• Peur, peur de quoi ? - Dominique B.

    Peur, peur de quoi ? De nous-mêmes ou de l'autre ?

     

     

    Elle se cache derrière les visages, la chair blanche des femmes ou les yeux craintifs de l'enfant

    suivant son père en l'ignorant. Elle se tapit en courant sous chaque boutade assortie d'un rire qui

    l'oublie, elle jubile et se tait.

     

     

    Elle vit au fond de tous mais peu le savent, ou tâchent de la rejeter dans des occupations ineptes,

    utiles ou factices afin de n'en rien apercevoir... C'est elle qui fait la laideur de nos traits, nos

    couleurs rapides sur notre face aux yeux ouverts, les rides et défauts de notre cuirasse mortelle.

    Quand nous fermons nos transistors, nos portables, nos télés ; quand nos interlocuteurs se sont tus à

    force d'avoir trop parlé ou lorsque le silence du sommeil les surprend, alors, elle veille et nous

    regarde.

     jai-peur-L-1

     

    C'est la peur. La peur ancestrale de la chair enfermant les mémoires de l'instinct et nos fautes

    passées qui poursuivent le vieil homme, le squelette de nos vies futiles. Futiles ? Pas toujours... La

    nuit fait son royaume à la peur, afin qu'elle s'exprime pleinement. Elle glisse alors sur les murs

    blancs de nos cités, ceux de nos supermarchés sans âme, ceux que nous mettons entre nous et nos

    semblables.

     

    La peur. La peur de l'autre : celle de la petite vieille ne répondant pas à votre sourire, ou de la

    morgue des adolescents aux corps insolents de fraîcheur, celle du piédestal des bien-pensants, d'un

    martyr anonyme, ou simplement l'instinct ? Crainte de nous-même, de nos oublis, nos défauts, celle

    de nos secrets obscurs ou éclairés... Allons, lecteurs, n'ai-je pas raison ? Entre nous...

    Je cherche à te connaître ô peur, t'analyser, te piéger avec les mots que j'écris, et tu te défiles face à

    cette lumière vive. Peur instinctive nécessaire à la survie certes, mais peur aussi de voir vraiment la

    vie, connaître enfin l'autre ; vraiment...

     portrait of dorian gray by mercuralis

     

    Je te surprends sous notre chair vieillissante et laide dont s'occupent les marchands du corps en ne

    regardant pas les leurs. Je t'ai aperçu hier sous un parking à demi éclairé de rayons blafards. Tu

    t'enfermes dans les prisons corporelles comme l'oiseau dans sa cage, l'esprit cadenassé dans une

    incarnation humaine ou animale. Chacun sous ses douleurs rêve de s'envoler de cette condition

    insupportable, chacun l'oublie comme il peut en nourrissant des désirs naturels auréolés de l'inutile

    et du dérisoire. Si je te scrute avec mes yeux souriants, quelquefois le miracle produit un contact

    illuminant quelques heures de cette journée. L'âme, l'âme dans le regard de l'autre, l'âme qui

    cherche à s'envoler !

     

    La peur, tu la vois et tu ne veux pas voir. Elle te fait peur...

     dinosaure-qui-fait-peur xnmkz media

    Ton corps d'enfant grandit et s'exalte d'une énergie trop grande pour des hormones découvertes et

    brutales. Quand il s'est transformé et que tu l'as accepté, plus ou moins, tu « fais » avec. Il sera pour

    toi une source de bénédiction ou de malédiction, c'est selon ; et pas toujours le corps que l'on croit...

    Ensuite, tu fuiras ou braveras les yeux des autres corps qui eux-mêmes agiront de façon similaire,

    mécanique ou vivante c'est selon...

     

    Le temps passe et la peur ne passe pas. Le corps est frère de la peur. Et l'âme ?

    Tu l'apprivoiseras ou elle t'anéantira, la peur, dans des fuites alcooliques addictives dit-on. Tu

    brûleras la chandelle de ton âme embrasée si Dieu, l'art ou le vrai ont pu rentrer soudain : ton

    autorisation craintive ou aimante le permettant. Sinon gare : le temps froissera tes chairs de son

    étreinte impitoyable jusqu'à ce que ta carcasse détourne le visage de l'enfant innocent et naïf : il ne

    sait pas encore ; la mort paraît si loin...

    9782253113041 

    Les corps martelés, tachetés de noirceurs, rides ou tatouages, les corps deviennent souvent laids, à

    moins que l'âme vertueuse ressuscite ses chairs d'une auréole floue que certaines personnes

    dévoilent inexplicablement. Les yeux, toujours les yeux. Ouvre les tiens, souris ; elle disparaîtra, la

    peur !

     

    Les corps qui font souffrir et transcendent à la fois. Misère ou lumière. L'esprit veut s'envoler

    derrière la carcasse du squelette charnel. Cultivant l'apparence afin de ne pas vivre seul, le corps

    rejoint une âme, son ultime raison, afin d'engendrer d'autres corps et d'aimer au passage. On dirait

    qu'il se vide et remplit dans la jouissance ultime d'un voyage qui rejoindrait l'esprit par l'espace et le

    temps. Métaphysique inconsciente...

     peur-noire-09

     

    Les corps qui me fascinent. Je détourne la tête plus souvent en été, devant une viande étalée, la

    chair indécemment visible d'une matière flasque, insolente aux langueurs, boudinant d'abondances

    ou sculptée dans le papier glacé des magazines morts. Le corps qui s'enlaidit inévitablement pour

    aller vers la tombe et que l'on ennoblit seulement dans l'amour.

     

    Ah ! l'indécence surgit : parler de l'amour quand il s'agit de corps et de mort, de laideur et de beauté.

    Seulement à ce prix, la peur ne sera plus peur et déstabilisera l'insolente quiétude de l'homme

    rassasié...

     

     

    Dominique

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 15 Septembre 2010 à 08:36
    jill-bill.over-blog.

    Bonjour Lena, magnifique billet de Dominique, on se retrouve dans certaines peurs, celle des hormones de l'adolescence qui vous métamorphosent... Bisous à vous deux de jill, bravo encore !!!

    2
    ff
    Mercredi 15 Septembre 2010 à 12:00
    ff

    c'est vrai qu'il y a des peurs qu'on ne maîtrise pas  phobie quand tu nous tiens

    3
    Jeudi 16 Septembre 2010 à 12:04
    dominique

    Merci à toutes d'être venues et d'appécier ce texte.

    Bises.

     

    4
    Jeudi 16 Septembre 2010 à 21:03
    Lenaïg Boudig

    J'ai vu que tu as voulu intervenir, Mona, mais il est indiqué "aucun texte" et le processus des réponses aux commentaires sur cette page s'est bloqué. Je dois donc émettre un nouveau commentaire, moi aussi, pour pouvoir te répondre et te dire que ceci n'est absolument pas de mon fait.

       Ben ça alors ! 

    5
    Samedi 18 Septembre 2010 à 16:26
    Jeanne Fadosi

    La peur, archaïque, est nécessaire à notre survie. Bien souvent, elle est détournée de cette fonction pour alimenter les divisions. Je suis allée faire un tour sur le blog de Dominique. Ses autres blogs me laissent perplexes.

    6
    Samedi 18 Septembre 2010 à 21:40
    dominique

    Oui Jeanne : je suis un chrétien inclassable, un homme n'entrant dans aucune catégorie que celle d'aller vers un mieux, quelqu'un ne se prenant pas au sérieux mais prenant les choses sérieusement... Mes blogs reflettent ma diversité...

    7
    Jeudi 23 Septembre 2010 à 13:15
    8
    margoton
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:52
    margoton

    La peur... mère de l'agressivité

     

    Superbe texte

    9
    Anaëlle
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:52
    Anaëlle

    Bravo, Dominique, pour cette superbe analyse. C'est vrai que nous avons tous des peurs en nous, surtout la peur de mourir, bien que nous sachions que notre mort est inéluctable.C'est une catastrophe, alors, nous nous étourdissons pour oublier. J'ai toujours été frappée de voir le nombre de films ou feuilletons regardés par beaucoup de gens (sans compter les romans policiers et autres thrillers) dont le succès est dû à la manière dont ils font naître la peur ou même l'épouvante en nous. Probablement est-ce une façon pour le lecteur ou le spectateur d'exorciser ses propres peurs dont l'origine est très lointaine et parfois même inscrite dans l'inconscient collectif...

    10
    Mona l
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:52
    Mona															l

    il était trop long, tant pis je l'oublie! Mais ce texte m'a paru passionnant et je tenais à le répéter. C'est le plus important pour Dominique. Il se trouve que j'avais aussi réfléchi au sujet!

    11
    Mona l
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:52
    Mona															l

    Juste un essai! ça marche, YEAH!!!!!!! 

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