• 101 RUE DE LA MAZURKA - Chapitre N° 6

    Roman jeu multiplume par courriels.

    Pour des raisons pratiques, @ est remplacée par : chez.

    ***


    Un immeuble, sis au 101 Rue de la Mazurka.
    Une ville imaginaire : Santa Patata.
    Un pays inventé : Miroboland, frontière commune et nombreux liens avec la France.
    ***

     

    Les 11 et 12 août 2009

    ***

     

    Au rez de chaussée, chez notre expert-comptable Paolo Tequila

    Auteur : Di.

     

    De : dgidgilabalafre

     

    chezjt.com
    À : Paolo
    chezca.com
    Date : 11 août à 16h00
    Sujet : Re : Urgent

    Tou mé connais Paolo, les amis pour moé c’est sacré. Césario l’enfouaré est maintenant résident d’oune île déserte près d’oune ria où pullulent des crocodiles affamés. Là-bas, près de la grande mare dou Pacifico. Il faisait partie de la N’drangheta de la Calabra spécialisée dans les rackets, des enlèvements, la droga et le blanchiment d’argent. C’était un lointain cousin de petites crapules sans envergure, dont la mise à mort était signée. Je ne souis pas oune assassine moé, Mamma Mia. Je le jure, je n’ai jamais tué personne de mes mains. Grâce à moé, Cézario l’enfouaré vit en toute liberté sur son île.

    Ma prudenza Paolo, prudenza. Observe les voisins porque si l’enfouaré cherchait quelque chose chez toé, c’est qu’il se trame une histoire louche dans ta rue. Eh Paolo, j’ai su que Lolita Delrosio, la starlette qui monte en flèche dans les milieux cinématographiques habite non loin de ton appart. On la dit aussi belle que Lollobrigida et sculptée comme Sophia Loren. Wow. Jette un coup d’œil sur elle pour moé, mon ami. Ma jé pense qu’elle doit déjà avoir mis la main sur oun homme riche. Tou sais comme j’aime les signoras ! Dis moé si ça vaut la peine qué jé mé déplace pour la rencontrer.

    Fais moi signe si tou as besoin de mon aide. Jé t’embrasse sur les deux joues.

     

    De : Paolotequila

     

    chezca.com

    À : dgidgilabalafre

     

    chezjt.com
    Date : 11 août à 16h30
    Sujet : Re Re : Urgent

    C’est une bonne chose de faite. Merci Dgi Dgi. Je n’ai pas encore vu Lolita Delrosio mais je garde l’œil ouvert.


    Je compte sur toi.


    Je t’embrasse mon ami

    Paolo

     

    De : gwendalina

     

    chezhotmail.rt
    À : paolotekila
    chezca.com
    Date : 12 août 2009 à 9h00
    Objet : Rupture


    Tu es parti sans me laisser d’adresse, depuis trois mois, sans même me laisser une note. Serais-tu encore à te fourvoyer dans une affaire louche? Tu m’avais promis de changer, de devenir un honnête citoyen. Moi la fille de la rue que tu as ramassée entre deux poubelles à Napoli, il y a dix ans, tu m’as tirée du pétrin, oui, mais avant de te connaître, j’ai tiré des leçons de la rue.


    Je t’aimais Paolo, au début j’étais reconnaissante envers toi, tu m’as sauvée de la misère. Les dernières années avec toi, tu m’énervais Paolo, avec toi c’était toujours «Dis bonjour, dis bonsoir, remercie, excuse toi, fais ceci, ne fais pas ça, donne un bec, sois gentille, tu me déranges». Je m’étais habituée à écouter tes conseils sans m’énerver, acquiescer aux idées sans brocher, attendre que tu me dises quoi faire et le faire en souriant, laisser les choses aller à ta volonté. Me taire, me tasser sur demande, m’effacer quand il faut. Je voulais des bambinos dans la maison, tu me disais d’attendre et moi, j’attendais, mais ce n’était jamais le bon temps.


    Non Paolo, non, c’est fini tout ça. Je ne suis plus une gamine de 20 ans, je suis devenue peu à peu une imbécile intelligente. Je pars avec ton meilleur ami Franco. N’essaie pas de me retrouver, c’est fini toi et moi.

    Oh Paolo, te amo.
    Gwendalina

    ***

     

    Oups ! Juste capturé le 23 août par notre hackeur anonyme très doué :

    échange de courriels des 27 et 28 juin

     

    Au deuxième étage, Tudgual Kerloch

    Auteur : Lenaïg

     

    De : Bérengère (berengere.labornez

     

    chezpamplemousse.fr)
    Date : 27/06/09 07:50:05
    A : Tugdual Kerloch (t.kerloch
    chezhotdog.com)
    Objet : Tr Un p’tit bonjour !


    Ah, enfin des nouvelles ... Je suis allée voir Maman hier aprèm, après avoir
    reçu ton message. Elle venait de cueillir sa lavande et elle était en train d’égrainer les fleurs pour emplir ses petits sacs de tissu. Tu auras droit, bien sûr, à plusieurs de ces charmants petits cadeaux parfumés pour tes placards !
    Je sais que ça t’attendrit, ce genre de détails !
    Maman est contente -moi aussi- que ta mission actuelle te donne l’occasion de t’installer dans ta nouvelle tanière, même si ton service est nocturne.
    Maman se demande si tu laisses un peu de boulot à ta femme de ménage, toi qui as toujours montré une rigueur militaire, à faire ton lit tout seul et à repasser tes chemises !
    Eh, dis ! si ta nouvelle voisine te plaît, arrange-toi donc pour lui faire la conversation ...

    Si tu as reçu d’elle un sourire éblouissant, tu n’as aucune raison d’hésiter !

    Au fond, si cette femme a ton âge, ou presque, ce serait un gage de bonne entente et de longévité de couple ! Vous vieilliriez ensemble dans la sérénité !
    A moins que tu ne préfères tes aventures sans lendemain avec tes collègues féminines, aussi endurcies que toi, mais j’arrête, sinon tu vas râler !

    Bisous, Bérengère

     

    De : Tugdual Kerloch (t.kerlochchezhotdog.com)
    Date : 27/06/09 14:30:22
    A : Bérengère (berengere.labornezchezpamplemousse.fr)
    Objet : Ma voisine et ma femme de ménage
    Salut Bérangère,
    Cette chère Maman et ses p’tits sacs de lavande. Bien sûr que j’en veux !
    Pour Mme Taratatapian, ma femme de ménage, aucun souci. Ah non, je ne lui donne pas mon lit à faire tous les jours, sauf quand il faut changer les draps, auquel cas elle trouve ceux-ci pliés, prêts à laver et là elle choisit ceux qu’elle veut pour me refaire ma couche !
    Le repassage, oui elle le fait, sauf mes chemises, effectivement.
    Mais elle a toute ma confiance pour me faire poser les tringles à rideaux, choisir les rideaux eux-mêmes et les tentures, je lui ai demandé de me sélectionner des meubles sur catalogues ou de m’indiquer le résultat de ses visites chez les marchands.
    Elle est très fière de ces tâches et moi je gagne du temps.
    Là où elle n’entre pas, c’est mon bureau. De toute façon, les dossiers sont sous clés et mon ordinateur ne lui est pas accessible sans le code, secret professionnel oblige !
    Au fait, ce matin, après être rentré, dans ma salle de bain, quand tout était calme et que je n’avais pas allumé la radio, j’ai été littéralement charmé par ma voisine -Charlotte de son prénom-, qui chantait joyeusement des airs d’opéra, dans la sienne, de salle de bains ... Puis a retenti un énorme plouf ! suivi
    d’un tonitruant : “Gaspard, tu exagères !” ... Je n’ai pas eu le temps d’être déçu parce qu’elle a continué, toujours en colère : “vilain chien !”
    J’espère qu’elle ne m’a pas entendu rire !
    Je vais devoir te laisser car j’ai mon rapport quotidien à fournir et quelques corvées administratives.
    Ensuite je vais retrouver mon client, qui n’avait pas envie de dormir la nuit dernière et à qui j’ai servi de confident. En principe il ne devrait pas craindre pour sa vie,
    mais il est protégé en permanence, ce n’est pas pour rien. (des événements auxquels il a assisté loin d’ici). Efface ce message dès lecture, Bérengère, j’en fais autant dès réception, on ne sait jamais.
    Tout va bien pour moi, ne t’inquiète pas et dorlotez-vous, toi et le petit.
    Bises
    Tugdual

    ***


    Au troisième étage, notre Charlotte.

    Auteur : Marie-Louve

     

    De : Charlotte (Des3maison

     

    chezhotmail.fr)

    Envoyé : 28 juin 2009 17:08:14
    À : Lumina40

     

    chezhotmail.com

    Help ! Lumimi, j’en peux plus ! Je l’ai revu dans le hall de l’immeuble le beau mec dessous mon appartement. J’ai surtout vu la vlimeuse de gardienne de l’immeuble lui rouler des hanches, son balai à la main et son fichu à pois enserrant son épaisse chevelure de Gitane. Elle lui lançait des sourires enjôleurs à la face en relevant sa jupe faisant mine de se chercher un fil qui ne dépassait de nulle part. Je ne sais plus quoi faire ? Elle va me le voler. Je suis certaine.
    Tout va mal. Même Gaspard me fait des misères. Hier, je tentais de me détendre un peu dans mon bain de mousse et sans crier gare, il a sauté dans le bain en éclaboussant partout l’eau de la baignoire. J’ai mis une heure à tout nettoyer. Le voyou ! Mais ses beaux grands yeux tristes me font tomber. Pour se faire pardonner, il devient si câlin le chenapan que je finis par me sentir coupable et je lui offre toujours une tranche de fromage suisse.
    Mon patron, Paolo Tequila, l’ami de tonton, comme tu le sais déjà, devient parfois insupportable en me fixant des yeux noirs qui me font frissonner de peur. Inutile de m’ajouter que je suis froussarde ! Pour ça que Gaspard me sert de protecteur. Je sais. Il donne la patte à tous, même à Tequila qu’il poursuit comme chien renifleur de drogues.

    Moi j’ai le sentiment. Ça compte vrai pour moi. Mon nouveau voisin, c’est mon- celui-que- je- cherchais.

     

    Tequila me donne de plus en plus des dossiers secrets à transcrire sur des cahiers noirs qu’il garde dans un coffre-fort derrière son immense portrait de famille accroché au mur de son aire de travail dans son local sans fenêtre. Hier matin, il s’est enfermé à double tour avec un nouveau client. Client ? On aurait dit un malotru maléfique. J’ai baissé mes yeux sur le fermoir de ma Gucci à mes pieds sous mon bureau. Heureusement, la paye généreuse me garde le moral. Faire du café pour moi ou en faire pour dix c’est pareil. Rien pour appeler sa mère. Surtout pas la mienne ! Je divague.

    Je veux te parler de mon amour qui ne sait pas.

    J’ai essayé ton idée sur le plancher de ma chambre. Trois heures, l’oreille au plancher et pas un son. Juste le tic tac d’une horloge Coucou, je crois. Parfois des bruits comme des ouvertures de sessions sur un ordinateur. Lumimi, que faire ? La Lolita à elle seule produit un défilé de mode dans les escaliers ou l’ascenseur de l’immeuble. Comment pourra-t’il me distinguer mes yeux de velours sur lui ? Je le sais, c’est lui ! Je l’ai reconnu dans ma tête rêvée. Juré ! Je ferai mine de ne pas le voir pour l’attirer à moi.

    Ce soir, tonton sera à l’Opéra. On y rejoue « Le fantôme de ??? ». Ça fait au moins trois fois qu’il y retourne depuis deux semaines. Faut dire qu’avec sa santé fragile, il lui reste au moins ce plaisir. Mais enfin, une soirée à moi. J’attacherai Gaspard qui fait des fugues depuis qu’il a appris à ouvrir le porte patio coulissant sur ses rails. Il la pousse avec son gros museau chocolat fondant. Il ne me la refera pas ce soir. J’ai autre chose à faire que de le courir dans tous les parcs du quartier pour finir par le dénicher auprès d’une Zézette Yorkshire grosse comme un pou, mais folle braque avec un petit ruban rose bouclé sur sa tête. Elle vagabonde. Il y a des maîtres de chiens qui n’ont guère de bon jugement quant à leur responsabilité envers leur fidèle compagnon de la gente canine.

    Mon Gaspard, je l’ai à l’œil, ce soir au bout de sa laisse attachée à la patte de la table de marbre massif. Moi, je fais les boutiques. Les grands moyens. Pas question que la gardienne de l’immeuble me siffle sous les yeux l’homme de ma vie qui dort dessous ma chambre quand je l’espère dans la mienne.

    À partir de demain, je traverserai les corridors de l’immeuble vêtue de jolis corsages aux couleurs vives et des jupes affichant mes longues jambes juchées sur des talons aiguilles qui piqueront sa curiosité de moi. Si tu as d’autres conseils, dis-les-moi. Juste à y penser, mon cœur tressaille comme une âme affolée. Je le veux, c’est lui. Mon amour pas trouvé.

    Penses-tu que je devrais faire mine d’un malaise la prochaine fois que je le croiserai ? Genre, presque m’évanouir près de ses bras ? Réponds-moi vite. Je rentrerai tard, mais je viendrai lire avant d’aller dormir. Si tu savais, mon cœur chante et je chante l’amour à tue-tête dans ma douche. Je deviens folle ! J’ai peur de le perdre avant de l’avoir gagné. Il est beauuuuuuuuuuu ! Je me souviens, ma mère a toute la collection des posters de Simon Templar, le Saint au cinéma. Ses yeux, si tu avais vu ce regard, deux saphirs étincelants. Il est pareil ! Mince ! Si elle le voyait ! Omondieu NON ! Elle serait bien capable de lui faire des avances ! Ne crains pas, je la garderai à distance. Mais avant, il me faut me le rapprocher. Dieu priez pour moi toute seule ! Oubliez les autres.


    Connais-tu une bonne cartomancienne ? Il faut que je sache mon avenir au plus vite. Là, je pars vider les boutiques à corsages et à support pigeonnant pour soulever mes appâts qui ne risquent pas de disparaître. J’espère qu’il n’est pas myope ! Ma déveine ! Non ! pas cette fois. Je le sens.

    Bisous ma Lulu à moi.

    ***

     

     

     

     

     


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    Pour la réhabilitation de Bécassine.

    J'aime bien Bécassine et je vais trouver le courage de la défendre !

    A sa façon, Chantal Goya a déjà œuvré en ce sens.

    Puis moult djeuns ont dansé sur "Bécassaïne c'est ma copaïne" !


    Bécassine a été dessinée … sans bouche !

    J'ignore quelles étaient les intentions de ses auteurs mais je vois là un symbole superbe.

    Sous la IIIe République, la langue bretonne était purement et simplement interdite.

    Il était interdit de … "parler breton et de cracher par terre".


    Cracher par terre, je comprends, c'est peu hygiénique. Cela me fait penser aux vieux loups de mer en train de chiquer leur tabac et de se racler la gorge dans un bruit de cataracte en expulsant leurs déchets !

    Soit dit en passant, chiquer était peut-être moins nocif que fumer ; ceci n'engage que moi.


    En tout cas, Bécassine ne chique pas et fume encore moins.

    Que sa bouche ne soit pas dessinée ne l'empêche pas de parler, mais … en français. A mon avis, elle pense en breton ; ceci explique cela.

    Tout interdit qu'il était, le breton a réussi à s'infiltrer dans la langue française. Le nom "bijou", par exemple ! Et le verbe rigolo "baragouiner" ! Celui-ci a été apporté par les jeunes conscrits bretons qui désignaient le pain par le nom "bara" et le vin par "gwin". Ah, on se moquait d'eux, on disait qu'ils "baragouinaient", mais … le mot est resté, il est entré dans le dictionnaire.


    Pour en revenir à Bécassine, ce n'est pas m'importe qui ! Elle est venue comme petite bonne chez la Marquise de Grand Air au Faubourg St Germain mais, au pays, son oncle Corentin est un notable : c'est le maire de son village.

    Bécassine lit tout haut son courrier à sa patronne, celle-ci prétextant une mauvaise vue.


    Bécassine écrit très bien aussi et sans fautes. Elle poste des lettres à sa mère et rédige son journal.

    Encore plus fort : Bécassine sait conduire ! Un des albums (que je n'ai pas) s'intitule : "L'automobile de Bécassine". Bécassine gagne une auto dans un concours et apprend à conduire. Il n'y avait pas beaucoup de femmes entre 1920 et 1930 qui pouvaient en faire autant !


    D'accord, petite Bécassine, tu n'es pas sexy mais que tu es mignonne en poupée de chiffon !

    Le temps t'a figée en jeune fille qui ne pense pas encore aux garçons, mais cela a du bon !


    Tu es fleur bleue dans ta tête,

    Mais agis comme un garçon.

    Tu explores, tu enquêtes,

    En cela tu as raison !

    29 mars 2008

     


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  • ours_blanc.jpg

     

     

     

     

     

    Minouche ouvrit un œil sur le soleil levant et étira sa grosse patte blanche en ramenant sur son ventre chaud son ourson encore endormi dans le froid du Pôle Nord. Bercée de silence, elle fera la grâce matinée. Puis son cœur bondit follement jusqu’à ses oreilles quand un hurlement terrible, un ordre foudroyant fendit l’air polaire.


    « Trouvez-moi ce fripon! » Des lutins  et des rennes couraient dans tous les sens. Derrière eux, le Père Noël en colère rouge de la tête aux pieds, en chaussons allait  au pas de course agitant les bras et criant à tue-tête :

    « Cash’n Glow! Infâme misérable. Qu’as-tu fait? Mécréant. Comment as-tu osé? ». Une tempête de mots à tout vent siffla en écho.

    Saisie de frayeur, l’ourse prit son bébé à son cou et ses pattes aussi pour regagner à la vitesse de l’éclair son antre dissimulé sous une montagne taillée dans les glaces étincelantes de ce royaume. Vite elle fila comme une balle de neige projetée droit devant jusqu’au fond de sa demeure sans prendre garde. Reprenant sou souffle et se croyant à l’abri, elle leva les yeux pour apercevoir, telle une chauve-souris agrippée à une paroi, un lutin blanc et tremblant de tous ses membres. L’heure n’était pas aux civilités d’usage . Un intrus dans sa maison, Minouche n’était pas de bon poil. D’une vigoureuse patte, elle décrocha de la paroi l’effronté et, d’un geste vif, l’expulsa manu militari.

     

    Sous le choc de cette chute brutale, d’atroces douleurs parcouraient tout le corps de Cash’n Glow qui hurla sa souffrance. Pire, ses minuscules jambes devenues d’énormes boudins ne voulaient plus se relever pour lui permettre de s’enfuir. C’est alors que, alertés par ces bruits, le Père Noël, les lutins et les rennes arrivèrent à ses côtés.

    « Te voilà misérable fripon! », s’écria le Père Noël avant d’ordonner qu’on ramène à l’infirmerie ce Cash’n Glow bien menotté à une civière.

    Minouche, tapie dans son antre, ne pointa pas le museau dehors avant que le silence ne vienne la rassurer.

     

    Après avoir reçu les meilleurs soins des éminents spécialistes de l’infirmerie du Pôle Nord, Cash’n Glow le lutin comptable ce gardien de la fortune de Père Noël refusa d’expliquer au Père Noël comment tout l’argent avait disparu. Au contraire, il joua mille comédies en faisant mine de dormir ou d’être amnésique. Il alla jusqu’à simuler le coma. Pressé par le temps et à bout de patience, Le Père Noël opta pour l’ultime manière forte. Faire appel au plus haut tribunal des HOHOHO POLAR  présidé par son plus fidèle ami,  le celebret lutin Pince Sanrir à qui rien n’échappe. Il empoigna son cellulaire et composa rapidement la correspondance téléphonique. Il raconta tout de A à Z. L’usine à jouets en faillite, plus un seul petit sous dans ses comptes en banque,  plus un seul placement valable, aucune trace de ses millions d’actions en bourse. Hydro Nord a coupé tous les services d’électricité à l’usine, des fournisseurs de matériaux de fabrication de jouets refusent d’alimenter ses besoins pour cause de dettes en souffrance depuis plus de six mois. Une catastrophe indescriptible. La disparition de Cash’n Glow depuis plus d’une semaine, la découverte suite à des fouilles du bureau de travail de ce dernier de plusieurs tonnes de factures impayées  cachées dans des cartons au fond des armoires du grand argentier. En résumé, un cauchemar de désespoir. Sans usine à jouets, il n’y aura pas de nuit de Noël cette année pour tous les enfants du monde. Ou est passé tout l’argent du Père Noël? Une telle fortune ne pouvait avoir fondue comme neige au soleil. Quel délit ce comptable véreux avait-il commis pour en arriver là? Voilà tous les faits accablants de la tragédie survenue au royaume du Pôle Nord. Horrifié par la situation, Pince Sanrir promit au Père Noël de tout mettre en œuvre pour lui venir en aide et le sortir de cette fâcheuse histoire. Il allait sur le champ mettre aux arrêts le lutin Cash’n Glow et le soumettre à un interrogatoire dans lequel il ne pourra que délier sa langue devant le chat. Apres avoir encouragé le Père Noël, il jura de le rappeler avant l’heure du souper et lui recommanda d’aller se reposer à la maison afin de retrouver son calme.

     

    Les yeux rougis par des nuits sans sommeil, le Père Noël,  abasourdi par les événements de la dernière semaine, marcha dans l’air froid pour revenir chez lui.  Il pleurait. Comment ferait-t-il pour expliquer aux enfants qu’ils n’auront pas de cadeau sous le sapin de Noël. Qu’il n’y aurait pas de Noël cette année. Il était inconsolable.

     

    A son arrivée à la maison, Mère Noël eut beau lui faire des massages aux huiles essentielles, rien à faire. Il restait prostré dans un état indescriptible. Déprimé, le corps traversé par de larges frissons glacés, il s’enroula dans une couverture de mohair en songeant qu’il s’était fait manger la laine sur le dos par son misérable comptable. Des crampes et de violentes nausées le firent courir jusqu’à la toilette.

     

    Gagnée par l’inquiétude, Mère Noël appela la secrétaire du médecin pour obtenir une visite urgente. Malgré toute son insistance, elle obtint un rendez-vous possible dans six mois. Indignée, elle raccrocha déclinant l’offre. « Si c’est comme ca, je vais soigner moi-même le Père Noël! ». Elle sortit son grimoire de santé globale  et chercha l’index pour trouver le chapitre traitant sur les frissons, la honte et la nausée. Apres une heure de travail, elle avait concocté une potion à base de lichen et de poudre de bois de renne légèrement citronnée qu’elle fit avaler chaude au Père Noël.  Ce qui sembla lui faire du bien.

     

    Quand le vieux coucou ponctua son dernier cou de seize heures, le téléphone résonna en faisant sursauter le Père Noël qui s’était assoupi après avoir bu le remède de Mère Noël. Encore sous l’effet apaisant du médicament improvisé, il porta son cellulaire à l’oreille.

    « C’est toi Père Noël, Bien le bonjour! Assis-toi mon vieux. Tu n’en croiras pas ta barbe ou elle te fera rire. Cash’n Glow a tout déballé. Tu n’avais pas observé des comportements étranges chez lui ces derniers mois? Des absences fréquentes à son travail? Et le fait le plus révélateur de tous,  la réserve de poudre à bonbon de ton royaume était à sec depuis plus de douze mois. Incroyable non! Plus aucune trace de poudre à bonbon au pays du Père Noël. C’est que ton argentier avait une grande passion secrète, un goût démesuré pour la poudre à bonbon très dommageable pour sa santé. Il a développé une forte dépendance au point de lui faire perdre le nord, la tête et les dents. Des analyses sanguines nous ont révélé que le taux de poudre à bonbon dans ses veines atteignait la limite de la zone mortelle pour un lutin. Nous l’avons mis immédiatement en en cure fermée de désintoxication avec thérapie adaptée. La bonne nouvelle, mon cher ami, c’est que suite à la saisie des livres comptables effectuée au bureau de Cash’n Glow, nous avons découvert où celui-ci avait caché ton argent. Tout est dans des banques secrètes du Pôle Sud qui subventionnent des usines de blanchiment de poudre à bonbon. Va sans dire, pas honnête du tout. On m’a dit que là-bas ils ont de graves problèmes liés aux gangs de rue, des lutins appartenant à différentes factions du crime organisé pour le contrôle de ces usines. Ceci dit, Cash’n Glow détournait les fonds parce qu’il craignait manquer d’argent afin d’importer toute la poudre à bonbon dont il avait toujours envie.  Nous avons donc, avec la coopération de ce malheureux lutin, rétabli avec les banques impliquées tout votre crédit disponible sans trop de dommages fort heureusement. Par principe, nous avons déposé une plainte formelle accompagnée d’une mise en demeure exigeant réparation de tous les torts causés à ta cause. Le tout expédié par courrier prioritaire à l’Ordre du Regroupement Économique  Pôle Nord Sud. Cependant, nos espoirs sont minces puisque Lemen Teur préside cet ordre, notre requête risque peu d’être traitée avec équité devant ce tribunal. Tous savent que Lemen Teur est le principal actionnaire des usines de poudre à bonbon du Pôle Sud. L’affaire est terminée pour nous. Il ne reste qu’à payer tous les créanciers de ton usine à jouets avant de la remettre en marche. C’est une affaire de quelques heures par internet. Pour t’aider, je t’envoie notre as de l’informatique, Clic Désouri. Il est déjà en route pour mettre à l’ordre toutes tes affaires financières. ». 

    De grosses larmes roulaient sur les joues du Père Noël. Son ventre rouge secoué par tant d’émotions vibrait comme une scie sauteuse qui ouvre enfin l’espace pour libérer la tension. Là, il retrouva son souffle et ses mots pour dire à son loyal ami d’enfance : « Tout l’amour des enfants du monde contient l’immense reconnaissance que j’ai pour toi. Mer…ci. ».

     

    Puis, un torrent de sanglots dévala  dans sa gorge, suivi d’une danse du rire avec Mère Noël. C’est ainsi que tout rentra dans l’ordre au royaume du Père Noël. Cash’n Glow demeura dans une clinique pendant toute une année. Il y reçut de l’aide médicale  et psychologique pour retrouver son équilibre. On répara aussi ses dents…

     

    Cette année-là donna le plus beau Noël du monde à tous les hommes de la Terre et à leurs enfants. Surtout à Minouche qui sans comprendre, trouva au matin de Noël devant l’entrée de son antre trois énormes boîtes de filets de poisson, frais tombées du ciel.


    Marie Louve  

     

     

    Illustration :

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  • Barbarie :

    1. Cruauté, férocité. Exemple : de nombreux actes de barbarie ont été commis.

    Synonyme : sauvagerie - Contraires : bonté, douceur.

    2. Manque de civilisation, d'humanité. Exemple : la barbarie nazie.

    Synonyme : inhumanité - Contraires : bonté, charité, sensibilité.

    Civilisation :

    1. État de développement politique, social, économique atteint par certaines sociétés, considéré comme un idéal à atteindre (par opposition à barbarie). Ex : la Grèce a créé les fondements de notre civilisation.

    Synonyme : culture.

    2. Ensemble des critères moraux, culturels et matériels qui caractérisent la vie d'un peuple à un moment donné. Exemple : la civilisation inca.

    Synonyme : culture.

    3. Action de civiliser un peuple, de perfectionner son environnement matériel et culturel.

    Exemple : la civilisation de la Gaule par les Romains.

    Définitions extraites du Larousse Maxipoche 2008.

    ***



    Aphorisme de l'écrivain Sindaïku (Lgdm) :

    "L'humanité avance poliment, mais c'est la barbarie qui finit par gagner!"

    ***


    Sindaïku m'a donné la curiosité de lire attentivement les définitions de barbarie et de civilisation. Je note d'ailleurs que "civilisation" n'est pas mentionné par Sindaïku.

    Je constate que, si barbarie et civilisation sont opposées dans les définitions du dictionnaire, les contraires de barbarie relevés sont : bonté et douceur et aussi : charité, sensibilité, mais il n'en est absolument pas question dans les définitions de civilisation, le seul synonyme de civilisation étant "culture", cité deux fois.

    Civilisation n'est donc pas synonyme d'humanité … à méditer !


    La politesse est-elle une manifestation de cette fameuse civilisation, qui à travers les âges a souvent été imposée à une multitude de peuples vaincus par la société dominante, convaincue de son bon droit, souvent dans le sang, la terreur ou le piétinement des valeurs en place sur les territoires envahis ?

    La politesse, qui devrait donc faciliter les échanges cordiaux et amicaux est donc détournée de son but. Pour essayer de rire un peu, on peut se rappeler le "I am sorry", "je suis désolé", tant employé par les Anglo-saxons, supposé adoucir les relations des uns avec les autres, mais qui peut déboucher, dans une scène de Western typique ou contemporaine, sur :

    "I am sorry but I am going to kill you", "Désolé, vieux, mais je vais te tuer" …


    Là, on ne se contente plus de l'"upper-lipped" condamnation, très "British" : "I don't like you, Mister", qui reste poli et ne rabaisse que dans le mépris des mots choisis. J'essaie de traduire : "Monsieur, vous m'êtes antipathique". "Upper-lipped" fait allusion au fait qu'un Grand Breton bon teint ne fait bouger que sa lèvre inférieure quand il parle (essayez, on n'y arrive pas d'un seul coup).


    Indubitablement, dans la vie quotidienne, la politesse adoucit et améliore les relations, Quand elle est inculquée aux enfants, elle attire l'attention de ceux-ci, qui se prennent pour le nombril du monde, sur le fait que d'autres humains évoluent autour d'eux et qu'ils doivent s'y intéresser.

    Mais comme elle apparaît froide, cynique, vaine, la politesse entre des peuples qui se tapent dessus …

    Elle n'est plus que de la langue de bois.


    La civilisation en général, l'humanité derrière, ou l'humanité tout court si Sindaïku préfère, avance certes, mais sans oublier ses mobiles guerriers, quelquefois ses idées de conquête et pour cela, elle développe des moyens de destruction toujours plus sophistiqués … C'est donc, effectivement, que la barbarie n'est pas son contraire, elle s'accroche sournoisement aux basques de la civilisation et surveille avec gourmandise les progrès des nouvelles armes qui lui apporteront des triomphes …


    Les hommes préhistoriques se battaient à coups de gourdins, pour un coin de territoire, pour des femmes, pour se disputer des proies. Pendant longtemps, des champs de bataille délimitaient les zones de combats et d'hécatombes. Cela n'évitait pas les exactions abominables de la soldatesque dans les zones civiles mais, depuis la seconde guerre mondiale, effet pervers du développement de l'aviation, des missiles peuvent être lancés d'un peu partout dans le monde pour pulvériser les populations sans discernement. D'autres armes, chimiques, biologiques encore plus affreuses ont également fait leur entrée, pour tuer à large échelle, rendant presque ridicules les intrigues d'antan, où on concoctait des breuvages empoisonnés mais ne visant modestement qu'une personne à la fois !


    La barbarie se serait-elle par ailleurs déplacée ? Elle ne semble plus venir du "petit peuple", anesthésié, abruti par les chimères des nouveaux moyens de communication, gavé de mirages, divisé pour ne pas se révolter, elle s'est perchée dans les hautes sphères de nos sociétés, chez ceux qu'un nouvel auteur, Clo245, désigne parfaitement dans son texte "Que connaissons-nous de la réalité ?" par la formule suivante :

    "Trop peu de gens pour de si grands pouvoirs"


    Même s'ils paraissent dérisoires, opposés aux armes en question, je crois toujours dans le pouvoir des mots, quand ils sont portés par la sincérité, le désir de justice, l'amour de son prochain et j'ai à l'esprit que l'abolition de la peine de mort, obtenue en France par Maître Badinter, représente une phénoménale avancée et un recul significatif de la barbarie. Puisse le Président des États-unis d'Amérique Obama nous faire ressentir dans son discours d'investiture la puissance des valeurs positives qui l'animent …

     


    Réflexion de janvier 2009. 

     

     

     


    9 commentaires
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    Roman jeu multiplume par courriels.

    @ pour des raisons pratiques a dû être remplacée par : chez, on ne va pas ressasser la même chose tout le temps ; pour maintenant les lecteurs anonymes sont parfaitement au courant … si d'ailleurs il y a des lecteurs, ouah ha ha ha …

     


    ***


    Un immeuble, sis au 101 Rue de la Mazurka.
    Une ville imaginaire : Santa Patata.
    Un pays inventé : Miroboland, frontière commune et nombreux liens avec la France.
    ***

     

    Les 10, 11 et 14 août 2009

    ***

     

    Reçu au rez de chaussée, à gauche de l'entrée, où Paolo Tequila (appelé aussi Tekila selon les moments), l'expert-comptable patron de Charlotte, a son cabinet et son appartement.

    Auteur : Di.

     

    De : Cézarolenfoiré

     

    chezmafia.it
    À : paolotekila
    chezca.com
    Date : 10 août 2009
    Sujet : Avertissement


    Il mio amico, il mio amico Paolo,


    Ah yé fini par té retrouver le Paolo, han? Tou sais ce que jé té dis l’autre domingo, garde lé pour toé mon ami. Je souis pas venu chez toé pour faire la chicane, mais yé souis très susceptible. Tou vois?


    Jé té dit que jé vais trouver des indices chez toé .... mon ami. Tou connais mon chef? Non? C’est DgiDgi, oui, Dgi Dgi la balafre. Jé souis son homme de confiance moé. Alors fais gaffe. Le Tonton Wilfrid chez qui tou travailles, il l’intéresse et veut tout savoir de lui. Ben oui, yé curieux, mais ça c’é pas de tes affaires. Alors, tou vas le trouver ce qui manquait dans ton coffre-fort l’autre jour. Essaie pas de me flouer une autre fois, han? C’est pas qué yé veux mettre de la pression sur toé le Paolo, mais yé souis pressé de prendre mes vacances. Pas un mot à la nièce Charlotte, ce serait dangereux pour ses beaux yeux. Tou veux pas connaître des années de vaches maigres toé non plus, han ? Dis? Alors, la ferme.


    Écoute mon ami, écoute. Yé souis bien calme présentement mais yé pourrais mé fâcher tou sais. Bon moé cé qué yé veux voir à ma prochaine visite chez toé, c’est un document top secret, celui qui manquait dans ton coffre-fort. Avec ta belle gueule tou va réussir à faire parler le monde autour de toé et le trouver. Alors cherche, cherche. Dis-moé une chose en plus, c’est qui le spécimen qui parfume le 101 rue de la Mazurka avec de la lavande? Je souis allergique, alors laisse moé entrer vite quand j’arrive. Alors?? Yé une job à faire dans une heure et yé veux que lé patron soit content de moé. Toé, je te donne deux jours de plus pour y voir. Sinon, tou es un homme mort.

     


    De : www.paolotekila

     

    chezpt.www
    À : www.dgidgilabalafre
    chezjt.com
    Date : 10 août 2009
    Urgent


    Bon écoute Dgi Dgi, toi et moi sommes des amis d’enfance de longue date et malgré tes affaires criminelles, j’ai toujours gardé le silence. Un drôle de moineau qui se fait passer pour un de tes mafiosi me suit à la trace depuis trois jours et me demande de lui fournir des renseignements sur l’oncle William, chez qui je travaille comme comptable spécialisé à sa demande. Le fameux clown dont je te parle est entré chez moi l’autre jour et m’a conduit à ma chambre forte sous menace, croyant que je lui donnerais un document important et menace de revenir me faire du chantage.

    Mlle Charlotte a senti quelque chose de pas clair dans son attitude et je n’ai pu rien faire pour l’arrêter. Il me suivait avec un couteau dans le dos. C’est un fou capable de tirer à la moindre différence d’opinion. Il est petit, ventru et pas très chevelu et il marche en boitant, tes hommes le reconnaîtront facilement. Il se dit ton bras droit mais ce n’est qu’un petit mafioso de rue dangereux. J’ai des choses plus urgentes à régler. Débarrasse-moi de lui au plus vite. Tout ce que je peux te dire sur Wilfrid était écrit dans les journaux dernièrement. J’essaie de faire une bonne vie sans avoir toujours quelqu’un aux trousses. J’essaie de me réhabiliter de mon passé. J’ai à écrire à mon psychiatre et à ma femme. Et ça aussi c’est urgent. Salut l’amigo. Embrasse ta mamma pour moi.

    Je compte sur toi.

    Paolo Tekila

     

    De : Paolotequila

     

    chezca.com
    À : gsansouci
    cheztoctoc.psy
    Date : 11-08 à 13 heures
    Sujet : Consultation urgente


    Dr G. Sansouci,


    Bon alors, comme le montant de vos honoraires est maintenant quantifié à la ligne et non à l’heure, j’irai droit au but. On aura beau dire que l’argent c’est que de l’argent, mais pour moi c’est tout ce que j’ai au monde.


    Voilà les faits : Un ami dont je vous ai parlé récemment et qui n’a rien d’un saint me demande de gérer ses affaires, ses placements, investir à la bourse et que sais-je encore. Il me doit un grand service, rien de moins que la vie. Je l’ai sauvé de justesse d’un bandit qui s’apprêtait à le poignarder dans le dos. Monsieur Wilfrid Ohne Toutédantou trempe dans des affaires louches mais ce n’est pas ce qui m’énerve. Ce sacré fesse-mathieu me paie grassement et j’ai de nombreux avantages marginaux et sociaux. De plus, mon compte en banque est bien garni. Bien que voulant refaire ma vie sur un nouveau départ, sans transporter partout ma réputation que vous connaissez, je ne pouvais refuser cette offre. Il y a toujours un petit bonhomme « mafia » en moi, même si depuis cinq ans j’essaie par tous les moyens de rester un honnête citoyen.


    Docteur Sansoucy, une nouvelle obsession me harcèle. Depuis mon entrée au service de l’ami en question, je calcule tout. Je m’additionne des problèmes en coupant les cheveux en quatre. Je fais des statistiques sur rien et sur tout, surtout sur tout. Je compte les calories consommées, les centimes dans mes poches, mes pas sur le trottoir, les voitures dans la rue, seulement les jaunes, et j’en passe. Pour me détendre, je joue avec des sudokas. Je compte les moutons pour m’endormir et je rêve en bêlant.

    Ma voisine madame Hermina Van Der Prout, gardienne patentée de l’immeuble où j’habite, me disait innocemment l’autre jour comme ça sentait l’agneau partout, mais c’est chez Lolita et son conjoint qui fêtaient en grand et l’odeur venait de leur méchoui. Mine de rien, cette bonne dame m’observe et se méfie. J’aperçois souvent madame Blanche Tuttiquanti, assise près de sa fenêtre à épier tout ce qu’elle peut en faisant semblant de lire ou d’écrire. Elle ne sort jamais chercher son chien qui court la galipote et qui laisse sa signature sur les arbres qui enjolivent le 101 rue de la Mazurka.


    La nièce de Wilfrid Ohne Toutédantou le soigne comme un roi, mais j’ai l’impression qu’il a plusieurs tours dans son sac pour la garder à sa portée. La pauvre, elle n’a pas vu grand-chose dans sa vie, toujours aux petits soins pour lui; mais le jour où il va crever pour vrai, elle aura un gros héritage. Depuis quelque temps, je remarque qu’elle s’habille de vêtements plus sexés, perdant ainsi son air de « matante » Bien qu’elle soit quadragénaire, elle n’est pas à dédaigner ». Ah! Si vous pouviez la voir : une perle oubliée dans la jungle des hommes. Elle me rend fou quand elle met sa robe à pois, sa petite jupe lignée ou son chandail de laine tricotée avec des centaines de carreaux comme motifs. Je me retiens pour ne pas compter les pois et les carreaux sur elle. Ses tenues dérangent ma concentration et son chien Gaspard ne cesse de me renifler et de me montrer les dents. Je fais des yeux de mécontentement à Charlotte afin qu’elle comprenne mon malaise, mais elle répond à mon regard par des yeux de petite biche affolée.
    Je vous ai exposé mon nouveau problème. Maintenant à vous de travailler pour trouver une solution à cette obsession.


    Je vous laisse car je veux écrire à ma femme et lui dire que c’est fini entre elle et moi.
    Je compte sur vous.
    Paolo Tekila

     

    De : www.gsansoucis

     

    cheztoctoc.psy
    À : paolotekila
    chezca.com
    Date : 11 août 14h58
    Sujet : Re : consultation urgente


    Monsieur Tequila,
    C’est simple, vous souffrez d’arithmomanie c’est-à-dire une manie de compter des choses sans intérêt. Ceci est associé à un TOC (trouble obsessif compulsif), lequel camoufle une certaine anxiété que vous essayez de cacher aux yeux des autres. J’ai la sensation que les fantômes de votre passé, dont vous m’avez parlé abondamment, reviennent vous hanter et que pour les ignorer, vous vous réfugiez dans une bulle de calculs inutiles.


    Votre cas est mineur et je crois temporaire, car depuis que j’ai l’honneur d’être votre psychiatre, j’ai remarqué que vous passez d’un TOC à l’autre.


    Je téléphone à la pharmacie et demanderai de vous livrer des comprimés qui devraient vous aider. Ils diminueront votre anxiété, augmenteront votre vivacité d’esprit et multiplieront vos succès en affaires. Nos consultations virtuelles complèteront la guérison. N’ayez pas peur de me parlez de vos soucis. Je suis toujours heureux d’être votre confident et votre consultant. En cas d’urgence et après 17 heures, écrivez-moi à G100soucis@toctoc.spa.


    Note : Pour le paiement, n’oubliez pas d’additionner les lignes de votre courriel à son taux linéaire, ajoutez les taxes et ajoutez 8% de plus en cas d’urgence. Cela sera le total de votre consultation.


    G. Sansoucy, psychiatre.

    ***

     

     

    Reçu au troisième étage, à gauche en sortant de l'ascenseur, chez Luigi Paper (et Lolita).

    Auteur : Om Salma.

     

    De : Faroukolov

     

    chezgmail.com
    A : C-luigi-Paper
    chezhotmail.com
    Le : 14.8.2009
    objet : le silence a assez duré

    où en es-tu ? Le boss s’inquiète- Les délais de livraison sont largement dépassés - l’acquéreur s’impatiente prêt à rompre le contrat. Trouve vite le moyen d’activer les démarches - tu sais que toutes les polices du monde sont sur l’affaire (FBI compris) et risquent d’un moment à l’autre de mettre la main sur le paquet emballé prêt à l’envoi.

    « La Putana Gondaliza qui pose nue en jouant du piano » risque d’attraper froid dans nos locaux humides non ventilés.

    Tu lis les journaux ou non ? Le larcin est monté en enchères - ils l’estiment à 24 millions d’euros - Les commanditaires offrent 500 milles euros pour tout renseignement permettant la récupération de la toile - La transaction est alléchante que pour une telle somme, même moi, je vendrai bien ma mère.

    Le Ranch est triste sans sa toile et le clan « Bouches » n’est pas prêt à baisser les bras alors manie-toi au plus vite sinon le boss se fâche -
    A bon entendeur, salut

     

    DE : C-luigi-Paper

     

    chezhotmail.com
    A : Faroukolov
    chezgmail.com
    le : 14.8.2009

    objet : Puisqu’il en ainsi faut calmer le jeu.

    Dis à ton boss que je n’aime pas qu’on me force la main - je ne joue pas à un jeu d’enfants - dis-lui que j’ai fait toutes les filières …. des cigarettes de contrebande, aux stupéfiants, à l’arme de guerre et je ne dois ma survie qu’à mon constant éveil - suis donc un rodé - ne viens pas me donner des ordres - j’opère à l’heure et au temps que je décide - la pression que vous exercez sur moi n’est pas à conseiller ou je vous écrase sous mon poids - le jeu est dangereux pour nous tous - si je tombe vous tombez aussi - la chaîne du clan Paper doit donc rester intacte et solide - le loup-garou qui se cache en moi peut se réveiller à tout moment et il est prêt à tout pour sauver sa peau. Je suis un cybercriminel l’aurais-tu oublié ?


    Le côté agneau doux que tu me reproches est chasse gardée pour la mamma et la familia compris ?
    Dis-lui quand même que la nymphette s’est montrée dure à cuire - dis lui quand même que la poularde me saoule et que je n’sais plus si je suis tombé sur la bonne ou non- Elle a des horaires impossibles qui ne me laissent pas le temps de souffler seul dans cet appart - je n’peux lui faire confiance tant que je n’ai pas mis la main sur ses papiers - je m’demande où elle peut bien les cacher - j’ai fait certains tiroirs, pas tous - j’ai jeté un coup d’œil dans certains coins , rien…. Une fois, elle m’a intercepté la main dans son sac - j’ai joué le jeu d’invoquer une histoire de cadeau- Putain….ça m’a coûté les derniers sous que j’ai laissés tomber au fond de son sac. soit qu’elle joue le jeu de me dilapider soit qu’elle cache bien un secret - Aurait-elle flairé quelque chose car, depuis , elle le trimballe constamment avec elle ? Même la nuit, elle le pose au chevet de son lit - c’est chient et ma patience a des limites.
    J’attends un peu de blé - c’est important -
    Je me répète toujours à détruire après lecture.

    ***

     

     

     

     


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