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LE SIGNE - 2/2 - Rahar, aux portes du bizarre
Comme l'Alice du pays des merveilles est passée de l'autre côté du miroir, Robert est passé de l'autre côté, et Cécile est restée, seule et un long temps s'est écoulé. Elle pense que Robert a franchi la porte des morts et n'attend plus son retour, elle s'est résignée.
Note de LenaïgUn jour, j’assistais à une conférence par habitude. Je ne savais même pas le sujet de la communication. Quelle ne fut ma surprise quand j’entendis un blanc bec déblatérer sur les Berniks en proférant des énormités. Robert s’en serait retourné dans sa tombe ! J’eus ainsi une prise de conscience : il fallait continuer le travail que Robert et moi avions commencé ; la traduction des inscriptions des murs du temple maudit m’attendait, je devais ça à mon cher mari.
Je n’avais jamais plus porté le regard sur un homme. D’ailleurs, mon travail de traduction prenait presque tout mon temps, et il faut dire que je négligeais mon aspect : je n’avais plus franchi la porte d’un salon de coiffure, ni d’un magasin de mode. Ronnie, mon précieux collaborateur, me traitait de sac de patate dans mon dos. Mais j’étais au-dessus de ça, seul m’importait mon travail qui apportera les honneurs posthumes à Robert.
Un passage m’avait particulièrement intrigué. Les prêtres pratiquaient un certain rite tous les ans, à la même date. C’était la cérémonie d’initiation des prêtres ; le postulant devait entrer dans l’antichambre de la mort. Il y mourait, la traduction de l’inscription était formelle ; mais un signe particulier, que je n’avais pas retrouvé ailleurs, qualifiait une notion de dignité. Par déduction, j’avais traduit le passage par « celui qui est digne va ressusciter ». Cette mort ne serait-elle que symbolique ? Une manette de pierre devait être présente derrière l’autel ; elle devait ouvrir la porte du royaume des morts. Cette date était celle de la disparition de Robert. Malheureusement, la partie qui décrivait comment se terminait la cérémonie et comment sortir du royaume des morts devait figurer sur le pan effondré du mur, suite à quelque séisme.
Je regardais le calendrier. La date fatidique approchait. Je me disais que je pourrais peut-être tenter d’ouvrir le passage et récupérer la dépouille de Robert pour lui donner des funérailles décentes. C’était décidé, j’organisais une expédition personnelle, la fortune que m’avaient léguée mes regrettés parents me le permettait. Dix ans ont passé, je me suis empâtée, mais l’espoir de retrouver les restes de mon Robert m’a donné la force de grimper jusqu’au temple. On l’avait sommairement restauré, la végétation qui le recouvrait presque entièrement, avait été enlevée.
À mon grand désespoir, je n’avais trouvé aucune manette de pierre derrière l’imposant autel. Mais peut-être ne devait-elle apparaître qu’à un moment précis ; je devais donc attendre jusqu’à l’heure où Robert avait disparu. J’étais devant ce que j’estimais être l’emplacement de la porte de pierre, quand celle-ci s’ouvrit lentement dans un léger raclement. Robert apparut, tel qu’il était il y avait dix ans, un sourire béat aux lèvres.
« Robert ! Mon Dieu, tu es ressuscité, mon amour !
— Euh… C’est quoi ce délire ? Je n’ai jamais été mort, que je sache. Je n’ai pas pensé que quelques instants d’absence t’auraient bouleversée à ce point.
— Dix ans, mon chéri. Dix ans que tu as disparu.
— Allons Cécile, reprend-toi. J’ai réussi à ouvrir une porte secrète donnant sur une cellule de méditation et qui s’était refermée sur moi. Heureusement, il y avait un mécanisme d’ouverture de l’autre côté. Je dois admettre que les Berniks étaient de sacrés bâtisseurs: on ne se douterait jamais qu'il y a une porte, tellement c'est ajusté au millimètre… Mais qu’est-ce que tu as dans la main ? Mais c’est un morceau de champignon que tu as pris dans un des pots de terre. Tu n’y as quand même pas goûté ?... Faut croire que si, malheureuse, tu es complètement flippée.
— Flippée ?
— Cécile, c’est un champignon puissamment hallucinogène, les prêtres berniks l’utilisaient probablement durant leurs rites sacrés. Ma pauvre chérie, tiens, bois de l’eau, j’espère que ça dissipera plus rapidement les effets.
— Ah Robert, il ne s’est donc pas passé dix ans ?
— Mais non, mon petit chou. Tu as fantasmé tout ça. À l’avenir, ne bouffe pas n’importe quoi. »
Fin
RAHAЯ
Illustration :
http://www.commeaucinema.com/vu-sur-le-net/alice-au-pays-des-merveilles-de-tim-burton-les-dessins-preparatoires,154911
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Commentaires
C'était le champignon qui avait donné des hallucinations à Cécile, tout s'explique....!!!La pauvre, elle s'est fait du mauvais sang. Bises et bonne nuit.
3VictoriaDimanche 13 Mars 2016 à 06:49En fait, j'allais chercher loin une conclusion toute simple en somme. C'est de ta faute aussi parce que tu nous as tellement habitués à des scènes d'horreur que derrière chaque situation, on imagine un zombie, un revenant, un sorcier... Belle surprise finale, bravo !
Ils sont magiques ces champignons, mais la magie n'est qu'une illusion temporaire. Tout de même, dix ans passés en si peu de temps pour Cécile. C'est vraiment hallucinant.
Des champignons ? Balivernes. Des graines de sésame tout simplement. Toujours un plaisir de lire Rahar et de jouer avec ses histoires.
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Ah je me disais aussi qu'on allait le revoir Robert... et pas touche à ces foutus champignons, on y cru au "veuvage" de Cécile... bon tout est bien, qui finit bien ! Merci... JB