• Une enquête du commissaire Rizzoli - Chapitre 14 - Denis Costa

     

    Denis Costa - Photo 20

     

     

     

     

    Rizzoli consultait son ordinateur lorsque ses deux inspecteurs, suivis de l'assistant Kallmünz, firent le siège de son bureau. Ils se montrèrent tout aussi curieux que leur patron, de découvrir la page web du prélat Roberto Moser.

     

    - C'est dingue, s'exclama Kallmünz, même les curés ont accès à internet! qu'est-ce-qu'ils peuvent bien y mettre?

     

    - Ben, Moser par exemple, sur son blog, il y a précisé tout son pedigree, en occultant, il va sans dire, ses démêlés avec la justice djiboutienne... Oh! et bien, lisez moi ça... mais... il récolte des fonds pour le compte du diocèse d'Addis-Ababa, en Éthiopie... pour lutter contre l'analphabétisme, précise-t-il... il nous rejoue sans vergogne le coup de Djibouti... il sait rebondir notre bonhomme!

     

    - Et... comment tu t'y es pris pour accéder à sa page? s'enquit Farina.

     

    - Rien de plus simple, ou plutôt, grazie mille à mon Antonino qui s'est démerdé à rentrer dans le fichier du Vatican... Il m'a fait parvenir toutes les infos détenues par les archives de police, plus celles de Rome... comme ça, en un simple clic!

     

    - C'est légal, ça? s'interrogea Gasser. Je veux dire, on ne risque pas l'excommunication?

     

    - Jeune homme, il est temps pour vous d'admettre l'idée qu'au recto de l'école de police, où l'on vous apprend ce qu'il convient de faire, s'harmonise un verso, l'école de la vie, où l'on est contraint de faire ce que l'on fait, verst? … Ne soyez pas désespéré Gasser, Farina s'occupe de vous!

    åndn  

     

    - Je plaisantais, commissaire!

     

    - Fort bien, Gasser, j'ai toujours pensé que Farina était le gourou idéal qu'il vous fallait...

     

    - Y'a même des photos... esquiva Farina amusé, tout en lançant un clin d'œil complice au commissaire.

     

    - Oui, et sur les photos, il apparaît toujours vêtu de sa soutane noire que portent les bénédictins, l'ordre auquel il appartient, précisa Rizzoli.

     

    - C'est toujours habillé ainsi qu'on le croisait chez les Innerhofer, murmura le vice-inspecteur.

     

    - Normal, lorsqu'il venait à Lana, c'était pour confesser la famille. C'est fou ça, commissaire, vous ne trouvez pas? Ils ne se déplacent pas à l'église pour se confesser, ces gens-là, c'est le bon Dieu qui vient à eux, direct, nach Hause! s'étonna Kallmünz.

     

    - Allez ragazzi, asseyons-nous autour de la table-conférence, on sera mieux pour discuter, proposa Rizzoli. Puis, il poursuivit: vous confirmez tous, ici, que Don Roberto Moser est le confesseur des Innerhofer? … et sans doute, accessoirement, l'un des principaux bailleurs de fonds des actions humanitaires du prélat?

     

    - Certes, et pour le coup, on ne l'a pas pris comme une confession, plaisanta Farina. Sabine Innerhofer nous a affirmé qu'elle se confessait à domicile, elle, son mari et même Lisa, comme s'il n'y avait rien d'aberrant dans cette démarche... quelque chose de naturel, en somme... Cependant... après le décès de leur fille, Don Moser est passé de l'état de confesseur, à celui de consolateur, il arrivait tous les matins pour réconforter la famille. Tous les jours, il était là à leurs côtés... Je ne sais pas vous, poursuivit-il, en tournant le regard sur sa droite, vers Gasser et Kallmünz, mais moi, à le voir bouger dans la maison, j'avais l'impression qu'il faisait partie des meubles... Il sait où se trouvent tous les objets du quotidien...

     

    - Klar, rétorqua Kallmünz, la dernière fois, bah... c'était ce matin, Frau Innerhofer nous a proposé un café dans la cuisine... eh bien, c'est le prêtre qui a sorti des placards, les tasses, les coupelles, et même les sachets de sucre en poudre...

     

    Rizzoli hocha la tête. Alice ayant fait de la cuisine son domaine réservé, il lui aurait été impossible de préciser, comme ça, à brûle pour-point, où y étaient rangés, l'écumoire à pâtes, le casse-noix, ou même le peperoncino frais ou en poudre, qu'il aime avoir près de son assiette, pour accompagner les plats épicés préparés par sa femme.

     

    - Hum! une chose est sûre, songea le commissaire, ce prélat fait parti des familiers depuis plusieurs mois, déjà, et Lisa n'avait donc aucune raison de se méfier de lui...

     

    Les trois policiers acquiescèrent. Gasser balbutia quelques paroles incompréhensibles.

     

    - Ah! je vous vois ruminer, Gasser ... Faites-en nous profiter...allez-y, lâchez-vous, on vous écoute!

     

    - Eh bien, commissaire, non... je me disais... Lisa rentrait chez ses parents en bicyclette, lorsqu'elle croise Don Moser, au niveau de la chapelle Santa Agatha... ce serait logique, c'est là que l'on a retrouvé son vélo, sagement posé contre une haie. La fille, sans doute était en larmes, elle venait de se disputer avec Matteo... Le curé l'interpelle, lui demande ce qu'il se passe, et là... pardauz! se succèdent des évènements dont on ne connaît ni la cause, ni les circonstances exactes, encore moins le mobile, jusqu'à la mort de la petite... Lui, emmène Lisa faire un tour jusqu'au bord de l'Adige... pour la consoler...

     

    - Décidément, c'est un prêtre qui passe ses journées à consoler, ironisa Farina.

     

    - Mais comment sont-ils allés sur les rives du fleuve, en voiture? poursuivit Gasser.

     

    - Si tout s'est passé comme vous l'affirmez, Herr Gasser, il n'y a pas eu préméditation... reprit Kallmünz, et le rapport d'autopsie précise que la strangulation est le fait de mains d'homme gantées de cuir, non?

     

    - Et alors? questionna Gasser.

     

    - Et alors... cela signifie que l'assassin portait déjà ses gants lorsqu'il croisa Lisa... donc... l'assassin n'était pas en voiture, mais... probablement en moto!

     

    - Un prélat en moto, ricana Farina... Vous savez à qui il me fait penser notre ecclésiastique?… à Terence Hill, dans le rôle de Don Matteo, le gentil détective en soutane, que nous ressort la Rai uno, dans ses soap épisodes sans fin!

     

    - En moins télégénique! concéda Rizzoli... N'empêche, quand Don Roberto n'officie pas, il s'habille comme toi et moi, en civil... dans la tenue qu'il portait lorsqu'il est venu me voir, ce matin... mais, bon, c'est vrai, il n'avait pas de casque sous le bras... Je vous suis tous deux dans cette voie, répliqua le commissaire aux policiers Gasser et Kallmünz. D'où l'impérieuse nécessité de savoir si notre ecclésiastique possède une moto. J'ai déjà demandé à nos services de se renseigner. On ne devrait pas tarder à m'informer...

     

    - Je continue, commissaire? s'enhardit Gasser.

     

    - Prego, prego, Gasser. j'aime quand votre esprit bouillonne...

     

    - Ils partent tous deux en direction de Gargazzone, sur la moto du prélat... Il dépose l'engin sur le parking de la gare, et tous deux se dirigent, à pied, vers le fleuve, qui se trouve à deux pas...

    - Mais pourquoi, précisément là, à cet endroit? objecta Farina.

     

    - Hum! fit le commissaire, était-ce réfléchi, prémédité de sa part à cet instant là, ou était-ce Lisa qui souhaitait se dégourdir les jambes sur la piste cyclable qui longe le rivage? On le saura sans doute un de ces jours...

     

    - Quoiqu'il en soit, poursuivit Gasser, les deux protagonistes discutent, elle se confie, et... c'est là qu'a dû se jouer le drame... Il s'est passé quelque chose... Elle a avoué qu'elle était enceinte, par exemple...

     

    - C'est plausible, rétorqua Farina, mais tu sais bien, Andreas, que ce matin chez les Innerhofer, on a appris deux choses essentielles de la bouche du prélat, dont la première, justement, est qu'il ignorait que Lisa portait le fruit du péché... il l'a affirmé en tout cas. Et un prêtre, ça ne ment pas...

     

    - A moins que tout le monde mente au contraire, s'interrogea Kallmünz.. Un confesseur menteur qui écoute à confesse, des confessés menteurs, qui, comme Lisa, n'avoue pas leurs péchés les plus graves? Et tout ce beau monde, en final, reçoit l'absolution!

     

    - Non, je pense que sur ce point, Don Moser dit vrai, continua Rizzoli. Personne ne connaissait la grossesse de Lisa. Matteo nous l'a souvent répété, pas même les parents ne le savaient, nous a-t-il confié. Même sous le coup de la colère, de la déception, je ne crois pas que Lisa aurait lâché le morceau au prêtre. Elle ne lui a rien avoué... Qu'en pensez-vous, vous-autres?

     

    Les avis furent partagés, mais tous convinrent que de toute façon, rien ne permettait de lier le meurtre à la situation de Lisa.

     

    - Et, que pensez-vous de la seconde affirmation du prélat?... Il priait tranquillement dans la chapelle de Santa Agatha, à l'heure approximative du meurtre, sourit le commissaire... C'est son alibi, n'est-ce-pas?

     

    - J'ai envoyé les agents Trevisan et Luciani enquêter à Lana, précisa Farina. Ils sont déjà sur place. Bien que le prêtre ait affirmé qu'il était seul à prier, ils s'efforcent de trouver des témoins qui auraient fréquenté la chapelle au même moment, ou à l'extérieur... des marcheurs, des cyclistes, un tracteur, pourquoi pas... Ils se renseignent auprès des paysans et des hôtels du voisinage. Mais entre midi et demi, et treize heures, généralement, les touristes mettent les pieds sous la table pour déjeuner. Quant aux paysans, ils préparent leurs caloriques canederli, tandis que les Strudel sont déjà enfournés! Je crains fort que nos collègues fassent choux gras...

     

    - Et... avant midi, qu'avait-il fait notre prélat?

     

    - Justement Guido, il n'avait pu assister à la traditionnelle messe de neuf heures, à l'église paroissiale Santa Croce de Lana, c'est pourquoi, il était venu prier plus tard dans cette petite chapelle...

     

    - Bon, c'est tout pour le moment? interrogea Rizzoli, à la cantonade.

     

    Un silence pesant répondit à sa demande. Le commissaire éloigna sa chaise du bord de la table et croisa les bras en soupirant. Puis, l'air dépité, il s'y rapprocha de nouveau, y allongea un bras, et tapota nerveusement la pointe d'un stylo, victime d'inutiles maltraitances.

     

    - Les Innerhofer confirment-ils avoir désigné le prélat comme émissaire pour venir quémander auprès de moi le corps de leur fille?

     

    - C'est exact, Guido... et pour tout te dire, ils n'ont guère apprécié l'interrogatoire que nous avons fait subir à leur protégé. Ils nous ont pratiquement sommé de ne pas nous en prendre à lui et d'enquêter plutôt chez les Degasperi... Ils le préservent, comme s'il faisait parti du clan. On en revient à ce que je te disais tout à l'heure... Désolé, Guido, nous n'avons rien appris de bien nouveau, et nous n'avons rien de tangible qui puisse mettre en cause ce prélat...

     

    - Bon, bon, s'énerva le commissaire en consultant sa montre, attendons la réponse du service des immatriculations.

     

     ***

     

    å

    Verst

    ndn? dialecte tyrolien, verstanden en allemand : compris? 

     

    Nach Hause: à la maison (en allemand).

    Peperoncino: petit poivron italien, de la famille des épices.

    Pardauz!: patatras! (en allemand).

    Soap épisodes: épisodes-savon: employé pour désigner les feuilletons glamour ou non, qui s'étalent sur plusieurs périodes.

     

    ***

     

     

    Denis Costa,

    Texte et photo

     

     

     

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 6 Juillet 2011 à 07:58
    jill-bill.over-blog.

    Bonjour Lena, bonjour Denis, oui attendons de voir s'il possède une moto... Mais il a un p'tit côté sombre ce prélat...  Bonne journée à vous.  Bizzzzzzzz  jill

    2
    Mercredi 6 Juillet 2011 à 08:38
    Reinette

    attendons voir la suite

    bisous

    3
    Mercredi 6 Juillet 2011 à 08:54
    Monelle

    Un petit "pédalage dans la choucroute" c'est normal, toutes sles enquêtes piétinnent à un mment ou à un autre... alors, moto-cycliste ou pas Don Pédro ???? merci pour l suspense Denis !!!

    Bisous Léna

    4
    Mercredi 6 Juillet 2011 à 10:53
    jill-bill.over-blog.

    Bonne pause Denis... la malice !!!    Jill 

    5
    Jeudi 7 Juillet 2011 à 07:26
    jill-bill.over-blog.

    Merci Merlin !!!!   Jill 

    6
    Jeudi 7 Juillet 2011 à 08:41
    Lenaïg Boudig

    Mine de rien, Denis, ça avance ! Et toi tu as bien le droit de prendre des vacances ! Encore merci à toi, bises ! Et merci aux lecteurs qui nous accompagnent.

    Bises !

    7
    Samedi 9 Juillet 2011 à 22:16
    Marie Louve

    En attendant, on va pédaler dans les vacances et de préférence sur l'eau ! :-)) Ce curé n,a rien d'un saint jusqu'ici... Bonnes vacances et bisous.

    8
    denis
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:42
    denis

    Bonjour Jill, bah, on verra bien comment Rizzoli se dépétra de tout ça... D'autant qu'il n'a aucun indice contre ce prélat... sinon son intime conviction. PAUSA, PAUSE jusqu'à septembre. Excellentes vacances à tous. Bises!

    9
    Merlin
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:42
    Merlin

    Lenaïg fait passer à tous le message qu'elle n'a plus provisoirement plus accès a internet et vous fait de grosses bises en espérant pouvoir revenir très vite !!

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    10
    Mona de plumes au v
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:42
    Mona  de plumes au v

    Décidément l'histoire se complique... Drôle de prêtre en effet!

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