des holàs sur le devoir conjugal. Roger ne s’en formalisa pas et continuait à courir la galipette pour satisfaire ses besoins. Elle prit son ordinateur et chercha sur Google le site de la SPA. Elle s’inscrivit à la page des dénonciations contre les abuseurs d’animaux. « Tiens, je vais la dénoncer cette tarée. »
    Monsieur ou Madame,
    Société protectrice des animaux,
    Montréal, province de Québec.
     
    Il est de mon devoir de dénoncer les torts que l’on fait à nos petits animaux de compagnie, n’ayant pas demandés à vivre et qui comme de pauvres errants doivent payer de leur qualité de vie, les bêtises que font leurs maîtres. Je déplore le fait que madame Cunégonde 19-au-20-fevrier-Valparaiso-Chi-448Brouillette Légaré, sise au 2011 de la rue Barré de la petite Bourgogne, Montréal, P.Q., laisse miauler son petit chat Boulette la nuit et au matin, alors que nous connaissons un hiver avec des froids de canard où on ne laisserait pas un chien dehors. Connaissant le cœur de pierre de sa maîtresse, à plusieurs reprises depuis le début de l’hiver, je l’héberge et la nourrit pour lui éviter de souffrir de la faim et afin d’éviter à tous les voisins de se faire déranger par ses cris dans leur sommeil la nuit. Je crierai éternellement à l'injustice déversée contre les animaux de compagnie. Ma plainte devra rester anonyme, il va de soi. C’est ce que vous dites dans votre publicité.
     
    Elle cliqua sur « envoi » et se frotta les mains. Elle s’habilla chaudement et sortit dans la cour arrière où elle cueillit les déjections de Boulette qu’elle avait vu déposer sur la neige le matin, les mit dans une enveloppe brune oblitérée qu’elle avait gardée d’un français rencontré au Québec et avec qui elle avait couché pendant que Roger était aux Séchelles avec une vieille riche, colla un carton brun sur son adresse et l’adressa  au nom de madame Brouillette-Légaré, 2011 rue Barré, Montréal. Elle sortit sur le balcon déposer l’enveloppe dans la boite à lettre de Cunégonde. Elle se lava les mains, remis ses dentiers et lut la nécrologie, son horoscope, le courrier de Louise et entama des mots croisés : en verticale un : méchante personne, en six lettres. Elle repensa à Cunégonde et les mots se posèrent comme allant de soi : «S-A-L-O-P-E».

    Auteure: DI

     

     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 8 Février 2011 à 13:02
    Lenaïg Boudig

    Ploum ploum tralala, on chante dans le quartier ! Comme sur le fond musical que je vous ai mis, Di et Marie-Louve ! Et moi, depuis que j'ai découvert votre duo, c'est ce que je fais, ou plutôt je ris beaucoup !

     

    Ces deux mégères sont extraordinaires ! Des querelles comme ça, ça ne peut pas exister, si ? Sauf pour le plaisir des lecteurs, car, éventuellement ce peut être sans fin. Dans la vie, ce serait absolument exténuant !

     

    Les illustrations se veulent être un petit festival de balcons et de façades d'immeubles, que je trouve jolis, sans distinction de lieu, d'espace. En tête quand même, une vue de Montréal, pour finir de Paris. Quelque part au milieu, les vives couleurs d'un immeuble de Valparaiso !

     

    Merci, merci, mes amies, de me faire rire ainsi et gros bisous.

    2
    Mardi 8 Février 2011 à 13:22
    stellamaris

    Eh beh, quels caractères ! Des portraits bien trempés ! Bises à toutes les trois.

    3
    Mardi 8 Février 2011 à 15:43
    jill-bill.over-blog.

    Ho ho ho bigre la Cunégonde et cie... Jusqu'au mot croisé de la fin j'ai bien ri... Merci aux auteurs, bises Lena 

    4
    Mardi 8 Février 2011 à 17:57
    Marie-Louve

      Merci Léna de nous avoir reçues, Cunégonde et Monette sur ta galerie. Promis on se fera courtoises devant tes invités. :-))) Bisous et bonne journée.  

    5
    Mardi 8 Février 2011 à 18:05
    Marie-Louve

    Merci à Stellamaris et à jill-bill d'avoir pris le temps de venir rencontrer deux pauvres harpies nommées Cunégonde et Monette, qui ont eu beaucoup de plaisir à partager leur folie. :-)))

    6
    DI le
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:48
    DI															le

    C'est joli Léna les photos que tu mets qui encadrent les mots de Cunégonde et Monette, qui sont de vraies mégères. Elles arrivent à l'âge vénérable de 70 ans et ça fait 40 ans qu'elles se disputent. Je ne sais pas si elles vont revenir mais ce que je sais c'est que Monette attend que Cunégonde revienne pour avoir le plaisir de l'entendre crier en ouvrant l'enveloppe brune. Ahhhh !!!! Marie-Louve et moi on est bien plus gentilles que ces deux grébiches. Héhé. Bisous.

    7
    Anaëlle
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:48
    Anaëlle

    C'est très drôle! Les deux personnages féminins se valent bien mais j'ai l'impression que c'est Monette qui fait marcher Cunégonde ! Moi, contrairement à Lénaïg, je suis persuadée que des personnes de ce genre existent "en vrai" !

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