• Pauvres - Billet de Michel Thibault

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    Pauvres

    La misère n'épargne pas la région. En catimini, elle s'étend.
     
    Elle profite des préjugés pour se propager. Ses victimes osent peu la dénoncer.

    Au cours des dernières semaines, des responsables d'organismes de bienfaisance du territoire ont indiqué au journal voir plusieurs nouveaux visages. Des familles dont les deux parents travaillent mais qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts.

    Le prix de l'essence a explosé, le panier d'épicerie aussi mais les salaires ne suivent pas, ont déploré des bénévoles.

    Malgré la gravité de la situation - quand une famille n'arrive pas à se nourrir convenablement c'est dramatique  -, personne n'est descendu dans la rue ou n'a bloqué un pont pour revendiquer des conditions de vie décentes. C'est à dire : pouvoir payer ses affaires sans avoir à demander la charité.

    Plusieurs personnes m'ont parlé de leurs difficultés ces derniers temps mais aucune n'est prête à témoigner publiquement. Comme cet homme qui s'est résolu à frapper à la porte d'une banque alimentaire. Il a pilé sur son orgueil. Parmi les produits donnés, quelques-uns étaient «passés date». Bien sûr que les aliments étaient parfaitement comestibles. Meilleur avant le 12 octobre ne signifie pas pourri le 13. Mais cet homme nous pose la question : vous aimeriez offrir des yogourts périmés à vos enfants ?

    De son côté, une mère a déploré l'augmentation fulgurante du prix des aliments. L'épicerie qui lui coûtait 585 $ par mois il n'y a pas longtemps ampute maintenant son budget de 675 $. Ça représente 15 % de plus. Vous devinez que le revenu de la famille n'a pas augmenté de 15 %. «On n'a plus de marge de manœuvre», a dit la dame. «Je fais tout ce que je peux pour économiser. On ne peut plus réduire les dépenses. On avait pensé couper internet mais, avec les enfants qui vont à l'école, c'est devenu un service essentiel.»

    On aurait aimé que cette femme manifestement vaillante et bien organisée témoigne de sa situation difficile. Une situation qui n'est pas unique. Bien des familles dans mon entourage n'en peuvent plus d'en donner toujours plus aux pétrolières, aux gouvernements et à l'épicerie.

    Elle a décliné. Peur que ses enfants se fassent achaler à l'école si elle apparaissait dans le journal. Crainte d'être jugée. Des préjugés. Comme si c'était de leur faute s'il manquait d'argent. Même s'ils suent autant à l'ouvrage qu'un joueur de hockey pour une infime fraction de son salaire. Même s'ils gèrent mieux leur budget que le gouvernement. Si le Québec tenait ses finances aussi serrées que cette mère de famille discrète, il ne trainerait pas une dette de 200 milliards.

    Paru dans le Soleil de Châteauguay, Québec, Canada, le 24 mars 2012.

    Michel Thibault


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 1er Avril 2012 à 16:16
    jill-bill.over-blog.

    Bonjour Michel, pertienent billet...  La société est malade de sa consommation effreinée, de sa flambée des prix et tant pis pour les plus démunis qui travaillent... eh oui, qui travaillent mais dont le salaire ne suit pas... Cherchez l'erreur !   Merci à vous, jill

    2
    Dimanche 1er Avril 2012 à 16:25
    flipperine

    cette crise est mondiale

    3
    Dimanche 1er Avril 2012 à 18:17
    Lenaïg Boudig

     

    • Bonjour Michel. Merci d'avoir écrit ce billet qui met bien l'accent sur ce qui fait mal et sur les origines de la présente misère. C'est très intéressant de voir que dans cette misère, ici à Paris par exemple, on est descendu encore plus bas car il y a de moins en moins de sentiment de honte, de plus en plus de gens d'en bas se retrouvant tous dans la même galère. Dernièrement, un directeur d'école s'est fait mettre à l'index pour avoir interdit l'accès à la cantine à un gamin parce que les parents n'avaient pas pu payer en temps voulu ...

    4
    Lundi 2 Avril 2012 à 15:32
    mansfield

    Je me demande ce qui permettrait que les gouvernants réalisent et agissent!

    5
    Lundi 2 Avril 2012 à 20:11
    Tonton Ric

    Bonsoir Michel et tous les auteurs...

    Un sujet douloureux qui soulève une fois de plus le sujet des injustices sociales subies par les populations de tous les pays de la planète : des riches toujours plus riches, des pauvres toujours plus pauvres, et des classes moyennes de plus en plus touchées elles-mêmes par une crise orchestrée à des niveaux divers par les classes dirigeantes, spéculateurs et autres financiers obnubilés par leurs propres et seuls intérêts... Que des populations entières meurrent de faim, vivent sans toit, celà ne les concerne malheureusement pas...

    Grandeur et décadence d'un monde où puvoir et puissance deviennent depuis des décennies les maîtres-mots d'industriels qui n'hésitent pas à délocaliser leurs usines alors que des bénéfices immenses sont faits sur le dos des salariés...

    A tous je douhaite une bonne soirée, avec mes bises fraternelles.

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