• MÉPRISE - 2/2 - RAHAR - Science-fiction

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    Ce ne fut qu’en entrant dans l’atmosphère de Vrille que je dus déployer toutes mes facultés et mon adresse. Les turbulences de Toupie étaient de la gnognote, comparées à celles auxquelles j’étais confronté présentement. Toute action avait une réaction exagérée dans un sens ou un autre, sans prévenir. J’ai dû faire appel à toute mon expérience et à mon doigté pour diriger tant bien que mal ce sabot capricieux. Les bizarreries magnétiques de la planète ne me facilitèrent pas le repérage de l’épave. Finalement, je l’aperçus posé de guingois dans une herbe épaisse, au pied d’une falaise. La petite navette était cabossée.
    Je sortis en scaphandre : l’oxygène était presque inexistant et Vrille ne sentait pas la rose avec son atmosphère de méthane et d’hydrogène sulfuré. Le cockpit éraflé de l’épave me fit voir une silhouette qui me fit signe de la main. Elle s’activa pour enfiler son scaphandre et sortit en claudiquant après un moment. Je fus un peu surpris, c’était une femme, une très jolie femme même. Je réglai la fréquence de mon communicateur.


    « Capitaine Dominique Traise, je présume ? à la vue de ses galons. Je suis le capitaine Harry Vey.
    — Non, il y a méprise, je suis le docteur Marlène Ditriche.
    — Mais… Je ne me suis tout de même pas trompé de planète !? Et vous êtes blessée.
    — J’ai eu une fracture, mais j’ai pris un analgésique puissant. Non, vous ne vous êtes pas trompé.
    — Bon, il y a probablement eu une erreur quelque part. Couillon d’amiral.
    — Pardon ?
    — Non, non, rien. Allez venez, je vous ramène. »
    Elle eut un sourire triste et secoua la tête.
    « C’est Dominique que vous devez ramener.
    — M’enfin, vous êtes atteinte du syndrome de double personnalité ? J’aime la plaisanterie, mais là, les circonstances ne sont pas appropriées, ne trouvez-vous pas ?
    — Mais non, je ne suis pas folle. Tenez, voilà Dominique ! »


    Un homme sortit du taillis. J’en eus la mâchoire décrochée. Ce fut alors que je me rappelai que la navette était biplace… et que la mienne l’était également. Je ne pouvais prendre qu’une seule personne. La question d’espace utile pouvait être débattue, mais le principal problème était la propulsion : le moteur électromagnétique était calculé pour une certaine masse et celui-ci avait été adapté à une navette-espion. Mon cerveau sembla geler. Mon regard se porta tour à tout sur Marlène et Dominique. Pourquoi lui ? Et Marlène était blessée, elle avait un besoin urgent de soins.


    « J’ai dû m’éloigner de la navette, elle perturbait mes mesures, fit Dominique.
    — Confirment-ils mes premières estimations ?
    — Oui Marlène, les probabilités d’une invasion imminente sont élevées.
    — Vous voyez capitaine Harry, il est urgent que vous rameniez Dominique.
    — Mais et vous ? Je ne sais combien de temps vous êtes ici, mais je parie que votre réserve d’oxygène ne sera pas suffisante, même si je forçais le propulseur pour revenir.
    — Vous ne reviendrez pas. Compte tenu des circonstances, les risques de détection seraient catastrophiques.
    — Mais qu’est-ce que le sieur Dominique a-t-il donc de plus que vous ? Sûrement pas la galanterie.
    — Il a toutes les données dont l’Hexagone a besoin. Malgré mon titre, je suis un soldat, capitaine, je dois me conformer aux ordres.
    — Mais c’est dément ! On dit toujours : « Les femmes et les enfants d’abord ». Dominique n’a qu’à vous filer les données.
    — Hélas, c’est impossible.
    — Mais pourq… »


    Ce fut alors que j’eus un flash. Dominique n’était pas en scaphandre, dans cette atmosphère pourrie, et il n’avait aucun appareil, aucun instrument sur lui. Il était l’instrument. C’était un androïde de modèle DMK 13. Je n’en ai jamais vu, mais j’ai entendu des rumeurs comme quoi les aliens avaient aidé nos savants à créer des androïdes capables de travailler dans des conditions difficiles, surtout là où les robots indisposaient les humains par leur aspect.


    Ainsi donc on avait chargé un androïde de jouer à l’espion, il cumulait à lui seul tous les appareils imaginables. Mais il fallait un humain pour le superviser. C’était le rôle du docteur Marlène. Dans le cas présent, l’androïde était plus important que l’humaine, quitte à la sacrifier. Voilà pourquoi je ne m’étais jamais engagé, je suis allergique à l’autorité inhumaine.
    Toutefois, j’avais un problème… ou plutôt un dilemme. Au fond de moi, je savais que les données étaient vitales pour la paix de ce bras de la Galaxie. Mais ma conscience se rebiffait à l’idée de laisser là la belle Marlène. Ben ouais, je la trouvais belle, quoi !


    « Tranquillise ta conscience, Harry. La paix du monde civilisé est plus importante que ma petite personne, je me suis résignée à me sacrifier… D’ailleurs, ce sera un honneur pour moi.
    — Ah oui, vous les militaires, on vous a toujours seriné de mourir avec honneurs. Mais tu es encore si jeune, Marlène ! et on n’est pas sur un champ de bataille. Il doit y avoir une solution.
    — Tu sais bien que non. Fais ton devoir de citoyen, emmène Dominique.
    — Je reviendrai…
    — Non, et tu le sais très bien. Allez.
    Je restai là, buté, essayant de faire tourner les rouages de ma cervelle. On me disait ingénieux, que j’avais des éclairs de génie. Mais là, je pédalais à vide. Et dire que je devais sacrifier une humaine contre ce satané machine.
    Minute ! Vous aviez dit machine ? Un sourire fleurit à mes lèvres. Marlène se recula, surprise. Je pensais bien qu’elle croyait que j’allais prendre la mauvaise décision.
    « Dominique, les données sont bien stockées dans ce qui te sert de tête, non ?
    — Oui, capitaine. Une petite batterie sous ma clavicule maintient son alimentation.
    — Très bien. Tu vas détacher ta tête et la batterie qui va avec. C’est eux que je vais emporter. »


    Marlène comprit immédiatement et sa figure resplendit d’espoir. Le poids du docteur avec la tête de l’androïde n’atteindrait pas le poids de Dominique. J’aidais le capitaine à s’installer, prenant un soin particulier à ménager sa fracture, puis je lui confiai la tête de Dominique. Nous abandonnâmes ainsi l’épave et le corps imputrescible à la merci des intempéries de Vrille.

    Fin

    RAHAR


  • Commentaires

    1
    Dimanche 6 Avril 2014 à 14:40
    josette

    Harry Vey  à sortir la belle avec la tête sur un plateau... elle ne s'appellerait pas Salomé ou Judith dans une autre vie par hasard  cool

    bravo bravo ! 

    2
    Dimanche 6 Avril 2014 à 15:04

    Et bien il fallait l'écrire tout ceci.... mes félicitations Rahar et merci.... JB

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    3
    Dimanche 6 Avril 2014 à 16:35

    ah ces robots ils nous en font faire des choses

    4
    Dimanche 6 Avril 2014 à 19:55

    Bonsoir mesdames ! Quand on apprécie le genre littéraire, elle est belle, cette nouvelle ! Je n'ai pas deviné la fin et j'ai un peu essayé d'attirer l'attention des lecteurs passés par OB sur le port du casque ou pas, sur la planète inconnue ! Bravo et merci, Rahar ! Et bizzz à toutes, et tous !

    5
    Dimanche 6 Avril 2014 à 19:57

    Josette, la différence entre Salomé exigeant la tête de Jean Baptiste et Marlène rentrant sur Terre la tête de Dominique posée sur ses genoux, c'est que Dominique l'androïde, le robot donc, pourra être reconstitué !

    yes

    6
    Marie Louve
    Lundi 7 Avril 2014 à 16:07

    L'important . c'est de garder la tête du sujet et le sujet avec. Quel As ce Rahar ! Bises

     

    7
    Dimanche 13 Avril 2014 à 10:56

    Contrairement au apparences, je n'avais pas zappé le récit de Rahar ! Comment fait-il pour avoir autant d'imagination ? J'ai bien aimé la solution qu'il a trouvé pour sauver la jolie Marlène et les précieuses données !

    Bon dimanche à vous deux - bisous

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