• Entropie et gypaète - Lenaïg, billet sur des mots imposés

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    Comment cela se fait-ce ? Pas de déclic créateur cette fois à la lecture des vingt-huit mots proposés ? Une impression personnelle de lassitude (qui n'engage que moi) en découvrant qu'il faudrait encore véhiculer des mots sans intérêt particulier et faciles à caser, comme "roi", "lueur", "soleil", "bonjour", "passion" (ah, celui-là, "passion" ! usé comme la corde, au point qu'il faudrait maintenant recourir à des synonymes ! mais j'admets que pour celui ou celle qui l'a proposé, c'est peut-être une nouveauté, sans me moquer ; pas pour moi). "Mystique" et "dune", c'est pareil en ce qui me concerne : en poésie, "dune" rime avec lune, fortune, opportune et on peut s'en donner à coeur joie sans forcément lasser, c'est vrai ...

     

    "Guerre", "hasard", "mystique" ne me fouettent plus l'imagination non plus. Ils sont trop commodes, voyons, juste des mots charnière pour la dynamique d'un récit ... La guerre, j'aurai beau écrire mon horreur, mon indignation, mon écoeurement, rien n'y fera. Même la trêve de Noël n'est plus respectée. Les motifs politiques (et surtout économiques, ou faussement religieux) l'emportent toujours sur les sentiments de justice, de respect. Reste quand même à protester, à agir dans son coin, dans sa petite sphère personnelle pour qu'une lueur de mieux réchauffe un peu les êtres transis. Le grand soleil en la matière n'est pas pour demain, surtout que celui-ci, le vrai, est actuellement en phase d'activité réduite ; nous avons peut-être là une explication au froid inhabituellement intense qui règne chez nous et en Amérique du Nord. Et pourtant, comme m'a dit mon cousin Hervé, ailleurs dans le monde, d'autres crèvent anormalement de chaud (là, c'est peut-être dû au "fameux" réchauffement climatique engendré par les actions humaines inconsidérées, à voir ...).

     

    Un piquenique ? C'est gentil de nous faire penser à l'été, aux oeufs durs et aux tomates, au jambon et au pain qu'on dévore allègrement après une longue marche en forêt, sur un sentier côtier mais le temps est plutôt à festoyer, qu'on ait chez soi le luxe d'une cheminée en activité (eh oui, de nos jours, c'est un luxe, allez comprendre ...) ou qu'on se réunisse tout simplement, mais au chaud, chez les uns ou les autres pour attendre le changement d'année et "se la souhaiter" ! Tout le monde ne peut pas festoyer ? Je sais ! Est-ce une raison pour que je m'en prive ? Je n'aurai pas l'hypocrisie de me faire croire que j'ai mauvaise conscience.

     

    Je ne sais pas si la vie se prêtera à moi encore longtemps, après tout, je me dois d'apprécier mes propres bons moments, ce qui ne m'empêche pas de garder en mémoire tout ce qui ne va pas (tiens, au fait, juste un petit coup de gueule : on joue à quoi, par exemple, avec nos journalistes otages et leurs accompagnateurs ? On sait où ils sont, paraît-il ; alors il ne se trouve personne chez nos énarques, fins limiers militaires et policiers, élites, experts divers, pour être assez rusé pour les récupérer ? A faire traîner les choses comme cela, on pourra aussi bien agir comme les Russes, à qui on ne prend plus d'otages de cette façon-là (autrement, si !) car chez les spécialistes de la prise d'otage, on sait que c'est peine perdue -les otages aussi-, les Russes ne bronchant et ne cédant pas).

     

    Bon, j'ai quand même l'ébauche d'une histoire policière à proposer, une sorte de sésame donnant accès à une piste de recherche, ou de fenêtre ouverte à l'espagnolette sur une intrigue à développer ! Je ne nous fais pas embarquer sur un navire qui tangue dangereusement au cours d'une traversée d'océan agitée, non pas cette fois, bien que ces deux mots méritent qu'on pose ses rêves dessus. J'ai gardé les mots que j'estime les plus "beaux" pour ma satisfaction ; je fais le point : gypaète (magnifique !) ; locavore (ah ah, oui ! j'ai dû consulter le dico : ce n'est pas qui dévore les lieux, ou ce qui l'entoure, comme j'ai a priori imaginé, mais qui ne s'alimente que de produits localisés autour de chez lui) ; carte (facile à placer, mais au moins je ne l'ai pas encore beaucoup vu dans les listes) ; destruction (on fera aussi avec) ; entropie (splendide ! nous avons été trois chez moi à bien définir ce mot, j'espère que je vais l'employer à bon escient) ; dégringolade (original) ; grenouillette (pas mal de possibilités) ; curtibasser (malicieux rappel de la semaine dernière ? chouette !) ; tétrapode (c'est le mien, j'ai juste ouvert le dictionnaire ; en fait, m'a dit mon frère, c'est le mot grec pour quadrupède !) ; imposture (bien, pour moi) ; altruisme (oh la la, pas nouveau, celui-là, mais il est bon de le remettre sans cesse dans le circuit, dans notre société d'égoïsme forcené) ; messagerie (oui ! il fallait y penser, bravo à celui ou celle qui l'a fait !).

     

    Bon, assez discouru. L'officier de police* Fred Louarn* croirait presque au Père Noël, sur la plage du village de ses parents ! Noël est passé, mais son téléphone n'a pas sonné, les fêtes se sont déroulées sans anicroche, dans la bonne humeur et il est sorti de bon matin pour entraîner le gypaète barbu de son père, envers qui il éprouve une affection particulière, apparemment réciproque. Monsieur Louarn père est un éleveur passionné de rapaces et le monde du cinéma le connaît bien.

     

    Une heure supplémentaire de vacances et de plaisir à contempler l'oiseau de proie décrire dans le ciel des figures dont il a le secret, mimant dégringolades en piqué ou montées en flèche, et revenant poser ses serres sur le gant au son du sifflet ; puis, le vibreur du téléphone ! Quelques mots échangés ; Fred doit vite faire ses adieux à sa femme et sa famille résignées, saute dans sa voiture et se retrouve sur les lieux du meurtre.

     

    L'excentrique chef d'orchestre Eusèbe de Verbois gît dans sa baignoire tétrapode, le crâne fracassé. Les experts de la police s'activent déjà et, détail aussi saugrenu que pathétique, les grenouillettes mécaniques dont il aimait apparemment s'entourer dans son bain, au moindre clapotis, se remettent à nager par intermittence quelques secondes. Aucune destruction, aucun désordre ne règne dans la villa, l'assassin a manifestement été invité à entrer, ou disposait de ses propres clés. Fred et ses collègues ont embarqué l'ordinateur de la victime et se retrouvent au bureau.

     

    Pour eux, l'investigation débute par l'épluchage minutieux de la messagerie personnelle de Verbois. Ils apprennent avec stupeur que la victime appartenait à la secte des "400", une organisation déjà sous la surveillance du service policier concerné, connue pour son altruisme mystique affiché et ses activités occultes peu reluisantes. Mais personne n'a encore crié à l'imposture. Qui n'a pas reçu dans sa boîte à lettres de carte de voeux des 400, appelant évidemment à des versements de dons ? Fred, qui, à ses rares moments perdus, est en train de dévorer la trilogie Millenium du suédois Stieg Larsson (dont la mort prématurée, juste après l'écriture de son troisième volume, reste très étrange, aussi, non ?), se dit qu'il leur faudrait le génie d'une Lisbeth Salander pour détecter le faux du vrai, mesurer l'entropie de certains messages dans la succession fournie des textes échangés.

     

    Une première hypothèse va leur faire chercher l'assassin dans un périmètre relativement limité, étant donné que les membres dirigeants de la secte sont tous locavores. Un message sans doute faussement badin a été repéré, où il est question de "curtibasser" quelqu'un ; "curti" se rapprochant de "court", ou "raccourcir", "basser" allant avec son préfixe pour insister sur l'abaissement, ou l'abattement, ou l'anéantissement de quelqu'un, des recoupements acharnés ont actuellement lieu pour vérifier s'il s'agissait bien du pauvre chef d'orchestre. Celui-ci semblait prendre de plus en plus ses distances avec la secte, selon ses conversations informatiques avec ses proches. Avait-il eu connaissance de quelque chose qui ne lui était pas destiné et lui aurait fortement déplu ? L'enquête se poursuit.

     

    *(On mettra le grade qu'on voudra car voilà-t-y pas que les policiers français sont militaires, maintenant ; j'ai la nostalgie des inspecteurs, j'ai du mal à m'y faire ...).

    *(Un sosie de celui de notre histoire en commun du 101 Rue de la Mazurka, lisible sur Plumes au vent et sur Over-blog).

    ***

     

    Lenaïg,  pour le jeu des Mots ...tion dans le magazine L'Esprit de la lettre (de Dominique Bar et Freddie Taylor), sur facebook.  Mots imposés en gras.

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Samedi 1er Janvier 2011 à 11:49
    Le gypaète masqué

    Oh, pauvre texte resté tout seul pour le passage à la nouvelle année ... Bonne année à "toi" aussi !

       

    2
    Samedi 1er Janvier 2011 à 22:12
    jill-bill.over-blog.

    Tu aimes donner dans la page policière, je me suis dit tiens vlà Fred de la rue de la Mazurka, ben non sosie...  Pauvre texte... mais non riche texte en imposé  au com précédent. Pardonnons aux fêtards c'est jour de fête sont absents ...  Bizzzzzz à toi Lenaïg... Bonne nuit... fais de doux rêves....

    3
    DI le
    Vendredi 6 Juillet 2012 à 08:49
    DI															le

    Oh, Fred Louarm et sa prochaine enquête policière dans un texte où il faut placer des mots du dictionnaire qui ne nous sont pas tous familiers. Belle réussite Léna. Fred va sûrement arriver au bout de l'enquête en trouvant le meurtrier.

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