• VALSE-HESITATION - 2/2 - Nouvelles de Klotz, Rahar

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     Si je supprimais Rob, de quel bois sera fait son successeur ? Je n’irai pas jusqu’à le qualifier de bienfaiteur, mais sa méthode de gestion me semble tolérable. Même en prison, il pourra toujours administrer son territoire. Mon client est bien pressé d’enfiler les sabots du vieux. À propos, Rob se redresse. Il est livide, un filet de bave coule à la commissure de ses lèvres et sa respiration se fait plus chuintante. Il est assez mal en point.
     

     

      — Sais-tu pourquoi je n’ai pas eu peur de toi, fiston ? Je te considère comme une délivrance.
      — J’hésite maintenant à vous tuer, vieux sacripant.
      — Surtout pas, bordel ! J’ai le cancer, petit. J’en suis en quelque sorte au stade terminal et je n’ai que quelques jours, voire quelques heures à vivre. Je souffre le martyre et je marche à l’héroïne. La dose que me donne cette gratteuse d’infirmière ne me suffit pas. Là maintenant, je me crois en enfer. Je t’en supplie, achève-moi.
      — Ce serait de l’euthanasie.
      — Et alors ? Je mourrai sous peu, de toute façon. À propos, ton feu n’a pas de silencieux. Comment vas-tu t’en sortir avec les deux policiers dans le couloir ?
      — C’est un pistolet à aiguilles empoisonnées…
      — C’est douloureux ? Voyons, que dis-je, je souffre déjà, la douleur ne sera pas pire.
      — Détrompez-vous, vous aurez quelques secondes interminables d’agonie insupportable. Mais ne vous en faites pas, je vous endormirai avant, c’est le moins que je puisse faire, fais-je en changeant la cartouche.
      — J’ai une autre faveur à te demander, fiston. Un contrat sur la tête de Jesus Impacian. C’est lui qui veut prendre ma place. C’est un dur, il est aussi cupide qu’impitoyable, depuis toujours, j’ai eu du mal à le mater… Tiens, voici une clef de consigne de la Gare Cinq Lézards. Tu y trouveras des bons au porteur. Garde la monnaie, fait-il avec un sourire. Ah, tu plairais bien à ma petite-fille, un beau brin de fille intelligente et instruite, un docteur en médecine.
      — Désolé monsieur Deshambre, je suis déjà marié.
      — Ah, dommage !... Celui qui me succédera sera Joe « le Défroqué ». Je sais qu’il va suivre ma ligne de conduite et ne foutra pas le bordel sur mon territoire. Reste à savoir s’il pourra la maintenir face aux autres requins. Enfin, je suppose que cela ne me concerne plus.
      — J’accepte le contrat, Monsieur Deshambre… Adieu, puissiez-vous trouver la paix.
      — Merci petit. Vas-y  maintenant, je souffre trop.
     

     

     J’attends que l’aiguille soporifique fasse son effet, puis j’utilise celle empoisonnée. Brusquement, l’appareil d’assistance couine et bipe en continu ; le bruit paraît assourdissant. Imbécile que je suis ! J’ai oublié de bricoler l’appareil qui surveillait les signes vitaux de Rob. J’avoue que notre conversation a un peu troublé mon esprit. J’entends des bruits de pas.
      La porte est ouverte à la volée et une infirmière, un médecin et un policier font irruption. Alors que l’infirmière s’occupe de l’appareil, le toubib constate le décès.
      — Eh bien, votre prisonnier est clamsé, monsieur le policier. Je crois qu’il a eu une seconde attaque, fatale cette fois-ci.
      — Bah, bon débarras, doc ! Au fisc de se débrouiller maintenant.
      L’agent de police retransmet l’information dans son communicateur. Deux autres infirmiers arrivent pour évacuer Rob. L’infirmière ouvre le vaste placard et décroche les vêtements du mort. Puis tout ce beau monde sort de la chambre.
     

     

      J’essuie en soupirant la fine sueur de mon front. Heureusement, feu Rob n’a pas apporté toute sa garde-robe ; j’ai repoussé les cintres du côté du battant ouvrant et me suis tapi tout au fond du placard. J’aurais pu évidemment les endormir tous, mais je ne peux pas me fier entièrement à mon ouïe pour repérer la position de chacun, et le flic pouvait avoir des réflexes fulgurants, qui sait. Je n’ai pas de masque, et le temps qu’ils tombent dans les bras de Morphée, certains pourraient voir mon visage ; le poulet doit certainement être physionomiste. Je me rue sur l’interrupteur et éteins la lumière, puis me déplace comme un chat dans la pénombre vers la fenêtre. J’écarte un peu les rideaux et jette un œil dans la cour. Pas âme qui vive. J’atterris dans les bégonias que je n’ai vus qu’au dernier moment. Le jardinier de l’hôpital va avoir du boulot.
     

     

      On ne s’apercevra du meurtre qu’au cours de l’autopsie. À ce moment-là, le bâtiment va grouiller de keufs et je dois filer fissa. Je ne vais pas sortir par devant, j’ai encore droit à une séance de gym en sautant le mur de derrière.
     
     

      J’ai trouvé les bons au porteur. Rob ne m’a pas raconté des bobards, il y a là plusieurs fois mon tarif habituel. Quoiqu’il en soit, il m’a dit de garder « la monnaie ». Je crois bien que je vais honorer le contrat. Une jolie petite bombe directionnelle bien artisanale sous la voiture de Jesus Impacian fera l’affaire. J’ai expérimenté toute une année sur des tires mises à la casse et des mannequins pour parvenir à dégommer le passager d’une bagnole en épargnant autant que possible le chauffeur. Où vais-je bien emmener ma petite famille en vacance ? Miami ? Majunga ? Sydney ? Ou bien Paris ?

     

     

     

    RAHAR

     

     

    Photo du net : bégonias en plate-bande. 

     


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  • Commentaires

    1
    Jeudi 4 Août 2011 à 11:25
    Lenaïg Boudig

    Salut Rahar ! Grr, je ne voulais pas être la première à commenter. Car moi j'ai beaucoup apprécié, comme toujours d'ailleurs, le côté hors la loi qui est permis en littérature et on aurait tort de s'en priver ! A bientôt, grosses bises.

    Un grand bravo à toi.

    2
    Jeudi 4 Août 2011 à 18:28
    Qu'importe

    Honorons le contrat, coûte que coûte! Moi je le verrais bien à Miami avec sa petite famille... merci pour ce pur moment noir...

    3
    Jeudi 4 Août 2011 à 20:56
    jill-bill.over-blog.

    Bonsoir Rahar, Lena...  Un beau noir que ton polar... A présent reste la question du choix des vacances.... Merci à vous deux !  Bizzz jill

    4
    Vendredi 5 Août 2011 à 09:22
    Monelle

    Bonjour vous deux ! Il a vraiment bon coeur cet Eboueur... ce n'était plus vraiment un contrat ! A bientôt une autre histoire j'espère ???

    Bonne journée Léna - gros bisous

    5
    Vendredi 5 Août 2011 à 11:32
    Lenaïg Boudig

    Ah, merci de votre lecture, Qu'importe, Jill et Monelle et les gens discrets qui sont aussi passés ! Dis donc, Rahar, tu vas quand même te fendre d'un p'tit commentaire, non ?

     

    Mais je crois que le WE, tu n'es pas sur internet ... Allez, bises ! A plus !

    6
    Samedi 6 Août 2011 à 11:35
    flipperine

    une belle histoire

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