• Les envahisseurs - RAHAR - Chapitre 1

    Pour page 1 Envahisseurs de Rahar - invasions

     

     

     

     

    Aux alentours de minuit, des coups sourds à la porte d’entrée en bas me réveillent en sursaut. Instantanément, les réflexes que m’a inculqués Père ont joué. J’ouvre silencieusement la fenêtre, puis je me glisse sous le lit. Je m’aplatis le long du mur et rabat la planche à charnières fixée sous le sommier ; elle me soustrait à tout regard hâtif.

     

    J’entends un brouhaha, le coup d’une gifle et le cri de Mère, puis deux coups de feu assourdis. J’imagine l’écroulement de mes parents, pissant le sang. Pourvu qu’ils aient eu une mort instantanée. Pour m’empêcher de sangloter de douleur, je fais monter tout au fond de moi une boule de rage froide, une vague glacée que je laisse me submerger, et je serre mes poings à les blanchir.

     

    Pour page 1 Envahisseurs de Rahar - get.aspxLe grincement de l’escalier sous des pas lourds et décidés m’indique que les intrus sont en train de monter à l’étage. M’efforçant de reprendre mon calme, je me remémore les leçons de mon professeur de relaxation : inspirer et expirer doucement, amplement, relâcher tous mes muscles, chercher à ne penser qu’à une seule chose, un objet banal comme une clef, par exemple. Cet exercice me permet de réduire fortement la diffusion de mes ondes d’angoisse et de haine, au cas où il y a quelque télépathe parmi les envahisseurs.


    — Le gamin a filé par la fenêtre.

    — Regarde quand même sous le lit.

    — Il n’y est pas.

    — Il n’est pas non plus dans le placard.

    — Mais ses pompes sont là.

    — Il n’a pas eu le temps de les chausser. Il doit maintenant se balader sur les toits.

    — On le suit ?

    — T’es pas dingue ? Cette corniche ne supporterait pas le poids d’un adulte.

    — Le poids d’un gamin de seize ans approche celui d’un adulte, non ?

    — Eh bien, si tu veux prendre des risques, à ton aise. Moi, je descends.

     

    Renonçant à faire du zèle, le type suit son camarade et je les entends refaire craquer l’escalier. Un bruit de voix assourdis me parvient. Généralement, ils sont cinq pour effectuer ce genre d’exécution apparemment arbitraire. Mes parents étaient membres du conseil sénatorial et ne sont pas des gens violents ou belliqueux. L’envahisseur craint certainement que la population ne se dresse derrière les conseillers en les considérant comme des porte-fanions pour une éventuelle révolte, d’où ce pogrom monstrueux. Sa règle est d’exterminer la famille entière pour éviter tout témoin gênant, probablement.

     

    J’imagine les hommes traînant les corps dehors, comme ils ont fait avec la famille des Sajesse, leur but étant d’impressionner et de décourager toute tentative de rébellion de la part de la populace : une bête sans tête ne peut rien faire, pensent-ils.

     

    Pour page 1 Envahisseurs de Rahar - David VincentJ’attends patiemment une heure après leur départ pour bouger prudemment. Mes yeux sont secs, il n’y a place dans mon cœur que pour une boule irradiante de rage contenue. Je m’habille, vais vers la cache secrète de Père, un carreau descellé d’un coin de la cuisine, puis rafle tout le liquide, ainsi que les bijoux de Mère ; elle n’en a plus mis depuis l’invasion. Je répartis les billets et les bijoux dans les poches intérieures de mon ample blouse. Je vais aller demander asile à mon oncle Bress, un cousin de ma mère. Il n’y a pas de lune, mais je peux me déplacer dans la pénombre, on me taquine souvent sur mes yeux de chat, une anomalie dont je rends grâce au Ciel, maintenant.

     

    Oncle Bress et toute sa famille sont étendus dans la rue, morts. Pourtant oncle Bress n’était même pas conseiller du peuple, il ne faisait pas de politique. Désemparé, je porte mes pas vers le parc proche pour éviter une quelconque patrouille. Mon esprit tourne à vide. Il faut que je me ressaisisse. Mais qu’est-ce que je vais faire ? Que vais-je devenir ?

     

    Je suis assis sur un banc, cherchant une quelconque idée, quand j’entend, porté par le vent, des sanglots étouffés quelque part à ma droite. Intrigué, je me faufile à travers une trouée de la haie pour trouver de l’autre côté… un pré-ado de onze-douze ans secoué par des pleurs qu’il s’efforce de réprimer, apparemment en vain. Il est en tee shirt et culottes courtes.

     

    — Psitt ! Eh, qu’est-ce que tu fais là ? chuchoté-je.

    L’enfant sursaute et est sur le point de détaler.

    — Attend ! Je ne te veux pas de mal. Dis-moi pourquoi tu n’es pas chez toi à cette heure.

    — Les soldats étrangers ont tué mes parents et mon frère. Ils ne m’ont pas trouvé parce que je dormais dans ma petite cabane, sur le goyavier du jardin. Je n’ai pas classe demain.

    — Et tu as fui et tu t’es réfugié dans le parc. Comment t’appelle-tu ? Moi, c’est Ron Ubar.

    — Le célèbre Ron ?

    — Célèbre ? Je ne m’en étais pas rendu compte.

    — Tu es bien le fils des conseillers Ubar, non ? Le professeur Jumla ne tarit pas d’éloges à ton égard. Moi, je suis Acky Itau.

    — Quoi ? La ravissante fille du conseiller Itau ?

    — Ah je suis ravissante ? Merci, je ne m’en doutais pas non plus.

    — Je t’assure. Mais que comptes-tu faire maintenant ? Tu as de la famille ?

    — Je pensais aller chez le cousin de mon père, mais je ne peux pas me repérer avec cette nuit sans lune.

    — T’en fais pas, je vais t’y mener. C’est où ?

    — C’est assez loin, dans le quartier de Blanche-Source, 120 rue des Manguiers.

    — C’est bon, je connais. Allez, suis-moi.

    — C’est vrai ce qu’on dit ? Tu vois dans le noir ?

    — C’est assez exagéré, il me faut un minimum de clarté, comme pour les chats.

     

    Pour page 1 Envahisseurs de Rahar - SG1 mirko42 800x600Cette fille est plutôt courageuse… à moins que mon intervention l’ait un peu distraite de sa douleur, mais la digue se rompra certainement plus tard, dans un environnement plus sécurisant. Je la prends par la main pour la guider et nous empruntons les petites ruelles. Cela allonge peut-être le trajet, mais l’itinéraire est plus sûr ainsi.

     

    Nous n’avons pas l’occasion de bavarder, Acky étant absorbée dans sa marche quasiment à l’aveuglette pour éviter de trébucher. Quant à moi, mon attention est mobilisée sur l’évitement des éventuelles patrouilles, et par deux fois, nous avons dû nous blottir dans un encoignure obscur. La courte chevelure noire d’Acky émet une fragrance poivrée, pas désagréable. La gamine renifle encore de temps à autre, et je trouve son petit nez retroussé plutôt mignon. Je prédis que plus tard, elle brisera bien de cœurs.

     

    Nous nous insinuons dans une étroite ruelle qui débouche sur la rue des Manguiers. Tapis dans la pénombre, nous inspectons les alentours. Acky me désigne une maison éclairée dont la porte d’entrée est entrouverte. Je distingue des formes allongées sur le trottoir.

     

    — Acky, je suis désolé, c’est trop tard.

    — Non !...Non !... C’est impossible.

    — Hélas si. La famille de ton oncle est là, exposée dans la rue.

    — Qu’est-ce qu’on va devenir, Ron ?

    — Viens, je sais où on va aller.

     

     

    A suivre

     

    RAHAR

     

     

     

     

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    Illustrations cueillies sur Google images : 

    • la carte des invasions barbares en Europe,
    • le défilé des troupes allemandes sur les Champs Elysées en 1940,
    • la bande générique de la série TV Les envahisseurs,
    • les vaisseaux envahisseurs des Goa'uld dans la série SG1 Porte des Etoiles
    • le couvre-feu à Tunis : Sidi Bouzid, www.debatunisie.com 

    Laissons notre imagination vagabonder, car nous ne savons pas encore de quels types d'envahisseurs il s'agit, mais ils sont sans pitié. La terreur règne, les deux héros sont seuls et très jeunes ...

     

     



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  • Commentaires

    1
    Dimanche 11 Décembre 2011 à 19:20
    jill-bill.over-blog.

    Bonsoir Lenaïg, Rahar.... Oups quelle tuerie, y échapper un miracle !  Ok suivons ce p'tit couple dans la suite.... et quelle suite ??  Pauvres mômes !  Bonne soirée à vous deux !  Bizzzzzzzz de jill, hic hic, il restait un peu de champagne.... hi hi !  JB

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    2
    Dimanche 11 Décembre 2011 à 19:27
    valdy

    Un véritable univers et un jeune héros prometteur. En plus le petit clin d'oeil à Ron Hubbard

    Bonne soirée ,

    Valdy

    3
    Dimanche 11 Décembre 2011 à 21:46
    Mamylilou

    Petit coucou du soir, pas courageuse pour tout lire , j'en suis désolée .Bisous

    4
    Lundi 12 Décembre 2011 à 17:13
    Marie-Louve

    Me revoilà plongée au coeur des émotions fortes. Petite romance naissante, mais surtout de l'action audacieuse et aventureuse dont seul le grand Rahar sit nous faire vivre. Avec nos deux héros, on demeure sur le qui-vive et vivement la suite ! Quel monde ?  D'où viennent ces méchants envahisseurs tueurs impunis ? Il faudrait leur envoyer le grand Klotz.  Bon lundi ! Bises.

    5
    Mercredi 14 Décembre 2011 à 14:45
    Monelle

    Tahar, t'es pas sympa voilà que j'ai peur maintenant   tant pis, je vais quand même voir ce qui se passe après ....

    bisous à vous deux

                   Monelle

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