• Hier, cette femme qu’on battait sous le regard muet de ses voisins - Marie-Louve

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    Hier, 7 mars, une mauvaise tempête de neige faisait rage au Québec. Il est tombé entre 35 et 100cm de neige selon les régions sur le sol québécois. Les écoles sont fermées. Les routes impraticables. Panne d’électricité, neige de partout. Je sors ma caméra pour prendre quelques photos en imaginant que dame nature a mis sa robe de mariée pour cette veille du 8 mars consacré aux femmes de partout sur cette Terre.

     

    Devant cette mer blanche, je ronchonne quand même un peu. J’en ai assez vu de cette neige qui nous tombe dessus depuis plus de cinq mois. J’aime le soleil et la verdure. Trop c’est trop !

     

    Je ne vous parlerai plus de la neige. «  Basta ! » C’est Nonna qui dit ce mot en italien  quand elle aperçoit des marmottes dans son potager.

     

    Je retourne à ma table avec mon café chaud et je ramène devant moi, mon journal du jour, La Presse. En gros titre, on annonce une grande série à lire jusqu’à samedi : L’Honneur à tout prix. L’Horreur pour sauver l’honneur. Je lis le premier article de la série. Je m’arrête au tableau des statistiques. Je m’intéresse à la colonne du Canada. Quoi ! 50 femmes à chaque année sont tuées ici au Canada pour des crimes d’honneur par leur père, leur conjoint ou leur frère. J’apprends la distinction suivante quant au crime d’honneur. Quoi ? Un crime peut être un honneur !

     

    «  Ça se différencie de la violence domestique, parce que ce n’est pas seulement une question de violence d’un partenaire contre l’autre. Dans le cas de crimes d’honneur, la famille étendue est impliquée. » Journaliste, Laura-Julie Perreault, La Presse du 7 mars 2011-03-08

     

    Bon. La violence ça se domestique ! Dégoûtée, je ferme ce journal et ses vérités dégueulasses que je ne veux pas sentir au creux de mon ventre. La neige, le sang rouge ça va faire les idées noires !

     

    J’empoigne mon téléphone. J’appelle ma fillotte pour savoir si tout va bien. Elle va bien, les enfants sont heureux. Un congé d’école tombé du ciel. Elle a de la neige jusqu’aux hanches. Impossible de sortir la voiture donc, un congé de travail pour elle aussi. Deo gratias pour la neige !

     

    J’ai pris aussi des nouvelles de mon fils. Tout semble sous contrôle. Rassurée, je me concocte un petit déjeuner à l’heure du déjeuner. Je joue du clavier derrière mon écran. Le téléphone sonne. Je prends l’appel. Ma sœur, mon amie ? Peu importe. Pendant notre conversation, j’entends des cris et le mot «  Police ». Inquiétée, j’interroge mon interlocutrice pour comprendre ce qui se joue dans cette pièce. On me répond que c’est le voisin d’en face qui bat sa femme voilée, je le cite parce que c’était le cas et il la bat férocement dehors, devant plusieurs voisins hommes et femmes qui restent muets face à cette scène sauf une personne qui le menace d’appeler la police. L’agresseur vocifère en arabe des menaces en levant les poings vers celle qui tente de porter secours à la victime. Son voisin que je nommerai Richard, lui apprend que cette femme est battue depuis plus de deux ans et ce de façon régulière, mais ce sont des chicanes de ménage. Il ne s’occupe pas de ça. C’est leur culture et ces femmes-là aiment ça ! Sur ces entrefaites, une autre voisine monte l’escalier pour rentrer chez elle. Elle rit et lance : «  Si un jour, j’ai besoin d’être sauvée, je viendrai te voir.»

    La scène perdure pendant vingt minutes. La pauvre femme-victime, sans vêtements pour se protéger du froid et de la tempête demeure dehors sur le balcon en refusant d’entrer chez elle et de suivre son agresseur.

     

    Je fulmine. Je demande si quelqu’un a appelé la police. On me répond, non. Quoi ? Personne n’a porté secours à cette femme ! Je rêve ou quoi ? Donnez-moi l’adresse ! Je vais le faire tout de suite. On tergiverse. On craint les représailles. J’insiste. Donnez-moi l’adresse, je vous en prie. On me raccroche la ligne au nez.

     

     

    Je deviens un volcan ! Je rage. J’habite à 13 kilomètres de cette ville et je me sens outrée par l’inertie de ces personnes témoins. Je vous jure. Je pleure de colère et de rage. Comment peut-on garder silence et fermer les yeux ? Je me demande si je pourrai rétablir mon lien avec celles à qui j’ai parlé ? Je ne leur pardonne pas. Mon cerveau et mon cœur s’y refusent.

     

    Profondément blessée et surtout en colère, je cherche secours auprès d’une vraie amie pour lui exprimer mon état d’écœurement total face à ce que je viens de vivre en toute impuissance. Merci à cette amie qui a compris l’odieux de cette situation inacceptable.

     

     Trois heures plus tard,  le téléphone sonne à nouveau. Celle qui m’a raccroché la ligne au nez, m’informe qu’elles ont fini par aller au poste de police déposer une plainte anonyme contre ce voisin qui bat sa femme. Fin de la conversation. Elles ont sauvé leur honneur à mes yeux, mais trop tard.

     

    Dans la soirée, quand les policiers sont venus chez l’agresseur personne n’a ouvert la porte. Les policiers sont repartis. Vingt minutes plus tard, une fourgonnette est venue embarquée la victime sous haute surveillance, encadrée par trois hommes arabes. Le reste faut l’imaginer.

    Le cœur me lève !

     

    Cette histoire est authentique. Ce fut ma journée d’hier. Je n’ai pas dormi de la nuit. Honte à l’humanité quand elle se comporte ainsi. Oui, sans honte, j’affirme être en colère.

     

    Marie-Louve.


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  • Commentaires

    1
    Mardi 8 Mars 2011 à 23:41
    Lenaïg Boudig

    Qu'est devenue cette femme embarquée de force vers une destination mystérieuse ? C'est terrifiant, Marie-Louve et on a mal pour elle, qu'on ne connaît pas, mais qui est notre ... soeur.

     

    C'était hier et aujourd'hui, comme si de rien n'était, se célébrait la Journée internationale des femmes (la désignation exacte), partout, y compris dans le quartier où se sont déroulés ces faits.

     

    Célébration dérisoire face à la violence et l'indifférence.

    2
    Mercredi 9 Mars 2011 à 00:57
    Marie-Louve

    Je me pose la même question. Qu'est devenue cette femme ? Où est'elle ? Pourquoi on l'a cachée aux policiers ? Elle n'était pas montrable ou quoi ? Pour toutes ces questions, je n'ai pas dormi la nuit dernière. La violence est vraiment un problème sociale. Quand les autres ferment les yeux, ils sont complices. Merci Léna et à toi, bonne nuit. Bizs.

    3
    Mercredi 9 Mars 2011 à 11:40
    jill-bill.over-blog.

    Bonjour Marie-Louve.... Des actes répugnants que la violence sur cette femme... Non elle n'aime pas ça faut pas pousser le bouchon avec ce véritable boucher tout de même... Quel lendemain pour ce coupe en effet et surtout la dame... Une page qu'il fallait oser montrer.... Amicalement de jill 

    4
    Mercredi 9 Mars 2011 à 21:59
    fransua

    récit poignanty marie Louve !...............

    5
    Mercredi 9 Mars 2011 à 22:04
    Mireille

    Colère partagée, surtout vis à vis des témoins. Indifférence? Peur? Bêtise? Difficile à dire. Les victimes, elles, parlent rarement souvent trop tard. Cette femme cachée, où? est certainement battue encore. Tisser des liens et permettre aux femmes battues de ne pas avoir peur, d'oser porter plainte, mais comment? Il est terrifiant de se sentir aussi impuissante. Bonne soirée.

    6
    DI le
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:47
    DI															le

    Je ne peux pas comprendre qu'on ne puisse signaler 911 quand un tel crime se commet devant nos yeux et fermer les yeux. Même en fermant les yeux on repère facilement le 911 avec les doigts. Surtout qu'on peut demander l'anonymat et sauver une vie ou du moins laisser une la trace d'un tueur potentiel dans les filières de la Justice. Elle est partie avec trois hommes, c'est sur qu'elle n'avait pas le choix! Le salaud qu'elle a dans sa vie ne veut pas que les policiers remarquent les bleus qu'il lui laisse sur le corps. Tant que ceux qui sont dans le coeur, ils sont invisibles, mais ils sont bien là eux aussi.

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