• Pour le jeudi en poésie des Croqueurs de mots - Le Lai du Rossignol de Marie de France

    Les lais de Marie de FranceTrois strophes prélevées dans le fort joli lai de Marie de France (seconde moitié du XIIème siècle).

    Traduction en français moderne de Françoise Morvan.

    Quatre personnages : une dame, son seigneur, un chevalier, un rossignol.

    ***

     

    Une ville en pays malouin

    Etait renommée de fort loin.

    Là résidaient deux chevaliers

    En des demeures fortifiées.

    Et la ville de ces seigneurs

    Tirait renom de leur valeur.

    La femme épousée du premier,

    Sage, courtoise et distinguée,

    Savait en toute chose agir

    Comme il convient de se conduire.

    L'autre, resté célibataire

    Etait connu parmi ses pairs

    Pour ses prouesses, sa valeur

    Et ses largesses de seigneur :

    Il donnait tournois, dépensait

    Savait offrir ce qu'il avait.

    Or voilà qu'il s'éprit soudain

    De la femme de son voisin.

     

    .../...

     

    Longtemps se sont-ils entr'aimés

    Jusqu'à ce que vienne un été

    Où bois et prés avaient verdi

    Et les vergers avaient fleuri.

    Les oiselets avec douceur

    Menaient leur joie parmi les fleurs.

    Qui amour a dont il est ivre

    Ce n'est merveille s'il s'y livre.

    Le chevalier, en vérité,

    S'y livrait alors tout entier.

    Comme la dame, pour sa part,

    Par la parole et le regard.

    La nuit, quand la lune luisait

    Et que son seigneur reposait,

    Elle se levait aussitôt,

    S'enveloppait de son manteau

    Et se mettait à la croisée

    Où son ami, de son côté,

    Etait venu l'attendre aussi ;

    Ainsi passait-elle ses nuits.

    Ils avaient plaisir à se voir

    Puisqu'ils ne pouvaient plus avoir.

     

    Tant veilla-t-elle et se leva

    Que son seigneur s'en irrita

    Et plus d'une fois il s'enquit

    De ce qu'elle allait faire ainsi.

    "Seigneur, s'il faut que je réponde,

    Il n'a connu joie en ce monde

    Qui rossignol n'a ouï chanter ;

    C'est pourquoi je vais l'écouter

    Chanter si doucement la nuit

    Que je me sens le coeur ravi ;

    Et j'en ai un si fort désir

    Que j'ai grand peine à m'endormir."

    A ces mots, le seigneur a ri

    Avec colère et raillerie.

    Il s'est dit qu'il va le piéger

    Le rossignol, et l'attraper.

     

    .../...

     

    Marie de France

    ***

     

    Pour savoir  la fin de l'histoire,

    Qui n'est pas celle qu'on peut croire,

    Il faudrait la lire en entier.

    Rossignol ou bien chevalier ?

    Je ne vous ferai pas languir,

    C'est le chevalier qui s'en tire !

    Lenaïg

     

    Le chevalier ne fut pas inquiété mais l'aventure pour lui se termina et il reçut des mains du valet de la belle un bien triste cadeau d'adieu :

     

     

    Un coffret a-t-il fait forger

    Non de fer ou de triste acier

    Mais bien d'or fin à belles pierres

    Des plus rares et des plus chères

    Avec couvercle bien serti.

    Le rossignol il y a mis.

    Puis la châsse a été scellée

    Et plus jamais ne l'a quitté.

    Marie de France

    ***


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  • Commentaires

    1
    Jeudi 13 Mai 2010 à 16:22
    hauteclaire

    Un très beau texte, que l'on aime tout particulièrement lire, en doux amern comme souvent fabliaux de cette époque, d'amour courtois ..

    Merci de l'avoir fait revivre ..

    Bisous !

    2
    Jeudi 13 Mai 2010 à 17:18
    marie-louve

    Rossignol de mes amours ! Pauvre rossignol. Je vais relire pour être certaine d,avoir saisi la chute fatale du chant des amours du rossignol. Bravo et merci Léna de nous inspirer par tes idées et recherches littéraires. Pause-café et bisous.

    3
    Jeudi 13 Mai 2010 à 17:30
    marie-louve

    Je ne vois pas mon commentaire? Je reviendrai, il doit être dans le coffret avec le pauvre rossignol. :-((( Bisous. Une pause café nous fera du bien. :--))))

    4
    Jeudi 13 Mai 2010 à 17:43
    Alice

    Une lecture bien agréable de ce lai de Maire de France au ton souriant et facétieux. Merci pour cette découverte et le choix des passages judicieux !

    5
    Jeudi 13 Mai 2010 à 18:54
    Lilie

    Belle idée de nous proposer cet extrait de lai courtois, qui est comme un conte.

    6
    Vendredi 14 Mai 2010 à 12:02
    Pascale La tricotine

    Je passe juste pour un coucou furtif, ici c'est très occupé!! de bizzoux à toutes les deux!

    ps:vous n'avez pas eu les consignes pour le défi, tant pis, à poster seulement pour Lundi 17 mai (pour que tous soitent en m^me temps sur la communauté,) je reviendrai lire à partir de Lundi

    7
    Vendredi 14 Mai 2010 à 17:51
    Pascale La tricotine

    hihi! Hélène n'a pas donné les consignes, c'est ce défi N°29 qui est à poster pour le 17 mai !!  (voir le planning sur mon blog dans rubrique à l'abordage les défis à relever) chaque défi sera lancé un lundi et les écrits postés ensemble le lundi suivant !! mais pas grave, nous allons tous à la Playa Lundi !!! bizzoux

    8
    Vendredi 14 Mai 2010 à 19:36
    ADAMANTE

    Elle aurait pu lui dire :

    "Quand vois l'aube du jour venir

    Nulle rien ne doit tant haïr,

    Qu'elle fait de moi departir

    Mon ami que j'aim par amour.

    Or ne hais rien tant com le jour,

    Ami, qui me depart de vous." début du XIIIè siècle.

    Bises de moi pour vous.

     

    9
    Dimanche 16 Mai 2010 à 14:17
    Pascale la Tricotine

    j'ai beaucoup aimé ce poème épique, qui tient en haleine comme une histoire racontée à des enfants !! merci Lénaïg bonne fin de dimanche

    10
    jill bill
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:56
    jill bill

    Bonjour Lenaïg, une découverte pour moi que ce lai de Marie-France et ma foi  à lente lecture pour y savourer le tout c'est un bien joli conte en vers... Amicalement de jill et bon vendredi

    11
    Mona l
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:56
    Mona															l

    snif bouououh ouin

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