• Auguste Rodin - Grubleren 2005-02

     

    Dieu Tout Puissant réfléchissait. On l'aurait très bien vu (au figuré, bien sûr, car une des particularités de DTP était qu'un oeil humain ne pouvait pas le voir : trop grand, trop beau, trop éclatant ? Le mystère restait entier), on l'aurait donc très bien vu dans la pause du Penseur de Rodin (au jardin et épargné par les fientes de pigeons, cela allait de soi), ou alors dans la pause, similaire, du Penseur africain, statuette en terre cuite du Nigéria (voir ci-dessous).

    Devait-il prendre le pouvoir sur ces humains en perdition : individualistes, cruels, incapables, eux, de penser dans le long terme ? C'était donc tout ce qu'ils faisaient de leur libre arbitre ? Mais ... Dieu Tout Puissant avait ses projets, ses plans à mettre à exécution ! Ces humains, pourtant, se gonflaient d'importance comme la grenouille de La Fontaine ; cela en devenait insupportable. Et ces humains se croyaient les seuls objets de son attention, en plus ! Si ce n'était point vrai, DTP gardait le secret là-dessus.

    Ou alors ces humains avaient tendance à l'oublier, sauf quand ils se fourraient dans le pétrin, auquel cas certains voulaient bien se souvenir de lui, pour plaider leur cause, pour l'appeler à l'aide. Dieu Tout Puissant intervenait, ou déléguait, en fonction des urgences et des priorités dans l'Ordre des choses qu'il avait lui-même établi. Ingrats humains, qui ignoraient que pour qu'ils prissent vie, il avait dû voir et revoir ses calculs, de façon à ce que les planètes du système solaire ne fussent pas toutes aspirées au début par l'énorme boule de feu, pour qu'elles réussissent à trouver leur orbite.

    Dieu Tout Puissant savait que rien n'était fixé une bonne fois pour toutes. DTP aimait bien son grand chantier, car il ne se reposait jamais sur ses lauriers ; même qu'il n'avait peut-être pas qu'un seul chantier en train mais, là encore, c'était son affaire. Il arrivait que DTP fût satisfait de ses petits humains. Certaines réalisations scientifiques, artistiques, certains systèmes de pensée étaient magnifiques.

    Mais en cette année 2010 (ainsi que la désignait les humains), rien n'allait plus. Ils ne tiraient aucun enseignement des erreurs passées, qu'ils s'en souvinssent ou non. Outre leur égoïsme et leur course à l'argent, le chapitre des religions prenait une fort mauvaise tournure. Qu'ils utilisassent leur religion à des fins politiques, pour qu'un groupe dominât les autres, c'était une rengaine infernale et DTP en avait ras la casquette.

    L'envie le démangeait d'intervenir, mais ... les éliminer, les éradiquer comme bêtes nuisibles et trouble-fête, cela n'entrait pas dans ses plans, il se serait renié lui-même. De plus, il n'en serait pas débarrassé pour autant : il lui faudrait les recaser autrement, tout bousculer ... L'apparition du virtuel, Dieu Tout Puissant aimait bien, pour des raisons qui n'appartenaient qu'à lui.

    Ce virtuel informatique était à double tranchant, mais il rapprochait les humains entre eux et malgré eux. DTP fondait de grands espoirs que réel et virtuel se combinassent ingénieusement, pacifiquement, positivement. Il commençait à s'intéresser aux travaux du groupe POUR UN GOUVERNEMENT MONDIAL sur Facebook !

    Il rêvait (lui aussi) qu'ainsi, ses créatures se rapprocheraient de lui, même en le considérant comme un concept (chacun l'appréhendait à sa manière ; certains humains ne l'appréhendaient d'ailleurs pas du tout). Dieu Tout Puissant souriait avec tendresse et indulgence en considérant les chercheurs humains : ces derniers temps, ils étaient, ces chercheurs, contrairement à certains religieux enragés esclaves de leur désir de domination, moins sûrs d'eux, plus mesurés dans leurs affirmations.

    DTP ne leur demandait pas de chanter, comme Jean Gabin : "maintenant je sais ! Je sais qu'on ne sait jamais !". Dieu Tout Puissant ne niait pas la sagesse de cette chanson, non non, il approuvait que les savants se rendissent compte que plus on cherchait, plus on avait à découvrir ! Puis il venait d'y avoir ce coup du petit volcan islandais et ses trois cratères qui avait destabilisé une grande partie du trafic aérien, comme un rappel aux humains de leur fragilité et de leur manque de vues à long terme ... Un peu d'humilité, que diable (DTP ne se trompait pas d'interjection, il se montrait farceur à son heure) ! Et cette humilité était à la fois rafraîchissante et ... constructive !

    DTP ne perdait pas de vue (et la sienne était ... panoramique) que :
    "autrefois", "maintenant", "demain", "souvent", "jamais", etc ... étaient étroitement liés, que le temps et l'espace comportaient une unité et c'était sur cette piste qu'il voulait les lancer. Tout était dans tout et réciproquement, de même que tout et rien pouvait se confondre, à condition de savoir de quoi on parlait.

     

     

    Pensées recueillies (en toute subjectivité) par l'envoyée spéciale de :

    Pour un gouvernement mondial équitable pour tous les Terriens (sur Facebook)

     

    Statue Nok, le


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    Je suis un petit lapin,

    Nougaro va tousser …

    Car Léna d'un bel entrain,

    Son air lui a fauché !

    Que dira-t-il, le Clau[au]de,

    S'il sai[ai]t, là où il est ?

    Dans la chanson originale,

    Merveille du grand Nougaro,

    Il s'agit d'un animal,

    Avouons que c'est très beau !

    Moi, lapin, pas le taureau,

    Ici que vais-je vivre ?

    Aurai-je des bas, des hauts,

    Héros, sorti d'un livre ?

    Mais pourquoi cette chan[an]son,

    Joli[ii]e mais "macho" ?!

    Malgré tout, elle est réussie,

    Histoire d'abeille et taureau.

    Me trouveras-tu aussi

    Un ami poisson, oiseau ?

    Sans égaler les images

    Du poète chanteur,

    Lapin, je t'offre une page,

    Ecrite avec bonheur,

    A Nougaro ou à Picasso,

    On laissera les taureaux !

    Je vais te faire rencontrer

    Un personnage énergumène,

    Inconnu dans nos contrées,

    Ou même de La Fontaine !

    Tu n'iras pas en Australie,

    On te tirerait dessu[uu]s,

    Les lapins font trop de petits.

     

    ***

     

    Au revoir Nougaro …

    Ni abeille, ni taureau,

    Ni poisson, ni oiseau,

    Ni dans l'air ni dans l'eau,

    Comme chante Gréco,

    Ton ami est à poche,

    Attention, il approche.

    Un marsupial martial ?

    Te correspondra mal …

    Farfelu, allumé ?

    Là, je te vois sauter !

     

     

    Lenaïg

    Le 12 janvier 2009

     

     

     

     

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  • coloriage coyote warner 7

     

     

    Dans l'immense forêt Chourave, de la planète Pif, dans la galaxie du Concombre masqué, si le Spirou brillait comme partout ailleurs, ses rayons se posaient sans problème sur la canopée sans arriver parfois jusqu'au sol. Sous le feuillage dense, sur les tapis d'humus, de mousse et de champignons, la vie animale battait son plein, cherchant sa nourriture, traquant ses proies dans la pénombre. Mais les perroquets étaient ceux qui avaient la part belle. Toutes les variétés terrestres recensées, comme celles typiquement pifiennes, étaient représentées : gris du Gabon (ceux qui, sur Terre, étaient les plus aptes, sinon les seuls à reproduire la voix humaine), aras, amazones, loris et perruches, gent ailée souvent multicolore au-delà de ce qu'on pouvait imaginer. Les perroquets avaient le choix de s'abriter dans les frondaisons ou de s'élever jusqu'à rejoindre les rayons spirouaires sur les plus hautes branches et même de survoler la canopée. leurs seuls prédateurs auraient pu être des buses ou des faucons mais il était rare d'en voir s'aventurer au-dessus de la forêt.

     

    Ce fut ainsi jusqu'au début du XXIIIe siècle terrestre. Jusqu'à l'installation des premiers pionniers humains. Maintenant, les couples de psittacidés, dont les membres restaient d'une fidélité sans faille l'un envers l'autre, enseignaient la crainte et la méfiance des pièges humains à leurs oisillons. De gigantesques filets avaient à trois reprises été jetés sur eux, capturant et enlevant à chaque fois une centaine de leurs congénères. Le téléphone aviaire avait bien fonctionné, car les oiseaux communiquaient entre eux. De moineaux en pigeons, d'oies sauvages en faucons, le sort des trois cents perroquets captifs était maintenant connu. Les époux cruellement séparés avait la maigre consolation de savoir leurs moitiés vivantes, estropiées, manipulées mais quand même bien traitées, bien nourries.

     

    A la clinique Krapulax, notre gros oiseau coureur Agrippine était la coqueluche du personnel et des patients. Elle avait ses têtes et ne laissait pas tout le monde approcher ! Agrippine avait suivi Fougériane l'après-midi où celle-ci fit sa découverte extraordinaire. Il y avait répétition de chant et musique à l'ombre des tilleuls et Fougériane avait entraîné Agrippine en clamant bien fort :

     

    "Viens, Agrippine, viens voir et écouter ce que tes p'tits "frères" sont capables de faire !" Agrippine, malgré sa taille, désorientée, impressionnée par ces volatiles chantant comme les humains, tentait obstinément de se cacher derrière Fougériane, en lui tirant la manche pour lui demander de s'en aller. Draco Luthor, toujours aux aguets, se mit à rire devant ce tableau et détourna complètement son attention.

     

    Profitant d'une pause, un perroquet gris à queue rouge, allant et venant nerveusement sur son perchoir, émit un rire sarcastique, le même que celui de Draco Luthor d'ailleurs, et s'écria :

     

    "Crrr, crooc, elle est grosse mais elle est bête !" Agrippine, furieuse, percevant la moquerie, avança le bec, retenue par Fougériane, tandis que le perroquet changeait de ton :

     

    "Excuse-moi, ma jolie. Je faisais juste l'idiot. Alors, vous faites partie des p'tits nouveaux ? Moi je sais, j'ai senti : notre sort vous déplaît, à toi et ton ami, hein ? Alors, si jamais vous pouviez faire quelque chose pour nous, n'hésitez pas ! Les humains sont capables du pire comme du meilleur. Nous vivons assez longtemps, je ne désespère pas de revoir un jour ma compagne, si elle ne s'est pas laissée dépérir."

     

     

     

    Après cette prise de contact, les événements se précipitèrent, car il fallait bien que l'histoire se terminât, et de la meilleure façon possible. On apprit qu'une nouvelle razzia dans la forêt Chourave se préparait. Arthur obtint une permission de sortie exceptionnelle pour l'anniversaire, très opportun, de sa grand-mère qui, cette année-là, eut deux fois soixante-dix ans ! César et lui avertirent la brigade policière contre la maltraitance animale. Les malfrats furent coincés en pleine forêt au moment où ils jetaient leurs filets, tous les perroquets libérés sur le champ. Les deux véhicules aéroportés de l'expédition revinrent se poser sur l'héliport de Krapulax, tels deux chevaux de Troie ; en sortirent des policiers soigneusement armés qui maîtrisèrent sans trop d'effort les coupables, le directeur le premier. Des coups de feu furent échangés, des pistolets paralysants actionnés, provoquant quelques blessés de part et d'autre.

     

     

     

    Il y eut une période de confusion, d'émotion, de flottement et d'attente, la prise en charge des patients et des perroquets étant assurée par le personnel médical non impliqué ; les vétérinaires, eux, furent prestement remplacés. Un riche mélomane herculien acquit la clinique. La Compagnie galactique de robotisation fabriqua d'incroyables prothèses qui rendirent aux ailes coupées leur efficacité. Les perroquets eurent le choix d'être transportés dans leur forêt natale, ou de rester. La plupart, artistes dans l'âme, décidèrent de poursuivre leur carrière et firent venir leur compagnons ou leurs compagnes. Désormais, on les connaîtrait sous leurs vrais noms, on verrait leurs vraies effigies car le scandale avait fait grand bruit dans la galaxie ; les ventes se multipliaient vertigineusement.

     

     

     

    Arthur, Fougériane et Agrippine ? Ils travaillaient d'arrache-pied, plus enthousiastes que jamais. Ils connurent leurs premiers coups durs, leurs premiers affrontements lors des voyages interplanétaires, car les artistes ailés étaient très convoités. Mais cela est une autre histoire, tout comme la question de savoir s'ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Pour cela, ils avaient le temps ; ce qui était sûr, c'était qu'ils ne comptaient plus leurs amis perroquets !

     

     

     

    Fin !

     

     

     

    Lenaïg

     

     

     

     

     

    Notes

     

    "Pifien" : de la planète Pif,

     

    "Herculien" : de la planète Hercule (ne pas confondre avec : herculéen).

     

     

     

     

     

    Image :

     

    Le Bipbip, le "vrai" !

     

    Pour Agrippine, il faut laisser libre cours à son imagination. 

     

     

     


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  •  

    Perroquet en volDeux semaines s'étaient écoulées. Arthur éprouvait une excitation joyeuse, assombrie d'un vague malaise. Il était enfin passé de l'autre côté du mur de la clinique Krapulax, où il disposait maintenant de sa chambre, confortable, même cossue sans ostentation, comme l'ensemble des locaux.

     

    Dès le lendemain de sa candidature à l'annonce, une convocation s'était inscrite sur son ordinateur, pour des tests, épreuves et entretiens divers. Le message stipulait que cette opération prenait trois jours pendant lesquels les candidats acceptaient de rester dans l'enceinte de la clinique. Il lui était donc enjoint de se munir d'un sac d'affaires personnelles. Il avait fait ses adieux provisoires à ses parents, intrigués mais contents pour lui et à sa fidèle bipbip Agrippine qui, voyant les préparatifs, avait compris qu'il la quittait et poussait des glop glop tantôt courroucés, tantôt plaintifs. Ses parents César et Agathe avaient dû entourer de leurs bras le gros oiseau coureur, qui aurait bien voulu suivre son maître lorsqu'il traversa la rue pour sonner au grand portail.

     

    Trois jours intenses, où il répondit brillamment aux divers questionnaires, fut médicalement déclaré apte au service, fit ses preuves en arts martiaux, accomplit dans le petit bois de la propriété un parcours du combattant sans fautes. Sur les quinze candidats parmi lesquels il s'était retrouvé, issus d'un peu toutes les zones habitées de la planète Pif, il n'en fut gardé que six au final, dont Fougériane, une superbe jeune fille à la peau sombre et aux abondantes boucles noires, joliment musclée, avec qui il avait sympathisé (et le mot était faible). Il eut même la joie d'inviter Fougériane, venue de loin, chez ses parents, lorsque leur contrat d'embauche en poche, ils furent libérés, le temps de réfléchir avant de signer. Si c'était oui, ils devaient tous deux intégrer la clinique au début de la semaine suivante.

     

    Arthur bénéficia de surcroît d'une faveur spéciale. En effet, à la question : "vous pouvez avoir des missions longues à mener à bien, dont vous ne parlez pas à l'extérieur (heureusement on lui avait assuré qu'il ne lui serait pas nécessaire de faire des trajets en hyperespace), avez-vous des liens très forts qui vous rattacheraient à votre vie précédente et qui ne vous rendraient pas tout à fait libres ?", il avait répondu, comme une boutade : "oui, j'ai ma fidèle Agrippine qui aura bien du mal à comprendre mes disparitions !" Le DRH, à sa grande surprise, lui avait rétorqué : "Mais faites-la donc venir avec vous, elle peut vous et nous être utile !"

     

    Le contrat d'embauche fut examiné à la loupe par César, le père d'Arthur, qui n'y vit rien à redire, même sur la clause de confidentialité absolue sur l'élevage de perroquets pifiens. "Écoute, Arthur, au fond, cela ne te regarde pas, pourquoi le secret sur cet élevage. Les avez-vous vus, ces perroquets ?" Arthur et Fougériane s'étaient regardés, cachant rapidement leur gêne et avaient répondu : "oui, nous avons vu leurs installations, ils sont bien traités, bien nourris." "Alors, allez-y, les enfants !"

     

    Arthur, Fougériane et même Agrippine, étaient maintenant en stage de préparation intensive car leurs missions consisteraient à prospecter de nouveaux talents musicaux sur les diverses planètes du système Spirou, à aplanir des difficultés juridiques avec des divas ou des compositeurs perpétuellement insatisfaits , etc, à organiser des festivals promotionnels. Ils avaient le titre de conseillers spéciaux, ce qui signifiait à la fois musicologues, attachés de presse et … baroudeurs … L'espace n'était pas une cour d'école maternelle, les pirates de tous poils sévissaient, il fallait parfois être capable de se défendre et de se battre. Des séances de tir au pistolet paralysant étaient également au programme. Arthur et Fougériane savait qu'ils devraient d'ailleurs en porter un sur eux en permanence, ce qu'ils avaient caché aux parents d'Arthur (surtout à Agathe, la maman car César s'en doutait, sûrement, de par son métier).

     

    Krapulax était réellement une clinique : on croisait les patients, toujours du monde de la musique, très fortunés, qui se reposaient de surmenage ou venaient chercher l'inspiration, dans les salons, au piano ou dans les luxuriants jardins dont on avait le choix : celui-ci à la française digne du mythique et lointain Château de Versailles sur la Terre, ou celui très fantaisiste, touffu et coloré, ombragé d'éclatants magnolias du cru, de flamboyants rhododendrons et azalées, de solide palmiers.

     

    Mais le malaise d'Arthur, que Fougériane partageait, provenait de ce fameux secret des perroquets. Un énorme secret, effectivement. Ils savaient tous deux que les voix admirables qui s'élevaient par-dessus le fameux mur d'enceinte n'étaient pas humaines ! C'étaient les perroquets qui chantaient ainsi. Mais … ils ne volaient plus. Ayant fait la remarque au responsable de l'oisellerie, un individu à l'air perpétuellement indifférent, voire cynique, du nom de Draco Luthor, il s'était fait remettre en place par celui-ci : "Ah, ça 'risque pas ! Tous les aras, cacatoès et autres amazones qui sont là ont les ailes brisées. C'est p't-être pour ça qu'ils chantent si bien, hin hin ! Mais ce ne sont pas tes oignons ! Eh, le bleu, 'faut que tu t'endurcisses, ces bestioles nous sont précieuses par leur incroyable don à capter la musique et reproduire les voix humaines. Pas un qui siffle ou chante faux ! Ils ont l'oreille absolue, ces psittacidés !"

     

    Fougériane venait d'entrer dans la chambre d'Arthur pour un moment de tendresse, dans la lumière crépusculaire qui se découpait par la fenêtre. Agrippine dormait sur sa couverture, la tête sous l'aile. Bientôt elle sortirait passer la nuit dehors à sa convenance, comme à son habitude (il faut se rappeler que l'utilisation de toilettes ou d'un bac à litière comme un chat n'était absolument pas réalisable pour elle). Arthur avait mis en route son neutraliseur de voix, cadeau de son père, qui le lui avait remis en cachette dès la signature du contrat en lui assurant que ce gadget lui rendrait sûrement service. La Compagnie galactique de robotisation n'avait pas encore commercialisé le système mais l'appareil avait l'ingéniosité de transformer les propos tenus dans une pièce en paroles anodines sans rapport avec la conversation réelle. Il fallait en effet déjouer les éventuels pièges des micros cachés. Fougériane, au cours de la journée, avait eu une communication stupéfiante avec l'un des psittacidés et la découverte était de taille.

     

    A suivre  !

     

    Lenaïg

     

     Image :

    goodies.pcastuces.com/fond_ecran ...

    Perroquet en vol.

     


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  • Gouttes de pluiePersonnages :

    - Zigue, chien,

    - Stache, chat,

    - Sébastien, maître de Zigue,

    - Bernard, "maître" ou plutôt compagnon de vie de Stache,

    - la narratrice.

    Un petit rappel :

    la narratrice était pour l'instant la seule à savoir le secret de Zigue et Stache : le grand chien, solide gaillard à la généalogie très riche et le chat noir à la tache blanche sur le front s'étaient mystérieusement rapprochés dans une communication mentale. Voir les trois premières nouvelles :

     

    Le Chien incertain, Le Chat d'en face, puis Zigue et Stache.

    *** 

     

    Un coup de fil

    Un dimanche après-midi pluvieux. Bernard venait de découvrir un fait qui l'intriguait et d'appeler Sébastien, son voisin d'en face.

    " - Salut Seb ! Tu sais où est ton chien ?

    - Oui, enfin … il a demandé à sortir, il a dû se rendre à son terrain vague favori. Mais, c'est vrai, il en met du temps ! Il va rentrer trempé … Mais, pourquoi me poses-tu la question, au fait ?

    - Oh, ne t'inquiète pas pour lui ! Viens voir chez moi ! Je ne te dis rien de plus, pour ménager le suspense …"

    *** 

     

     La grange

    Ils étaient tous les deux réfugiés dans la grange, derrière la maison de Bernard. Zigue rentrait rapidement de sa balade hygiénique, le pelage déjà trempé quand Stache, sentant sa présence dans la rue, lui proposa de venir le rejoindre sous le toit de la grange. La grange, dans le jardin chez Bernard, comportait une partie qui restait ouverte sur l'extérieur mais offrait un abri confortable en cas d'intempéries. Zigue s'était ébroué vigoureusement et avait rejoint Stache, qui était en train de lui transférer ses souvenirs de frustration dans sa vie, avec ses maîtres, en lui faisant revivre mentalement plusieurs situations. C'était en effet par images mentales que la communication s'effectuait.

    Déjà, Zigue percevait une différence importante entre son ami chat et lui-même. Pour Zigue, Sébastien était incontestablement le chef de meute, qu'il avait choisi, d'accord mais il s'en trouvait très heureux.

     

    Pour Stache, il n'en était pas ainsi : il aimait Bernard et sa femme Martine, leur rendait autant d'affection que ces derniers lui manifestaient, mais il se considérait comme leur égal, content de leur apporter sa compagnie. Stache voulait rester indépendant, il y allait de sa dignité et l'idée de la meute, il ne l'appréhendait pas.

    Stache faisait partager à Zigue son indignation qu'on le déloge parfois d'une chaise ou du canapé pour s'asseoir à sa place. Lorsque Bernard et Martine étaient au salon, que des invités arrivaient, Bernard ou Martine, l'un ou l'autre, le prenait dans ses bras pour le poser par terre, ou essayait de le garder sur ses genoux en s'asseyant à nouveau.. Stache se sentait vexé, préférait s'en aller, s'isoler, bouder un peu ! Si par hasard Stache entendait les invités rire en le voyant s'éloigner, sa honte en était accrue …

     

    Zigue, après avoir ressenti l'émotion du chat, commença ensuite à évoquer à Stache le fait qu'il ne montait jamais sur le canapé de Sébastien, qu'il était entendu une fois pour toutes qu'il avait son coussin à lui et que cela ne le dérangeait nullement … Là, c'est Stache qui éprouva la sérénité du chien à ce sujet et il était à parier que cette sensation minimiserait désormais ses propres frustations, un bon point pour Zigue !

     

    Tout d'un coup, Zigue fut pris d'une vague d'allégresse qui lui secoua le corps, à la grande surprise et méfiance de Stache, dont les poils se hérissèrent et les babines commencèrent à se retrousser : quel était ce comportement inconnu auquel se livrait son nouvel ami ? Puis les images qui faisaient … rire Zigue -car c'était bien de cela qu'il s'agissait- s'imposèrent à Stache. La fantaisie avait pris à Zigue de se mettre dans la situation de Stache, imaginant Sébastien le prenant du canapé pour l'asseoir sur ses genoux, disparaissant derrière la grande masse de son chien, tandis que celui-ci pédalait désespérément pour garder son équilibre sur les genoux de son maître. Stache fut envahi à son tour de gaieté, cligna des paupières et regarda Zigue dans les yeux. Zigue lui rendit son regard et bailla bruyamment. Stache détourna les yeux, dans lesquels s'exprimaient maintenant une quiétude parfaite et s'allongea en rond, posant le menton sur ses pattes de devant.

     

    Les deux compères restèrent longtemps silencieux, savourant le bon moment de complicité. L'après-midi était à la douceur et le crépitement de la pluie sur le toit de zinc contribuait à la torpeur et à l'endormissement. Zigue et Stache avaient beaucoup à apprendre l'un de l'autre. Prochainement, ils aborderaient des sujets plus sérieux : leur instinct de chasseur, leur passé plein d'épreuves, la question de savoir comment mieux se faire comprendre de leurs compagnons de vie humains … Mais ce fut dans cette délicieuse sérénité que Bernard et Sébastien les découvrirent, à la dérobée, derrière la porte-fenêtre du salon.

     

    La narratrice, étonnée, elle-même un tantinet euphorique, s'était alors lancée dans une sorte de virelai ancien à sa manière, une forme poétique que lui enseignait à l'époque un mentor du nom de Chveïk. Il n'était pas impossible que le dit mentor, s'il venait à lire ce récit, grinçât des dents devant l'usage qu'elle osait faire de son enseignement mais … tant pis ! Voici donc ce que la narratrice écrivit et fredonna :

     

    Ce fut dans la rue,

    Rencontre incongrue …

    Heureux !

    Mais serai-je crue,

    L'histoire parue ?

    Douteux !

    Si l'averse est drue,

    L'entente est accrue,

    Des deux.

     

    Un fait hasardeux ?

    Chat, chien amoureux ?

    Etrange !

    S'étonnent entre eux

    Les gars soupçonneux.

    Ça change !

    Ils plissent les yeux,

    L'air malicieux.

    LA GRANGE !

     

    S'y poursuit l'échange

    Quand la pluie dérange,

    On voit !

    Passerait un ange ?

    Chien et chat, mélange !

    Qu'est-ce donc, qu'entends-je ?

    Chante une mésange,

    Qui croit !

    ***

     photo-mesange-bleue-aux-aguets

    Si la mésange le croyait, Sébastien et Bernard avaient encore du chemin à faire avant de percer le secret de Zigue et Stache, s'ils y arrivaient jamais … Mais la narratrice comptait bien les y aider.

    ***

     

    Lenaïg - Complété le 20 avril 2010

     

    Images :

    www.iphonefondos.com, gouttes de pluie

    www.photo-pixel.eu, mésange bleue aux aguets.

     


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