Ma Madeleine se tapit,

j'en éprouve, ô bien du dépit,

Dans un recoin de ma mémoire :

j'ai perdu la clé de l'armoire.

Je n'ai pas lu le grand auteur,

je ne peux être à la hauteur.

Mais je connais sa Madeleine,

Son image puissante et pleine !

Ce passage du Temps perdu,

tant récité, tant entendu,

personne jamais ne s'en lasse,

on a son goût quoi que l'on fasse ...

En moi double émoi, double peur :

Aurai-je droit à ce bonheur

Que de vous apporter la mienne ?

Il faudrait que je m'en souvienne !

Pas besoin de brûler l'encens,

je fais appel à mes cinq sens,

je ne suis Dame à la licorne,

aux plaisirs je ne mets de borne.

En dehors des joies de la chair,

je veux chanter comme un autre air :

le toucher, l'odorat, l'oreille,

pourquoi pas le jus de la treille !

La Dame qui cherche mercy,

qu'on voit à l'Hôtel de Cluny,

renonce sur tapisserie

à ces beaux cinq sens de la vie.

C'était Dieu son engagement,

le but de son renoncement ...

Faire jeûne, en tout, abstinence,

centrer en Lui son existence.

On n'a pas fini de gloser,

alors je me risque à oser :

le choix je fais de cette idée,

Car je ne l'ai pas inventée !

L'armoire qui ne veut s'ouvrir,

qui renferme mon souvenir,

cachant ma belle Madeleine,

me cèdera, sans grande peine.

C'est en contemplant ce décor,
rouge, bleu, vert, beige et fils d'or,

ces personnages sur une île,

que mon esprit sera fertile !

Car je vais en trouver la clé

dans le semis des fleurs du pré,

cette faune occupant l'espace,

hors du temps et avec audace.

Lapins tout plein, oiseaux, renard

seraient tissés pour mon regard ?

Par eux je me sens inspirée,

j'arrive, je suis à l'orée !

L'enchantement vous me donnez,

Qui va me chatouiller le nez !

En moi se dégage la brume.

Un parfum en moi : je le hume ...
***


Lenaïg
Pour Le Plumart'