• Une enquête du commissaire Rizzoli - Chapitre 3 (début) - Denis Costa

     Denis Costa - Photo 2

     

     

     

    Rizzoli se réfugia dans son bureau. Il ne voulut voir personne, ni famille, ni collaborateur. Il était moins bien disposé encore, à écouter les plaintes des uns et des autres, celles des bonnes gens de la ville, que son service était censé protéger, comme celles du personnel de la questura qui relevait de son autorité.

    Son bureau, fermé pour l'après-midi aux intrus, représentait plus que jamais un lieu familier rassurant, un domicile professionnel qu'il occupait avec plus de durabilité que son propre domicile familial.

    Le désordre qui y régnait, était ordonné. Tout était à la place qu'il souhaitait donner à son environnement: le plan détaillé de la ville et la carte informative de la province étaient fixés sur le large mur à sa droite, tandis que les écussons en tissus et les diverses tapes de bouche rappelant ses deux précédentes affectations, étaient suspendus en quinconce sur le mur derrière son dos. Les dossiers s'empilaient sur son plan de travail, classés dans des chemises dont la couleur correspondait chacune à une affaire en cours ou à traiter, voire à déléguer, si le temps lui manquait de s'en occuper personnellement.

    « Un bon chef est un chef qui délègue! », lui répétait Farina, inlassablement.

     

    Seule touche vraiment personnelle, la photo sous cadre qui trônait à côté de la lampe de bureau, représentant sa femme en compagnie de leurs jumeaux, Osvaldo et Viola, à l'âge de cinq ans. La photo datait de sa prise de fonction au commissariat central de Bolzano.

    Sa famille était sa référence, sa fierté et son point d'équilibre. Il s'occupait des jumeaux autant que son métier le lui permettait. Mais en ce triste mardi de mai, il se reprocha de n'être pas assez présent auprès d'eux. Et il jugea parfaitement injuste le fait, par exemple, de les réprimander pour le raffut inversement proportionnel à leurs mensurations, que ses créatures, aujourd'hui âgées de dix ans, produisaient en se déplaçant dans l'appartement...

     

     

    La signorina Silvana, sa secrétaire, avait bien compris l'état d'esprit dans lequel se trouvait son patron, et elle lui garantit une après-midi de solitude absolue, propre à la réflexion, voire à la méditation. Elle prit simplement l'initiative de lui porter vers les treize heures, un tramezzino à la mayonnaise, jambon et champignons, ainsi qu'une boisson gazeuse, que le commissaire avait l'habitude de se commander au bar voisin, lorsqu'il ne rentrait pas déjeuner chez lui. Rizzoli ne sortit du bureau que pour s'offrir un espresso, à la machine à café installée à l'étage.

     

    La journée avait bien mal débuté. Avec la découverte du corps de la petite Lisa, l'affaire de disparition de mineure avait pris un tour plus tragique encore. A l'évidence il s'agissait d'un meurtre, voire d'un assassinat, s'il y avait préméditation. Ce sera au procureur de décider la qualification des faits, en vertu des éléments que lui fournira le vice-questeur.

    Le vice-questeur avait reçu le commissaire Rizzoli, à sa demande, en fin de matinée, dans son vaste bureau du premier étage. Lorsqu'il entra, Walshofer était déjà assis derrière la table de conférence semi-circulaire sur laquelle il posa une simple feuille blanche et un stylo. Cela signifiait d'ordinaire qu'il entendait être à l'aise, et qu'il avait tout son temps à accorder au commissaire. L'échange de vues entre les deux hommes avait duré une bonne demi-heure, et Rizzoli était sorti de l'entretien, déconcerté, nerveux, son intime conviction passablement ébranlée.

     

     

    - Il faut s'en tenir aux faits, commissaire! l'avait tancé Walshofer, et ne pas trop vous fier à votre première impression. Jusqu'à preuve du contraire, le dernier individu à l'avoir vue vivante, c'est le jeune Degasperi... C'est un être instable, je veux dire au niveau de ses émotions. Les procès-verbaux sont clairs sur ce plan. Creusez donc dans les dernières relations du garçon avec ses ex-fiancées. Il y a du grain à moudre d'après les témoignages que nous avons... Regardez celle-là! Et puis cette autre... toutes abandonnées par le garçon à la suite de disputes parfois violentes. Relisez leurs témoignages, relisez-les! … Pas très convaincant comme Dom Juan, ce Matteo!

     

    - Son instabilité émotionnelle serait selon vous, le mobile du crime? mais un adolescent qui se cherche, il n'y a rien de plus banal monsieur! s'était énervé Rizzoli. A notre époque, les jeunes prennent la liberté de diversifier leurs expériences, c'est pas plus mal, et ça ne fait pas de Matteo un assassin! Non, cela ne me convainc pas... et si Matteo était l'assassin, comment expliquer que l'on ait retrouvé le corps de la fille sur la rive du fleuve, distante de cinq kilomètres du champ de pommes où les deux jeunes auraient fait l'amour?

     

    

     

    A suivre

    

     

     

    Denis Costa,

    Texte et photo

     

     


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 5 Juin 2011 à 21:43
    jill-bill.over-blog.

    Bonsoir Lenaïg, bonsoir Denis... Un peu de la vie privée du commissaire, marié et père de jumeaux... qui est pris par son métier...  Matteo pas Matteo, tjs rien... A suivre donc...  Bonne nuit à vous, bises de jil l

    2
    Lundi 6 Juin 2011 à 10:34
    Lenaïg Boudig

    Bonjour Denis ! Oh, en ce qui me concerne, le vocabulaire italien ne nécessitait point d'explication complémentaire, la questura, j'avais bien compris qu'il s'agissait du commissariat de police, pour le sandwich aussi. Mais tu as raison, c'est toujours mieux de faire un petit lexique. J'attends le départ de mon train pour Paris, je profite un peu de ma connexion ! J'aime bien ce chapitre, où on fait bien connaissance du commissaire, ses doutes, ses interrogations, ses habitudes et ... la suite sera postée ce soir, je pense. Encore merci de nous offrir ce feuilleton policier !

    3
    Lundi 6 Juin 2011 à 11:16
    jill-bill.over-blog.

    J'osais pas le demander.... Merci Denis !!!!!!!!!!!!!  jill amitiés

    4
    Lundi 6 Juin 2011 à 14:31
    Marie-Louve

    Rizzoli se questionne et avec bon raisonnement, se méfie des des faits et des apparences. J'aime la sonorité du nom de l'enquêteur, je viens juste d,entendre ma lecture. :-))

    Étrangement, je chercherais plus du côté des rivalités entre les Italiens et les familles allemandes. Parfois les rancunes ont la vie longue... Qui a mis ou laissé le vélo si loin du corps ? Bien , voilà que je me substitue à Rizzoli ! Ce qui ne me concerne pas du tout :-)). C'est son affaire à lui, il n'a pas besoin de mon jeu de "Clue" hi,hi,hi C'est super !

     

    5
    Lundi 6 Juin 2011 à 21:45
    Marie-Louve

    :-)) En faisant mon épicerie, j,ai trouvé une bouteille de vin rosé, italien nommée Rizzoli. !! J'ai souri, jamais ce vin n,avait retenu mon attention. Mais je n'ai pas mis Rizzoli dans mon panier à salade ni dans mon panier tout court ! :-))

     

    6
    Denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:44
    Denis

    Un peu de vocabulaire italien pour aider le lecteur:

    la questura = le commissariat de police

    tramezzino:sandwisch à base de pain de mie, que l'on peut agrémenter au choix(viande, oeuf, thon...) mais dont l'ingrédient commun est la mayo.

    Bonne lecture à tous!

    7
    Denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:44
    Denis

    Rizzoli n'est pas tout d'une pièce, c'est un homme avec ses qualités et ses défauts, et donc ses doutes... Ce n'est pas un héros. Bises à tous!

    8
    Denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:44
    Denis

    Bois-le vite ton Rizzoli, Marie-Louve, avant qu'il ne prenne un goût de bouchon, noyé dans le brouillard, mdr!

    9
    Mona de plumes au v
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:44
    Mona  de plumes au v

    Bonjour! Ah génial un lexique qui m'empêchera d'aller chercher sur le net :) On ne se refait pas , j'aime bien tout comprendre ... Du pain de mie donc... je le visualise je choisis mes ingrédients, je gratte la mayo  et j'en ai l'eau à la bouche. Pour la questura j'avais compris. ça ressemble à la "question" ... Ce commissaire aurait donc donné son nom à un vin??? Mais j'avais compris, moi, que Marie Louve avait résisté à la tentation de l'acheter... ça m'a fait rire et penser à une gentille anglaise, nommée Ayala parce que ses parents, très jeunes alors avaient bu cette marque de champagne et oublié de se protéger: elle est donc née par accident et on lui a donné le nom du champagne. Revenons tout de même, à ce commissaire (nom d'un bon gâteau aussi, hmmmm) pas héros mais pas zéro non plus. Il est très bien campé, très humain et trouvera le ou la coupable, gast, ça j'en suis sûr!

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