• LE CASSE - Rahar

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    — Tu es en train d’enregistrer, là ?

    — Ben oui, j’enregistre en continu.

    — Sais-tu que tu déménages grave, Mario.

    — Pourquoi donc ? Je veux devenir écrivain, il faut que je me constitue du matériau brut.

    — On aura tout vu, tu ne vas tout de même pas décrire toutes nos opérations. Que quelqu’un tombe sur ton enregistrement et nous serons cuits.

    — Sois pas si pessimiste, Luis. C’est indispensable pour mes mémoires.

    — Mémoires, mémoires… T’es pas dingue, tu n’as même pas la trentaine. C’est quand on est vieux et retraité qu’on écrit ses mémoires.

    — Réfléchis un peu, Luis. Tu crois pas qu’à cet âge je risque d’oublier des tas de trucs ?

    — Je persiste à croire que ce que tu fais est dangereux. Et puis, qui crois-tu qui serait intéressé par la vie d’une petite frappe ?

    — Ben justement, c’est pour changer de la vie des truands importants. Tu ne connais pas la vague de succès des anti-héros ?

    — Ce que je sais, c’est que t’es complètement barge. Nous aurions dû fourguer ce truc, je sais que ça vaut cher.

    — Écoute Luis, on s’est déjà arrangé, je t’ai cédé le collier en or de la gonzesse que j’ai zigouillée contre ce dictaphone hi-tech, ce que j’en fais ne te regarde plus.

    — D’accord, j’abandonne, concentrons-nous sur l’affaire présente.

    — T’inquiète, c’est du nanan. Une cabane de luxe isolée, loin de la turne principale, pas de cleb, pas de système d’alarme, c’est du tout cuit, j’te dis.

    — Ouais, il doit y avoir des trucs intéressants.

     

    Ici, on entend des cliquetis, des tintements de clefs, probablement des passe-partout.


    — Allez, grouille-toi Mario, on n’a pas toute la nuit.

    — Putain ! Je fais ce que je peux. C’est un truc de ouf, cette satanée serrure.

    — Ne me dis pas que ce petit machin peut te mettre en échec, toi qui te dis le roi de la mécanique.

    — Tu imagines combien coûte ce machin sophistiqué ? Je ne crois pas que ça soit de simples outils de jardinage qu’on veut protéger.

     

    Petit claquement. Chuintement d'une porte qui s'ouvre.


    — Ah, tout de même. T’es sûr qu’il n’y a pas de dispositif de sécurité ?

    — Nan, j’pense pas… Eh beh ! C’est pas possible !

    — Merde ! Mais il n’y a que du matériel de jardin, ici.

    — Atta, atta ! Réfléchissons un peu. Tout ce matériel, même d’excellente qualité, ne vaut tout de même pas la peine d’être barricadé comme fort Knox. C’est louche, très louche.

    — C’est vrai, ma foi. Il doit bien y avoir quelque truc qu’on veut protéger à tout prix.

    — Eh bien, faisons l’inventaire, alors.

     

    Piétinements. Petits bruits d'objets qu'on déplace ou bouscule.


    — Pfuit ! Il n’y a vraiment rien qui vaille la peine, Luis. On a perdu notre temps.

    — J’te retiens, avec tes repérages foireux… Oups ! Qu’est-ce que c’est ?

     

    Petit déclic. Bruissement soyeux d'un panneau qui s'ouvre.

     

     — Bingo, Luis ! Tu as trouvé la cache.

      — Ça alors ! J’ai à peine touché à cette moulure, et pis voilà que l’étagère à outil pivote.

    — Sacré nom ! Ça continue dans la butte. Vraiment génial.

    — Pinaise ! Vise-moi ce fourbi. On dirait un labo de chimie.

    — Eh Mario, il y a toute une armurerie par ici. Mince ! Des fusils à lunette, des arcs, des sarbacanes, des colts… Tiens, c’est rigolo, y a même des frondes. On dirait la salle d’un collectionneur.

    — Collectionneur mon œil ! Il y a là-bas de quoi fabriquer des balles que je crois spéciales.

    — Qu’est-ce que cela veut dire, Mario ?

    — Je crois qu’on est tombé sur un tireur d’élite, un agent spécial… ou un tueur à gage.

    — Qu’est-ce que tu racontes ?

    — Tiens regarde ce flingue, un Hecate II, c’est l’un des meilleurs et ça te coûte la peau des fesses, même sans sa lunette. Et mate ce surin, un vrai Solingen.

     

    Léger raclement de métal contre le métal. Tintement métallique.

     

    — Alors, tout ce matos vaut une fortune ?

    — Eh oui, on ne va pas partir bredouille… Ah il y a un calepin. Putain ! Des modes opératoires ! et avec un chrono précis avec des indications de lieu…

    — Eh Mario, j’ai trouvé des passeports… Georges Kulas… Grégoire Kuntz… Germain Kadet... Gérald Kouzain... C’est probablement un tueur à gage. Avec tout ça, on peut le faire chanter.

    — Qu’est-ce que c’est que ce bruit ? Éteins la lumière, vite !

    — Quel bruit, Mario ?

    — Ta gueule ! Moufte plus, y a quéqun…

     

    Long silence de trois minutes. Léger couinement agaçant, probablement la semelle d'un tennis frottant le carreau.


    — Viens Luis, on calte… Luis ?... Luis !?... Mais où es-tu, crétin ? Il faut… Aaaargh !

     

    Bruit de gargouillement et de bouillonnement. Bruit d’un corps qu’on traîne, le frottement du talon des baskets sur les carreaux est horripilant. Le dictaphone a enregistré des sons indistincts pendant un long moment, puis plus rien.

     

    RAHAR

     

     

     

    Illustration :

    Se jeter dans la gueule du loup,

    Chez Oscar,

    site amusant de quizz sur les expressions populaires françaises, superbement illustrées.

    www.ec-gide-magny-les-hameaux.ac-versailles.fr



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  • Commentaires

    1
    Mardi 10 Janvier 2012 à 09:42
    jill-bill.over-blog.

    Bonjour Rahar, lenaïg !  Ah ce duo alors !!!  Voleurs zigouilleurs !  Là ils sont tombés sur un os, quelqu'un arrive !!!!   Aaaargh... la suite ?  Bon mardi à vous deux !  Bizzzzzzzzzz jill

    2
    Mardi 10 Janvier 2012 à 10:31
    reinette

    à malin malin et demi

    bisous

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    3
    Mardi 10 Janvier 2012 à 13:20
    Monelle

    Ils pensaient vraiment cambrioler l'Eboueur !!! de vrais débutants qui l'ont payé cher !!!

    Bonne fin de journée à tous les deux - bisous

                

    4
    Rahar
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:37
    Rahar

    C'est tout ce que j'ai pu tirer du dictaphone de Mario. Je suis désolé, je suis un piètre conteur : j'aurais dû raconter aussi le bruit de la serrure qu'on traficote, le petit grincement de la porte de la cabane qui s'ouvre enfin, le bruit des petits objets qu'on bouscule, le raclement du fusil sur le râtelier, le tintement du poignard testé par Mario, la chute assourdie probable de Luis attaqué par Klotz, et enfin le bouillonnement du sang quand Mario a été égorgé. Promis, je ferais mieux la prochaine fois.

    5
    Rahar
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:37
    Rahar

    Tu es très gentille, Lena. Je t'adore !

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