• Nulle part sur ce pont - Marie-Louve _ L'écho errant - Lenaïg

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    Texte porteur : Marie-Louve

    L'écho errant : Lenaïg

    Scène : une auto prise dans un bouchon sur un pont, un homme ou une femme qui tue le temps, mais pas le temps qu'il fait !

    Le personnage livre tout haut ses réflexions, un écho en voix off lui répond, ou pas.

    ***

     

    Nulle part sur ce pont

     

    Merde ! C’est encore bloqué ! Qu’est-ce que je fous ici à chaque jour depuis que je suis né par nécessité ?

    Mère ? Mer ? Deux ? Je suis un écho errant. Suis-je incohérent ? Je me nourris des sons que je récolte, je colporte des questions qui croisent des réponses dans le vent.

    J’étais derrière le volant de ma bulle, au beau milieu de n’importe quoi comme vous tous au quotidien. Le hasard qu’on dit. Une poussière d’étoile tombée sous la pulsion du besoin. Une envie d’urgence incontrôlable. Ne me baratinez pas avec vos idées de grandeur. La seule grandeur réelle c’est le temps si la nature tient le coup. Ma bulle ronronne, Son moteur tourne, mais elle ne bouge pas d’un iota ni grec ni français sur ce pont suspendu entre ciel et mer à terre.

    Hasard ou nécessité ? Si c'est le hasard qui décide, il se joue de la nécessité et, en même temps, il la crée ! L'avenir est ainsi tout tracé et le hasard s'est trompé de sens. Non, c'est le serpent qui se mord la queue et forme un cercle parfait. La cause se perd dans l'effet, il n'y a plus de cause à effet ; tout est dans tout, et rien à la fois.

    Les gouttes d'eau ne tombent jamais au même endroit mais les machines sont bien huilées.

    Et si c'était cela, le grand secret ? Si l'humain le comprenait, il ne se poserait plus de question mais son cerveau est limité. L'homme est ainsi fait qu'il n'envisage rien sans un début ni une fin.

    Où est-ce que j’allais déjà ? Mon IPod touch collé aux oreilles me défonce au rythme d’un hit parade, Love The Way You Lie. Je reste là. Je me consume dans cette chaleur incandescente sur l’asphalte goudronné en vacances au temps des canicules. Je pense. Y’avait ce tunnel de lumière pas mauvais ni bon et puis ce con bourré comme si y’allait au combat d’amour et de haine m’a dépassé maladroit. Sa caisse à tombeau ouvert, filait droit devant.

    Oublier où on allait tout en se trouvant nulle part, c'est une façon de passer derrière le miroir, d'estomper les contours, se jouer des obstacles ; se le répéter pour s'en imprégner, oublier qu'on est immobilisé,

    faire prendre au pont une autre dimension, le superposer à d'autres et voyager. Le Pont des Soupirs est hanté par l'écho des prisonniers, mais sur le Pont d'Avignon on y danse tous EN ROND !

    On croit qu'on est seul mais on ne l'est jamais : flottent les pensées et les souvenirs, la présence des êtres aimés et, au pire, celle de nos ennemis.

    L'urgence n'est qu'un vilain défaut, qui mine les jours des pauvres travailleurs stressés mais qui devient une nécessité quand on vole au secours des êtres en danger.

    Rien ne sert de courir, il faut partir à point est un leurre, quand on stagne des heures sur un pont, et que partir à l'heure ne peut rien contre l'heure de fermeture, quand l'heure c'est l'heure !

    Ceux qui nous aiment nous attendront !

    Love The Way You Lie, elle me chante la vie. Faut dire que la nature humaine ne garde pas toujours sa route. J’avance cette idée sans savoir si elle a un sens. Vous imaginez ? Même un cancre a de la chance avec des idées. Suffit qu’il se pense la grosse tête de la place pour paraître et ne pas être.

    J'aime ta façon de mentir ? L'écho errant que je suis, peut-être incohérent mais qui ne croit pas au hasard ni au chaos, reprend cette chanson et la dissèque allègrement : celui qui avoue qu'il sait que l'être

    aimé lui ment et qu'il l'aime pour cela doit être bien désarmant : le mensonge à découvert n'a plus rien de sa superbe, et, penaud, se désagrège, son objet suit.

    Le paraître a beau se croire supérieur face à l'être, les couleurs dont il se pare finissent par pâlir et il faut faire drôlement vite pour les repeindre avant que tout le monde s'aperçoive que derrière il n'y a rien !

    Comme l'urgence, le paraître est fatigant et doit user prématurément.

    Ici-bas, dans ce grand lit, là, celui de la Terre d’où nous sommes tous issus, y’a lit et ratures pour ceux qu’on a voulu annuler comme des fautes. Je ne rigole pas. Je croule sous les « faut ou faut pas ». Je suis toujours ailleurs des autres. Eux, ils ne le savent pas. Ils me pensent comme ça. Je ne suis pas ça.

    Les "conneries" ? l'écho ne rit pas non plus. L'écho errant sait qu'il n'y a pas de littérature sans ratures mais que le lit de la littérature abrite les héros comme les assassins, les bourreaux et les victimes,

    les braves gens à la Brassens comme les moins que rien, les manants comme les rois et leurs fous. Elle les abrite tous et personne n'est exclu ; un pauvre hère peut s'y tailler la part d'un lion.

    Aucune importance. Je suis le battement de mon cœur au milieu de nulle part. Je suis bloqué. J’ai la mine aux torts et aux travers. Je trace des signes. Je dépasse les lignes. J’efface des ombres. J’enterre mes silences. Je cloue des mots dessus ou dessous et je signe sans croix.

    La croix de l'illettré a sa valeur mais elle est fière de s'effacer devant la belle signature de celui qui a appris. L'écho ne rit pas là non plus. La dignité de l'homme réside dans ce qu'il accomplit.

    Aucune importance. Une poussière d’étoile dans le temps attend sur ce pont que la lumière disparaisse. Le temps qu’il faut.

    L'Ecossais ? L'écho sait la beauté des couchers de soleil au dessus de la mer, à Inverness ou ailleurs. L'attente est comme un arrêt sur image qui donne à la poussière toute son importance.

    Le temps qu'il faut pour qu'elle ait pris conscience d'exister et pour que des yeux alertés aient eu le temps de la fixer. Les yeux continueront de la suivre tant qu'eux-mêmes auront leur réalité,

    l'amour et la pensée prendront le relais.

     

    - Rideau -

     

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    Illustrations provenant de :

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  • Commentaires

    1
    Mardi 24 Août 2010 à 16:42
    marie-louve

    C'est du grand bonheur que je retrouve dans cet écho du jour ! Si les yeux et son regard ne brillent pas à travers ces lignes, je donne ma chemise. L'amour  a un sens. L'écho vient rappeler l'amour, qu'il est le moteur de la conscience d'être et son origine.  Merci pour ce plaisir partagé avec toi chère Léna.

    J'aime les ponts pour le symbole qu'il porte: unir deux rivages, deux espaces  qui permettent les voyages de tout côté. Ouverture.

    Bon retour chez toi ! Soupière et déjeuner au bistro des Nounours Farceurs. Filons avec notre chapeau de paille jusqu'à sa table du jour ! Bisous.

    2
    Mardi 24 Août 2010 à 21:09
    Stellamaris

    J'aime énormément cette réflexion à deux voix, plus philosophique qu'elle n'en n'a l'air ... Bises !

    3
    Mercredi 25 Août 2010 à 02:29
    marie-louve

     Le plaisir est encore plus grand avec ce commentaire de l'ami Stellamaris. Bonne semaine.

    4
    Mercredi 25 Août 2010 à 22:09
    marie-louve

    Un joli merci et on partage ce champagne à la gloire des bouchons ! :-))) Flûte ! Qu'est-ce que je dis-là ? Nonnnnnnn pas les bouchons !

    5
    Mona l
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:53
    Mona															l

    Belle harmonie, à laquelle je suis sensible!

    6
    jill bill
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:53
    jill bill

    Bonjour vous !  Et bien je serai quoi faire ou quoi dire lorque inerte dans un bouchon et je n'ai ici pas perdu mon temps... Champagne, je fais sauter le bouchon en votre honneur mesdames ! Joli joli ! Bisous de JB

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